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Conte/Conte2

Access to the English translation: The Tale of the « Tale »

 


Le Conte du « Conte »

Louis Clément, Delphine Descombin, Yovan Girard, Maxime Hurdequint

Textes édités et mis en page : Jean-Charles François

Mars 2024

 

Les quatre protagonistes ont collaboré à un spectacle « Le Conte d’un futur commun », avec :

Louis Clément, initiateur du projet, participation du public et animation des dessins.
Delphine Descombin, conteuse.
Maxime Hurdequint, dessins.
Yovan Girard, musique.

Les textes sont le résultat de quatre interviews séparées de chaque artiste réalisées en 2023 par Nicolas Sidoroff et Jean-Charles François.

Sommaire :

1. Le récit de Delphine.
2. Les études d’architecture, Louis et Maxime.
3. Le voyage en Afrique de Delphine.
4. Yovan Girard, le musicien.
5. Le retour en France de Delphine.
6. Les hésitations de Maxime entre architecture et dessin.
7. Le récit de Yovan (suite).
8. Le récit de Delphine (suite). Trapèze et conte.
9. Les récits de Louis et de Maxime (suite).
10. Le récit de Yovan (suite), le projet « Un violon pour mon école » (suite).
11. Delphine, le Conte du crâne et du pêcheur.
12. Le petit carnet des arbres. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute et Louis Clément.
13. Le récit de Delphine (suite). Le Conte du petit poucet.
14. Delphine et le conte. Maxime, l’architecture et les dessins. Yovan et la composition.
15. Le Live Drawing Project.
16. Delphine : Deux contes.
17. Origine du « Conte d’un futur commun ».
18. Le projet immersif de l’AADN.
19. Le « Conte d’un futur commun ».
20. Louis, une année de réflexion.
21. L’écriture du Conte, Delphine et Louis.
22. Les dessins et leur animation. Louis et Maxime.
23. Une musique traditionnelle du futur ?
24. L’élaboration de la musique. Musique pré-enregistrée ou musique en direct. Louis et Yovan.
25. La musique et le conte, Delphine et Yovan.
26. La musique et le conte, Louis et Yovan.
27. Les conceptions de Yovan sur la musique et de Maxime sur les dessins.
28. Le conte et les dessins. Delphine, Maxime et Louis.
29. La sonorisation.
30. Communication par Notion.
31. Les résidences : LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains.
32. La participation du public.
33. La résidence d’éducation artistique et culturelle à Hennebont. Louis, Delphine et Yovan.
34. Les résidences (suite) : Paris, Nantes.
35. Écologie. Delphine.
36. Conclusion.


 

1. Le récit de Delphine

Delphine :
D’où vient le conte ? C’est par le conte, du coup, qu’on vient au Conte… Le Conte vient de quand j’étais au lycée et j’ai rencontré Marie Jourdain, qui est la fille de Marie-France Marbach[1].
Au lycée, j’étais en internat, elle me racontait des histoires tout le temps. J’ai rencontré sa mère et Geo Jourdain. Et j’ai adoré ces gens, qui étaient complètement différents de ce que j’avais moi comme référent dans ma famille. C’est eux qui m’emmenaient à l’école, à l’internat le dimanche soir et qui me ramenaient le vendredi soir. Et je passais énormément de temps avec Marie, qui m’a parlé de l’Afrique, qui m’a raconté plein d’histoires. Et à la suite de ça, j’ai quitté le lycée, je suis partie en Afrique. Là, j’ai entendu plein d’histoires, plein de contes. Et puis, quand je suis revenue d’Afrique, Marie-France voulait absolument que je raconte mon voyage. Et je ne voulais pas, je ne voulais pas parler, je n’étais pas prête du tout à parler devant les gens. Elle me prenait par surprise, et je venais beaucoup voir ses spectacles. Elle m’a offert des stages, elle a vraiment cru en moi, alors que moi-même, je n’y croyais pas vraiment. Donc je suis restée très en lien avec Marie-France.

L’internat, c’était à Louhans, c’était une école d’arts plastiques. C’est le seul lycée qui a bien voulu de moi, parce que j’avais de très mauvaises notes et je ne suivais pas du tout l’école. C’est ma tante qui a trouvé ce lycée qui a bien voulu m’accepter. Je restais dehors, je n’allais pas dans les cours. J’étais à l’internat, mais je restais dehors. J’étais sous les arbres, j’écoutais les oiseaux, je n’avais pas du tout envie de m’enfermer en classe. Souvent, le directeur me convoquait et on avait des discussions tout à fait philosophiques, très intéressantes. Donc il m’avait fait intégrer le cours de philosophie des premières !  Après, il me demandait ce que je voulais faire plus tard, je lui disais : « Je ne sais pas, peut-être m’occuper de chèvres, peut-être… ». Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire, mais c’étaient des questions importantes que personne ne m’avait posées. C’est vrai que j’ai eu la chance de tomber sur de belles personnes. Et les cours d’arts plastiques me plaisaient beaucoup. Il y avait deux profs d’arts plastiques qui étaient super, qui nous emmenaient à Lyon voir des expos, on est même allé à Strasbourg voir des musées, c’était vraiment super. J’assistais à ces cours, c’étaient des créations que je faisais. Pour le reste des cours j’avais vraiment un rejet, ouais, ils m’ennuyaient beaucoup. Donc c’est pour ça qu’après, j’ai pris mon sac à dos et j’ai eu envie d’aller en Afrique. C’est un voyage qui a duré assez longtemps, je me suis arrêtée en chemin, je n’avais pas du tout d’argent. J’ai travaillé comme saisonnière dans des hôtels-restaurants, je faisais du service, et ils me logeaient en même temps. J’ai vendu des croissants, j’ai travaillé dans des boulangeries, j’ai fait toutes sortes de jobs. Et puis après, j’ai rencontré quelqu’un dans la rue qui crachait du feu, qui m’a appris à cracher du feu. Ça a été mon premier vrai métier : je crachais du feu et puis je faisais la manche. En fait, je faisais des bulles devant la boulangerie, je racontais de la poésie. J’arrivais toujours à trouver quelque chose à faire, mais je détestais tout ça, je trouvais ça insupportable.

 

2. Les études d’architecture, Louis et Maxime

Louis :
Mon parcours commence le 23 décembre 1986. Je ne sais pas jusqu’où je remonte, mais je pense que mes parents ne sont pas étrangers à ce qui m’a façonné. Je pense que si on remonte très loin, on va dire que ce qui m’a façonné, c’est la découverte de la lecture, et après surtout la lecture de ce qu’on appelle l’imaginaire, tout ce qui touche à la science-fiction, fantaisie, etc. Et d’un point de vue plus professionnel ou en tout cas dans mes études, j’ai passé un bac S, après j’ai fait des études d’architecture à Paris-Val de Seine et j’ai obtenu un diplôme. À partir de la fin de ma licence, j’ai commencé à me dire que l’architecture ça ne devait pas vraiment être pour moi. En fait, j’avais l’idée un peu utopiste déjà à l’époque que devenir architecte allait me permettre de concevoir des espaces pour que les gens s’y sentent bien et surtout que ça puisse les aider à réfléchir, à changer le monde, etc.

Maxime :
Mon cousin, Louis Clément a également fait des études d’architecture. Avec Louis, on a un an d’écart et en fait, on ne s’est pas spécialement concerté, on est parti sur cette voie séparément. J’étais à l’INSA à Strasbourg et lui au Val de Seine à Paris, on a poursuivi notre chemin comme ça, séparément. C’était une période de notre vie où on se voyait moins, mais on parlait un petit peu d’architecture.

Louis :
Et après je me suis confronté au Master et aux réalités de la construction, du fait que, si tu deviens architecte, tu deviens surtout constructeur. Tu bosses dans des boîtes plus ou moins de grande échelle, et au final, ton travail est extrêmement déterminé par des considérations budgétaires. Et du coup, je me suis dit que ça allait moins m’intéresser. J’ai quand même fait ma première année de Master à Anvers, ça s’est plutôt bien passé, et je commençais à me dire déjà que j’allais m’orienter du côté du spectacle, enfin de la scénographie, etc. Et après, en deuxième année de Master, j’ai un peu volé mon diplôme, mais je l’ai eu quand même, j’étais assez content de moi. Et puis j’ai eu la chance de travailler pour un architecte, alors j’ai fait mon stage de Master chez « Scène scénographie », un truc très bien. On a travaillé sur la scénographie du Musée d’Alésia, de la Grotte Chauvet II, donc j’ai eu la chance de compter les stalactites pendant des heures et des heures, c’était très intéressant ! Intéressant mais voilà… C’était marrant en tout cas de travailler sur de beaux projets.

Maxime :
En fait, pendant la terminale, je me suis présenté dans une école d’architecture, peut-être Lyon ou Grenoble, je suis arrivé les mains dans les poches en me disant : « Architecte, c’est un métier qui s’apprend, je ne vais pas apprendre avant quoi ! » Je me suis rétamé et ma seule option, c’était d’aller en classe préparatoire. Donc, je me retrouve en première année de classe préparatoire.

Louis :
Et après, quand j’ai commencé à travailler en tant qu’architecte, j’ai été pris chez François Pin, un architecte qui a également un festival de musique dans les Carrières de Normandoux[2], et qui a monté la Marbrerie à Montreuil. J’ai bossé sur le projet de la Marbrerie, ce qui était l’un des projets les plus gros, les plus intéressants que j’aurais pu faire en tant qu’architecte : c’était un truc multiprogramme, où il y avait une résidence d’artistes, une piscine, un restaurant, une agence d’architecture, une salle de spectacles et en plus j’étais chargé d’en faire les esquisses. Donc j’aurais pu vraiment m’éclater et je suis resté quasiment six mois. En fait, ça ne m’éclatait pas du tout, donc je me suis dit que si ça, ça ne m’éclatait pas, eh bien, je ne voyais pas ce que je faisais encore en architecture, parce que, je pense, je n’aurais pas pu trouver un projet plus intéressant.

Maxime :
Avec Louis, mon cousin, on s’influence mutuellement, peut-être parce qu’on se connaît très bien. C’est-à-dire que quand on a grandi, on s’est quand même vu très régulièrement, on ne s’est jamais vraiment perdu de vue. Donc c’est toujours une relation fluide entre nous, on ne s’engueule pas, on n’en a pas besoin en fait. Je pense qu’on s’ajuste parfaitement, donc c’est ça l’influence. J’imagine aussi que, comme on a tous les deux une formation d’architecte, on parle le même langage, ça nous aide à communiquer quand il y a certains concepts. Je n’ai pas besoin de lui expliquer tel ou tel projet d’architecture.

 

3. Le voyage en Afrique de Delphine.

Delphine :
J’ai bien mis un an, de 17 à 18 ans, pour récolter l’argent pour mon voyage en Afrique. J’ai fait les saisons d’été, les saisons d’hiver. De toute façon, ma mère n’acceptait pas de me laisser passer la frontière. Donc, à 18 ans, je passais pile la frontière d’Espagne. À 18 ans, je ne craignais plus d’en être empêchée par la police. En fait, je me suis déjà fait arrêter dans des commissariats de police et ils me suivaient, ils suivent les gens qui sont dans la rue, ils ont leurs photos et ils savent où ils sont. Ils savaient que j’étais dans la rue, c’est drôle, ça, parce qu’ils ne le savaient pas tant qu’ils ne m’avaient pas arrêtée.

Je suis descendue jusqu’en Espagne. J’ai pris le bateau à Gibraltar, je suis arrivée au Maroc et puis je suis descendue en Mauritanie, j’ai continué jusqu’à Dakar, au Sénégal. Et après, je voulais absolument aller au Burkina Faso, parce que j’avais rencontré des Burkinabés en France, je voulais vraiment les rejoindre, c’étaient des danseurs et des percussionnistes. J’ai donc pris le train pour Bamako, au Mali où j’ai repris un autre train pour Ouagadougou au Burkina Faso, en 48 heures de train, c’est très long.  Et après, je suis allée jusqu’à Koudougou, ils habitaient là-bas. Je suis restée là-bas un an et demi.

Il y a eu un moment en Afrique où je me suis demandé ce que je faisais là : à quoi ça sert que je sois là ? J’étais blanche, alors, l’air de rien, je n’avais pas l’air de vivre là – pourtant je n’étais pas une touriste ! – mais quand même, j’étais là, je n’avais pas grand-chose à faire là, je pouvais simplement me laisser vivre, vivre avec les gens, mais j’avais l’impression d’être en face d’un dilemme dans ma tête. On avait de grandes discussions, c’était super chouette ce que j’ai vécu intellectuellement. Par exemple, au Burkina Faso, on était là à boire du thé et à discuter. Ce sont vraiment des intellectuels très intéressants, mais ce ne sont pas les mêmes intellectuels qu’en France, on ne vient pas de la même chose. Et j’avais un manque vital de pensée intellectuelle occidentale. C’était aussi le manque de livres, de cette nourriture-là, j’en manquais beaucoup. Et en plus, pour moi ça manquait de sens : là-bas, il y avait beaucoup de problèmes, c’est-à-dire qu’ils n’arrivaient pas à vendre leur blé parce qu’il y avait beaucoup de concurrence, il y avait des problèmes sociétaux.

Et je me rappelle une fois, j’étais dans le désert et j’entends un gars avec une toute petite radio et qui me dit : « Oui, je crois que dans ton pays, ça ne va pas très bien, il y a un monsieur qui va se faire élire. » En fait, c’était Le Pen, Le Pen contre Chirac, à l’époque. Et je me rappelle m’être dit : « Mais qu’est-ce que je fais là, alors que c’est peut-être là-bas qu’il y a la base du problème ». Tout était beau, le paysage est magnifique, la température était belle, je pense qu’il y a là-bas une manière de vivre qui est vraiment chouette par rapport à ici. Et en même temps, je me disais : « Moi, ce n’est pas ma place ici, qu’est-ce que je fais là ? » C’était un peu un dilemme. C’est pour cela que je suis revenue car ça n’avait plus de sens pour moi d’être là-bas.

Moi, ça m’a sauvé la vie de partir là-bas, ça m’a sauvé la mise. Quand j’étais en France, les gens disaient que j’étais folle, ma famille disait que j’étais folle, enfin j’étais vraiment un peu perdue. Et quand je suis arrivée en Afrique, il y avait cet esprit de famille, quelque chose de tout à fait naturel, je trouvais ça hyper sain, hyper normal. J’avais beaucoup de mal en France, et c’est vrai qu’en Afrique ce n’était pas le cas. À mon retour en France, à Montceau-les-Mines j’ai pu vivre avec une bande de copains, ça a été pour moi une famille, c’est ce que je n’avais pas. Et c’est vrai que cette bande de copains, je l’ai toujours.

 

4. Yovan Girard, le musicien

Yovan :
Je suis musicien depuis longtemps. Je suis violoniste à la base, donc j’ai une formation classique et de jazz. Je suis issu d’une famille de musiciens, mon père, Jean-Luc Girard, est compositeur, il a écrit pas mal de pièces, on va dire classiques, mais qui sont toujours un peu hybrides. J’ai l’impression de suivre ce chemin-là aussi, dans le sens où il écoutait aussi beaucoup de rock, et il écoutait ce qu’on jouait. Il aimait bien les compositeurs un peu extraterrestres, les Frank Zappa (je n’aime pas particulièrement Zappa), il nous a toujours fait écouter plein de musiques différentes, ce n’était pas un ayatollah du jazz ou du rock, il était assez ouvert d’esprit. Mon frère, Simon Girard, est tromboniste, et nous avons toujours joué ensemble. Simon et moi on a eu un groupe, et on a joué ensemble dans pas mal de groupes. Simon est beaucoup dans le jazz, même s’il a joué dans des groupes de musiques actuelles. Je connaissais Louis Clément depuis notre petite enfance. Les parents de Louis et mes parents se connaissaient très bien depuis longtemps.

 

5. Le retour en France de Delphine

Delphine :
Je suis rentrée en France et j’ai atterri à Montceau-les-Mines, c’est là où je me suis arrêtée longtemps. Déjà, je suis tombée amoureuse d’un garçon qui était tailleur de pierre et peintre, je suis restée vivre là avec toute une bande de copains dans une maison avec des matelas par terre. Le problème, c’est que, quand on s’installe et qu’on devient sédentaire, c’est là où l’on devient vraiment pauvre, parce qu’il faut payer un loyer, payer l’électricité, payer l’eau. Avant cela, je n’avais jamais eu le sentiment d’être pauvre. Mais là, c’était vraiment une réalité, je n’avais pas une thune et il fallait vivre.

Scène 1 : avec l’assistante sociale

Une assistante sociale : Je te propose faire une formation qui s’appelle IRFA-Bourgogne[3].

Delphine : De quoi s’agit-il ?

L’assistante sociale : C’est une formation où on essaie plusieurs jobs, enfin, on essaie plusieurs corps de métiers qu’on choisit, on démarche des boîtes. Il y a une vingtaine de personnes dans cette formation, il y en a peut-être qui travaillent dans les pompes funèbres, d’autres dans la mise en rayon, dans un centre d’appels téléphoniques, il en y a qui font du ménage, de la blanchisserie…

Delphine : … c’est tous des trucs qui ne me conviennent pas ! Je ne me vois pas faire ça.

L’assistante sociale : Tu sais, il y a peut-être aussi d’autres trucs que ça, tu peux aller voir, je ne sais pas s’ils vont t’embaucher, mais tu peux aller voir…

Delphine : Je vais essayer l’Atelier du Coin[4] de Montceau et le Gus Circus de Saint-Vallier[5].

 

Scène 2 : au Gus Circus

Un gars du Gus Circus : Bonjour Delphine.

Delphine : Tu veux bien devenir mon ami ?

Un gars du Gus Circus : Oui. Viens, tu fais du fil, tu jongles, tu peux venir tous les jours quand tu veux, la porte est toujours ouverte.

Delphine : C’est bien, je vais pouvoir m’entraîner, ça me plait beaucoup.

Un gars du Gus Circus : Tu sais, le Gus Circus ne veut embaucher personne.

Delphine : Ça ne fait rien, je vais tout de même rester, ça va aller, ça me convient bien. J’ai déjà une fibre comme ça, dans la rue j’ai craché du feu, j’ai jonglé avec des balles.

 

Delphine :
Donc ils m’ont embauché en contrat aidé, ça a été mon premier emploi, mon premier contrat à long terme, sur six mois. Et puis après, je suis restée à donner des cours aux enfants pendant à peu près trois ans. Je crois qu’ils ont renouvelé une fois le contrat, c’étaient des contrats aidés pour les associations, un truc pas cher, remboursé à 80% par l’État, donc ils pouvaient le faire. Et puis après, ils m’ont vraiment embauchée parce qu’avec une personne de plus pour travailler, cela voulait dire plus d’enfants, donc ça roulait. J’ai donc bossé au Gus Circus de Saint-Vallier pendant… Je ne sais même pas combien de temps.

On travaillait toutes les disciplines : le clown, le fil, le trapèze, la jonglerie. J’ai passé le diplôme, le BIAC[6] [Brevet d’initiation aux arts du cirque], pour enseigner les arts du cirque. Et puis après, l’association a implosé de l’intérieur. En fait, c’étaient des parents d’élèves qui étaient les patrons et ça s’est très mal passé, il y a eu des conflits d’intérêt, des conflits de pouvoir. Comme on était salariés, on ne pouvait rien dire, c’était leur décision, et du coup, ça a explosé, donc on est parti, mon ami et moi. Je me suis lancée dans une formation professionnelle de trapèze à Moux-en-Morvan, avec une trapéziste complètement folle, Nicole Durot[7], qui faisait des performances sous hélicoptère, sous montgolfière, enfin du trapèze sans sécurité. Elle a 60 ans, hein ! quand elle m’a pris en formation, elle faisait encore ce genre de truc, c’était une warrior. Je suis restée six mois chez elle en formation intensive.

 

6. Les hésitations de Maxime entre architecture et dessin.

Scène : la rencontre de Maxime avec le Vénérable Membre du Grand Conseil.

Le Vénérable Membre du Grand Conseil : Maxime, après cette année en classe préparatoire, comment vois-tu ton avenir ?

Maxime : J’ai suivi le programme très sérieusement et je m’en suis tiré de façon honorable, mais maintenant je me pose des questions.

Le Vénérable : Qu’est-ce qui t’intéresse ? Devenir ingénieur ?

Maxime : Ah non ! je ne veux pas être ingénieur, ça ne m’intéresse pas, ce n’est pas ce que j’ai envie de faire, en fait je crois que je veux vraiment être architecte.

Le Vénérable : Tu as fait du dessin ?

Maxime : Comme tous les enfants, j’ai dessiné et je pense que j’ai été un peu encouragé.

Le Vénérable : Peux-tu me montrer tes dessins ?

Maxime : Oui, voilà.

Le Vénérable : Ils sont bien tes dessins.

Maxime : Le dessin a suffi à me motiver et à continuer. Je sais que mes frères dessinaient très bien, mais je ne sais pas pourquoi, il se trouve que moi, ça m’a poussé et donc j’ai persisté. Et c’est vrai qu’étant enfant, mes parents m’ont inscrit à une école de dessin, et je pense que, éventuellement, ça ouvre quand même des portes. J’allais à cette école tous les mercredis pendant une heure, et le professeur donnait des idées de dessin, ce que j’aimais bien, c’est ce qu’il disait.

Le fantôme du professeur de dessin : Voilà, je ne sais pas, vous allez dessiner des personnages, et vous allez faire en sorte que les pieds touchent le bas de la feuille, la tête le haut de la feuille.

Maxime : En fait, ça faisait penser aux frises grecques ou égyptiennes, et du coup, j’aimais bien cette idée de fixer une règle du jeu assez simple, et après, on y allait, et on voyait que les résultats étaient tous différents. Donc je pense que c’est ce que j’ai retenu, c’est que, voilà, on se fixe une règle vraiment totalement arbitraire, et elle vient amener plein de résultats possibles. Aujourd’hui, j’aimerais peut-être bien faire les art-décos, il y a des sections illustrations.

Le Vénérable : C’est une alternative possible. Oui ça peut être bien pour toi de te diriger vers l’architecture.

Quelqu’un qui passait par là : Oui ça peut être bien pour toi de te diriger vers l’architecture.

Une dame : Oui ça peut être bien pour toi de te diriger vers l’architecture.

Maxime : Effectivement, je pourrais partir dans cette voie-là.

Le Vénérable : Ça serait bien pour toi. Tu pourras continuer à dessiner pendant tes études d’architecture.

Maxime : Je n’abandonnerai jamais le dessin, mais je ne le prends pas trop au sérieux, je n’imagine pas faire carrière dans ce domaine. C’est un truc que j’aime bien faire, j’aime bien me voir progresser, j’aime bien le regarder, j’aime bien le partager, mais je ne le prends pas assez au sérieux. L’architecture est quand même assez proche du dessin.

Le Vénérable Membre du Grand Conseil : En fait, on peut vraiment être un excellent architecte sans savoir dessiner. Après, c’est intéressant de savoir dessiner pour communiquer ses idées. Donc on peut finalement mal dessiner, mais bien savoir dessiner ses idées. Après, bien dessiner, ça peut quand même servir en architecture.

Maxime : Oui, je pense que ça va m’aider, je ne serais peut-être pas le meilleur, mais je pense que c’est bien que je sache dessiner, ça va être un plus pour l’architecture.

Le Vénérable : Il ne faut pas se faire d’illusions, finalement, assez vite, on passe sur l’ordinateur et puis ce n’est plus nécessaire de dessiner.

Maxime : Ah ?

Le Vénérable : Ben voilà, il existe une voie de contournement à l’INSA de Strasbourg, le recrutement se fait après un an seulement de classe préparatoire et ils ont un programme d’architecture. J’ai une collègue qui a son fils qui fait ça, appelle-le !

Maxime : Bingo ! Je vais le faire, si je rentre dans cette école, je n’aurais pas perdu un an et en fait, je pourrais être avec des gens comme moi qui ont choisi cette voie-là.

Le Vénérable : L’INSA de Strasbourg a été fondée pendant la période allemande (1870-1918) et du coup, à cette époque-là, les Allemands ne faisaient pas de distinction entre architecte et ingénieur. Cette école a donc une tradition d’école d’ingénieurs, mais elle forme aussi des architectes, c’est quelque chose qu’ils ont voulu garder. Il y a 50 architectes qui sortent tous les ans, je crois que maintenant il y en a un petit peu moins. Pendant les premières années, le cursus est beaucoup plus axé sur l’ingénierie, donc le génie civil et après le génie thermique.

Maxime : Je n’ai pas une volonté particulière pour aller dans cette direction.

Le Vénérable : C’est une occasion à saisir.

Maxime : Oui, et ça va me permettre d’être en dehors des écoles classiques.

Maxime :
Après mes études d’architecture à l’INSA, j’ai travaillé à Strasbourg et je suis arrivé à Paris où j’ai travaillé pendant 8 ans. Entre-temps, j’avais fait des expériences à l’étranger, un stage au Danemark, un au Mexique. Puis j’ai travaillé deux mois à Tokyo au Japon, parce que c’est une culture que je voulais vraiment découvrir. Je me suis lancé, j’ai envoyé des CV et ils m’ont dit, « Ben vas-y, viens si tu veux ». J’avais déjà peut-être deux ou trois ans d’expérience, ils m’ont pris à l’essai pendant deux mois mais après il n’y avait pas la place pour rester. Je suis donc revenu, mais c’était une très belle expérience.

 

7. Le récit de Yovan (suite)

Yovan :
Le jazz, mon frère et moi, nous a un peu reliés. Et après la pratique du jazz, je suis allé un peu beaucoup vers les musiques actuelles parce que j’aime bien composer. Je suis dans un groupe de rap qui s’appelle Kunta, rap et musique éthiopienne, avec plusieurs instrumentistes. Avec Kunta, je joue du clavier et je rappe en anglais. En fait, je faisais un petit peu de rap de mon côté depuis longtemps et j’avais du mal à imaginer à la fois jouer du clavier et rapper. Maintenant, je le fais dans certains projets de temps en temps, mais au départ, je ne voulais pas trop mélanger les deux, c’était un peu comme deux personnalités différentes. Je jouais du clavier parce qu’on en avait besoin dans le groupe. Je me suis mis à jouer sur des gammes de musique éthiopienne, ce qu’il fallait jouer au clavier n’était pas très compliqué. Maintenant je fais vraiment les deux de manière égale, clavier et voix.

J’aime bien faire plein de musiques différentes, en fait, je ne suis pas fermé. La musique à l’image j’en avais déjà fait pas mal, notamment la musique d’un court-métrage d’un ami, Pierre Raphaël. C’est un peu comme ça que j’ai commencé. Ensuite j’ai fait la musique d’un spectacle, une version de Cartouche un peu modernisée. J’ai toujours composé depuis longtemps, ce qu’on appelle de la prod chez moi sur mon séquenceur avec des claviers, des plugins, ce que « ma génération » entre guillemets fait en home studio, faire des instrumentaux, rapper dessus, mais aussi faire des couplets, parfois des trucs plus chantés, tenter des choses, en fait faire de la musique à la maison. Ouais, voilà, ce qu’on appelle la bedroom music. J’ai toujours fait ce genre de choses, que ce soit du rap ou de la pop, j’aime bien expérimenter parce que j’écoute pas mal de trucs différents.

 

YovanG-230607_165347 - Moyenne  

 

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Le poste de travail de Yovan
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Scène 1 : Yovan avec un metteur en scène[8]

Le metteur en scène : Je te propose de faire la musique sur un recueil de poèmes de Rimbaud. Tu pourrais jouer du violon.

Yovan : Je propose que ce soit du violon seul, sans effets, j’aime bien l’idée que ce cela soit le plus simple possible.

Le metteur en scène : J’insiste pourtant pour qu’il y ait aussi des effets sur certains passages, où j’entends des couleurs différentes.

Yovan : Je vais faire ce que tu me demandes. J’aime partir d’une idée simple, composer pour un projet, mais sans m’occuper du live, parce que si on doit mettre en live ce qu’on a déjà composé à la maison, c’est toujours compliqué, à moins de composer pour un groupe.

Le metteur en scène : Je voudrais pourtant que tu fasses tout de suite le multi-instrument (violon et effets électroniques) sur scène.

Yovan : Ça m’angoisse un peu. Non, je préfère ne jouer que du violon. Je vais écrire une pièce pour violon solo, sans rien d’autre, plutôt que de devoir tout de suite m’engager dans le couteau suisse.

Le metteur en scène : J’ai pourtant besoin de ces changements de couleur à certains moments.

Yovan : OK, je veux bien, je vais le faire parce que tu me le demandes. Mais je vais juste prendre un delay et une disto, parce que ce sont des effets que je connais bien, qui font deux trucs différents et qui peuvent être utiles.

J’ai aussi composé de la musique pour les arts numériques, par exemple pour un artiste numérique qui s’appelle Minuit, Dorian Rigal[9], il fait des projections murales et pas mal de choses d’immersion. Il est aujourd’hui très demandé partout, notamment à la Fête des Lumières à Lyon. J’avais déjà fait de la musique illustrée pour sa scénographie. Et du coup, le projet du « Conte d’un futur commun », c’est un petit peu dans la continuité de tout ça, de faire de la musique à l’image, enfin de la musique de spectacle.

Scène 2 : au début du projet du « Conte d’un futur commun », Louis et Yovan

Louis : Bonjour. Ces deux jours qui viennent, c’est une première résidence pour commencer à travailler sur la musique du « Conte d’un futur commun ».

Yovan : Ce n’est pas ce que j’avais compris, alors que le texte du conte n’est pas encore complètement écrit. Ben moi je préfère composer chez moi en amont.

Louis : Non mais prends quand même quelque chose pour jouer.

Yovan : Ben écoutes, si tu veux, mais ce ne sera pas exactement ce qui va se passer. Mais j’ai mon clavier analogique avec moi. Je peux commencer par faire des nappes. Tiens, j’en choisi une, pour l’intro ça pourrait être un démarrage.

Louis : On va surtout beaucoup parler de comment on va procéder à partir de ça.

 

8. Le récit de Delphine (suite). Trapèze et conte

Delphine :
Pour vivre du trapèze, le problème c’est de l’accrocher. Je voulais être autonome, alors j’ai construit une yourte (je l’ai encore dans mon jardin) dans laquelle je suspends un trapèze. Dans cette yourte je pouvais donner des spectacles et faire des ateliers, ça me donnait un job autonome. J’ai fait ça dans le Morvan (parce que j’habitais pas mal dans le Morvan), à La Tagnière à Saint-Eugène. La yourte, ça se démonte et ça se remonte, ça n’a pas arrêté de se démonter, de se remonter pendant quatre ou cinq ans. Ce n’étaient pas des spectacles avec des paroles, ce n’était que du trapèze, des performances impromptues avec des musiciens que je rencontrais.

Scène entre la Vénérable conteuse et Delphine

La Vénérable : Tu traînes pas mal avec des punks, je n’aime pas trop ça.

Delphine : Je suis venue avec eux à ton spectacle. Ils ont bien aimé.

La Vénérable : Tu files un mauvais coton.

Delphine : Je sais que ce sont des fréquentations qui ne sont pas ce que tu souhaites, mais moi, j’aime les punks, c’est ma famille.

La Vénérable : Tu traînes dans les bars.

Delphine : C’est quelque chose de très fort pour moi.

La Vénérable : Jamais je ne vais te laisser tomber.

Delphine : Merci.

La Vénérable : Tu devrais devenir une conteuse, raconter les histoires liées à ton séjour en Afrique.

Delphine : Je suis incapable de raconter ce que j’ai vécu.

La Vénérable : Je te propose de créer un spectacle pour les Contes Givrés[10] sous la yourte.

Delphine : Je ne suis pas du tout prête à parler en public. Je peux peut-être faire un spectacle sans paroles.

Delphine :
Ça a été mon premier spectacle sans paroles pour les Contes Givrés, qui s’appelait « Liberté ». C’était une performance de vingt minutes de trapèze accompagné à la guitare, sous la yourte. Pour la première fois c’était vraiment un spectacle qu’on avait fixé, vendu et joué. Et c’est quelque chose qui a tourné pas mal dans les festivals. Cela m’a rapprochée de Marie-France Marbach, du coup, je suis revenue m’installer dans le coin. J’ai mis la yourte à la Fabrique, un lieu de création de résidences qui est à Savigny-sur-Grosne, à Messeugne. J’ai retrouvé Marie-France, et puis j’habitais chez Pauline, qui travaille avec les Contes Givrés. Elle est partie faire un tour du monde, elle est partie un an en Orient, et du coup, elle m’a laissé tout son appartement, parce que je n’avais rien.

 

9. Les récits de Louis et de Maxime (suite)

Scène entre Louis et Maxime. L’architecture et la scénographie, l’architecture et le dessin.

Maxime : Je n’ai jamais abandonné le dessin parce qu’au fur et à mesure que j’avançais, même quand j’ai travaillé en tant que salarié en agence d’architecture, je trouvais que les projets étaient longs, donc on dessine, au début on présente des esquisses, des images 3D, des dessins, plein d’éléments comme ça, très beaux qui donnent envie d’arriver au résultat. Cette partie, là, c’est super, mais après, moi je veux arriver plus rapidement à un résultat, je ne veux pas juste faire des belles images. Et aller au résultat, c’est très long, il y a vraiment beaucoup d’embûches qui font qu’on peut basculer dans autre chose de différent de ce qu’on veut faire.

Louis : En ce qui me concerne, c’était important pour moi d’être mon propre patron, donc je me suis dit que la scénographie pour l’évènementiel me semblait plus indiquée que le travail dans un cabinet d’architecture, parce que si tu es ton propre patron en tant qu’architecte, c’est beaucoup de problèmes, comme par exemple la décennale [11], et surtout j’étais confronté à la temporalité du déroulé d’un projet qui en architecture peut facilement s’étaler sur une dizaine d’années. Je préférais mener des projets sur une dizaine de semaines, même si finalement maintenant c’est un peu plus que ça.

Maxime : J’aime quand même l’architecture, alors je continue à pratiquer de cette manière, parce qu’il faut deux ans pour réaliser un projet, c’est super gratifiant d’y aller, de le vivre. Mais j’avais besoin de faire des créations sur des temps beaucoup plus courts.

Louis : Avec la scénographie pour de l’évènementiel, j’étais un auto-entrepreneur, voilà, petite main pour des boîtes d’évènementiel. Deux ans plus tard, je me suis lancé dans le travail de régisseur de spectacle pour l’Ensemble Aleph[12] et d’autres organisations. Et par ailleurs, j’ai commencé à découvrir ce qu’était la vidéo-projection, le mapping. Cela m’a beaucoup intéressé et j’ai commencé à en faire. Et après, le fait de rencontrer des gens qui faisaient de la vidéo-projection m’a amené vers les arts numériques et m’a conduit plus spécifiquement vers les parcours guidés par smartphones. On a un outil assez puissant dans sa poche, dont on ne se sert que pour faire pas grand-chose. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant de voir ce qu’on pouvait en faire.

Maxime : Je me souviens que le soir chez moi, les week-ends, je me disais : « Je prends deux heures et je fais au moins un dessin dont je serais content ». Et un petit rituel s’est installé : souvent j’en fais un le soir et je le pose par terre à côté de la fenêtre et le lendemain matin, c’est là où je peux le valider ou non, savoir s’il est réussi ou pas. Donc, le lendemain matin, je me disais : « Ah ! franchement pas mal ». Ou bien : « Alors, non, non, je ne suis pas allé au bout ». Ou bien, « OK, ce n’est pas ça, mais par contre, la prochaine fois, je change telle couleur, je le refais mais je le fais différemment. » C’était la grande différence avec l’architecture où finalement, même si on fait plein de tests, on ne considère jamais le résultat final. On travaille par approximation du résultat et une fois qu’il est là, franchement c’est trop tard. On ne peut plus casser les murs, on peut très peu repeindre, donc c’est assez frustrant parce qu’on se dit : « Je me suis approché, mais j’aurais peut-être changé ça si j’avais pu m’en rendre compte avant. » Alors qu’avec le dessin, ce que j’aime bien, c’est que c’est comme les chefs qui cuisinent : ils ont le plat et après, s’ils veulent changer une saveur, changer un ingrédient, ils recommencent le plat et ils arrivent de nouveau à un résultat. J’aime bien le fait que dans mon quotidien, je pratique les deux activités, le travail d’architecte très long pour arriver à un résultat définitif et le travail plutôt d’artiste assez court pour arriver à un résultat qui amène lui-même à la recherche suivante.

Louis : La rencontre avec le mapping[13], cela se fait par YouTube, avec un collectif qui s’appelle1024 Architecture. Ils sont à l’origine d’un des logiciels qui s’appelle MadMapper. Je découvre ça à un arbre de Noël, où ils avaient mis du tissu de tulle sur une tour Layher, de l’échafaudage de chantier. C’est incroyable ce qui peut se passer avec juste de la tulle et de la vidéo projection. En fait, c’est aussi ce qui m’a vraiment plu dans le mapping à la base, c’était le côté holographe, hologramme, holographique. Ça prenait forme et puis ça me parlait bien avec ma formation d’architecte et le fait que ce soit contextuel.

 

10. Le récit de Yovan (suite), le projet « Un violon pour mon école »

Yovan :
J’enseigne actuellement deux jours par semaine dans le cadre d’un projet intitulé « Un violon pour mon école ». C’est un projet social qui vise à réduire l’échec scolaire via l’apprentissage de la musique. Ils ont fait appel à des chercheurs en neurosciences pour faire une étude sur dix ans pour voir comment les élèves se comportent. Donc c’est un projet intéressant qui concerne des élèves jusqu’à l’âge de 16 ans qui suivent des cours de violon, c’est une fondation suisse qui finance ça, la Fondation Vareille. Dans ce programme, il y a beaucoup de professeurs, mais certainement pas assez, sinon c’est très bien, les élèves aiment faire de la musique, à jouer du violon. Ils ne font que du violon, la fondation a acheté plein de violons pour tous les élèves. Cela fait du bien aux élèves de le faire, ils sont tous en ZEP+ [zone d’éducation prioritaire +], ce qui veut dire que certains d’entre eux ont des profils un peu compliqués.

 

11. Delphine, le Conte du crâne et du pêcheur.

Delphine :
La première histoire que j’ai racontée, c’est une histoire de Marie-France que j’avais entendue qu’elle racontait et que j’avais adorée. C’est l’histoire du crâne et du pêcheur :

 

Le conte du crâne et du pêcheur

Un pêcheur qui trouve un crâne là.

Le pêcheur : Crâne, qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce qui t’a amené là ?

Le crâne : La parole.

Le pêcheur n’en revient pas que le crâne parle.

Le pêcheur : Crâne, c’est toi qui as parlé, qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

Le crâne déboîte sa grosse mâchoire :

Le crâne : La parole.

Le pêcheur court chez le roi.

Le pêcheur : Ouah ! il y a un crâne qui parle là-bas.

Le roi : Attends, tu me déranges pour des histoires de crâne qui parle, tu crois que je vais te croire ? Ce n’est pas possible. Je vais venir quand même, mais si ce n’est pas vrai, je te tranche la tête.

Il est sûr de lui le pêcheur, donc il emmène le roi, les ministres, tout le monde.

Le pêcheur : Crâne, crâne ! dis au roi qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

Le crâne : …

Le pêcheur : Allez crâne, parle s’il te plaît, qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

Le crâne : …

Alors le roi tranche la tête du pêcheur, la tête tombe par terre, elle roule, elle roule, et elle roule, elle arrive juste à côté du crâne.

Le crâne : Tête, eh tête ! qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

La tête : La parole.

 

Delphine :
Et j’aimais bien cette histoire parce que justement cette peur de parler : qu’est-ce que c’est la parole ? Qu’est-ce qu’on dit ? Qu’est-ce qu’on ne dit pas ? Est-ce qu’on a le droit de tout dire ? Est-ce qu’on va se faire trancher la tête si on dit quelque chose qu’il ne faut pas dire ? C’est peut-être ma peur de parler qui m’a fait raconter cette histoire, l’une des premières que j’ai utilisées. Et puis après, qu’est-ce que j’ai raconté ? J’ai trouvé des histoires, j’ai cherché dans les livres, j’ai une bibliothèque remplie de livres, j’ai lu, lu, lu, plein d’histoires. Et puis j’en ai choisi qui me touchaient.

 

12. Le petit carnet des arbres. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute[14] et Louis Clément.

Scène 1 : Ils boivent tous les trois un café chez Louis.

Maxime T. : Je suis informaticien et je fais des projets artistiques de photographie. En voici quelques-unes. Et voici les logiciels que j’ai codés.

Maxime H. : Ah !

Louis : Ah !… Je m’intéresse au mapping. Je le fais sur des masques. Je construis des masques africains en papier, des choses assez simples, mais sur lesquels ensuite, avec un vidéoprojecteur, j’en fais le mapping et je les mets en couleur.

Maxime T. : Ah !

Maxime H. : Ah !… Voici mes dessins.

Louis : Ah !

Maxime T. : Ah ! OK super, mais on ne voit toujours pas ce qu’on pourrait en faire.

Louis : Il faudrait qu’on raconte une histoire.

Maxime T. : Ouais…

Maxime H. : Ouais…

Louis : Mais non, rien à faire.

Maxime H. : J’ai aussi ça qui est sympa, qui est marrant.
(Il sort un petit carnet de 10 cm par 10 cm)
Dans ce petit carnet, j’ai demandé à des gens de dessiner un arbre.

 
 

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Le carnet des arbres de Maxime
Photos: Nicolas Sidoroff

 

Scène 2 : quelque temps auparavant, Maxime H. et une autre personne.

Maxime H. : Dessine-moi un arbre sur ce petit carnet.

L’autre personne : Ben non, mais moi je ne sais pas dessiner et tout, et puis franchement, un arbre, non, ce n’est pas possible.

Maxime H. : Tu sais forcément le faire, et puis après, s’il est moche, de toute façon, ça reste anonyme. Dès que tu as fini ton arbre, tu peux regarder tous les autres arbres qui ont été faits avant, franchement il y en a des cools.

L’autre personne : OK, je te dessine un arbre.

Maxime H. : Je trouve ça drôle de voir la richesse des arbres.

Scène 3 : lors des études d’architecture de Maxime.

Maxime H. : Voilà, je vous demande de dessiner un arbre, après on va accrocher tous vos dessins sur le mur, avec un petit texte imprimé de ma part sur ce que ça veut dire les arbres.

Chacun, chacune dessine son arbre.

Maxime H. :
Maintenant regardez, vous allez pouvoir savoir comment vous êtes, quoi, tout en sachant que ce n’est pas sérieux.

Une étudiante : Que faut-il observer ?

Maxime H. : S’il y a des racines qui vont dans le sol, s’il y a des feuilles ou pas (parce qu’il y a beaucoup de gens qui dessinent les arbres sans feuilles), si des branches descendent, si le tronc est fin, s’il y a un trou dans le tronc – c’est un très grand classique. Finalement, il y a des trucs absurdes : si un oiseau est posé sur la branche de gauche, mais regarde à droite, ça veut dire un truc. Mais c’est impossible, ça n’arrive jamais.

Un étudiant : Mais c’est justement ce que j’ai dessiné, ce truc-là. [Rire général]

 

Scène 4 : en 2015

Un ami japonais :
Je t’offre ce petit carnet.

Maxime H. :
Merci. Je ne sais pas ce que je vais en faire. J’avais presque fini le carnet que j’avais, quand je l’ai perdu dans le métro de Paris. Je vais le refaire avec ce nouveau carnet. Et j’ai essayé de le faire avec d’autres choses, comme des poissons, tout le monde peut dessiner un poisson, mais les résultats n’ont pas été très intéressants. On m’avait dit de faire une théière ou une fenêtre, j’ai essayé, mais franchement, je n’ai jamais rien trouvé d’autre que l’arbre. Oui, c’est vrai, les poissons, c’est moins intéressant !

 

Scène 5 : retour à la première scène entre Louis Clément, Maxime H. et Maxime T.

Maxime H. : Ça fait tilt !

Louis : C’est génial, mais ça, on pourrait faire dessiner l’arbre aux gens, mais sur leur téléphone, ils prendraient leur téléphone, ils dessineraient avec leurs doigts un arbre sur le téléphone, et après, on l’enverrait, et on pourrait faire une espèce d’herbier où tout le monde peut voir les arbres de tout le monde.

Maxime T. : On va appeler cela le Live Drawing Project.

 

13. Le récit de Delphine (suite). Le Conte du petit poucet.

Delphine :
C’est un ami à moi qui est comédien, Florent Fichot, qui m’a dit : « Ça pourrait être super qu’on fasse un truc où tu racontes des histoires sur le trapèze », et donc je racontais par exemple des passages de Peter Pan, le spectacle s’appelait « Souffle court ». On l’a joué au théâtre du C2[15] à Torcy en Saône-et-Loire.
Ensuite, il y a eu l’histoire du Petit Poucet sur le trapèze. Ce n’est pas l’histoire du vrai Petit Poucet, hein ! C’est le Petit Poucet (« L’Autruche ») de Prévert[16].

 

Le Conte du petit poucet

Lorsque le Petit Poucet, abandonné dans la forêt, sème des cailloux derrière lui pour retrouver son chemin, il ne se doute pas qu’une autruche le suit pour dévorer les cailloux un à un, « ram, ram ram ». Le Petit Poucet se retourne, plus de cailloux ! C’est désolant, plus de cailloux plus de maison ; plus de maison plus de retour ; plus de retour, plus de papa-maman. Puis il entend du bruit, il entend de la musique, un vacarme. Il passe sa tête à travers le feuillage et il voit l’autruche qui danse et qui chante, et qui le regarde.

L’autruche : C’est moi qui fais tout ce bruit, je suis heureuse, j’ai mangé.

Le petit poucet : Tu as un estomac magnifique.

L’autruche : Oui, j’ai mangé plein de trucs. Viens ! monte sur mon dos, je vais très vite, je vais t’emmener loin.

Le petit poucet : Mais ma mère, mon père, je ne les reverrai plus ?

L’autruche : Alors, elle te frappait quelquefois ?

Le petit poucet : Mon père aussi me battait.

L’autruche : Ah ! il te battait ! Attends ! Les enfants ne battent pas leurs parents, pourquoi les parents battraient-ils leurs enfants ? Je ne supporte pas de voir de la violence sur les enfants. Il te battait quelquefois ?

Le petit poucet : Oui, père Poucet aussi me battait.

L’autruche : Et tu veux que je te dise ? Père Poucet n’est pas bien. Et ta mère, au lieu de s’acheter des grands chapeaux avec des plumes d’autruche, elle ferait mieux de s’occuper de toi. Et ton père, il n’est pas bien malin non plus, la première fois qu’il a vu ta mère, tu sais ce qu’il a dit ? Il a dit : on dirait une grande bassine, dommage qu’il n’y ait pas de pont. Tout le monde a ri !

Le petit poucet : J’ai ri, mais ma mère m’a mis une baffe : « Tu ne peux pas rire quand ton père dit ça ».

L’autruche : Le truc, bouh !!

 

Delphine :
Et c’est à ce moment-là que je suis tombée du trapèze, je me suis cassé la main.
Je pense que je suis prise d’émotion en regardant le public. Je suis tombée du trapèze, je me suis cassé la main, du coup, je ne pouvais plus parler. En fait, le problème avec le trapèze et le conte en même temps, c’est qu’on doit être là, avec chaque partie du corps, dans les mains, dans les jambes, chaque point d’appui, on doit être concentrée. Mais là, vu que je racontais une histoire en même temps, ça m’a dispersée et je suis tombée.

 

14. Delphine et le conte. Maxime, l’architecture et les dessins. Yovan et la composition.

Delphine :
J’avais cassé mon poignet, ils m’ont opérée à Montceau et ils m’ont ratée à Montceau – il ne faut jamais aller à Montceau d’ailleurs, vous saurez – ils m’ont ratée, j’ai dû être réopérée, donc ça a duré un an. Du coup, il fallait bien que je gagne ma vie.

 

Scène : Coup de téléphone de la Vénérable conteuse

La Vénérable : Qu’est-ce que tu comptes faire ?

Delphine : Je compte sur le conte. Je vais raconter des histoires, j’en suis capable, puisque je l’avais fait sur le trapèze.

La Vénérable : Tu sais, c’est un signe, si tu arrives à ça, c’est peut-être parce que tu as autre chose à faire que du trapèze.

Maxime :
Les arts plastiques, c’est hyper large. Je ne sais pas si c’est une règle que je me suis fixée, mais je n’ai pas beaucoup exploré en dehors du dessin, ce qui fait que des amis m’ont dit : « Ben, essaies d’ouvrir un petit peu ta pratique ». Je pense que ce n’était pas mal de prendre confiance petit à petit sur des petits formats et maintenant, j’arrive à être plus à l’aise sur des grands formats. J’ai fait beaucoup de skateboard et comme mon frère fait du skate art, il sculpte sur des planches de skate, il m’a introduit à ça, donc j’ai fait du skate art, j’ai dû faire une dizaine de skateboards et puis là, récemment, je me suis retrouvé à répondre à une commande pour faire un grand surfboard. Je pense que c’est une question de se sentir à l’aise, et qu’après, on peut aborder des formats plus grands. Avec les skateboards ce qui est super, c’est aussi d’avoir l’objet dans les mains, et de devoir bouger avec, de bouger autour, plutôt qu‘avec une feuille où il n’y a vraiment que le poignet qui est en déplacement. Là, il y a un rapport avec l’objet, ce n’est pas qu’on le façonne, mais quand même… Je découvre tout ceci progressivement, au fur et à mesure que je suis plus à l’aise dans ma démarche artistique ou d’illustration.

Yovan :
Quand je compose, j’utilise souvent une sonorité qui se développe dans un temps donné. Parfois je dois l’étirer un petit peu, rendre des choses plus longues, parfois un peu moins longues, c’est pour ça que le côté répétitif est pratique. Et il y a aussi un côté électronique. Normalement, quand je compose des morceaux, j’ai un début et une fin, je sais où je vais, et j’aime bien avoir une petite contrainte surtout pour la musique que je fais dans les projets des autres, ou dans les projets collaboratifs.

Delphine :
C’est ainsi que je me suis mise doucement à raconter des contes et aussi, du coup, à prendre un peu confiance en moi. Je trouve qu’on est vraiment tout nu quand on raconte : les lapsus, le ton de la voix, tout cela en dit long sur soi-même. Je trouvais que c’était un aspect vraiment délicat pour moi : être devant un public, avoir peur qu’on nous juge, de se juger soi-même. Je suis très exigeante, je suis très critique vis-à-vis de moi, donc j’avais très peur de ce que j’allais vivre avec moi-même. Parler devant les autres, c’est s’engager, c’est engager une part de soi. Je trouve ça très risqué, en fait.

Yovan :
Et parmi les références qui m’ont influencé dans mon travail sur le « Conte d’un futur commun », il y a un musicien, ce n’est pas tout à fait un DJ, qui s’appelle Débruit [17], qui a fait notamment un projet – KoKoKo! [18] – avec des percussionnistes de Kinshasa. C’est vraiment intéressant, parce que justement il respecte leur travail, il utilise leur musique et ajoute des petites touches électro, mais il ne déforme pas leur musique. Ce que fait Débruit m’a inspiré bien avant ce projet KoKoKo!, mais c’est un de ses projets les plus aboutis, parce qu’il y a un vrai respect de la musique traditionnelle, avec ensuite des rajouts de petites touches d’électronique pour un peu la moderniser.

Delphine :
Avec le trapèze, je gesticule beaucoup, au fil du temps de moins en moins, mais c’est vrai que je bouge beaucoup, j’engage beaucoup le corps. Et je travaille beaucoup avec un double, souvent un musicien. Au départ, le guitariste Julien Lagrange [19] a été celui avec qui j’ai formé un duo trapèze-guitare, qui est devenu un duo conte-guitare. On travaille ensemble sur le rythme, on cale du rythme, ça m’aide beaucoup, ça me pousse aussi à travailler, parce que toute seule dans la cuisine, je le fais, mais c’est moins facile que quand on se donne un rencart et qu’on travaille ensemble. Souvent, après avoir travaillé les histoires avec Julien, je les fais aussi sans la guitare. Ça me rassure de ne pas être toute seule et c’est comme cela que ça se structure.

Maxime :
Mon activité principale est celle d’architecte, mais j’estime que le dessin n’est pas simplement un hobby. Il y a des temps dans la semaine qui sont réservés au dessin, donc j’estime que ces deux activités cohabitent. Il y en a une plus importante que l’autre, mais mes dessins ont donné lieu à des expositions, j’ai eu parfois des commandes, j’ai aussi pu vendre certaines œuvres. Bien sûr la partie artistique, ce n’est pas celle qui me fait manger, mais en même temps j’ai pu avancer là-dessus. J’ai commencé par exposer différents dessins dans un café en 2020, que j’avais faits pendant et à la suite de mon voyage en Asie. Et j’avais dessiné sur des skateboards un triptyque et un diptyque de planche de skate, toujours sur ce thème-là. En 2021, il y a eu dans un restaurant une exposition partagée, où je me suis donné plutôt un thème Maya, parce que j’avais fait un voyage au Mexique. J’avais fait pour cette exposition 3 skateboards, un triptyque de 3 skates et un diptyque de 2 skateboards, avec un autre artiste évoluant dans un univers complètement différent. La même année, j’ai participé à une exposition collective de skate art à Roubaix, j’ai exposé un diptyque de deux planches de skate sur le thème du Japon, il y a des gens qui étaient intéressés qui l’ont acheté. C’était très drôle : c’est une dame qui l’a offert à son mari, qui est un ancien skateur, et elle a dit, « Il est fan du Japon, il aime le skate, j’ai senti que c’était son style. On l’a mis en bonne place chez nous dans le salon ». J’étais ravi.

Delphine :
Je me suis surtout tournée vers le jeune public, je trouvais que c’était moins jugeant. C’est plus dur parce que si ça ne marche pas, ça ne marche pas, c’est-à-dire qu’ils ne vont pas faire semblant qu’ils ont trouvé ça bien. Il y a quelque chose chez les enfants qui fait que si ça ne va pas, on le sait tout de suite, il n’y a pas de double jeu. Mais en même temps, il y a moins de jugement par rapport à des repères, par rapport à des étiquettes, à ce qui existe déjà.

Maxime :
Après on a fait une exposition collective en 2022 avec mon frère et un autre artiste, où cette fois c’étaient uniquement des skateboards qui ont été sculptés. On a décidé que pour chacun d’entre nous, il y aurait un skateboard qu’on ferait entièrement nous-mêmes, il y en aurait un qu’on partagerait avec un des deux autres artistes, et le troisième serait partagé avec l’autre artiste.

Yovan :
Moi je suis sur Cubase. Ce n’est pas évident, les gens ne comprennent pas pourquoi. Tout le monde est sur Live. Quand j’utilise mon ordinateur, je n’utilise pas souvent Live, jamais en fait. Donc c’était toujours un petit peu le combat de dire « Ben voilà, moi, je suis sur Cubase. » Et lors d’une des résidences qu’on a fait à Lyon, l’ingénieur du son m’a dit : « Ah ! mais moi je travaille sur Live, là, il faut que tu te mettes à Live. » Il était un peu perdu et puis moi aussi. En fait on a trouvé un terrain d’entente et il a vu que j’avais la dernière version de Cubase avec les mêmes fonctionnalités, il a vite compris et il m’a montré comment réadapter les morceaux en 7.1 [20] pour une spatialisation. Je n’avais jamais fait ça, au début ça m’a un peu angoissé, j’ai dit : « Ben ça, c’était intéressant à faire ».

Delphine :
Il faut beaucoup d’exigences sur ce qui est raconté et par qui : si on raconte une histoire qui a déjà été racontée par un tel ou une telle, ou qui vient de tel ou tel endroit, ça peut être mal vu. Par exemple, si on raconte des histoires écrites par Henri Gougaud, qui reprend des histoires traditionnelles, qui les met à son nom, voilà, ça ne se fait pas. Ou prendre une histoire qui est racontée par quelqu’un d’autre, on ne va pas faire du copier-coller. Il faut faire attention à ce qu’on fait, on ne peut pas raconter n’importe quoi. Il faut respecter le travail de chacun, toujours dire l’origine de ce qu’on a raconté, d’où ça vient, de quel pays, de quelle culture. Et comme tout travail, je pense que dès qu’on met les pieds dedans, on se rend compte qu’en fait, plus on travaille et plus on a du travail à faire, c’est interminable.

Maxime :
L’an dernier on a fait aussi une exposition collective de planches de surf, au City Surf Park de Lyon, vers le stade de foot de Décines. C’était le vernissage d’ouverture de ce complexe sportif, et du coup ils avaient demandé à 20 artistes de dessiner sur des planches de surf. J’ai produit l’œuvre que j’ai exposée sur un thème marocain, parce que c’est assez connu dans le monde du surf, donc je me suis inspiré des arts marocains et j’ai rajouté la mer au bout.

Delphine :
Quand je parle de rythme, c’est le rythme de la narration. Parce que souvent, il y a des moments où ça chante presque et il y a des refrains qui se répètent et puis une fin. Il faut que ça monte, il faut que ça redescende. Il y a un vrai rythme dans la création d’une histoire. C’est ce qui est difficile dans le « Conte pour un futur commun », c’est une histoire très longue, elle est donc beaucoup plus difficile à rythmer.

 

15. Le Live Drawing Project

Louis :
J’ai ensuite rebifurqué sur la vidéo-projection et j’ai commencé à monter ce premier projet, le « Live Drawing Project » qui était né d’une rencontre entre Maxime Touroute, Maxime Hurdequint et moi. J’ai rencontré Maxime Touroute à un atelier sur le mapping, il venait d’arriver à Lyon, et on faisait un tour de table pour se présenter, et quand il s’est présenté, il a dit qu’il bossait comme développeur pour Millumin. Maxime Hurdequint, c’est mon cousin, donc on se connaît vraiment depuis la petite enfance.

Maxime :
Tous les trois, on s’est organisé beaucoup de temps de travail ensemble. Il y a beaucoup de moments où même si on était côte à côte, chacun travaillait de son côté. Mais il n’y avait pas de distance entre nous. Avec le Live Drawing Project, le cœur de la machine reste l’informatique, c’est vraiment Maxime Touroute qui code et ensuite il y a beaucoup de tâches qui se mettent autour : toute la partie communication, toute la partie gestion de projet, préparation, installation.

Louis :
En fait, il y a trois logiciels qui existent pour faire du mapping qui marchent vraiment bien, c’est Resolume que j’utilise, MadMapper qui a été monté par des Suisses, qui est aussi très reconnu dans le milieu, et Millumin qui a plutôt essayé de se faire une place dans le spectacle vivant.

Maxime :
Ce sera très différents avec le « Conte d’un futur commun » où les branches se rejoignent vraiment juste à la fin, pendant les résidences et où le reste du temps, on n’a pas trop besoin de communiquer ensemble.

Louis :
On a pensé qu’on pouvait envisager de faire dessiner des gens pour que leurs dessins apparaissent sur un écran en direct.

Maxime :
Dans le Live Drawing, il faut savoir ce qu’on est capable de faire et de réellement coder au fur et à mesure. OK, là, Louis, tu crois qu’on va y arriver là, sur cette façade ?

Louis :
Ben non, c’est impossible, on ne peut pas.

Maxime :
Hop ! Donc il y a beaucoup plus d’échanges à faire, parce que les compétences sont beaucoup plus liées, on est constamment en ping-pong.

Louis :
Et un mois plus tard, on a participé à la Fête des Lumières à Lyon.

Maxime :
Pendant la Fête des Lumières, c’était dans un bar, le Club des Lumières. Le patron du bar avait annoncé : « Moi je file 150 balles pour 3 jours, et faites-moi un événement Fêtes des Lumières ». Donc on lui a montré notre idée, j’avais fait 3 dessins pour l’expliquer et Maxime Touroute a travaillé sur le code tous les soirs pendant dix jours et ça a très bien fonctionné. En plus, on a pensé que les gens n’allaient faire qu’un ou deux dessins, et qu’après, ce serait fini. Comme on proposait un petit thème, « dessine une fleur », « dessine un arbre », on s’est dit que les gens auraient bien assez à faire, ils feront un petit dessin, et puis c’est tout. En fait, pas du tout, il y a des gens que cela intéresse, et qui restent pendant une heure à dessiner les uns à côté des autres, à dire : « Regarde le mien, regarde le mien ! » Et puis finalement, on s’est rendu compte que plus on donnait des thèmes de dessin, plus les gens avaient des idées. Ou bien ils ne suivaient pas du tout le thème proposé. Je crois qu’on avait trouvé un outil très ouvert. Certes, on ne s’en cache pas, les gens avaient tendance à regarder leur téléphone de manière individuelle, mais parce qu’ils dessinaient côte à côte, ils échangeaient avec les autres. Et puis il y avait ceux qui ne dessinaient pas, ils regardaient l’écran où les dessins étaient projetés. On s’est rendu compte que quand on passait entre les gens, il se passait des choses, les gens papotaient, ils se montraient les trucs, ça leur donnait des idées. On s’est dit : « ouais, c’est cool, on a un truc là, qui est riche ». C’est donc cela qu’on a développé avec Maxime Touroute et Louis, le Live Drawing Project, des dessins participatifs qu’on a enrichi au fur et à mesure.

Louis :
Et après, c’était parti, là, on en est maintenant à notre 140e projection.

Maxime :
Avec le Live Drawing Project, quand on l’utilise, c’est vraiment une grosse télécommande. Maxime Touroute nous a codé plein de boutons : on a le bouton pour changer la couleur des dessins, les agrandir, les mettre plus petits, etc. On peut faire des fondus, faire des choses comme ça. Mais on ne raconte pas vraiment une histoire, simplement on anime pour éviter que le visuel soit toujours pareil. Alors qu’avec le « Conte du futur commun », avec le logiciel Resolume et le fait qu’on a une conteuse, on est vraiment très narratif.

Louis :
On a tourné un peu partout dans le monde, ça a hyper bien marché.

Maxime :
On a fait ça depuis 2018 jusqu’à maintenant. On a eu d’autres dates en 2019, en 2020. C’est progressivement devenu mieux rémunéré, on a pu acheter un vidéoprojecteur, se structurer avec une association qui nous fait toute la partie administrative. On s’est vraiment professionnalisé au fur et à mesure. On a voyagé au Canada, au Danemark. Ensuite il y a eu le confinement du Covid, donc on a développé des outils spécialement pour le confinement, en organisant des événements à distance. C’était pour nous une bonne source de revenus, on l’a fait de nouveau au Danemark, mais cette fois à distance. On a été dans plein de pays, dernièrement en Birmanie par exemple.

Louis :
Et je me suis dit à un moment donné que j’aimerais bien raconter des histoires avec ce dispositif-là, pour pouvoir faire quelque chose d’à la fois participatif et qu’on puisse surtout raconter quelque chose pour que le spectateur puisse être partie prenante dans le récit. Et du coup, on a fait une première résidence il y a quatre ans au LabLab à Villeurbanne [21]. Et là, on a commencé à se servir de cet outil pour raconter une toute petite histoire : la naissance d’une anomalie numérique. C’était un très court récit d’une quinzaine de minutes. On l’a monté en quatre ou cinq jours. Pour l’instant il n’y avait pas encore de conte. Il y avait juste du texte projeté sur l’écran, comme des sous-titres avec l’image en mouvement. Le public dessinait des trucs avant de rentrer dans la salle de spectacle, par exemple des étoiles. En fait, ce qu’on voulait tester, c’étaient différents types d’interaction avec le public, comment on pouvait les faire participer en amont, pendant, en regardant, les faire s’arrêter, etc. Cette résidence-là m’a bien aidé par la suite dans l’écriture et l’interaction avec le public. Maxime Hurdequint a participé à la création du concept de base et après il a fait de la gestion de projet, de la communication, pour aller chercher des endroits où le présenter, il a fait pas mal de templates de devis, il a fallu faire signer les gens, etc.

 

16. Delphine : deux contes.

Delphine :
Avec Julien, en ce moment, on raconte beaucoup « Pierre et la sorcière », c’est un conte traditionnel pour enfants. Et je parle de celui-là parce que c’est très rythmique entre ce que je dis et ce qu’il joue.

 

Le conte de Pierre et la sorcière

Dans un village, il y a une sorcière.
(Julien joue, il ne regarde pas la conteuse, il écoute ce qu’elle dit et joue en fonction.)
Et puis tout à coup la sorcière, elle se met à chanter en s’adressant à Pierre, un petit garçon : [elle chante]
« Crac c’est moi la plus rusée, et cric, crac, je vais te dévorer, ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ».
(Julien joue, et dès qu’elle se met à chanter il trouve la mélodie pour l’accompagner.)
Hop !
Elle le met dans le sac.
Hop ! Elle referme le sac ah ! ah ! ah ! ah !
Et puis elle marche, elle monte le chemin, elle arrive dans son manoir, elle pose le sac sur la cuisine, elle l’ouvre. Et en fait, qu’est-ce qu’il y a dedans ?
Ben le gamin, il s’est sauvé et puis il a mis un caillou dedans, « aaaaaaaaah » !
(Quand la sorcière ouvre le sac, Julien s’arrête de jouer, il faut que ce soit dans le silence.)
Elle l’ouvre et qu’est-ce qu’il y a dedans ?
« Aaaah aah ! »
Un caillou.
« Espèce de sale gosse » !
(Ça, c’est dans le silence. Et puis après la guitare reprend sur :)
Pierre, le lendemain matin, il ne va pas à l’école, il va sur le chemin, il trouve une poire…
Hop ! ça se balade.
(Julien joue vraiment en fonction de ce que la conteuse raconte, pour lui, il y a une logique.)

 

Delphine :
Il y a aussi

Le conte du pain d’épices

C’est un bonhomme de pain d’épices fait par une femme, elle le met au four et puis il se sauve par la fenêtre et il court, il court, il court et tout le monde lui court après et puis, en fait, il court, il court, il court. Et le renard, il est au bout, il l’attend, et le renard lui fait des éloges et du coup, il fait confiance au renard, évidemment. Il monte dessus et le renard, « crrrrr », il le mange. (Là il faut qu’on soit calé au moment où il le bouffe). « Crrrr », hop !… Il l’a mangé !

 

Delphine :
Donc entre Julien et moi, on a des tops bien calés. Il joue très près de moi, on se connaît très, très bien, donc il sait comment je raconte, donc on peut improviser des choses ensembles. On travaille beaucoup ensemble en présentiel, même s’il y a aussi beaucoup de travail chacun de son côté. Je lui donne l’histoire que j’ai envie de raconter sur du papier ou dans un livre. Lui aussi apporte des histoires, il dit : « Ah ! j’aimerais bien qu’on raconte ça, je trouve ça cool, en plus j’ai un univers ». Moi je travaille un peu de mon côté, lui il travaille aussi de son côté sur à peu près comment on veut faire. Et après on se voit tous les deux, on se cale, et puis on dit : « Bon allez on y va ».

 

17. Origine du « Conte d’un futur commun »

Scène 1 : Chez Delphine, le téléphone sonne. C’est Louis Clément.

Louis : Mon nom est Louis Clément. L’association Antipode m’a donné votre nom. Je voudrais faire un spectacle dans lequel on imagine comment ce sera dans 100 ans, mais dans un monde idéal.

Delphine : Eh oui, il n’y a aucun doute là-dessus, on est dans ce monde idéal.

Louis : 100 ans après, ça, c’est fait.

Delphine : OK, et comment on en est venu jusque-là ?

Louis : Je raconte souvent des histoires, maintenant je suis un peu rodé, je l’ai fait avec plein d’élèves, parce que je fais beaucoup de résidences d’éducation artistique et culturelle, et ce dont je parle souvent, c’est le fait à mon échelle d’essayer de changer le monde : encore une fois, c’est utopique de ma part, mais voilà, c’est quelque chose qui me porte. Comment est-ce que je peux changer le monde ? Je ne peux pas inventer des énergies renouvelables très peu chères, je ne peux pas inventer un moyen de transport du futur totalement décarboné, comme le vélo-cargo par exemple. Du coup, je me suis dit que j’aimerais bien amener les gens à réfléchir sur leur avenir et surtout, à l’inverse de tout ce qui est dystopie, essayer de partir sur quelque chose où on réfléchit à un avenir où tout se passe bien et comment on y arrive.

Delphine : Ce que tu dis me fait du bien. Parce qu’en ce moment je suis dans le noir, dans des trucs punks, dans des choses où le monde est… Des fois, je me dis, que je vais mettre une bombe dessus ce monde, enfin, on va faire péter des trucs, quand tu te rends compte de ce qui se passe dans le monde, c’est quand même « aaaah !… » Des fois, on dirait qu’il y a des gens à tuer, il y a des choses à faire péter, enfin il faut que ça s’arrête, quoi. Je traîne dans le milieu punk, no futur.

Louis : À travers mes lectures, je me suis pas mal inspiré de récits qui disent que c’est grâce à la pensée qu’on arrive à faire les choses. Notamment Neal Stephenson qui est un auteur de science-fiction que j’aime assez, qui a sorti une théorie qui s’appelle la théorie du hiéroglyphe : c’est plutôt en rapport avec les avancées technologiques, où grâce à la science-fiction, on arrive à faire des avancées technologiques majeures. Son exemple préféré est le combustible pour les fusées, où il explique que c’est un auteur de science-fiction qui a dit que cela allait marcher de telle manière, et qu’ensuite, un chercheur s’y est penché et en se saisissant des intuitions de cet écrivain, il a réussi à créer le premier combustible pour fusée. J’aime bien raconter ça aux élèves avec qui je fais des interventions ou au public, j’aime bien insister sur le fait que, en gros, si l’on veut aller vers un futur désirable, il faut déjà y avoir pensé. Et que, du coup, la première étape pour avoir un monde qu’on a envie d’avoir, c’est juste d’y réfléchir.

Delphine : En fait, c’est chouette d’imaginer ça, ça contrebalance ces idées noires. OK, en fait, on se dit que dans 100 ans on est dans un monde idéal et on fait tout pour y arriver. Ce n’est pas de critiquer tout ce qui ne va pas, de mettre le doigt sur tout ce qui ne va pas, même si l’on sait que pas mal de choses ne vont pas. Non, on va dire, OK, dans 100 ans, on est dans un monde chouette. Et donc, OK. Je ne sais pas dans quoi je me lance. Ben, oui, je suis intéressée.

Louis : Ben tu es intéressée, vas-y, tu le fais.

Delphine : Mais, tu ne veux pas voir ce que je fais, avant ? Je joue à la médiathèque de Mâcon, tel jour, pour des enfants et le soir pour tout public.

Louis : Ah ! je ne peux pas le soir, je vais venir au spectacle pour les enfants.

 

Delphine :
Louis est ainsi venu me voir jouer le spectacle Jabuti à la médiathèque de Mâcon : du trapèze, justement. On avait remis le trapèze, parce que j’ai aussi une copine qui est trapéziste. Oui, j’ai un réseau trapéziste de circassiens autour de moi. Jabuti était un spectacle conte-trapèze-flûte traversière. C’était une balade : on se baladait avec les gens dans la médiathèque et on les amenait jusqu’au trapèze. Et donc, il est venu voir ce spectacle, c’est comme ça qu’on s’est vu la première fois.

Louis :
Du coup, c’est comme ça qu’on s’est croisé. Enfin, j’arrive un peu en avance avant son spectacle, on discute, je lui explique le projet, comment ça va se passer, etc. Après elle a présenté son spectacle et je devais repartir à Lyon avant la fin du spectacle, donc je n’ai pas eu le temps de lui en parler à la fin.

 

Scène 2 : Nouveau coup de téléphone de Louis à Delphine

Louis : Allo bonjour.

Delphine : Bonjour.

Louis : J’ai trouvé ton spectacle très bien. Ben ouais, c’est bon pour moi, si toi tu es toujours OK.

Delphine : OK, on y va.

Louis : C’est parti.

 

18. Le projet immersif de l’AADN

Yovan :
Le projet du « Conte d’un futur commun », c’est une idée de Louis. C’est son premier spectacle en vrai, il avait des idées au début qui germaient, il savait ce qu’il voulait faire, mais il avait du mal à les mettre en forme. Et du coup, quand on a commencé à en parler, il pensait à une première équipe et surtout il cherchait d’abord les subventions, en tout cas, pour qu’on puisse avoir des lieux qui nous permettent de créer aussi tout le côté immersif du spectacle. Une première proposition a été déposée, on n’était pas loin d’aboutir, mais ça n’a pas fonctionné. Ensuite, une fois qu’on a pu avoir les subventions de l’AADN pour ce projet d’immersion dans les planétariums dans certaines villes de France, on a commencé à parler de l’écriture du spectacle.

Maxime :
C’est comme ça que tout a commencé, Louis a eu cette intuition de nous rassembler. En 2019, on avait fait une résidence pour essayer de raconter une histoire à partir du Live Drawing, c’était un spectacle de cinq minutes, avec des graphismes très, très simples, c’était très chouette. On pensait qu’il y avait moyen de raconter une histoire, mais on n’est pas allé plus loin. Ça a germé très progressivement.

Louis :
Il y a eu l’appel AADN (Arts & Cultures Numériques) [22] avec qui j’étais bénévole au Conseil d’Administration. Ils ont lancé un appel pour la création immersive. Cela m’a bien intéressé parce que j’ai commencé à aller voir des spectacles sous dôme, je trouvais ça assez fou, enfin c’était assez bluffant ! L’immersion qu’on ressentait face à ces images avait éveillé mon intérêt. Le point de vue de l’AADN était de parier sur l’immersion collective, c’est-à-dire de faire participer beaucoup de spectateurs à une expérience, plutôt que d’avoir une immersion individuelle comme avec la réalité virtuelle (avec des casques). L’idée d’aller à l’encontre des formes individuelles d’immersion me plaisait beaucoup. Ce dont on parle aujourd’hui, c’est le « métavers » [23] ce qui veut dire, en gros, qu’on peut soit s’immerger individuellement dans quelque chose de collectif, soit de s’immerger collectivement dans un œuvre : on est ensemble.

Maxime :
Donc c’est Louis qui vient vraiment avec le concept, il sait déjà ce qu’il veut faire, et qui il veut recruter. On avait trouvé une première conteuse, finalement, on n’a pas eu forcément les subventions qu’on voulait, donc on a fini par trouver une deuxième conteuse, Delphine, et il avait déjà trouvé aussi Yovan pour la musique, comme il le connaît très bien. On a décroché la subvention immersive en 2021.

Louis :
Nous avons répondu à l’Appel à projets d’AADN, et donc je prends un certain nombre de décisions. Je commence à raconter cette histoire, je trouve le nom d’un « Conte d’un futur commun », je trouve que ça parle assez bien aux gens. Après avoir trouvé ce titre, je me suis demandé comment je vais concevoir ce spectacle. Après un premier refus de l’Appel à projet immersif de l’AADN, nous redéposons un projet. Et là, on l’a obtenu et l’AADN a accepté de nous prendre en production déléguée, c’est-à-dire qu’ils vont nous aider à aller chercher des financements et à diffuser le spectacle. À partir de là, on fait des dossiers et on commence les résidences. J’avais travaillé avec Maxime Hurdequint avec le Live Drawing, il n’était pas question de se passer de ses capacités de dessinateur, et je lui ai demandé de faire les décors. Il faut un musicien, je demande bien évidemment à Yovan Girard que j’admire beaucoup, qui a fait beaucoup de musique, qui a une sensibilité qui me plaît. Il fait plutôt de la composition pour des morceaux de musique mais il avait déjà fait une pièce de théâtre avec quelqu’un. Je sais qu’il est capable en plus de le faire. On se connaît depuis la petite enfance, parce que mes parents et ses parents sont très proches, ma mère et son père étaient ensemble au lycée, je crois.

 

19. Le « Conte d’un futur commun »

Louis :
Donc je fais un calendrier de création, on se cale des dates, on se voit, on commence à faire des trucs ensemble. Je continue parallèlement à chercher des subventions de mon côté. Si cet Appel à projet immersif nous donne de l’argent, cela ne suffit pas vraiment pour payer tout le monde tout le temps, et en plus je demande aux gens de travailler en dehors des périodes de résidence. On a déposé je ne sais pas combien de dossiers auprès de différentes structures. Par exemple, nous avons déposé trois fois un dossier auprès de la création hybride en Auvergne-Rhône-Alpes avant d’obtenir quelque chose de leur part, et je dépose aussi un dossier auprès du CNC (Centre National du Cinéma) et on obtient cette subvention et du coup on a pas mal d’argent. Grâce à ça je respire un peu plus, parce que je vais pouvoir payer les gens correctement pour la création, donc ça c’est une très grande chance. Et après on a eu aussi une subvention de la SACEM. On a pu refaire une résidence au LabLab et payer après coup les résidences qu’on avait faites au Centre des arts d’Enghien-les-Bains. Cette résidence avait duré deux semaines parce qu’on avait la chance d’avoir l’endroit disponible, ils nous fournissaient le lieu mais ils ne nous donnaient pas d’argent.

Avant de trouver le titre du « Conte d’un futur commun », je me suis dit qu’il fallait pouvoir infléchir le déroulé de l’histoire par les réactions du public. Je me disais que si c’était écrit, on allait faire des scénarios en arborescence, avec des arbres de choix multiples, ce qui allait être potentiellement très complexe. Et puis il y avait cette idée d’une histoire racontée autour du feu, avec la participation des gens, ce genre de chose. Ce qui me plaisait bien aussi, c’était l’opposition entre le côté du conte comme l’une des plus vieilles formes « d’art » entre guillemets avec sa manière de raconter des histoires, et le côté participatif, les smartphones, la projection, il fallait trouver un équilibre entre les deux. Alors, j’ai décidé que ça pouvait être un conte.

Delphine, Maxime, Yovan et moi-même, nous avons commencé à travailler ensemble sur ce projet. J’avais vraiment déjà tout l’univers dans ma tête. La première fois qu’on s’est rencontré avec Delphine, j’avais tout le déroulé de l’histoire, je savais où ça commence, qu’est-ce qu’on va voir et jusqu’où on va. En fait, je n’avais pas vraiment le déroulé de l’histoire, mais les lieux où elle se déroule.

 

20. Louis, une année de réflexion

Louis :
Pendant un an, il ne s’est quasiment à rien passé, il n’y a pas eu d’autres rencontres. J’ai réfléchi tout seul de manière plutôt introspective. Rien de spécifique n’a émergé, mais j’ai lu énormément, je ne lisais quasiment plus pour mon « plaisir » entre guillemets, Je me suis fait des énormes tableaux de livres à lire. Ce sont toutes les références à des concepts, à des gens, à des penseurs et à des projets qui m’inspiraient, de la part de gens qui parlaient de comment ils écrivaient à ce sujet.

Pendant cette année de réflexion, quand il fallait prendre des décisions c’était dans ma tête, à aucun moment je n’ai écrit quoi que ce soit. Je formalise les choses dans ma tête, je me dis juste : ça, ça va être ça, enfin, on va commencer là. Et puis il y a eu cette idée d’aller visiter des endroits où il y a des communautés qui sont en harmonie avec leur milieu et ça, en fait, ce n’est pas vite-fait : je fais le tour complet du milieu, la forêt, la montagne, dans les airs, sous l’eau… Et après, je me suis dit que, par son importance, la ville n’allait pas disparaître, et qu’il fallait donc trouver une manière intéressante de l’habiter. J’ai lu plein de trucs sur le ré-ensauvagement qui étaient à la mode : Baptiste Morizot [24] par exemple, enfin tous ces gens qui parlent de comment on peut redonner une place à la nature en ville.

 

21. L’écriture du Conte, Delphine et Louis.

Louis 
Avec Delphine donc, on se voit une première fois pendant deux jours. Au début, j’arrive avec mon histoire, mais en fait je n’ai que les lieux et Delphine, c’est elle qui va tricoter tout, les relations entre les personnages, comment ils vont se trouver, comment ils discutent, et ça m’aide beaucoup. Je présente mes idées et comment ça va se dérouler : je voudrais que l’héroïne aille là-bas, là-bas, et là-bas…

Delphine :
Je dessine, j’écris, et puis après, moi toute seule, je reprends ça, je réimagine à quoi ça ressemble et je trouve la manière de le dire. Et après, quand j’ai trouvé, je le fixe sur papier et je mets les textes sur mon ordinateur. Mais après cela, je continue à beaucoup les remodifier.

 

Feuille de notes de Delphine Photo: Nicolas Sidoroff
Feuille de notes de Delphine
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Delphine :
Quand je travaille en résidence, j’ai besoin des papiers écrits que je rature et que je rectifie directement, je suis perdue si jamais c’est trop le bastringue. Il faut aussi que ce soit clair aussi dans ma tête, c’est pour ça que j’ai écrit beaucoup, beaucoup de textes. L’écriture du conte commence toujours avec du papier, car j’ai l’habitude d’écrire à la main. Louis est dans le canap’ qui me dit « OK ».

 

Scène 1 : la première séance de travail, Delphine et Louis

Louis : OK. On commence par les arboricoles.

Delphine : Il faut une héroïne.

Louis : Il y a la question de savoir si ce doit être une fille ou un gars.

Delphine : Ni l’une, ni l’autre, d’après moi.

Louis : Faut-il utiliser le principe du « iel » ?

Delphine : Pour moi, c’est assez compliqué à mettre en place, parce qu’il y a les conjugaisons derrière et que la compréhension par le public n’est pas évidente. J’ai lu des livres avec « iel », qui veut dire « il et elle », pour pas que ce soit un personnage féminin ou masculin. Beaucoup de féministes utilisent cette formule. C’est compliqué quand tu as un public qui ne sait pas, des enfants, par exemple, tu dis « iel » et ils ne vont pas comprendre.

Louis : On peut décider que c’est une fille.

Delphine : Oui, mais avec un nom qui peut s’appliquer aux deux genres. Au lieu d’utiliser il ou elle dans le spectacle, peut-être qu’on pourrait utiliser le prénom de la personne.

Louis : Je propose Camille.

Delphine : D’accord.

Louis : J’ai tous les endroits que l’on va aller visiter : arboricole, après la ville, après le corail… Je voudrais que Camille aille là-bas, là-bas, et là-bas et je ne sais pas où Camille va aller à la fin.

Delphine : On pourrait rajouter l’idée des « aimants » (boussoles) qu’on va voir pour déterminer qui sont les gens qui guérissent. Et aussi les prairies, les plantes, et ça peut finir sous l’eau.

Louis : Il y a cette idée de Grand Conseil qui est plutôt dans la ville.

Delphine : Je note tout ce que tu dis spontanément sur du papier que je garde dans un dossier. Je garde tout en vrac, même les choses que nous allons rejeter dans le spectacle. C’est la pile du « Conte d’un futur commun » tout entier. Tu vois, moi c’est du bazar, hein ! Il y a des phrases qui sont très nettes, que j’écris pour ne pas les perdre parce qu’elles me semblent justes, je les ai parfois trouvées à l’oral.

Louis : Moi je décris où ça va se passer, qu’est-ce qu’on veut, où est-ce qu’on va et qu’est-ce qu’on peut trouver à chaque fois, et toi, tu vas mettre tout cela en histoire. C’est toi, après qui va écrire le texte, la majeure partie de l’histoire.

Delphine : Je note : « Forêt, traversée de la forêt. La gare. Le village. La ville. La mer. La prairie. » Je te propose de mettre la prairie avant la mer. Et aussi que Camille finalement ne retourne pas chez elle. Il faut trouver quelque chose qui implique le public, qui le fasse évoluer tout au long du spectacle pour qu’on en ressorte comme si on avait fait un voyage. Je veux qu’on en ressorte chamboulé, qu’on puisse se dire, “on a fait un voyage dans un monde qu’on ne connaissait pas”, un monde qui nous a rappelé des souvenirs, qui nous a fait se poser des questions sur nous-mêmes.

Louis : Ce qui me plaît, c’est cette idée de rite initiatique, enfin, c’est un voyage initiatique.

Delphine : Tu vois, je vais même annoter les positions du corps : est-ce que je suis face aux gens ? Est-ce que je me retourne ? On peut aussi travailler sur la mise en scène, c’est aussi une dimension importante.

 

Feuille de notes de Delphine Photo: Nicolas Sidoroff
Feuille de notes de Delphine
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Scène 2 : les mêmes, plus tard

Delphine : Dans cette scène, Camille descend dans la cité sous-marine.

Louis : Ouais tu vois, on pourrait avoir des bulles qui flottent à l’extérieur, et puis il y aurait des câbles qui tombent dans l’eau.

Delphine : Je le dessine.

 

Feuille de notes de Delphine Photo: Nicolas Sidoroff
Feuille de notes de Delphine
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Scène 3 : les mêmes, la biocratie

Louis : Concernant le contrôle du climat, c’est l’idée de percer les nuages pour provoquer la pluie.

Delphine : Tu vois, le « solutionnisme technologique », je sais qu’il faut qu’on le case quelque part, mais je ne sais pas où. Il y a des choses comme ça : la biocratie.

Louis : Camille de Toledo [25] m’a vraiment beaucoup inspiré sur la biocratie. Je suis allé à une de ses conférences sur « Les témoins du futur », dans le cadre du « European Lab ». En fait, ce qui m’a vraiment plu, c’est qu’il parlait d’un futur où l’on allait réussir à améliorer le monde tout en le changeant, j’ai été beaucoup touché par le côté émotionnel. Et en plus, c’était quelque chose qui était très facilement réalisable dans le monde dans lequel on vit, c’était de se dire qu’on donne le droit à la nature d’être représentée comme une personne morale au même titre qu’une société. Et en gros, ça donne le droit à la nature d’attaquer les gens qui la détruisent. J’ai trouvé ça très intelligent, parce que cela se joue vraiment sur une chose minime. On a toujours tendance à se dire qu’il faut changer énormément les choses pour réussir à faire bouger le monde. Et, en fait là, non, ce ne sont vraiment que les petits détails qui comptent et on est capable de changer grâce au système qui existe déjà.

Delphine : Camille de Toledo, voilà, il est là, il a imaginé que dans le futur, il y aurait des maisons qui avaient été détruites pour faire des zones de pluie à carbone. Et les gens qui n’étaient pas contents décidaient de porter cela devant les tribunaux. Son histoire est pour moi très émotionnelle. Il y a un enfant qui dit : « Mon père est revenu en pleurant. Il avait les larmes qui coulaient et je me demandais pourquoi il pleurait comme ça, pourquoi il était si triste, qu’est-ce qui s’était passé ? » En fait, il pleurait de joie en disant : « Les abeilles ont cessé de mourir. Si les abeilles cessent de mourir, ça veut dire qu’on est en train d’y arriver ». Il imagine qu’il y a un vrai changement, sur les femmes aussi. Camille de Toledo, c’est lui qui nous a donné cette idée de lancer des procès : le lac d’Annecy contre les propriétaires du lac, Danube contre la mairie de Vienne, la mer du Nord contre les tankers russes, la Haute-Méditerranée contre Canal de Suez, les Association des forêts primaires contre les producteurs de charbon. Après, moi, ça me tient à cœur, aussi, de dénoncer, même si ça m’a replongée dans le truc pas cool. C’est vrai, quand tu replonges là-dedans, aïe-aïe, tu te dis, ouais, c’est pas possible là !

Louis : Alors ça, je trouve peut-être ce que tu dis un peu trop négatif, cela implique qu’il y a quelque chose de négatif dans le monde, dans ce monde parfait. Ben « parfait » ici c’est entre guillemets, ce n’est pas parfait, mais dans ce monde désirable.

 

Scène 4 : la coulée de boue

Delphine : Et puis, qu’est-ce que notre héroïne fait là ? Qu’est-ce qu’il lui arrive ? Quelle est la base de la technique, surtout ?

Louis : Tu écris, tu vas utiliser beaucoup de papier, tu vas écrire beaucoup de choses qu’on ne va pas garder.

Delphine : On n’a pas la fin, on n’a rien, on part sur quelque chose dont on connaît le début, mais on ne sait pas où on va aller. Qu’est-ce qui fait partir Camille à la fin ?

Louis : Une coulée de boue.

Delphine : Une coulée de boue, ça ne me paraît pas évident comme résolution du problème de la fin.

Louis : Ben, on va quand même choisir ça, parce que c’est ce qui convient le mieux.

 

Scène 5 : le propel stretch

Delphine : Il y a cette histoire du propel stretch. Écoute, qu’est-ce que c’est exactement tes propel stretches ?

Louis : Le propel stretch est un tissu élastique qui se tend.

Delphine : Parce que là, tu les accroches où ? Tu vois, à quoi tu les accroches ? Ça s’étire, OK, puis après ça, qu’est-ce qui fait que ça lâche ? Parce que si tu es accroché, comment tu te lâches ?

Louis : Elle l’accroche à une branche, elle le tend, puis elle se lâche et ça la propulse dans le ciel et comme ça, elle peut faire 50 km quand même, hein !

Delphine : Il faut qu’elle ait un casque, il faut qu’elle ait un masque !

Louis : Peut-être qu’il ne faut rien dire, on laisse les gens imaginer les choses.

Delphine : Oui, d’accord, on l’imagine et ça ne choque pas trop les gens. On ne veut pas trop d’incongru. On veut que ce soit quelque chose qui soit vraiment possible à imaginer. Il n’y a donc pas la magie qu’on trouve dans les contes. Par exemple, il n’y a pas d’animaux qui parlent, alors que dans les contes, fréquemment, un oiseau parle, un cerf parle, là, non, les animaux ne parlent pas. En tout cas, on ne comprend pas leur langage.

 

Scène 6 : La zone désaffectée

Louis : Il y a une zone désaffectée.

Delphine : J’écris « zone désaffectée » en couleur.

Louis : Ce n’est pas forcément écrit, là, en projection. En fait, ça fait partie du trajet : ici c’est la ville, la prairie, et il y a la zone désaffectée, tu sais, où il y a des usines en ruines qui sont en reconversion, c’est tout ce qu’on trouve dans la ville. Tout en haut de la ville, en fait, tout est en recyclage de plateformes pétrolières.

Delphine : J’écris : « Animaux, ponts de singes, hôtels à insectes ». Tout ce que dans l’imaginaire on voudrait qu’il y ait dans cet endroit. Globalement il faut qu’on touche un peu à tout sans aller à chaque fois vers les mêmes choses, parce que tu peux vite être trop répétitif.

Louis : C’est un vrai casse-tête.

Delphine : Par exemple, je voudrais parler quand même des femmes, d’un lieu où l’on prend soin des personnes âgées, où les enfants naissent, qu’il y ait un lieu pour ça. Ce n’est pas évident de parler de tout cela et en même temps de continuer l’histoire de la quête de Camille. C’est dense, parfois il faut faire des choix, ce n’est pas évident de tout conjuguer, d’éviter que ce soit lourd et en même temps de dire tout ce qu’on veut dire. Je voudrais parler de l’eau, je voudrais parler de toutes ces terres rares. « Pfff » je voudrais parler de l’argent « lala », le problème c’est qu’il y a tellement de sujets.

Louis : On commence par se dire « on garde tout, à peu près tout ce qu’on veut » et après, il faut enlever pas mal de choses.

Delphine : Mais ça, ça ne sert à rien de dire ça, on ne va pas parler d’argent.

Louis : Ben oui, on enlève.

Delphine : Oui, parce que cette histoire est tellement dense !

 

Louis :
C’est Delphine qui écrit le texte vu que c’est elle qui parle. Je dis « il faut dire ça », et elle l’écrit. Elle prend des notes, je lui donne les lieux et les humains, elle écrit et après elle commence à le raconter. Quand elle a le temps, elle s’enregistre et nous envoie une version, et puis après elle retravaille là-dessus et jusqu’à ce que cela l’aide à faire son chemin dans sa tête, elle a un déroulé, et ça fait qu’elle peut enlever des bouts et en rajouter d’autres. Elle envoie de l’audio ou du texte, ça dépend, et souvent les grands trucs on les fait en résidence.

Delphine :
Louis sur le canapé n’écrit pas, c’est moi qui écris. Lui, il est plutôt sur son téléphone pour chercher les choses. Par exemple, récemment on cherchait les cités sous-marines, il va chercher pour voir à quoi ça ressemble, ce qui existe vraiment, pour pouvoir peut-être s’en inspirer. Ou quand je lui dis : « Ah ! donne-moi un synonyme de ça parce que je suis en train d’écrire, je ne trouve pas le mot ». Hop, il cherche. Je lui pose des questions : « Ah ! parce que ça, tu penses qu’elle va faire comment si elle a fait ça, est-ce possible qu’elle préfère faire ça ? » Louis : « Ah oui attends, non mais c’est parce qu’elle fait comme ça tout simplement ! », et moi : « OK, ah oui, t’as raison ». Voilà.

Louis :
Après c’est une question de détail, je retouche très peu ce qu’elle fait, je donne mon avis, mais je ne vais pas lui dire : « Dis comme ci, dis comme ça ». Je sais que c’est elle qui va dire le texte. Delphine ne considère pas qu’elle improvise, il y a toujours un texte, mais elle le modifie au fur et à mesure qu’elle parle, elle considère que c’est de la mémorisation, la manière dont son cerveau mémorise ce qui va sortir, mais elle modifie un peu le texte. Après elle réécoute sa voix enregistrée en train de lire le texte et elle change des choses en conséquence. Au moment où elle l’apprend par cœur, il se modifie tout seul dans sa tête. Elle a une carte mentale qu’elle s’est faite de l’endroit où ça va, un chemin qui se déroule.

Delphine :
Je n’ai pas de problème de mémorisation parce que une fois que j’ai pris ce chemin-là, je sais que ça va tout droit et que ça roule. D’habitude, je prends un texte qui existe, je prends une histoire qui existe, que j’ai entendue ou que j’ai lue, donc j’ai un texte, j’ai quelque chose, une histoire traditionnelle de base. Après, je mets les mots que je veux, mais l’histoire existe. Parfois j’improvise autour du texte. Mais je travaille souvent l’improvisation chez moi, je garde le fil de l’histoire, je ne la trahis pas. Même si les textes sont parfois complètement écrits, si un texte est effectivement bien écrit, et que tu as un refrain, cette espèce de petite fredaine, c’est bien de le respecter, parce que ça donne du rythme à ton récit. Souvent, les histoires sont quand même bien écrites, mais après, tu peux vraiment transformer la manière dont l’histoire est écrite et la raconter vraiment autrement. Mais la plupart du temps, tu gardes le fil de l’histoire. Quand c’est moi qui écris le texte, je peux faire ce que je veux. Quand je travaille sur un texte, je cherche les mots comme si j’avais un public devant moi et quand je trouve une phrase qui tilte, paf ! je l’écris vite, hop ! OK, bon. Alors à haute voix je la répète et puis je continue. De fixer ce que je dis par écrit me permet de ne pas l’oublier, ce serait dommage quand on trouve une belle phrase qui a une belle musique. C’est quand je trouve mes mots, ma musique, qu’elle s’imprègne tout de suite, je m’en rappelle parce que ça colle bien. C’est quand je trouve les mots justes que je peux le mieux m’en souvenir.

 

22. Les dessins et leur animation. Louis et Maxime H.

Scène 1 : Coup de téléphone entre Maxime et Louis

Louis : Allo, Maxime ? On a décroché la subvention de l’Appel à projet immersif de l’AADN. Ben, ça y est, on fonce, quoi.

Maxime : Cette fois-ci, on y va. Mais moi, je ne sais pas faire de la bande dessinée, je ne sais pas faire du motion design, je n’ai absolument pas les compétences pour faire ça. Franchement, je ne vois pas du tout où je vais. Ah ! Louis, si ça se trouve, il va falloir que quelqu’un m’aide parce que je ne dessine pas spécialement des personnages, en tout cas, pas des personnages animés, je fais beaucoup plus de décors. Comment on va faire ? Et en plus, on a gagné une subvention pour être immersif, donc, sous dôme. Moi, je ne sais pas faire un dessin qui se tord sous un dôme, donc, il y a quand même pas mal de défis. Mais bon, on va bien voir, on y va !

Louis : À mon avis, pour adapter le dôme au frontal, je vais avoir besoin de temps au lab. ou bien il faudrait qu’on ait encore une résidence tous ensemble. Je n’ai pas l’intention de t’intégrer dans la plupart des résidences parce que je sais que tu viens d’être papa et je sais ce que cela veut dire. Ce n’est pas la peine pour toi de venir, vu que tu ne joues rien « en direct » entre guillemets, il n’y a pas besoin forcément que tu sois là, même si pour la cohésion c’est toujours plus intéressant que tu sois là.

Maxime : Les résidences, en théorie – il y a la théorie et la pratique – tout est déjà fait, puisque tous mes dessins doivent tous être prêts. Sauf que si c’est la première fois qu’ils sont projetés, ben je me rends compte que mon arbre que j’ai dessiné est trop petit, ou qu’il n’apparaît pas très bien en termes de contraste, donc il y a beaucoup d’allers-retours avec toi, Louis.

Louis : En fait, j’intègre les images dans mon logiciel qui les projette.

Maxime : Et au fur et à mesure que tu me les projettes, je me dis souvent, « Ah ! non, je ne vais pas laisser ce dessin, il n’est pas adapté ». Ou je fais des modifications. Donc les résidences, ça sert à ça. Il faut que je sois là vraiment dès le début pour faire les allers-retours avec toi quand tu mets en place le récit pour voir si c’est adapté au lieu. Alors comment va-ton travailler ?

Louis : On travaille d’abord tous les deux séparément. Il faudrait que tu dessines une usine pour la fin du conte.

Maxime : Ah ! non, je n’aime pas trop comme ça !

Louis : Ils sont où tes dessins pour les deux gros projets « Nuit Blanche » à Paris ? Tu les as faits ? Je peux passer chez toi pour les voir ?

Maxime : Je vais les mettre dans la Dropbox, tu peux aller les voir régulièrement. Il y en a des nouveaux.

Louis : Voilà, il faut que tu me dessines une ville où les immeubles et la nature sont entremêlés. Ils sont entremêlés, mais quand même de façon distincte, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait des passages pour les animaux et après, il doit y avoir d’autres passages pour les humains, et voilà, vas-y quoi.

Maxime : Ben, je n’ai aucune idée… Je vais te faire 3 ou 4 croquis, mais franchement, là, je n’ai aucune idée. Il faudra qu’on prenne pas mal de café ensemble.

Louis : Je ne te fais jamais chier, tu fais ce que tu veux. Enfin si ! ouais, je te fais chier ! C’est bien ce que tu as fait avec le dessin de la ville, mais, hop là, je vois que tu as dessiné la ville vue d’en haut. Il faudrait qu’on la voie du dessous, comme ça, ça serait mieux, tu vois. Il faut me refaire la ville.

Maxime : Ça va, je suis reparti pour 20 heures de dessin pour refaire la ville.

Louis : Oui et on va voir cette image que pendant trois secondes à un moment donné, alors que je sais que ça t’a pris énormément de temps.

Maxime : C’est un peu frustrant.

Louis : Si tu ne le fais pas, cela ne va pas me déranger, tu peux tout aussi bien ne pas suivre mon avis.

 

Maxime :
En ce qui concerne les moyens d’adapter les dessins pour pouvoir les montrer sous le dôme, au début je n’avais aucune idée de la taille, du niveau de précision dont j’avais besoin pour faire les dessins. Je ne savais pas, quand j’allais mettre mon dessin dans le dôme, s’il allait être trop petit ou trop grand, donc en fait, j’ai fait en sorte que le dessin puisse se répéter latéralement. C’est-à-dire que quand on a le dessin, si on fait une photocopie, par exemple, et qu’on le met à gauche du dessin initial, alors il se raccorde parfaitement, et donc voilà, c’est infini. Je me suis dit que si je dois dessiner une forêt, je commence à dessiner quatre arbres, et je sais qu’après, je peux reproduire le motif à l’infini. Donc je pensais pouvoir changer, de réadapter ma production en fonction, si je me rendais compte qu’il me fallait reproduire quatre fois mon dessin pour faire le tour ou s’il fallait huit fois, je pensais ainsi pouvoir me régler comme ça, sachant qu’après, si c’est vraiment trop décalé, j’aurais à étirer un peu mon dessin pour être à la bonne hauteur. En tout cas, j’ai fait ce pari de reproduire le motif.

 

Scène 2 : Maxime et un membre d’une équipe technique

Un membre d’une équipe technique : Bonjour Maxime. Tu as une question ?

Maxime : Comment faire pour adapter l’image à la projection sous le dôme ?

Le membre d’une équipe technique : Voilà, il faut que ce soit un rond, donc l’image qui est vidéo projetée, c’est un rond.

Maxime : OK, mais moi, mes dessins, ce sont des carrés ! Et surtout, je suis incapable de prédire la déformation que je dois appliquer pour dessiner dans un rond.

Le membre de l’équipe technique :
Il faut que tu dessines sans la moindre déformation, et que sur ton ordinateur, tu trouves quelle commande, quel outil utiliser sur Photoshop pour procéder à la déformation.

Maxime : J’ai cherché hein ! j’ai cherché sur internet, j’ai fait des tests, je n’y arrivais pas du tout ! Ça me faisait une déformation trop bizarre, et j’ai fini par trouver qu’effectivement, je pouvais tordre le dessin en demi-cercle, et dans ce cas, je pouvais faire un copier-coller en symétrie, et cela produisait un cercle complet que je pouvais vidéo-projeter. Et après cela, une fois que ça, ça marche, c’est vraiment comme une machine, c’est-à-dire qu’après, quand je fais un nouveau dessin, j’utilise la même commande, et le travail se fait automatiquement. Une fois que j’ai un nouveau dessin, il est traité par la machine, et il ressort avec la bonne taille, la bonne déformation, et après, je peux éventuellement faire des petits réglages. Une fois sous dôme, c’est quand même le moment de vérité et je me dis : « J’ai bien anticipé par rapport à la dernière fois, mais peut-être que dans ce dôme-là, ça nécessitera une petite mise à l’échelle ». Donc, à chaque nouvelle résidence, il y a, avec Louis, un temps de réglage, où je dois souvent lui redonner tous les contenus un par un pour les remettre à l’échelle.

 

Louis :
En fait sur l’animation des dessins, je récupère un dessin que m’a fait Maxime, qu’il a déjà inversé pour que le fond soit noir à la place d’être blanc. Quand on est sous le dôme, il a déjà traité l’image pour l’adapter au dôme. Et moi à partir de là, je les allie pour en faire ce que je veux, sachant que le but de l’animation, c’est vraiment de faire un truc très simple au début de l’histoire, et de le complexifier au fur et à mesure du récit. Je rentre une image dans le logiciel et grâce à ça je peux l’animer, la déplacer, et mettre des effets par-dessus, des effets de style. Pour animer les images il faut que je lance quelque chose, qu’elles se déplacent d’une certaine manière, à une certaine vitesse, qu’elles montent et qu’elles descendent, etc. Voilà, à la base, le logiciel n’est pas fait pour faire ça, mais je m’en sers de cette manière. Après je fais des fondus, soit un fondu au noir avec une autre image, ou bien l’autre image qui apparaît par-dessus une autre, ou d’autres options. Et je fais bouger des trucs à l’intérieur de l’image, ou je rajoute un calque, c’est-à-dire que je rajoute une autre image par-dessus la première et je la fais bouger. Par exemple, je fais monter les masques du Grand Conseil, enfin voilà, des trucs assez simples. Et pendant toutes mes premières résidences je galère à appuyer sur les manettes, à faire monter les images. Après je dois revenir en arrière : une fois qu’on a fini la boucle qu’on a fait, il faut que je reprenne tout depuis le début, que je me souvienne où sont les choses pour les remettre à zéro pour pouvoir après les relancer, pour que, quand je reclique sur le truc, ça redémarre l’animation au bon endroit

J’avais fait un clip pour Kunta, qui est le groupe de Yovan, j’ai participé avec eux à une résidence au LabLab, où je faisais la partie de projection vidéo (il y avait quelqu’un qui filmait), et c’était une galère de fou, parce que j’étais sur Resolume, et eux avaient un truc où c’est timé sur leur Medlay [26] qu’ils ont fait à la seconde près. Et du coup, le vidéaste a refait exactement le même plan sept fois pour pouvoir faire son montage à l’intérieur. Ça voulait dire que toutes mes vidéos devaient être timées au poil de millième près. Et ça nous a pris deux jours, c’était interminable. Alors je me suis dit : « Plus jamais ça, c’est vraiment trop horrible ! ».

Scène 3 : Louis, un collègue et le logiciel Chataigne

Un collègue : As-tu entendu parler d’un autre logiciel qui peut piloter ça, qui s’appelle « Chataigne » qui a été conçu par un lyonnais, Ben Kuperberg ? Avec Chataigne, tu aurais pu lancer, clip par clip, tes trucs et ça aurait pu être dans une timeline mais vraiment à la seconde près. Chataigne est une espèce de tableau de bord qui fait communiquer les différents logiciels entre eux.

 

Louis :
Donc, je me mets sur Chataigne, je fais des tutos simples, il y a une documentation, etc. J’arrive plus ou moins à lancer mon premier clip tout seul : si j’appuie sur telle lettre du clavier ça lance le clip. Mais après, j’ai découvert qu’il valait mieux le placer sur une timeline, parce que si je dois utiliser toutes les touches de mon clavier, je risque de me tromper de touche et ça ne marchera plus. Avec la timeline, chaque fois que j’appuie sur la barre espace, je lance un truc, et je peux appuyer une deuxième fois pour l’arrêter.

 

Scène 4 : les mêmes plus tard

Le collègue : Je vais te montrer comment utiliser les cues, de sorte que le truc s’arrête automatiquement au bon moment.

Louis : Mais quand j’utilise les cues, il arrive souvent que deux choses se déclenchent quand j’appuie sur espace : Ah ! non ! pas ça !

Le collègue : Ah ! oui, c’est vrai pas con !

Louis : On pourrait se servir du téléphone pour le faire ?

Le collègue : Tu peux essayer, ça marche aussi.

 

Louis :
Du coup, ça marche aussi, mais je ne peux pas tout faire, parce que Chataigne ça marche bien pour le Resolume, mais je n’arrive pas à récupérer les dessins, enfin je ne peux pas réadapter le Live Drawing avec Chataigne. C’est-à-dire que je ne peux pas le faire tout le temps, enfin il faut que je sois tout de même derrière mon ordinateur à certains moments, notamment quand il y a la participation du public, ne serait-ce que pour voir ce que les gens écrivent. Quand j’ai des galères, j’appelle les copains au téléphone pour savoir comment faire les choses. Dans tous les projets, c’est tout le temps comme ça.

 

Scène 5 : Louis et le logiciel Chataigne

Louis : Grâce à toi, Chataigne, j’arrive à me faire une time line.

Chataigne : Oui tu me donnes des éléments.

Louis : Voilà un élément, tu lances ce truc-là, tu le fais monter jusque-là.

Chataigne : Tout ce que tu faisais à la main, je le fais tout seul automatiquement. Voilà cinq images de faites.

Louis : Et là tu me remets la première à zéro, enfin par exemple telle coordonnée à 5000 pixels tu me la remets à zéro et tu remets une opacité de 100%.

Chataigne : Oui, Louis, avec plaisir. Grâce à moi, tu topes tous tes trucs maintenant, tu n’as plus besoin de cliquer, de chercher, de déplacer les choses.

Louis : Grâce à toi, je n’ai plus qu’à appuyer sur « espace », ça déroule le truc et voilà.

 

Scène 6 : Louis et Maxime. Projection sous le dôme

Louis : Grâce à un autre logiciel, j’ai pu dépasser les contraintes qui étaient les miennes au départ. Par contre, quand on est passé sous le dôme, il y a eu vraiment un moment de flottement, parce que tous mes trucs qui étaient des travellings de gauche à droite, de haut en bas, en diagonale, sous le dôme ça ne marche pas. Parce que si tu bouges de gauche à droite, ben là tu n’as plus rien, il n’y a plus d’image et ça fait un peu bizarre. Parce que sous le dôme, l’image est carrée, 7000 par 7000 ou 8000 par 8000, où en haut, en gros, c’est le centre de l’image.

Maxime : Je fais des dessins sur un format carré de 4000 par 4000 pixels, ensuite, je les balance dans mon logiciel pour en faire des cercles. Pour faire mon demi-cercle, je suis obligé de copier un deuxième dessin pour produire un rectangle de 4000 par 8000 pixels. Je multiplie ensuite le demi-cercle par deux pour obtenir symétriquement un cercle complet. Donc je sais qu’en général, quand je fais un dessin 4000 par 4000, il apparaîtra 4 fois sous le dôme. Le centre du cercle, c’est le point le plus haut de l’image dans un dôme et c’est là où la déformation est la plus forte. Donc je n’ai pas intérêt à trop m’approcher du centre, parce que sinon mes dessins, ils sont vraiment très, très écrasés. Comme on a beaucoup de scènes d’extérieur, souvent mes dessins sont rectangulaires. Et quand je les passe sur l’ordinateur, « hop », j’augmente la surface de la page en haut et ça me fait un format carré. Et il y a juste certains éléments qui m’ont obligé à changer de stratégie : par exemple, on est dans une bibliothèque, avec des livres jusqu’au plafond, j’ai fait vraiment un dessin assez petit, un motif que j’ai multiplié peut-être 50 fois, comme un papier peint et donc après, là, j’ai pu le mettre jusqu’en haut. Le motif est multiplié en largeur et en hauteur, donc le dessin doit pouvoir se superposer à lui-même à la fois verticalement et horizontalement.

Louis : En fait, j’ai mis un peu de temps à comprendre comment on fait, et après de comprendre que si je voulais animer mon image, il fallait que je zoome à l’intérieur de ce carré de 7000 par 7000 pour qu’on voit un déplacement comme ceci ou comme cela. Donc je zoome et je fais des rotations, voilà. J’ai pris une suite de plug-ins d’effets sur Resolume [27] qui sont spécialement adaptés pour le dôme et qui me permettent de faire ce qu’on appelle « Fisheyes rotations ».

 

Maxime :
J’aurais pu choisir une façon beaucoup plus simple de dessiner pour correspondre aux divers formats de projection. J’aurais pu, je pense, dessiner directement sur un iPad et faire tout de façon informatique. Mais je fais de l’ordinateur toute la journée quand je suis architecte, je voulais vraiment passer par le feutre. Donc déjà, je pense que j’ai fait un choix un peu archaïque : tout part d’une feuille de papier et d’un feutre. Pour que les dessins puissent se suivre, je fais mon premier dessin, ensuite, je fais comme un marque-page qui fait la même hauteur que le dessin que je viens poser à droite du dessin, donc je prolonge le dessin, je prends mon marque-page, je le passe de l’autre côté de la feuille, et là, je reprolonge et je fais en sorte que ça marche. Et c’est ce petit marque-page que je peux glisser à droite et à gauche qui va me faire la continuité des dessins. C’est vrai que là, c’est très simple à montrer, mais assez difficile à expliquer.

Parfois, j’ai travaillé avec du papier calque : au début de la pièce, il y a une forêt et ensuite, il y a une ville dans la forêt. Donc j’avais deux solutions : soit je restais archaïque, et je redessinais une deuxième fois la forêt en ajoutant la ville, soit je prenais une feuille de papier calque à l’ancienne et je dessinais ma ville par-dessus. C’est ce que j’ai fait, j’ai gagné pas mal de temps, j’ai pu plus me concentrer sur d’autres choses. Donc, il y a quelques fois où le dessin final n’existe pas vraiment, il n’est pas complètement sur un seul papier. Il n’est pas utilisable tel quel pour une exposition. À un autre moment, il y a un vaisseau volant, j’ai dessiné d’abord ce vaisseau vide, parce qu’on n’avait pas trop de temps. Et je me suis dit, ce n’est pas grave, je vais mettre une feuille par-dessus et je vais dessiner tous les personnages et comme ça, si je me rate sur un personnage, ce n’est pas grave, je ne vais pas perdre mon vaisseau, j’aurais droit à un deuxième essai. Quand je n’ai pas tout à fait confiance, je me donne cette possibilité d’avoir plusieurs épaisseurs de dessin que je peux après faire fonctionner ensemble sur l’ordinateur. C’est une liberté qui est assez agréable, quand on dessine, tout part de la main, mais après, on peut réassembler, on peut corriger, on peut gommer aussi.

Sur l’ordinateur, ça peut m’arriver que j’aie des petites jonctions qui ne soient pas toujours parfaites, étant donné ma fameuse technique archaïque de marque-page, donc ça me demande un peu de reprise. C’est ainsi que j’ai plus gommé pour faire des ajustements, que dans le cas d’avoir à refaire un dessin à cause d’une mauvaise trace, comme une goutte de café qui tombe accidentellement sur mon dessin qui est fini. En cas d’erreur, j’ai l’ordinateur qui peut me sauver.

 

Scène 7 : Louis et Maxime

Maxime : Là, le dessin est trop petit, là tu me l’as tordu, là ça ne va pas.

Louis : Mais là, ce dessin-là, il ne sort pas bien, il n’est pas assez contrasté ou il est trop petit.

Maxime : Je vais bosser dessus.

Louis : Non mais là ça ne va pas, c’est trop petit, c’est moche. Je devrais le modifier.

Maxime : Mais je ne pensais pas que tu arriverais à trouver autant d’effets différents pour que ce ne soit pas ennuyeux et que ce soit logique avec le fil du récit.

 

Maxime :
Les croquis sont réalisés en noir et blanc et de façon très lâche, c’est-à-dire que je laisse un peu le poignet guider et quand le croquis commence un peu à prendre forme, je passe en couleur pour distinguer un peu les différents éléments.

 

Photo: Nicolas Sidoroff
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Maxime :
Ma façon de dessiner est basée sur des motifs qui se répètent. Dans les croquis, j’essaie d’abord de trouver les ingrédients de la recette et puis après, je cuisine les choses à partir de là. Par exemple, il y a beaucoup d’arbres dans les dessins, donc, je trouve un peu la bonne forme d’arbre.

 

Photo: Nicoals Sidoroff
Photo: Nicoals Sidoroff

 

Maxime :
Ensuite, si c’est une ville, je trouve le motif de façade et dans le cas de la ville, il y a des passages pour les animaux. J’ai trouvé une solution : ils sont suspendus sur des ballons. Et après, tout s’est un peu assemblé et je fais en sorte que ce soit toujours enchevêtré, mais si on voit bien que ça s’enchevêtre, pourtant ça ne se cogne pas. C’est un peu comme ça que je fais mes dessins, pour avoir une espèce d’harmonie entre plein d’ingrédients.

 

Photo: Nicolas Sidoroff
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Maxime :
Mes premiers croquis, c’est au stylo, pas au crayon de papier. Et après, quand j’en arrive vraiment au dessin final, j’utilise le crayon de papier pour tirer un peu les grands axes, c’est-à-dire que cela donnera la silhouette des grands éléments. Et après, je les dessine tout de suite au feutre. Et à la fin, je gomme mes petites silhouettes que j’avais faites au début. Donc il y a bien quelques lignes qui structurent le dessin.

En général, je fais mon dessin au crayon de papier et je le gomme à la fin, j’ai assez peu besoin d’y revenir. J’ai juste fait quelques dessins où, d’habitude, j’essaie de faire abstraction des règles de perspective, je les respecte un petit peu, mais je suis assez libre. Il y a quelques scènes qui sont en intérieur et j’avais envie d’avoir de bonnes proportions, donc là, ça prend beaucoup plus de temps. Il y a quelques dessins où vraiment, j’ai passé je pense 2 ou 3 heures juste sur le crayon de papier à dessiner, gommer, dessiner, gommer jusqu’à ce que j’aie vraiment trouvé le dessin et pour le coup, je redessine entièrement au feutre, mais c’est presque plus un travail de mise en couleur. Pourtant, il y a beaucoup de dessins où il s’agit d’une ébauche très lâche qui devient tout de suite un dessin achevé. Dans mes dessins, j’utilise différentes démarches.

Il y a une partie de la pièce où l’animation des images est prédominante et au début, je ne sais pas comment on va faire. Je fais plein de dessins, mais je ne sais pas comment on va faire pour les animer. Je fais confiance à Louis, en me disant qu’il saura comment on fait la transition quand on passe, disons, de la forêt à la ville, il va faire un fondu au noir, ou bien il va faire apparaître l’image progressivement, donc c’est lui qui fait de la vraie création artistique en liant les choses. Il y a donc des personnages, des éléments à intégrer dans l’image, c’est lui qui va les positionner et les faire se déplacer (parce qu’on a des objets qui se déplacent).

 

Photo: AADN
Photo: AADN

 

23. Une musique traditionnelle du futur ?

Scène 1 : Louis et Yovan

Louis : Je veux que tu me fasses de la musique traditionnelle du futur.

Yovan : C’est compliqué, car la musique traditionnelle est déjà pleine de codes, ça ne correspond pas à ma façon de travailler.

Louis : Je dis ça, parce que je suis sous l’influence de Super Parquet, un groupe qui mixe de la musique électronique avec de la musique traditionnelle du centre de la France, que j’ai vu en concert et qui m’a vraiment beaucoup plu, j’aime bien ce côté un peu musique traditionnelle du futur.

Yovan :L’idée est plutôt d’avoir une électronique qui ne soit pas que synthétique, et surtout, et je ne connais pas assez la pratique d’une musique traditionnelle. Laissons les auditeurs imaginer des choses. On peut s’inspirer de beaucoup de différentes sources, ça correspond plus à ma façon de penser.

Louis : Si j’ai mentionné l’idée de la musique traditionnelle du futur, c’était pour t’orienter un peu.

Yovan : La musique traditionnelle pourrait peut-être me rassurer en prenant l’idée qu’on va essayer de la moderniser, cela pourrait vraiment devenir une base pour mon travail, vu que je n’ai pas trop de règles et que je ne sais pas par où commencer. Mais je préfère dire que je pars d’une musique électronique qui est aussi un peu organique.

Louis : Concernant la musique traditionnelle, j’avais parlé aussi avec Jacques Puech [28] grâce à l’Ensemble Aleph et il m’avait expliqué que la musique traditionnelle est en fait une musique beaucoup plus vivante que toute la musique écrite, parce qu’elle évolue continuellement au fur et à mesure du temps. Du coup, je me suis dit que ça serait intéressant effectivement d’aller voir de ce côté-là.

Yovan : Ouais, j’aime bien, je vais reprendre des boucles de musiques traditionnelles africaines, ou bien des boucles de je-ne-sais-pas-quoi.

Louis : On n’est pas vraiment sur la fonction sociale de la musique traditionnelle, ni sur comment elle est écrite et comment elle se fixe.

Yovan : C’est plutôt quelque chose du genre : « Je vais reprendre des bouts de ci, et puis je vais les adapter à ma sauce ».

Louis : Et de toute façon, connaissant ta musique, je ne m’attends pas du tout à ce que tu ais une approche de musique traditionnelle.

 

24. L’élaboration de la musique. Musique pré-enregistrée ou musique en direct. Louis et Yovan.

Scène 1 : Louis et Yovan

Louis : Il s’agit de faire un spectacle immersif avec un musicien sur scène.

Yovan : J’aime bien avoir une trame bien définie pour comprendre ce que tu veux.

Louis : Je voudrais que tu improvises tout en faisant ta propre musique.

Yovan : Je ne veux pas faire ça, pour moi ça ne veut rien dire. Si tu veux que je compose des productions musicales comme des morceaux de musique électronique ou tout ce que je peux faire d’autre, eh bien, il faut le définir dans notre dossier de subventions, il faut qu’on arrive à le mettre en mots. Il faut expliquer les choses, donner des références de musique traditionnelle.

Louis : C’est un conte sur l’écologie, sur la planète, sur la nature.

Yovan : Alors, il faut peut-être quelque chose de plus que l’électronique, avec aussi des instruments organiques. Mais si tu veux, je peux ne faire que de la musique live avec du violon et des effets.

Louis : Mais non, moi j’aimerais que tu composes parce que tu as l’habitude de composer pour d’autres projets, que ce soit de l’électro, de la pop, ou d’autres choses.

Yovan : Dans ce cas-là, autant que j’essaye déjà de timer ce qui se passe avec la conteuse pour que la musique corresponde avec des bruitages. C’est plus simple de ne mettre qu’un petit peu de musique live, mais surtout d’avoir une vraie écriture musicale où j’ai plus de liberté pour composer, pas juste de jouer du violon.

Louis : Ça serait bien d’avoir plusieurs instruments.

Yovan : Je vais essayer de faire quelque chose qui suit un peu la conteuse et ce qu’elle raconte, et après je verrai ce que je peux jouer en live, on verra au fur et à mesure. Vu que je suis tout le temps sur ma souris à être sûr d’envoyer le bruitage au bon moment avec Delphine, alors je ne vais pas tout jouer en live, il faut que je fasse des choix. Du coup, il y a beaucoup de choses qui vont être pré-écrites, avec cette idée d’avoir des morceaux électroniques, et à un moment donné, comme tu veux du violon, oui, je peux me lever. Mais au début, je reste dans le noir.

Louis : Non, il faut qu’on te voie.

Yovan : C’est vrai que c’est important qu’on me voie, alors je te demande, est-ce que c’est important qu’on me dessine aussi ? Il faut choisir.

Louis : Bon, ben voilà, à un moment il y a du violon, c’est bien.

Yovan : D’accord, on voit bien que d’avoir un violon sur scène rajoute quelque chose au spectacle.

Louis : Il faut l’assumer.

Yovan : Tiens ! là, on est sur quelque chose de différent, on se laisse porter par les images, il y a de la musique en live et je pense que ça donne une respiration dans le spectacle. Et puis c’est toujours bien pour le public de voir un instrumentiste jouer sur scène, c’est plus agréable que de l’avoir dans le noir. C’est petit à petit, au fur et à mesure qu’on se rend compte de ce qu’il faut faire dans la pièce.

 

Yovan :
Le dossier de subvention a été écrit en reprenant ces idées et après, évidemment, dans la réalisation ça a pris une forme un petit peu différente. Avant de soumettre le dossier à AADN, Louis m’avait demandé de composer un morceau. Par rapport à ce qu’on avait mis sur le cahier des charges de la musique dans le dossier, j’étais parti sur une instrumentale à partir d’un échantillon de percussion africaine et j’avais réalisé un petit morceau. C’était juste une question d’avoir un peu de musique et après cela a complètement changé. Cet échantillon de percussion africaine a été réutilisé pour un morceau dans le spectacle, c’est le premier segment que j’ai fait, justement quand elle survole la forêt au début. Après cela, j’ai fait le morceau d’intro, avec des sons d’oiseaux et de forêt, parce qu’au début, elle présente la forêt.

Louis :
Franchement, je ne m’attendais pas à ce qu’il utilise sa voix. Il faut savoir que Yovan est en ce moment chanteur et qu’il ne fait quasiment plus que ça. Yovan joue du violon en direct, mais sa voix reste enregistrée, car il a utilisé une superposition de sa propre voix pour produire un effet de chœur, il s’enregistre sur pas mal de trucs. Quand j’ai reçu les premiers morceaux qu’il m’a envoyé, j’ai d’abord pensé que ce n’était pas du tout ce que je voulais, mais au final j’adore. Effectivement, cela n’a rien à voir avec la musique traditionnelle du futur, ce n’est pas ce qu’il fait.

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

 

25. La musique et le conte, Delphine et Yovan.

Yovan :
Et ensuite Delphine est arrivée et une fois qu’elle a mis l’histoire en mots, il s’agissait de trouver les moments où j’aurais des espaces pour la musique. J’ai demandé à Delphine de s’enregistrer pour que je puisse écouter ce qu’elle racontait.

Delphine :
J’ai donc envoyé un enregistrement audio de mon texte à tout le monde et ils l’ont écouté chez eux en boucle. Avec Yovan, on a créé un peu ensemble et puis on a eu de la chance parce qu’on s’est tout de suite bien entendu. Il a pré-enregistré de la musique sur ce qu’il avait entendu de moi et on a tous les deux essayé des choses ensemble pour voir comment ça collait. Il y avait des choses qu’il avait faites qui n’allaient pas. Parce qu’une fois que je racontais l’histoire pour de vrai, ça ne marchait pas. Je lui avais envoyé le texte, mais en fait une fois qu’on racontait l’histoire, ça n’allait pas. Il a dû changer et faire un gros boulot d’adaptation à la présence d’une conteuse.

Yovan :
Delphine est surtout celle qui a le plus influencé le résultat sonore final, parce que j’écoute sa manière de raconter l’histoire.

 

Scène : Delphine et Yovan.

Yovan : Tiens, là, ce serait bien de couper un petit peu. Voilà, là, je propose de couper la narration et de mettre de la musique. Tiens, pendant que tu dis ça, ça ce serait bien qu’il y ait un peu de musique derrière pour donner du rythme.

Delphine : J’aime bien le fait que tu apportes une musique qui me donne aussi un rythme. Ça m’aide, ça donne un ton, un rythme.

Yovan : Ce qui est le plus simple pour moi, c’est de trouver le rythme en fonction de ton texte. Souvent toi et Louis, vous êtes vraiment axés sur l’écriture du conte, alors que moi, je suis plus préoccupé par le rythme [il frappe des coups réguliers sur la table avec sa main], comme ça… voilà, comme ça… Le rythme du spectacle : quand on raconte notre histoire, peu importe combien de temps ça dure, est-ce qu’il y a du rythme ?

Delphine : Il faut se demander si ce n’est pas un peu ennuyeux à certains moments ?

Yovan : Oui. Dans deux des compositions, je joue du violon. Ce sont vraiment deux moments. L’un des deux correspond à la séquence de la balade, c’est improvisé, j’ai écrit quelque chose de simple, quelque chose que j’ai commencé par jouer, que j’ai développé en improvisant et que maintenant j’essaie de garder tout le temps. C’est lié au rythme du spectacle.

Delphine : Je pense que tu es d’accord pour prendre en compte ensemble les variations qui pourraient se produire.

Yovan : Oui, tout à fait.

Delphine : Si tu entends que je dis quelque chose qui veut dire la même chose que ce que je dis d’habitude, mais pas avec les mêmes mots, il y a toujours un silence qui signale que j’ai fini, alors, tu balances la musique.

Yovan : Je vais essayer de faire quelque chose qui suit un peu ce que tu racontes, et après je vois ce que je peux jouer en live, on verra au fur et à mesure.

Delphine : Ouais, j’essaye de respecter ce que tu fais, on jongle tous les deux, c’est réciproque. C’est quand même plus moi qui m’adapte à toi, mais tu dois aussi le faire avec moi.

Yovan : Pile quand tu dis ça, paf ! je balance cette musique et paf ! tu dis ça.

Delphine : Je ne connais pas encore le texte par cœur.

Yovan : À ce moment-là, quand tu dis ça, après, il y a un silence, je vais caser cette musique.

Delphine : Je suis conteuse, moi ! Comment tu veux que je me rappelle ?

Yovan : Il faut aussi trouver des bruitages, parce qu’on en a besoin à certains moments.

Delphine : Ils doivent être synchronisés entre toi et moi. Par exemple, à un moment donné où un talisman tombe par terre, il dévale 4 ou 5 marches et puis il s’arrête aimanté à un livre. Là, il faut qu’on soit exactement ensemble, c’est vraiment un bruitage précis. Mais après c’est facile dans le sens où je sais qu’à partir du moment où je commence à déballer ce que je dis, c’est-à-dire le talisman qu’elle a dans sa poche, qu’elle sent dans sa poche, il tombe à terre, ça-y-est c’est parti ! tu l’envoies. Elle sent que dans sa main le talisman bouge et toi, ça-y-est, tu sais qu’il faut que tu envoies le bruitage.

Yovan : Les bruitages doivent parfois être fabriqués : par exemple, à un moment il y a une luciole électronique, c’est forcément un cliché. J’ai en tête un son dans Star Wars, où il y avait une espèce de papillon sur Tatooine, une espèce de personnage volant. Tiens, le bruit des ailes, je me souviens de ça, alors on peut essayer de le retrouver – comme Louis adore Star Wars, il connaît peut-être la référence – ce n’est pas évident d’y arriver.

 

26. La musique et le conte. Louis et Yovan

Louis :
Ce n’est pas parce que la musique de Yovan a été écrite avant, qu’elle est totalement fixée. Il y a plein de moments où il joue des boucles et il fait pas mal de bruitages aussi pour correspondre à l’action sur scène.

Yovan :
Par la suite on a trouvé d’autres solutions : par exemple, contre un mur, un mur acoustique où il y a des trous (c’est plein de petits carrés dans le mur), et du coup on a mis nos doigts dedans, « Brrlrrlrrlrrlrrlrrlrrl », ça faisait un peu le bruit des ailes, ça fait une espèce de bruit de luciole électronique. J’ai fabriqué ce genre de sons. Sinon je suis aussi allé sur Splice où il y a des samples de sons, la Sonotec. Les sons qu’on a utilisés sont souvent des sons de la nature, après ça dépend des situations. À un moment donné, il y a une histoire de mousqueton quand Camille s’accroche à un câble, il faut trouver un son de mousqueton. Quand on ne peut pas le trouver en ligne, il faut le fabriquer, c’est encore un autre type de travail. À un autre moment, il y a les chasseurs d’éclair qui entament un chant, c’est ce qui est vraiment là dans le texte, donc j’ai fait un chant pseudo-grégorien, ce n’est pas vraiment ça, mais c’est quelque chose d’épique.

 

Scène 1 : Delphine, Louis et Yovan

Yovan :
Bon, là, ça manque un peu de bruitage, il faut entendre les éclairs.

Louis :
En fait, il faudrait des bruitages, mais il faudrait les avoir avant les éclairs.

Yovan :
Quand elle voit les chasseurs d’éclairs, ils sont déjà derrière elle, ils arrivent. Tiens ! ce serait bien que sur les chasseurs d’éclairs, où Delphine raconte quelque chose, il n’y ait pas de musique, et pendant qu’elle parle que la musique revienne petit à petit.

Delphine :
En fait, peu de temps après, je m’arrête de parler pendant deux minutes et je laisse la musique tourner.

Yovan :
La musique continue pendant que la chasse se poursuit. Il faut trouver des moyens de découper le texte en sections pour insérer des morceaux de musique ou pour le traiter comme un élément musical. Comme ça on accorde bien nos violons et ça fonctionne bien.

 

Yovan :
Je chante aussi un peu, j’utilise ma voix pour avoir des chœurs dans mes compositions (en réenregistrant ma voix) ou juste une voix, mais je ne me considère pas comme un chanteur.

 

Scène 2 : Delphine, Louis et Yovan

Louis : Pourquoi ne pas faire chanter le public ?

Yovan : Oui, mais à ce moment-là, est-ce qu’on ne va pas perdre la chose ? En fait, on va regarder en l’air et on va voir les chasseurs qui s’élancent pour chasser et je trouve que ce passage est bien comme ça.

Delphine : Louis et moi, on voudrait faire chanter les gens.

Yovan : Ben voyons ! il faudrait trouver un autre moyen, à un autre moment dans le spectacle.

 

Yovan :
Pour moi, c’était beaucoup trop d’idées, c’est ce qui a été difficile, en tout cas au début : décider de ce qu’on allait en faire. C’est que le rôle de Louis était d’imaginer les choses, c’était vraiment une bonne chose, parce que l’univers qu’il a voulu développer est très intéressant, mais il a amené tellement de choses en plus du scénario, l’idée de parler d’écologie, les dessins, la conteuse, la musique, la musique en live, plusieurs instruments (etc.), qu’il a fallu tout simplement faire des choix à un moment donné.

 

Scène 3 : Louis et Yovan.

Yovan : Tiens, ça pourrait être intéressant qu’à certains moments où Delphine raconte l’histoire, il y ait un interlude musical pendant telle ou telle promenade.

Louis : On peut essayer d’imaginer ces moments-là.

Yovan : Alors j’aurais au moins quelque chose sur lequel je puisse m’appuyer.

 

Yovan :
Donc, les choses se mettent en place petit à petit, parce qu’il fallait penser à tout, c’était notre premier spectacle, on n’y avait pas trop réfléchi. Louis avait ses concepts mais il n’avait peut-être pas toutes les clés de ce projet ambitieux. Mais c’est bien, au moins on a appris beaucoup de choses, on a découvert le monde des bruitages, et tout ça.

 

27. Les conceptions de Yovan sur la musique et de Maxime sur les dessins.

Yovan :
Je connaissais Maxime un petit peu avant. Je n’avais pas vu beaucoup de ses dessins, mais je savais qu’il travaillait dans l’architecture. Je le connaissais aussi via le Live Drawing Project de Louis. Les dessins de Maxime donnent tout de suite l’ambiance, un peu comme un roman graphique géant, c’est ce que j’ai bien apprécié. La question est alors de savoir comment doser le conte, la musique et les dessins. Parce qu’une fois qu’on a les dessins, certains disent : « Tiens, il en faudrait plus », et d’autre disent : « Il en faudrait moins, parce qu’on ne regarde pas la conteuse ». C’était très ambitieux parce qu’il y a tellement de choses, c’est la façon normale de travailler à faire un spectacle. Je n’ai pu voir les dessins que pendant les résidences, parce que Louis les reçoit et il doit adapter leur format pour les projeter dans l’espace dans lequel on travaille. Je me suis dit parfois : « Tiens ! ce serait bien qu’il y ait quelque chose un peu comme une scénographie dans un concert d’électro, où il y a telle image qui apparaît pendant la musique, enfin des calages ». Finalement, ça s’est transformé en tops : « Tiens là, je lance cette musique avec l’apparition des dessins, ce serait bien que tout de suite on soit dans la nouvelle ambiance ». Il y a quelques tops comme ça. Moi, j’aurais bien aimé que ça communique un peu plus, ça communique un petit peu quand même, mais je pense qu’on pourrait aller encore plus loin avec ça à l’avenir.

Maxime :
Ce que j’aime bien dans le conte et ce que je trouve hyper étonnant, c’est vraiment la construction hybride du projet. En fait, on ne se marche jamais sur les pieds et c’est la façon dont Louis a construit l’équipe. C’est lui qui arrive avec un récit qu’il construit au fur et à mesure, avec assez d’informations pour nous permettre d’inventer des choses. Parfois, quand il nous donne des infos, j’ai l’impression qu’il n’a pas vraiment l’image en tête. Alors, je me dis : « OK, je ne sais pas où je vais, mais je vais te montrer un truc, on va voir ». Je pense que c’est la même chose pour Yovan et pour Delphine, où en fait, on apporte nos idées, et après, dans l’échange, on fait légèrement évoluer les choses. Louis est quand même très souple sur ce qu’il veut. C’est-à-dire qu’il sait ce qu’il veut, mais il n’a pas besoin de contrôler la forme de ce qu’il veut. Parfois, je l’ai emmené là où il n’avait pas prévu d’aller, mais il a dit : « OK, ça va dans le sens de ce que je racontais ». Je pense qu’il a bien établi des liens entre nous et qu’on a chacun pu avoir notre « couloir » (entre guillemets) d’expression, qui, du coup, s’additionne sans se gêner, vraiment en s’amplifiant. C’est ça que j’aime bien dans ce projet, c’est qu’on travaille un peu chacun dans notre coin, moi, sur mon bureau, Yovan, je ne sais pas où, Delphine, j’imagine, sur son ordinateur pour écrire les textes et à la fin, on s’additionne et ça donne quelque chose d’encore mieux.

Yovan :
Le format de la composition était un petit peu comme dans la musique électronique, avec l’aspect répétitif qu’il peut y avoir dans la techno, dans la musique électro, et du coup il y a souvent un beat répétitif. La direction que j’ai prise, c’est de partir de quelque chose qui est basé sur un instrument organique, par exemple un instrument chinois qui ressemble à un banjo. Bref, l’idée est de partir d’un instrument de musique traditionnelle, et d’avoir en même temps cet aspect électronique. Je savais que de toute façon les morceaux ne pouvaient pas être trop longs, parce que on s’en est vite rendu compte que quand Delphine racontait l’histoire, et par rapport à tous les mondes que Louis voulait explorer, il serait impossible de s’attarder. Pendant la semaine de composition, je me suis dit : « Tiens ! ça serait bien que j’aie ces trois morceaux, parce que tout simplement je n’aurais pas le temps de faire le reste avant la première résidence où je suis censé avoir tout écrit. Je ne vais pas m’étaler trop sur chaque composition, et éventuellement comme il y a un côté très répétitif, ce sont des choses que je peux faire évoluer sur la longueur ».

Maxime :
Pour moi, c’est Louis qui est au centre du projet, j’ai eu moins d’interactions avec les autres, mais ça n’a pas forcément posé problème. Je trouve que les musiques marchent très bien avec les dessins et je pense que Louis a donné de belles indications. J’ai peu eu les sons à l’avance, donc je ne peux pas dire que les sons que j’ai reçus ont influencé ma façon de dessiner et je ne sais pas dans quelle mesure Yovan a été influencé par les dessins en cours que j’ai envoyés au groupe.

Yovan :
Avec les dessins de Maxime, à un moment donné il est question de vélocité, où en gros il y a un tour de vélo. J’ai regardé les images de Maxime et je me suis dit : « Ben là, ce serait bien qu’on arrive à faire comme avec une soirée électro où il y a la sono qui monte progressivement : au début, il y a le kick et la basse et puis petit à petit des choses se construisent », et ça m’a poussé à proposer cette idée.

Maxime :
Je pense aussi que certains dessins impliquent que la musique est très présente à certains moments caractéristiques : par exemple, à un certain moment, l’histoire se passe dans les nuages, avec des éclairs, c’était assez clair qu’il fallait représenter les choses pour le public. Donc, je dessine les nuages, les éclairs, et lui il a fait des sons d’éclairs, il y a ajouté une mélodie, je l’ai fait à ma façon graphique, lui l’a fait à avec ses sons et on s’est retrouvés au même endroit. Ensuite, il y a une marche dans la forêt, c’est pareil : moi, je vois bien ce que je dois dessiner comme forêt et lui, il voit bien ce qu’on attend aussi d’une forêt. La question à laquelle on doit tous les deux répondre est la même, on arrive à un résultat à peu près bien synchronisé.

Yovan :
J’essaie d’introduire des éléments musicaux, des samples ou des chants : à un moment donné, il y a un chant de musique grecque, à un autre il y a une espèce de cithare chinoise, pour chaque segment de musique, j’essaie de penser un petit peu de cette manière en mélangeant des instruments acoustiques à de l’électronique. C’est quand même assez libre, le postulat de base s’est vite transformé en quelque chose d’autre, car il s’agit vraiment de penser en termes d’illustration sonore de ce que Delphine raconte. Quand elle présente un univers particulier, j’essaie de coller un petit peu à cet univers, comme dans la musique de spectacle ou de film, d’illustrer par rapport au conte. La musique ne doit pas prendre le dessus sur la narration, même s’il y a des moments de musique qui viennent prendre le relais, pour qu’on sente que : « Tiens ! il y a un moment où on peut écouter de la musique avec des dessins c’est sympa », quelque chose comme ça. Il s’agit vraiment de ne pas penser uniquement à la cohérence d’utiliser une gamme ou un concept, mais en plus de se dire : « Tiens ! en fait, il faut surtout que ces différents moments de narration et de musique soient bien dosés ».

Maxime :
J’ai très peu d’échanges en direct avec Yovan, on n’en a pas le besoin. Je pourrais l’appeler, il n’y a pas de soucis, mais on n’a pas besoin de le faire. Alors qu’avec Delphine, il va y avoir plus d’échanges.

Yovan :
En gros, j’ai ma trame, j’ai une session Cubase. J’ai l’impression que ça me fait un petit peu ma conduite de spectacle. Je mets la conduite sur papier, c’est vraiment comme une setlist, j’écris très gros pour pouvoir la voir sur scène. C’est écrit sur une petite feuille discrète et j’ai tous mes éléments principaux sur cette setlist. C’est une automation des évènements, mais le problème, c’est qu’à chaque fois qu’on change d’endroit, parfois on est en 7.1, ou bien on va être en 4.1, donc je suis obligé de changer les choses. Avec mes automations, on va être au milieu, là, on va être tout à droite, là, on va être au milieu, au milieu à gauche, là tout à gauche. Avec la pluie par exemple, il y a d’autres bruitages, voilà, je les mets à gauche… Toute cette introduction, là, [il diffuse un court extrait] je la double au Sequential OB-6 (un synthétiseur analogique) parce qu’une fois que c’est dans les enceintes, ça manque de vraie présence analogique. Il y a des choses que je ne fais qu’au clavier où il n’y a que du bruitage [il joue un autre extrait]. Je presse sur les différentes touches pour déclencher différents effets sonores, c’est vraiment le bazar, je sais à peu près où je dois aller : je vais par-là, après je sais que je dois aller en bas pour déclencher les bruitages qui sont là.

 

28. Le conte et les dessins. Delphine, Maxime et Louis.

Scène 1 : Delphine, Louis et Maxime

Louis : Ben écoutes, Maxime, voilà, il faut que tu me dessines une forêt, c’est parti, avec des animaux dans la forêt, après il faut que tu me dessines des nuages, après il faut que tu me dessines…

Maxime : Ah ! oui, là, quand Delphine dit ça, il faut que je rajoute ça. Puis là, il faut absolument que je fasse la machine à la fin. Et puis il faut que je fasse un tableau de commande.

Louis : Là, il faut qu’il y ait des bulles qui s’agglomèrent à un câble.

Delphine : Ces bulles, je pense que ce sont des espaces de vie.

Maxime : J’ai dessiné les bulles avec du corail autour.

Delphine : Mais je ne comprends pas pourquoi il y a du corail autour ? Puis, qu’est-ce que tu as mis dedans ? Les bulles sont des lieux de travail pour le corail, il faut qu’on soit d’accord sur ce qu’on raconte, il faut qu’on raconte la même chose, toi en dessin, moi avec le texte.

Maxime : Cela ne veut pas dire qu’il faut dire et montrer les mêmes choses en même temps.

Delphine : Oui. Si tu dessines ça, ben du coup, je ne le raconte pas, on ne va pas faire deux fois la même chose. Et puis moi, ça m’allège, parce que je dis déjà beaucoup de choses. Dessine les chasseurs, l’éclair, il faut que tu les fasses, qu’on les voie, même si j’en parle dans le texte.

Maxime : On est tout le temps en train de se dire : qu’est-ce qu’on illustre et qu’est-ce qu’on n’illustre pas ?

Delphine : En général, dans le conte, rien n’est illustré visuellement, il n’y a pas de dessins. Ce que je raconte est laissé à l’imaginaire du public.

Louis : J’ai envie que les gens gardent un imaginaire, je n’ai pas envie qu’on leur donne tout. Le conte doit se baser sur l’imaginaire.

Delphine : Si on commence par tout leur balancer dans les dessins, alors je ne sers à rien, je ne parle plus : c’est un conte en dessin. Il faut que les gens puissent encore imaginer des choses. Donc on est toujours en train d’essayer de trouver un compromis sur ce qu’on doit illustrer.

Maxime : Parfois je me demande : « Ah ! je n’ai pas dessiné ça, c’est dommage, j’aurais bien voulu le faire. »

Delphine : Ouais !

Louis : Ben oui, mais plus on en dessine, et plus les gens en veulent.

Delphine : Tu vois, ce n’est pas facile de trouver un compromis. Qu’est-ce qu’on dessine ? Qu’est-ce qu’on laisse à l’imagination des gens ?

Maxime : Donc il y a beaucoup de choses qui ne sont pas dessinées.

 

Photo Valentine Bisschop
Photo Valentine Bisschop

 

Scène 2 : Delphine et Maxime, lors d’une résidence

Delphine : Louis m’a demandé de dire à ce moment précis : « des grosses bulles blanches ».

Maxime :
On décide d’un top pour que le dessin apparaisse quand tu dis cela. Top !

Delphine :
[Elle a le dos tourné à l’écran.]
Des grosses bulles blanches flottent sur l’eau et dans l’air.
[Elle se retourne et voit que les bulles sont noires!]

Maxime :
D’accord, tu colles bien au texte !

Delphine :
Mais non ! Je dois respecter ce qu’on a convenu avec Louis, je ne vais pas venir dire complètement autre chose que ce qu’on a décidé. Et du coup, en même temps, il faut que je colle aussi avec la musique, parce que Yovan, il doit parfois m’attendre. Il sait que là, il y a un top, et moi, je sais qu’il y a un top, il faut que j’y aille. Donc oui, il faut malgré tout que je respecte un texte, même si, je peux varier, même si je ne suis pas obligée d’employer tout le temps les mêmes mots, je peux rajouter des choses, je peux moduler. Mais il y a des choses qu’il faut que je respecte absolument, parce que je ne suis pas toute seule. C’est ça, on est trois dans l’histoire, en fait on est quatre.

 

Photo: AADN
Photo: AADN

 

Scène 3 : Delphine et Maxime

Maxime : Delphine, tu m’as envoyé au début cinq minutes de texte du spectacle et j’ai fait des dessins dessus. Mais il y a eu d’autres parties où tu n’avais pas vraiment écrit les choses et où j’avais pris de l’avance sur les dessins.

Delphine : C’est dans ce cas que je me suis inspirée des dessins pour des petits détails de narration, d’accroche, ce genre de choses.

Maxime : À un moment donné, il y a une ville et ce n’est pas évident de décrire une ville si on ne la visualise pas, donc, je pense que ça t’a aidé que je la dessine.

Delphine : J’ai pu mieux accrocher des petits détails à l’histoire.

Maxime : Il faut que je dessine une route, Camille avance à vélo sur cette route et elle dit qu’il faut qu’elle évite les racines. Pas de bol, je n’ai pas de racines narratives ! Moi, je ne peux pas te dessiner tes racines, à la place je vais dessiner une poule. Il va falloir que tu changes un peu ton texte. À un autre moment, il y a un vaisseau avec des bonbonnes, des paniers qui descendent, des choses comme ça, et je pense que comme tu n’as pas encore écrit le texte et que j’ai fait le dessin, tu peux directement baser tes descriptions dessus.

Delphine : Pour la ville, il y a des patios.

Maxime : Il faut plutôt parler de coursives ou de choses comme ça. Il est nécessaire de réadapter le vocabulaire de cette manière.

 

Maxime :
Mes dessins font partie du décor, ils viennent souvent appuyer la narration, mais souvent la narration et le dessin ne disent pas la même chose. Donc Delphine va passer beaucoup de temps à décrire les actions qui vont se passer et finalement elle n’aura pas trop besoin de décrire le décor puisque ce serait déjà une redite. Donc quand on arrive dans un amphithéâtre, elle va dire : « Voilà on est dans un amphithéâtre ». Mais finalement ça ne m’a pas spécialement contraint dans ce que je devais dessiner. Et ensuite, vu que l’amphithéâtre apparaît, les gens le voient et elle n’a plus du tout besoin de faire une description précise, elle va tout de suite raconter ce qui se passe dans cet amphithéâtre. Parce qu’on a aussi choisi de ne pas représenter l’héroïne du spectacle et de représenter très peu de personnages, sauf quand visuellement c’était assez fort ou que ça permettait d’enlever certaines ambiguïtés. Au départ on avait vraiment presque envie qu’il n’y ait aucun personnage, mais on s’est dit que c’était une règle qui était trop stricte et que, finalement, il n’y avait pas de raison d’être aussi dur à se l’imposer, que ce n’était pas grave, il pouvait y avoir des dessins de personnages. Donc Delphine et moi, on est côte à côte et le résultat est une amplification qui s’additionne sans jamais faire baisser la qualité, on s’est bien mis dans des rails qui ne se gênent pas.
Par exemple, à un moment donné, on a une femme géante qui apparaît et du coup j’ai fait un dessin géant. C’est quelque chose qui visuellement est assez beau parce que quand on est sous un dôme, je peux vraiment mettre un personnage très, très grand. Et ça marche très bien puisque dans ce cas-là, la conteuse finit par incarner l’héroïne qui est petite. J’aime bien cette ambiguïté, je ne sais pas dans quelle mesure elle est prévue à la base puisque la conteuse est censée être la narratrice. Mais forcément il y a des moments où je pense que le public la perçoit un peu comme le personnage principal, car elle parle parfois au nom de l’héroïne. Je pense que c’est aussi le rôle d’une conteuse : personnifier un peu tous les personnages et être en même temps narratrice. Le fait de ne pas mettre trop de personnages, le fait de ne pas représenter le personnage principal, ça a fait que le public ne sait pas si la conteuse est le personnage principal ou le narrateur, alors qu’en fait elle est les deux à la fois, en jouant avec cette ambiguïté. Je ne sais pas dans quelle mesure avec Louis, c’est assumé, mais je trouve que c’est bien.

On a eu un débat pour savoir s’il fallait ou non montrer les personnages. Concernant la figure géante on a testé avec le public et on a eu de bons retours là-dessus. À un moment on l’a enlevé et on a trouvé que c’était moins bien, on aimait bien quand elle apparaissait.

 

Photo: AADN
Photo: AADN

 

29. La sonorisation

Yovan :
En général, on joue avec un sonorisateur et on travaille sur cet aspect. À Nantes, on avait un excellent ingénieur du son, l’équilibre a été fait sur une semaine, on travaillait tous les jours. Dans certaines résidences on nous a dit au dernier moment : « On vous prête cette salle-là, par contre, vous n’avez pas de sonorisateur ». Delphine peut être tendue parce qu’on manque de temps avant la performance en public. Le son dans ce cas n’est pas très bon. L’équilibre entre la voix de Delphine et la musique est essentiel, s’il n’est pas très bon, ça peut porter préjudice au spectacle. On a donc beaucoup travaillé sur ce point.

Delphine :
Avant le « Conte d’un futur commun », ma voix n’avait jamais été amplifiée. Le guitariste avec lequel je jouais avait une guitare acoustique. L’amplification me fait un effet très bizarre, très étonnant, cela a changé ma relation au public : je peux parler tout doucement, je peux chuchoter, ça dépend aussi de la qualité de l’amplification, qui a été très bonne, par exemple, quand on a eu un bon ingénieur son et très mauvaise à d’autres moments.

Yovan :
Le problème, c’est qu’à chaque fois qu’on change de salle et d’équipements, et qu’on n’a pas d’ingénieur du son attaché au groupe qui sait déjà exactement ce qu’il faut faire en deux minutes, on doit s’adapter. Mais quand il y a un bon ingénieur du son, j’ai été bien aidé, notamment j’ai appris à me servir de Dante pour le mixage en 7.1. C’est une carte-son numérique qui est intégrée sur les tables de mixage des ingénieurs du son aujourd’hui et ça permet de ne pas avoir à prendre de carte-son dans son ordinateur, mais de passer par un câble ethernet et d’avoir directement sa balance en fonction du lieu. Avec Dante, on peut communiquer directement avec la table de mixage. Donc, j’arrive avec ma configuration 7.1, j’appuie dessus et si j’arrive dans une nouvelle salle qui a également Dante qui est en 4, parce qu’il n’y a que 4 enceintes, alors je n’ai qu’à changer ma configuration, je n’ai même pas besoin de faire de balance. Donc ça, c’est pratique, mais dans toutes les résidences on n’a eu ce système que deux fois malheureusement, il y a beaucoup de lieux qui n’ont pas Dante. J’ai maintenant installé ma carte-son numérique dans mon ordinateur pour pouvoir faire la balance quand ils n’ont pas Dante. En tout cas, à chaque fois, on se tire les cheveux pendant au moins une journée de préparation technique sonore et puis aussi la nuit avant de pouvoir commencer à travailler sur le spectacle.

Delphine :
Si l’amplification n’est pas bonne, ça peut être très pénible, parce que je trouve qu’il y a quelque chose d’intime dans ce spectacle. Si mon micro marche bien, je n’ai pas besoin de parler fort et pour moi, c’est un effort, parce que j’ai tendance à avoir de la gouaille.

Louis :
Delphine n’a pas encore l’habitude de parler dans un micro, c’est souvent un problème technique de retour audio. Elle ne s’entend pas bien, c’est un problème avec la sonorisation, il faut qu’elle s’entende aussi bien que le public l’entend. Il est clair que ce n’est pas la même situation que dans la tradition du conte. Si les gens du milieu du conte viennent voir ça, ils trouvent que ce n’est pas un conte du tout, parce que déjà, dans un conte on ne montre jamais d’images, il y a rarement de la musique et en général c’est une personne seule qui raconte son histoire face à un public, il n’y a pas de mise à distance avec le public. Le micro la met à une certaine distance du public, mais c’est aussi une autre situation qui est à double sens : d’une part, elle se met à distance dans sa façon de raconter le récit et d’autre part, après, elle revient très fortement vers le public quand elle va aller les chercher pour leur poser des questions.

Yovan :
À chaque résidence, il faut se réadapter, avec l’électronique, il y a toujours des soucis. Souvent, on ne sait pas pourquoi, il y avait deux enceintes qui marchaient sur quatre, enfin finalement on les a, c’est bon. Il y a l’image et le son à gérer. Quand il n’y a pas d’ingénieur du son et qu’il y a tous ces bruitages qui passent normalement dans 8 enceintes, mais que là il n’y en a que 4, ce ne sont plus les mêmes réglages. J’ai donc trois configurations, j’ai 5 points, 4 points et 7 points, et à chaque fois je dois me réadapter. Par rapport aux bruitages, il y a deux ou trois morceaux où j’ai fait ce qu’on appelle des Stems [29] , c’est-à-dire que j’ai séparé la basse de la batterie, des accords et des voix pour les mixer un petit peu. Tu peux faire passer la basse ici, la batterie là, pour que ça soit plus immersif. Mais en fait, ça ne me plaisait pas sur tous les morceaux, parce que parfois, je trouvais que ce n’était pas très intelligible, je préférais avoir une source qui sortait en stéréo, avec les bruitages derrière, sinon je trouvais que c’était trop éparpillé. C’est l’ingénieur du son qui m’a initié à Dante qui connaissait très bien tout ça. Il a essayé de remixer des morceaux, je lui ai envoyé les Stems de mes morceaux.

Delphine :
Mais quand on a joué à Paris, Marie-France Marbach est venue me voir à la fin et m’a dit : « Écoute, il faut que tu fasses une formation sur la voix, tu ne peux pas continuer comme ça ». Depuis, je fais une formation à Lyon, avec une dame qui s’appelle Mireille Antoine, qui est extra. Une dame avec un charisme incroyable et en même temps une grande humilité. Elle me fait bosser la voix qui a tendance à être toute en force. La voix est en fait très intime, donc elle voit tout de suite un peu tout ce que j’ai raconté tout à l’heure, elle me dit : « En fait, tu es toute dans la force, tu es une guerrière, tu as bâti tout, ton garant c’est la force, tu as mis tellement de soutènement, tu as tellement mis de carapace pour t’assurer de ne plus jamais être vulnérable. Et du coup, il va falloir qu’on fasse tomber les murs pour que ta voix vienne du ventre pour ne pas bloquer l’émotion. » Parce que ses propres émotions, ça ne sert à rien, ce sont les gens qu’on veut emporter. Et en plus c’est dangereux, parce que je me donne à corps perdu et après, mince, je me fais mal. Et ça peut être désagréable pour le public aussi parce qu’ils n’ont pas à porter ce poids-là. Donc c’est vraiment un travail de poser sa voix et aussi mettre une distance avec ce que je raconte, pour laisser résonner la voix et pas m’emporter. Gros boulot, mais c’est très intéressant.

Yovan :
Par exemple, un ingénieur du son a parlé à Delphine : « Là, tu parles beaucoup trop fort dans ton micro, il n’y a pas besoin de faire ça ». Mais elle a l’habitude de s’exprimer en acoustique, il l’a mis moins fort et elle a fait plus attention. Quand elle est un peu stressée, elle a tendance à parler plus fort, et puis, parfois la musique est trop forte par rapport à la voix, ce sont des choses que je peux contrôler. À Nantes, ça s’est très bien passé, il y avait un rythme qui fonctionnait, on avait une semaine pour répéter chaque scène, donc on était dans un équilibre qui fonctionnait mieux. Parfois, on s’aperçoit que dans une salle on est moins à l’aise, c’est le spectacle vivant. De toute façon, c’est comme ça.

Delphine :
J’ai tendance à parler fort, donc j’ai vraiment un effort à faire pour baisser la voix. Mais c’est vrai que la présence de l’ingénieur du son fait qu’il y a une responsabilité qui ne m’incombe pas, dans le sens où, l’air de rien, si le son de ma voix ressemble à une marchande de tapis, ça peut vite être perçu comme celui utilisé pour vendre de la lessive sur le marché. Donc dans ce cas, je n’y peux rien, j’aurais beau ne pas parler fort, essayer de mettre peut-être plus de musique dans ma voix, dans ce que je raconte, il y aura toujours ce son. Tu as beau parler moins fort, essayer de « na na na », le son est pourri.

 

30. Communication par Notion [30].

Maxime :
Nous utilisons Notion, un logiciel qui permet de partager les choses entre plusieurs participants. Par exemple, Louis me dit : « Là, avec Delphine, on a écrit un texte. Elle doit le remettre au propre et elle le met sur Notion et c’est ce lien-là. » Du coup, je clique dessus et je vois qu’effectivement, elle l’a mis à jour il y a une journée et que c’est la dernière version du texte. Et si jamais une semaine après, je veux reprendre le texte, si ça se trouve elle l’a modifié. Comme ça j’ai la version mise à jour, ça me permet de toujours travailler sur la dernière version.

Delphine :
Avec Louis, ce qui est bien, c’est qu’on communique avec l’application plateforme Notion, je peux écrire dessus et il peut y accéder de manière immédiate. Donc parfois, quand j’ai des questions, j’écris et puis je l’appelle, je lui dis : « Regarde ce que j’ai fait. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Yovan :
Louis utilise Notion pour communiquer une série de ressources, des textes qui m’ont inspiré, notamment sur la biocratie. On en avait déjà parlé ensemble. Il faut interroger Louis sur la biocratie parce que c’est un concept qui l’a beaucoup inspiré, notamment pour les grands procès inclus dans le spectacle qui permettent à la nature, à une rivière, à un arbre, d’avoir les mêmes droits que les êtres humains et donc de pouvoir mettre en procès une entreprise comme Total. Ce concept correspond bien à l’idée du spectacle d’êtres humains qui se reconnectent à la nature. Il a mis beaucoup de ressources à ce sujet sur Notion.

Maxime :
J’ai tous mes dessins sur ordinateur et je les partage avec Louis sur Dropbox. Comme ça, je sais si Louis les aime bien – parce que moi, je ne le sais pas forcément, – mais effectivement, il a une petite notification à cet effet. Quand j’ai mis un nouveau dessin, je l’appelle, je suis fier de moi.

 

Scène 1 : Maxime et Louis

Maxime : Écoute, franchement, j’ai bossé, j’ai fait trois nouveaux dessins.

Louis : Oui, je sais, j’ai vu la notification sur Dropbox avant-hier.

Maxime : Ah ! oui, OK.

Louis : Oui, je l’ai regardé, c’est bon, nickel ! OK !

 

Maxime :
Et après, dans la façon de travailler, c’est vrai qu’avec Louis, on aime bien les outils participatifs, les logiciels participatifs, donc des espèces de to-do list que l’on peut consulter tous les deux, et de se dire : « Ah ! ça, je le coche, comme ça, il va voir que je l’ai fait ». Donc, je pense que déjà, ces outils-là améliorent grandement les choses. J’aime bien aussi le coup de téléphone informel pour parler de ceci et de cela, on peut aller beaucoup plus loin dans les choses. Je pense qu’il y a des éléments de messages qui sont importants, surtout quand j’envoie des dessins en cours pour avoir des remarques avant de les avoir finis. Les messages sont très utiles lorsqu’ils m’indiquent dans quelle direction je dois aller ou me donnent la possibilité de dévier le sens du courant. Et après, quand on est plus dans des phases de prospection, avec Louis, on va se voir ou on va s’appeler. J’estime que quand on ne sait pas quelque chose, ça ne suffit pas d’être juste sur WhatsApp, sur un groupe de conversation pour faire un projet. Ça passe forcément par se voir à certains moments. Mais une grande partie du temps de travail se fait en solitaire. Donc, c’est très hybride, il y a les temps forts pour discuter et après, il y a tous les temps individuels.

Yovan :
En fait, j’ai constaté que, dans les groupes avec lesquels je joue, on dit souvent : « On n’est pas sur Messenger, on n’est pas sur WhatsApp, on est sur Signal, c’est mieux. » Du coup, je reçois plein de liens et on me dit : « C’est vrai, on ne va plus sur ce genre de choses. » Notion est intéressant, oui, Louis aime bien tous ces moyens de communication, je ne suis pas tant allé dessus, mais c’est là où l’on s’envoie les choses et où l’on peut voir ce qui a été changé. Je pense qu’il y a plein de ressources intéressantes, mais pour moi c’est une question de temps. S’il y avait eu une année avec moins de trucs à faire, j’aurais eu plus de temps pour aller dessus. Et puis, comme on en parle déjà, et que je n’ai besoin que de quelques éléments pour écrire la musique, il me suffit d’y penser.

Maxime :
Pour ce qui est des logiciels que nous utilisons, c’est vraiment Notion, WhatsApp et Dropbox. Pour des formes de discussion, ça va vraiment être soit le groupe WhatsApp, soit moi qui appelle Louis et parfois ça peut m’arriver d’appeler Delphine pour le conte, mais finalement, moins, parce que c’est surtout Louis qui est en contact avec elle. C’est vraiment Louis qui maîtrise le flux des choses avec tout le monde. Et du coup, quand on l’appelle, il peut repasser les informations aux autres. C’est lui qui est au centre, les choses gravitent autour de lui. C’est pour ça qu’on l’appelle « le créateur » qui pilote un peu tout. Il n’écrit pas, il n’y a pas de contenu vraiment visible, même s’il crée le contenu et met en mouvement mes dessins.

 

31. Les résidences : LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains

Louis :
Je prévois mon planning de résidences à la minute à la minute près : le matin, on parle de ça, après chacun se présente, puis on fait une pause, on va marcher ensemble, après on revient, puis on travaille sur le début de l’histoire, etc. Je le fais quasiment dans toutes les résidences, qu’est-ce qui va se passer heure par heure. Et mine de rien, ça nous a bien servi de nombreuses fois où tu te retrouves perdu, tu es dans le dur, tu es en train de faire les choses, et là tu as la page blanche, tu ne sais plus quoi dire, quoi faire. Alors tu te dis : « Ah ! on avait prévu une balade dans la forêt », hop, balade dans la forêt, voilà. J’avais ce genre d’idées : le fait d’aller se balader, vu qu’au début l’histoire se passait dans la forêt, je voulais les emmener dans les arbres, faire de l’accrobranche et même dormir dans les arbres, mais je ne l’ai jamais fait. Là, j’ai retrouvé un de ces calendriers :

 

10h-11h : Présentation de nous et de notre univers.
11h-midi : Présentation du projet.
12h-13h30 : Pause déjeuner.
13h30-15h : Exploration libre du monde de demain, où on va.
15h-17h : Et surtout avec qui on y va.
17h-17h30 : Bilan de la journée, qu’est-ce qu’on fait demain ?
Si on ne sait pas quoi faire : demain, tour du village pour parler.

 

Abordons maintenant les résidences d’écriture, je les appelle « résidences émergences ». C’est d’abord le 6 et 7 janvier 2022. Après on s’est revu le 5 mai et le 6 mai 2022. On a eu une résidence musique avec Yovan et moi qui a finalement fini par une visio-conférence le 27 janvier 2022 avec nous quatre.

Après il y a eu une résidence « Déroulé du conte » les 23 et 24 juin 2022. Cette résidence était encore au LabLab, à Lyon. Nous avons beaucoup utilisé ce lieu. On est tous les quatre. Voici le planning préétabli :

 

10h. : Présentation des avancées de la trame narrative et retour, présentation de la musique et retour, présentation des dessins et retour, présentation du Live Drawing et retour.
11h30 : Identification des zones de contact entre musique et dessins, conte et participation du public.
12h. : Repas.
13h. : Installation, setup dessins et musique..
13h30 : Première scène.
15h30 : Deuxième scène.
16h30 : Pause.
17h. : Troisième scène.

 

C’était un peu ambitieux, je crois qu’on n’a pas réussi à finir le programme fixé. On a fini à 18h30. Et puis arrive le vendredi :

 

9h. : Retour sur le jour 1.
10h. : La scène 0 qui est l’accueil du public, on a beaucoup réfléchi à comment on allait accueillir le public, parce que cela faisait vraiment partie de l’immersion et de montrer les outils, comment ça allait se passer.
11h. : Enchaînement, scène 1, 2 et 3.
13h. : Présentation publique.

 

À la fin de la résidence, il y avait une présentation publique et après des retours, on était supposé retravailler un petit peu avant que tout le monde s’en aille. Mais on a pas du tout retravaillé après la représentation, on était épuisé. Donc, je me suis dit qu’il ne fallait plus jamais envisager de retravailler après une représentation.

En août 2022, notre première réelle résidence a eu lieu où à la fin, la totalité du conte va être présentée. C’était dans le cadre du festival « Chevagny Passions » [31], grâce à Antipode et à Chevagny Passions. C’est la première fois qu’on était payé. On a passé un jour avec Antipode, et au début, le mardi, mercredi et jeudi, on ne se voit qu’avec Delphine, et le vendredi Yovan arrive et on a travaillé tous les trois ensembles. Et on a joué une fois le samedi et deux fois le dimanche. Et là on arrive à présenter quasiment 20 minutes du spectacle, un peu plus. On a des retours hyper positifs du public, on joue pour chacune des trois représentations devant entre 60 et 80 personnes.

Maxime :
On avait fait une première résidence sans dôme à Chevagny-sur-Guye, et c’est là qu’on a pu tester l’idée d’avoir des dessins avec une conteuse, avec du son et avec un public qui a réagi assez favorablement à l’outil de participation. Finalement, on est quatre personnes, plus l’outil participatif qui amène les gens dans le récit.

Louis :
Les représentations étaient dans l’église, et j’avais récupéré le vidéoprojecteur du Live Drawing qui nous a permis de projeter les images sur tout le mur du fond de l’église. Tous les bancs de l’église avaient été enlevés et remplacés par des chaises longues, des poufs, des tapis. On a été très bien reçu.
La planification ça m’aide, parce que ça me sécurise. Disons que je ne me perds pas, et vu que je dirige une équipe, il vaut mieux ne pas avoir de blancs. Enfin, je sais qu’il ne faut pas que je me pointe en disant : « Ah ! ben là je ne sais pas ce qu’on fait ». Je sais que ça les déstabiliserait et ça ne leur ferait pas plaisir.

Ça marche, on est content et c’est juste un mois avant la résidence au Planétarium de Vaulx-en-Velin, où là on a deux semaines de travail. Le but était de faire 30 minutes de spectacle jusqu’au « Grand Conseil ». C’est la première fois qu’on adaptait les visuels pour le dôme, cela a pris énormément de temps. On a adapté la musique pour une spatialisation sonore et on a avancé sur l’histoire, en terminant la « chasse aux éclairs », en créant « la ville » et « le Grand Conseil ». On a également parlé du budget et du déroulé des interventions pédagogiques qu’on avait décidé de faire.

Maxime :
Il faut à chaque fois s’adapter au lieu, parce que si on change de salle, on change de taille d’écran, certains dessins se retrouvent un peu écrasés ou bien un élément du dessin est un peu trop important, il se trouve un peu trop sur le côté. Parfois quand on est sous un dôme, on peut voir des images derrière soi. Le public est soit orienté dans la même direction, soit les gens sont orientés tous vers le centre de la salle. Par exemple, il y a un moment où les gens doivent regarder deux chemins possibles et décider s’ils doivent prendre le chemin de droite ou celui de gauche. Mais si les gens sont face à face, il y a ce genre d’absurdités où pour la moitié des gens le chemin de droite, c’est le chemin de gauche. Heureusement, le gérant de la salle nous avait prévenu, il était venu à Paris, il nous avait dit : « Faites attention, cette image-là, elle ne marchera pas ». Donc j’avais fait en sorte qu’il y ait une flèche blanche sur le panneau de droite et une flèche noire sur le panneau de gauche, et on pouvait dire : « Bon voilà, vous prenez la flèche noire ou la flèche blanche ». Il y a plein de choses comme ça qui peuvent varier.

Louis :
La résidence suivante de 10 jours, s’est déroulée au Centre de arts d’Enghien-les-Bains.

Maxime :
Le temps de résidence, c’est super, parce que c’est le moment où l’on découvre vraiment ce qu’ont fait les autres. Yovan, il a très peu envoyé les sons préparés à l’avance, je les ai souvent découverts pendant les résidences. J’apporte mes dessins et ça peut m’arriver de prendre un calque et de redessiner un élément que je vais ensuite incruster dans le dessin. Je viens en résidence avec mes crayons au cas où il peut se passer quelque chose. J’utilise le logiciel Photoshop pour éditer les images dans la plupart des cas, mais je suis parfois obligé de les faire à la main. Lorsque je montre un dessin, il n’y a généralement pas beaucoup de réactions, tout le monde semble satisfait. Mais Delphine m’a dit un jour :

Delphine :
Ouais, ton dessin, c’est bien, mais en fait, ça manque de fleurs. T’es un peu tristoune, là, il faudrait mettre des fleurs.

Maxime :
Ben, t’as raison, je vais aller dans ton sens, ça ne m’arrange pas, mais… t’as raison, je vais mettre des fleurs ».
Donc j’ai dessiné plein de fleurs pour pouvoir les prendre une par une et après les intégrer dans le dessin. Et c’est mieux, c’est beaucoup mieux, donc ça m’a pris du temps mais… Maintenant qu’on est presque au bout, j’ai une liste de retouches comme ça à faire sur différents dessins où il faut que je rajoute des fleurs, que j’enlève des arbres, ce genre de choses.

Une fois que le spectacle commence, par contre, je n’ai pas grand-chose à faire, parce que mes dessins sont déjà produits, c’est Louis qui les anime. Je m’occupe alors de la gestion de la partie participative (les gens qui vont dessiner et tout cet aspect), ou bien de la mise en lumière. On avait fait un filage ensemble, une personne du lieu m’avait aidé, elle m’avait dit : « Tu vois, là, tu l’allumes, là, tu l’éteins ». Pour que ça ait du sens vis-à-vis du récit, il fallait que la conteuse soit parfois mise en avant par rapport aux dessins, et par contre, à d’autres moments, de l’éteindre pour que les dessins reprennent vraiment toute l’attention du spectateur. Ça, c’est un aspect intéressant que j’ai découvert, je trouve que ça enrichit bien le spectacle de pouvoir monter ou descendre la présence de la conteuse.

 

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Photo: Nicolas Sidoroff
Enfants regardant les dessins de Maxime
Photo: Nicolas Sidoroff

 
 
230618_1639dessins-CDAEnghienLesBains - Moyenne

 

 

32. La participation du public

Louis :
Et puis, il y a l’importance de l’interaction avec le public, comment on se sert de ce qui existe et qu’on maîtrise déjà, pour faire participer le public. À la base, ce n’était pas seulement pour leur faire faire des choses comme créer le décor, mais aussi que les gens puissent vraiment faire passer leurs idées par le dessin. Dans le Live Drawing, on leur pose des questions pour donner des thématiques de dessins et après ils dessinent. On s’est aperçu qu’au début, pour que les gens commencent à dessiner, il faut être très simple, mais après, on peut aller très loin, les gens vous suivent et ils te sortent des trucs stupéfiants. Quand j’étais en train de créer le « Conte », j’ai toujours pensé que les évènements réalisés avec le Live Drawing pouvaient m’aider à trouver comment faire participer le public pour le conte, par exemple en proposant des thématiques de dessins comme : comment tu vois le transport du futur, comment tu vois les choses…

Maxime :
Il y a la question du mur qui existe entre la scène et le public et comment tenter de partiellement le supprimer. J’ai l’impression que le mur n’existe pas, mais je me rends compte qu’on a quand même un petit filtre, un calque, il y a quand même entre les deux un écran. Quand on a cherché à faire des projets en numérique, nous avons vu beaucoup de choses qui dépendaient d’une seule télécommande, il fallait des queues de 50 personnes qui attendaient pour accéder à l’outil technologique. On a pensé que le Live Drawing était une bonne idée parce que cette fois-ci, c’était vraiment participatif, c’était tout le monde qui faisait des choses en même temps. Donc d’un côté on a toujours un mur des plus fins, puisqu’on utilise le téléphone, mais on a quand même au moins rendu le truc accessible à tous. On a poussé cette idée, parce que c’est ce que les festivals attendaient de nous. Ils nous ont dit : « Ce qui nous a plu, c’est le fait que tout le monde fasse les choses en même temps, l’année dernière il y avait 50 personnes qui attendaient, c’était hyper frustrant pour tout le monde ». Alors on a dit, « Ah ! Banco ! » Il y a toujours une limite, c’est que c’est anonyme : les gens dessinent, mais ils peuvent complètement se mettre dans un canapé, dessiner dans leur coin, ou faire des dessins sans intérêt pour être projetés sur le mur en Live Drawing qu’on est obligé de supprimer sans savoir qui l’a fait. De cette manière, on casse le mur puisque tout le monde est proactif de l’œuvre, mais en même temps il y a encore un petit filtre dans le sens où les gens étant anonymes, ils ne sont pas complètement tenus responsables de leurs actes. Et en même temps c’est ce qui les débride aussi, je leur disais : « Allez-y, de toute façon si vous faites un dessin pourri, personne ne saura que c’est vous qui l’avez fait, vous n’aurez pas à le montrer à votre fils à côté de vous, il ne le saura pas, et au moins vous aurez essayé ».

Louis :
Concernant la participation du public et le Live Drawing, j’ai fait des allers-retours avec Maxime Touroute et Rémi Dupanloup. Entre-temps on avait fait un autre projet intitulé « la Bulle du personnel », un projet institutionnel pour un hôpital où on voulait créer un mur de cartes postales interactives. Maxime Toutoute et Rémi, qui ont développé ce projet, ont repris le Live Drawing et y ont rajouté de nouvelles briques à l’intérieur : notamment la possibilité d’insérer du texte. Et du coup, je me suis dit : « Ça serait très intéressant que les gens puissent écrire au lieu d’utiliser uniquement le Live Drawing ». J’ai adapté mes envies de participation du public en fonction des outils que j’avais. Je n’ai pas pu changer, je n’ai pas pu repartir de zéro, parce que j’avais trop de contraintes, mais j’ai quand même réussi à faire écrire les gens, notamment sur les grandes lois du futur.

Delphine :
Je ne me sens pas si loin des gens présents dans le public, parce que je leur demande leur avis. Je sens la présence du public, je sais qui est là. On les aide à se connecter, on leur demande s’ils sont bien installés. Et après quand je leur demande justement leur avis, est-ce qu’on prend le chemin de gauche ou de droite, souvent je prends vraiment le temps de dire « C’est bon vous êtes tous d’accord ? Quelqu’un n’est pas d’accord ? » Et l’air de rien j’ai envie de tisser cette relation.

Louis :
Le but de ce projet, ce n’est pas forcément de faire participer les gens, le but du projet c’est de les projeter dans un avenir désirable et de les amener à y réfléchir. Et pour qu’ils y réfléchissent, je leur propose de participer pendant le spectacle, et de commencer à les engager dans ce processus. Pour cela, j’utilise une graduation dans la participation :

a) Avant le début du spectacle, ils dessinent des étoiles sur leur téléphone pour les introduire à la situation.
b) Après, ils voient leurs étoiles apparaître sur le mur, donc ils comprennent que ce qu’ils font sur leur téléphone, ça va servir dans l’histoire.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

 

c) Ensuite, je leur fais dessiner la pluie, c’est le même principe, mais là, ils voient que leur image s’anime et qu’elle interagit avec le scénario.
d) Et après ils choisissent un chemin, donc là ils sont vraiment dans une participation en disant oui ou non, un choix simple qui va faire évoluer l’histoire.
e) Et après, on leur a posé des questions en direct, en leur disant par exemple : « Voilà, dans le monde du futur, que fait-on des gens qui ne respectent pas les règles ? ». Donc là, on commence déjà à avoir une interaction plus profonde et surtout qui va les mettre en réflexion sur comment ça se passe effectivement quand il y a un conflit, quand il y a quelqu’un qui ne respecte pas les règles, comment ça pourrait se passer alors, dans un futur désirable (on le reprécise bien à chaque fois), surtout quand on a des élèves, qui veulent pendre les gens.
f) Puis, après le Grand Conseil – là, c’était vraiment ce qui me tient le plus à cœur et c’est ce que j’essaie de conserver – on leur demande d’écrire une loi qui pourrait aujourd’hui nous servir à atteindre ce futur désirable.

Maxime :
Avec le « Conte d’un futur commun », on est allé un peu plus loin en demandant aux gens de participer à un véritable débat, en s’adressant directement au public : « Là, qu’est-ce qu’on fait, comment on avance dans l’histoire, allez-y proposez-nous des choses ». Donc, il y a une période où le public doit assimiler ce qu’on leur raconte, il y a des temps ouverts où ils sont sur leur téléphone anonyme, et il y a au moins une période où on rallume même la salle pour avoir un débat. Cela veut dire que le mur de séparation entre la scène et le public constamment monte et descend, il y a plusieurs couches, mais on ne peut pas dire que le mur s’enlève complètement. Mais je pense que si on ouvrait trop, on ne pourrait pas raconter notre récit avec les valeurs que Louis voulait porter.

Louis :
Et je pense que le Grand Conseil, quand on explique la biocratie et au moment où on les fait participer, c’est vraiment au cœur de ce que je voulais faire. Je pense effectivement qu’on pourrait aller plus loin dans la participation, et on pourrait le faire différemment, mais en tout cas, je me dis que s’ils arrivent à penser à une loi dans le cadre de notre société démocratique actuelle pour que le monde devienne meilleur, ça veut dire qu’on ne va pas faire une révolution par la violence, mais plutôt une révolution plus bienveillante. C’est vraiment un truc qui me motive et j’ai envie de montrer aux gens que le système a certes ses défauts, mais que l’on pourrait trouver à l’intérieur de ce système des solutions pour réussir à évoluer de manière positive.

Delphine :
Même si le téléphone portable est un appât à adolescent, parce que quand on dit aux gamins « Vous allez pouvoir dessiner sur votre téléphone », ils disent « Ah bon ? » ils veulent aller voir ce spectacle. C’est dingue hein ! Alors qu’en fait, ils ne font pas grand-chose dessus : ils dessinent la pluie. À la fin du spectacle à Nantes, une dame est venue me voir et elle m’a dit : « Dites donc, c’est un peu de la triche votre utilisation des téléphones, c’est un peu pour attraper les jeunes, parce que personne ne choisit rien du tout dans cette histoire ». J’ai dit « oui », parce que je n’allais pas lui dire le contraire, elle avait tout vu.

Maxime :
On doit faire attention à comment on communique notre histoire, parce que si on vend trop le côté participatif du conte plutôt que la narration, les gens risquent d’être déçus. Au départ on avait un peu vendu le spectacle en disant « C’est un jeu vidéo, vous êtes actifs sur l’histoire ». Il me semble que ce n’est pas un jeu vidéo où à tout moment le public prend un joystick et déplace des choses. On a décidé qu’il ne fallait pas trop baser la communication sur cet aspect, parce que les gens risquaient d’être déçus par quelque chose ne correspondant pas exactement à ce qu’on fait. Quand on commence une création, on a beaucoup d’ambitions et une fois que la création a jailli, il faut se dire que même si on aime bien ce qui a été créé, ça ne correspond pas à l’ambition de base du projet. Il faudrait que ça corresponde à ce qu’on veut faire. On a donc beaucoup travaillé sur ce côté participatif, mais maintenant c’est plus un des ingrédients que l’élément fondateur du spectacle.

Concernant la question d’une contradiction possible dans les relations avec le public entre le caractère intime du conte et les technologies utilisées, ce qui est intéressant c’est de prendre vraiment le problème dans l’autre sens. Dans l’appel à projets immersifs, il y avait beaucoup de gens qui postulaient des choses très technologiques, leurs lignes de pensée ne quittaient pas vraiment l’ordinateur. Et le fait d’introduire l’idée du conte veut dire qu’on amène un élément archaïque dans l’univers très technologique des arts numériques. On a proposé un projet qui n’est pas technologique et pareil pour les dessins qui sont faits à la main. Donc, plutôt que d’avoir entre guillemets « numérisé » le conte et les dessins, on a rendu plus humains les arts numériques. En tout cas, moi je ne m’attendais pas à ça, mais les gens qui nous ont soutenus nous ont dit : « C’est ça qu’on a apprécié dans votre dossier, c’est le fait que vous nous proposez des univers qu’on ne pensait pas pouvoir faire cohabiter. » C’est encore le fait de Louis d’avoir eu cette intuition de rafraîchir un peu les arts numériques en montrant qu’ils peuvent être appliqués de plein de façons différentes. C’est vrai que dans le « Conte d’un futur commun », on est dans une tension, parce qu’on veut raconter une histoire, et en même temps on veut faire participer les gens. Donc l’équilibre à trouver est très délicat. On a trouvé un équilibre où peut-être on pourrait ouvrir encore plus à la participation du public, et en même temps, à partir du moment où on s’est fixé un récit, on va forcément plus ou moins d’un point A à un point B, où en tout cas on n’a pas 10.000 entrées. Cela referme un peu la question de la participation.

 

33. La résidence d’éducation artistique et culturelle à Hennebont.
Louis, Delphine et Maxime

Louis :
Une autre forme de participation a été expérimentée dans la résidence dans les écoles d’Hennebont (Bretagne), c’était une résidence EAC (Éducation artistique et culturelle – Affaires Culturelles) [32] qui a duré 10 jours dans le cadre collège-lycée-primaire avec Delphine et moi. Nous avons travaillé tous les deux quasiment huit heures par jour pendant cette période dans plein de classes différentes. La participation du public s’est inscrite dans une autre forme de temporalité : avec le « Conte d’un futur commun », le public n’est là que pendant une heure, c’est sûr que le spectateur d’une heure va potentiellement moins réfléchir que les élèves des écoles primaires et secondaires qui travaillent à ce projet artistique pendant toute l’année et qui est en plus encadré par les professeurs qui en parlent avant notre arrivée. Cela veut dire que quand c’est bien fait, comme à Hennebont, ils ont déjà passés quatre mois à réfléchir à ça dans différents cours, en tout cas en arts plastiques. Et après, j’en remets une couche, je demande aux élèves : « Qu’est-ce que vous aimeriez dans le futur concernant votre habitat, qu’est-ce que vous aimeriez comme moyen pour vous déplacer ? » Et je leur montre les éléments du spectacle : « Nous, on a pensé que ça serait comme ci ou comme ça, mais vous, comment vous le voyez ? » Et généralement, si on montre aux gens quelque chose sur laquelle ils peuvent réfléchir, le niveau de réflexion remonte à l’évidence. Les deux situations de participation, se produire devant un public et enseigner dans les écoles, sont tout aussi importantes pour moi. Peut-être que les élèves ont plus de temps pour y penser.

Delphine :
Il y a eu cette résidence à Hennebont dans les écoles primaire et secondaires. Ils ont dessiné des choses qui ont ensuite été projetées pendant le spectacle. Pour lier tout cela à notre spectacle, je résume brièvement l’histoire du spectacle qu’on va présenter. De toute façon, au départ, on fait toujours une présentation générale avec Louis.

 

Scène 1 : Delphine et Louis. Introduction devant les élèves.

Louis : Voilà, on a un spectacle qui s’appelle « Conte d’un futur commun ».

Delphine : On imagine un futur qui soit désirable, na-na-na-na…

Louis : Vous allez travailler sur du conte avec Delphine, puis vous allez faire du numérique avec moi.

 

Delphine :
Du coup, après, on se retrouve et puis, selon les situations et les classes, on décide de notre ligne, de notre objectif, qu’est-ce qu’on attend d’eux à la fin de la journée : est-ce qu’on veut qu’ils racontent quelque chose, qu’ils produisent des choses ?

Louis :
Avec les classes de SES [Sciences Économiques et Sociales] j’ai travaillé sur les modes d’organisation de la planète pour la prise de positions collectives dans le futur, quels modèles économiques, quels types d’échanges commerciaux et diplomatiques entre les communautés, quels types de travail et d’emploi. Dans toutes mes interventions généralement, je parle de comment on va habiter dans le futur (surtout avec les petites classes), et comment on va se déplacer, se transporter entre les endroits. Je m’intéresse à l’Intelligence Artificielle et j’ai donc pas mal parlé de la génération d’images par l’IA qui n’était pas très en rapport avec le projet du Conte, mais qui m’intéressait à ce moment-là.

Delphine :
Avec une classe, on avait produit des procès. Ils travaillaient en petits groupes, ils avaient le droit de prendre leur téléphone, mais pas pour aller là où ils vont d’habitude, mais pour aller sur des moteurs de recherche, à la recherche de procès. Donc il fallait une victime, un coupable et un procès, une cause. Et il y a des filles très bien fringuées, qui sont venues pour faire le procès de Zara, H&M et ASOS, génial ! Et je leur disais, « Vous le direz à vos copines ». Elles ont découvert (et je l’ai appris d’elles) que ce sont les Ouïgours de Chine qui font toutes ces fringues dans une pauvreté extrême et tout le monde ici les achète. « Moi, tu vois, j’achète les fringues sur Vinted et il y a plein de fringues à acheter, c’est dingue ! [Murmuré :] Et en fait tout le monde achète ses fringues là-dessus quoi. [Voix forte :] Ç’est à très bas prix. » Donc elles ont découvert ça, et je trouve ça chouette aussi que les gosses se mettent en petits groupes et cherchent sur leur téléphone, parce que c’est un outil qu’ils ont tout le temps. Tout le monde a un téléphone, quand on dit « Prenez votre téléphone », il n’y a pas un qui dit, « Mais moi, je n’ai pas de téléphone ». Par contre ils ne sont jamais allés chercher ce genre de choses, ils sont juste sur les réseaux sociaux, ils ne vont pas s’en servir pour autre chose.

Louis :
A certains moments, Delphine et moi étions ensemble devant une classe, mais la plupart du temps en solo avec les classes. Et c’étaient des interventions très courtes, les plus longues duraient trois heures. Donc j’ai fait un aller-et-retour : je suis resté une semaine, et je suis retourné à Lyon, six heures de train, puis je suis retourné là-bas pour deux jours pendant lesquels on a fait cinq représentations, un marathon de fous. Yovan nous a rejoints à ce moment-là. Lors des performances, j’ai intégré tous les dessins que les élèves avaient faits.

Delphine :
L’éducation artistique m’intéresse beaucoup. Avec les enfants du primaire, je n’ai fait que de leur raconter des histoires, parce que c’est qu’ils voulaient. J’ai essayé de reprendre les bases du spectacle. Ils ont fait quand même du dessin, ils adorent les dessins, les gamins. En fait, on ne leur raconte pas tant que ça. J’ai commencé par leur demander : « Si vous deviez faire de grands procès pour que le monde soit meilleur demain, qu’est-ce que ça serait ? Qu’est-ce qu’on peut imaginer ? »

Louis :
Les élèves avaient essentiellement à dessiner des choses. En amont, les professeurs avaient travaillé sur le projet, sur les avatars du futur, leur habitat, les élèves avaient déjà commencé à décrire ces choses, ils ont dessiné leur habitat du futur, leurs personnages du futur (etc.) et je les ai intégrés dans les dessins de Maxime. Ça m’a donné énormément de travail ! Je ne le referai plus jamais ! Ça m’a pris dix heures de détourage, je ne sais pas combien de milliers de dessins, c’était insupportable. Enfin « insupportable », ce n’était pas insupportable, mais ça m’a vraiment fatigué. Après, ça m’a permis de recalibrer mes interventions, en me disant : « Ah ! Un seul dessin par classe ! »

Delphine :
Alors, on a eu toute cette discussion sur la peine de mort, ça a été terrible ! Ils étaient tous pour la peine de mort. C’est compliqué, hein ! Du coup on a passé une séance entière à discuter de ça. En fait, aujourd’hui on ne parle plus de la peine de mort dans les écoles, les profs m’ont dit qu’ils ne le faisaient plus. Moi à l’école, on m’a bassiné sur la peine de mort. On en parlait beaucoup, on a lu des textes, “na-na-na na-na-na”, Victor Hugo, “ta-ta-ti ta-ta-ta”. Aujourd’hui on n’en parle plus, donc les gamins, ils écoutent des émissions à la télé.

 

Scène 2 : dans une classe avec Delphine

Une élève : J’ai vu à la télé un gars qui racontait qu’une fille avait été violentée, et que le coupable, on ferait mieux de le pendre.

Une élève : Il a raison.

Un autre élève : Oui, il a raison.

D’autres élèves : Il a raison !

Une autre élève : Il y en a qui font de la prison, ça ne sert à rien, ils sont trop heureux en prison.

Delphine : Ah ! oui comment tu sais qu’il est bien en prison ? T’es déjà allé en prison ?

L’élève : Non mais je veux dire, en prison il a à manger, il a à boire, il a un toit.

Delphine : Et toi si tu étais accusé d’avoir violenté quelqu’un mais que ce n’était pas toi, mais que tout le monde dit que c’est toi, et que t’allais en prison ?

Un élève : Ah ben non ! mais pas moi, ça ne peut pas m’arriver !

Delphine : Ah oui ?

L’élève : Non.

Delphine : Ça ne peut pas arriver à toi, hein, ça n’arrive qu’aux autres !

Une élève : Les autres, ce n’est pas grave si ça arrive aux autres.

 

Delphine :
Les professeurs m’ont dit par la suite qu’en fait, ça a fait du bien d’en parler parce que ce sont des choses qu’ils gardent pour eux. Donc ils ne disent rien à personne, ils sont sûrs d’eux, ils sont sûrs de leurs petites conceptions. Et du coup, d’en discuter, ça bouge les choses. Mais du coup c’est difficile à amener parce qu’il ne faut pas non plus juger ce qu’ils disent, justement un espace de parole c’est un espace où on laisse parler. Et il y a des perles dans ce qui est dit comme : « Non, mais ils devraient s’arrêter à l’iPhone X et après ça ils devraient arrêter d’en faire. » J’ai dit : « Oui d’accord. »

Le fait que je n’ai pas aimé le lycée, d’avoir été en marge, est la cause que je n’ai pas d’a priori sur les élèves. À la limite, parfois je trouve ceux qui sont en marge les plus intéressants, pourtant ce sont tous les élèves qui m’intéressent. Comme je n’ai pas une grande estime de moi, je n’ai pas de préjugements comme en ont parfois les intellectuels face à ceux qui n’arrivent pas. Et à cela, j’y tiens beaucoup. Ce que je retiens du cirque, c’est la position du corps : c’est que déjà, on s’assied, on met les pieds sur le sol, on a tous le dos droit et puis on est là tous ensemble. On n’est pas comme ça [elle montre une position avachie], s’il y en a qui veulent vraiment rester comme ça, ce n’est pas grave. Mais, je veux dire qu’on est là, présent, avec son corps et puis il y’a le travail de respiration, le travail de rester le dos droit, de lancer ce qu’on veut dire là où on veut le dire – [murmuré] parce que si on parle comme ça, personne ne comprend rien – [voix normale] et du coup, ça leur sert aussi à l’école après, parce que quand ils passeront l’oral, le grand oral, ils sauront parler. Au départ, on va juste dire leur prénom et puis leur demander s’il y en a qui sont gênés pour parler en public, parce qu’il y en a qui le sont et d’autres qui ne le sont pas du tout. Il ne faut pas laisser parler tout le temps ces derniers alors que ceux qui ne parlent pas restent silencieux, donc il faut gérer cet aspect et puis fixer des règles. Je mets des règles dès le départ : on ne se moque de personne ici, on a le droit de dire ce qu’on veut, ça ne sort pas de cette salle, ça reste entre nous. On peut discuter, mais on n’est pas là pour dire n’importe quoi, c’est un espace de liberté, on respecte les autres, pas de moquerie, je ne le supporte pas. C’est plutôt le cirque qui m’a apporté cette posture qui implique beaucoup le travail du corps, et c’est aussi le conte où le travail du corps est lié à la parole. Et puis, je leur raconte des histoires et je leur demande ce qu’ils en pensent. Évidemment, je ne vais pas raconter les mêmes histoires aux ados et aux primaires.

On a travaillé avec les partenaires, les instits. Par exemple, on a bossé avec une professeure d’espagnol. Donc je les ai mis en cercle et puis on a cherché des mots pour imaginer en espagnol, par exemple, le Propel Stretch. Je leur ai expliqué ce que c’était et puis ils ont commencé à chercher dans le dictionnaire, ils se sont éclatés. Moi je ne sais pas du tout parler espagnol, donc ils essayaient de prononcer des choses, et je leur disais : « Comment ça se dit ? Ça je ne connais pas ». Donc les gosses essayaient de le dire. Et là, la prof m’a dit : « Les cours d’espagnol n’ont jamais été aussi bénéfiques que celui d’aujourd’hui ». Parce que c’est une autre approche, on a cherché un vocabulaire pour des habitats du futur en espagnol. Tout est possible en fait.

Maxime :
Il y a eu une résidence à Hennebont avec des lycéens, je n’y étais pas, et je pense que ça a dû avoir une influence sur l’écriture, parce que Louis en est revenu en me disant : « Ils ont lâché des idées incroyables, ça nous a donné plein de pistes ». Donc, ça a peut-être orienté un petit peu l’histoire, mais ils ont aussi beaucoup dessiné. Et cela ne correspondait pas complètement à ma pratique, parce qu’il ne faut quand même pas oublier que le dessin est une pratique solitaire qui se fait avant de pouvoir se retrouver en collectif. Je pense que les musiciens ne sont pas aussi solitaires, parce qu’il y a des temps de répétitions, il y a effectivement des temps de pratique personnelle, mais je pense que le collectif intervient plus souvent. Je travaille en solitaire avant d’apporter de nouvelles briques au travail collectif de l’équipe.

 

34. Les résidences (suite) : Paris, Nantes.

Louis :
La prochaine résidence a eu lieu à Paris, à la Cité des Sciences. C’était une résidence de cinq jours et je n’avais fait un planning que pour le premier jour :

 

9h. : Installation
10h.: Internet test
11h.: Video test
12h. : Lighting test
13h. : Pause déjeuner

 

Ah ! oui et là, il y avait Émilie Baillard qui est une metteuse en scène, je lui ai demandé d’avoir un regard extérieur sur les déplacements de Delphine sur scène. Elle est venue, et ça nous aurait demandé une résidence entière alors qu’elle n’est restée qu’une journée et on avait plein d’autres trucs à faire. À Paris on n’arrive à montrer que trois minutes ou quatre minutes de plus.

 

Scène 1 : Delphine et Louis

Louis : Bon ! Il va falloir qu’on avance, hop !

Delphine : Oui, allons-y.

Louis : Il va falloir qu’on avance un peu, parce que c’est chaud là, on n’a pas réussi trop à avancer depuis la dernière fois, il faut qu’on finisse l’histoire pour Nantes. C’est notre dernière résidence dans le cadre de l’Appel à projets immersifs de l’AADN.

Delphine : On peut se revoir avant d’aller à Nantes.

Louis : Il faudrait envisager deux résidences d’écriture de deux jours à Lyon.

Delphine : Je peux venir à Lyon parce que je prends des cours. On peut essayer d’arriver à la fin de l’histoire.

 

Louis :
À Nantes, Yovan, Delphine et moi sommes présents tout le temps. Et là, les journées n’étaient pas organisées très précisément, comme d’habitude je crois que j’avais fait un planning un peu complet. Et là on enchaîne bien le conte de bout en bout, parce qu’on arrive à la fin. Les deux derniers jours on fait deux restitutions publiques le jeudi soir et le vendredi soir, avec la totalité du spectacle, même s’il nous manque encore des dessins, même si Delphine lit son texte. Peut-être que je ne l’ai pas mentionné jusqu’à présent, mais il faut souligner le travail énorme qu’a fait Delphine. À Nantes, les journées de travail ne se terminaient pas à 18 h. mais bien plus tard dans la soirée. Il y a beaucoup de moments où Delphine et Yovan ont travaillé ensemble, pendant que je suis en galère avec mes dessins, et du coup je n’ai pas le temps de faire des choses avec eux. Ce qui est super avec Yovan, en tant que musicien, c’est qu’il a un sens du rythme, et du coup, il peut dire à Delphine :

Yovan :
Là, tu vois, quand je joue ça, toi il faut que tu dises ça.

Louis :
Et il fait beaucoup d’allers-et-retours avec Delphine là-dessus. Il y a beaucoup de moment où il doit caler des trucs.

Yovan :
Ah ! non, c’est là ! exactement !

Louis :
Ils se font des enchaînements de la pièce tous les deux. Pendant les répétitions, je travaille souvent sur des dessins qui n’ont rien à voir avec ce qu’ils sont en train de faire. Souvent, je travaille beaucoup tout seul, j’ai beaucoup de moments où je dois caler des choses qui ne marchent pas, je refais, ça ne marche pas, je refais… ça ne marche pas ! Au bout d’un moment, ça finit par marcher.

 

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Le poste de travail de Louis pendant la performance
Photos: Nicolas Sidoroff

Louis :
De temps en temps j’appelle Maxime. Et je dois m’occuper de tout le reste aussi : l’animation des dessins, la vidéo, tout ce qui fait partie de la participation du public, je cale à chaque fois ce qui va apparaître sur les téléphones portables, ce qui va apparaître sur l’écran, tous les changements que cela implique, parce que ça change tout le temps au fur et à mesure, il faut changer les questions adressées au public, il faut changer l’interface, etc. Il y a plein de choses à changer avec le Live Drawing que je connais maintenant très bien. Et je fais aussi la lumière. Ça fait beaucoup de choses à faire, et c’est moi qui gère la technique, par exemple c’est moi qui gère le son de Yovan quand ça ne marche pas. Enfin lui, il regarde, il fait des choses, mais généralement c’est moi qui vais mettre les mains dedans.

Yovan :
Louis met aussi la main à la pâte, sinon ça ne marcherait pas. On le sait maintenant que pour un spectacle comme ça, il faut quelqu’un qui soit un permanent pour s’occuper des aspects techniques du son et de la musique, au fond ce n’est pas trop demander. Ce projet m’a permis d’apprendre beaucoup de choses à la fois et franchement, c’est ce qui pour moi était intéressant. Tout l’enjeu à chaque fois c’était de se dire : « Ah ! là, ça n’a pas marché ! » Ça prend une journée de préparation et puis le lendemain, on se remet dans le rythme du spectacle. En fait, à chaque fois, il faut se familiariser avec le lieu, une fois qu’on est bien dans le lieu, qu’on a nos équilibres sonores, tout va bien se passer.

Louis :
Puis voilà, à la fin, je me retrouve souvent tout seul à désinstaller. C’est à moi de remettre les choses en ordre, mais j’ai un peu l’habitude, ça fait partie du rôle du régisseur au début et à la fin après que tout le monde est parti.

Yovan :
On a fait vraiment le truc à trois, parce que le spectacle était toujours en cours d’écriture, enfin, il s’écrivait au fur et à mesure, ce n’était pas une situation genre « bon voilà j’ai écrit ça, maintenant débrouille toi ». Au départ c’est comme ça que j’ai vraiment fait avec le texte de Delphine en composant la musique dessus. C’était une bonne façon de faire mais au bout d’un moment, il devenait urgent de se rencontrer. Les résidences ont été l’occasion de travailler ensemble, notamment à Nantes où le texte n’était pas encore complètement écrit. Delphine ne m’avait rien envoyé avant la résidence, parce que Louis avait l’idée mais il fallait qu’ils se mettent encore d’accord sur ce qui allait vraiment se passer. Louis n’est pas écrivain, il n’est pas auteur, mais il est le responsable du concept du spectacle et il avait besoin de Delphine pour mettre l’histoire en mots. Et vu que je n’avais pas non plus décidé de la musique, j’ai dit : « Je préfère composer avec vous ». Donc, pour la fin du spectacle à Nantes, j’ai travaillé avec eux, je faisais les bruitages avec eux. Et quand ils me demandaient : « Tiens là, par contre, ce serait vraiment bien qu’il y ait un moment de musique », je savais très vite comment produire quelque chose que je réécrirai plus tard à la maison. On a ainsi appris à mieux se connaître. Le projet de Louis, dès le départ, était quand même très ambitieux, parce qu’il avait beaucoup d’idées qu’il a fallu démêler. Et je pense que maintenant qu’on se connaît, on sait ce qui a bien fonctionné et pour un éventuel prochain projet, on saura ce qu’il ne faut pas faire en tout cas, pour gagner du temps.

Louis :
Donc, à la fin de la résidence à Nantes, on est extrêmement contents, parce qu’on a réussi à présenter le spectacle complet au public, avec des retours très positifs.

 

Scène 2 : après le spectacle, Delphine, Louis, l’amie d’Amandine, une personne du public

Une personne du public : Je suis super contente d’être venue parce qu’on voit que c’est possible de changer les choses et ça nous donne envie de faire.

Louis : C’est exactement ce que je voulais. Je suis très content.

L’amie d’Amandine : J’ai trouvé ça super. Mais j’ai voulu inviter plein de collègues, mais ils n’ont pas voulu venir, ils ont dit que c’étaient des trucs écolo.

Delphine : Ah ! bon, comment savent-ils que c’est un truc écolo ?

L’amie d’Amandine : Ben tu as vu la présentation du spectacle ?

Delphine : C’est moi qui ai écrit la présentation.

Louis : Voici le texte : « Ce spectacle est un voyage participatif dans un futur désirable, c’est un conte immersif interprété par une conteuse, le public contribue au déroulement de l’histoire avec les outils numériques, des discussions, des réflexions. Cette œuvre crée des espaces propices pour aborder des thématiques sociétales qui aujourd’hui nous préoccupent : l’injustice, l’écologie et la guerre. »

Delphine : S’il n’y avait eu que la guerre ils seraient venus ! Bon, je ne trouve pas que le texte de présentation soit si évident.

L’amie d’Amandine : Pour quelqu’un qui est écolo, oui ça ne paraît pas écolo, mais pour quelqu’un qui ne l’est pas…

Delphine : D’accord. Et en même temps, je ne comprends pas comment aujourd’hui, à notre époque, on ne peut pas être touché par l’écologie. Je ne comprends pas comment tu peux dire qu’on n’en a rien à foutre. Je suis atterrée par les gens qui disent « Oh ! encore un truc écolo ». Oh je veux dire, t’as vu comment on vit ? T’as vu ce qui risque de nous tomber sur le coin de la figure ? Enfin t’as des enfants ? Même sans avoir d’enfant ? T’aimes les animaux ? T’aimes les fleurs ? Comment peux-tu être aussi indifférent à ça ? Ça me semble vraiment compliqué, ça me semble fou. Après, gauchiste, moi je suis anarchiste depuis longtemps, je fais un spectacle de gauche, bon. Ben c’est vrai que ce sont les riches qui polluent le plus, hein ! Des délires de luxe, là ! Et plus tu grattes, et plus tu… Pour les abeilles, les lobbyistes viennent faire des faux dossiers pour dire « Non, non, non, les pesticides c’est pas du tout mauvais pour les abeilles, il n’y a aucun souci ». Tout le monde sait que c’est faux, que c’est juste une question de pognon et en fait ils continuent avec leurs pesticides contre les abeilles, ils défoncent trop, ils tuent tout.

 

35. Écologie. Delphine.

Delphine :
Aujourd’hui, finalement, je suis peut-être une bourgeoise par rapport à ce que j’étais avant et peut-être que je ne suis pas « tout écolo ». C’est clair. Mais j’essaye de faire le plus que je peux. Mais c’est vrai que je pense que les très riches, c’est à un autre niveau : ce sont des concours de fusée, des bateaux énormes, des avions tous les jours, enfin c’est puant, quoi. Je pense que déjà on pourrait arrêter un peu d’utiliser les pesticides. On ferait juste un peu, déjà ça serait déjà pas mal. Je dénonce Total dans le spectacle. En Ouganda et en Tanzanie, là, c’est terrible, ils défoncent tout. C’est un paradis terrestre la Tanzanie. Il y a des girafes, des éléphants, « prrrrrou gré grog trac troc pèl ». Il y en a qui se rebellent, ils les enferment dans le noir pendant six mois. Et Macron soutient. Et tout le monde soutient, BNP Paribas finance, non mais où est le problème les gars ? C’est affreux. C’est affreux, mais bon ça continue. Après il y a des gens qui dénoncent, moi, j’ai appris ça en regardant l’émission Investigation machin : une fille blonde, les cheveux très courts qui fait des investigations à la Tintin, je ne sais pas comment on dit ça, ce n’est pas écrit quelque part ? [Bruits de pages qui tournent] Bref, du coup, il y a quand même des journalistes qui dénoncent, il y a quand même des choses qui se passent. Je pense que ça va bouger, enfin j’espère.
Le problème c’est que les riches n’en ont justement rien à faire. Étonnamment, ils veulent rester dans leur luxe et ont tellement peur de perdre leur argent. Pourquoi ? C’est dingue. On ne leur demande pas de se retrouver au RSA, hein ! et d’aller balayer le trottoir, comme on demande aux gens au RSA aujourd’hui. Ouais, c’est vrai que moi je viens de très bas, Je viens de pas-de-thune, et peut-être que j’ai cette empathie ou cette compréhension que d’autres n’ont pas parce qu’ils sont nés dans le luxe et qu’ils ne comprennent pas qu’un jour, s’ils n’ont plus ça, ça peut quand même aller, ça peut être une très belle vie sans tout ça. On a presque envie de leur faire des câlins à ces gens : « Ça va bien aller, t’inquiètes pas ! »
J’ai découvert des architectes qui sont incroyables, comme Ferdinand Ludwig. On a cherché des exemples d’architecture, comme l’architecture végétale, c’est-à-dire tous les bâtiments qui sont construits avec des arbres et des plantes. Je n’étais pas trop d’accord avec ça. On en a beaucoup parlé avec Maxime parce que, pour moi, si tu fais des bâtiments avec des arbres, il faut qu’ils soient enracinés dans la terre et souvent dans les bâtiments qu’on voit, les arbres sont dans des pots. Moi qui aime les arbres, qui ai beaucoup lu, je sais que les arbres communiquent par les racines, du coup c’est raté si tu fais ça : ils ne peuvent pas communiquer. Les arbres se protègent de certaines maladies par les racines, par le mycélium, ils s’envoient des informations, s’il y a une bête qui attaque. Un arbre envoie le message : « Vite, protège-toi ! », du coup il meurt, mais pas les autres à côté. Je trouve donc dommage de les mettre dans des pots. Mais de toute façon, ils vont être obligés de mettre des plantes, de la végétation dans les villes, sinon trop de gens vont mourir. C’est clair.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

 

36. Conclusion

Louis :
J’ai monté une équipe de gens qui font bien ce qu’ils font, sinon je n’aurais pas travaillé avec eux. Donc, à partir de là, quand ils proposent quelque chose, je pars du principe qu’ils savent mieux que moi ce qui est bien, parce que c’est leur job. Yovan pareil, je ne l’embête pas sur la musique, je ne vais pas lui dire ce qu’il doit faire… Oh ! si d’ailleurs, je le fais un peu !

Yovan :
Dans ce projet, les personnes n’avaient pas d’exigences particulières, elles me faisaient confiance et m’ont laissé libre de développer mes propres choses. Ça m’a permis de m’exprimer et de continuer à évoluer. J’ai pu adapter la musique à différentes situations, si c’était trop long ou trop court, de décider de ce qui marche et de ce qui marche moins bien. Et après, parfois, Louis et moi, on n’était pas d’accord, il me disait : « Tiens ! là j’aimerais qu’il y ait plus de ça, j’aimerais bien que ça tu le joues en live » ou des choses comme ça. Mais c’était toujours en vue de trouver un terrain d’entente entre nous.

Louis :
Je les titille tous un peu, c’est tout de même un peu mon rôle. Je donne mon avis, puis ils le suivent ou ne le suivent pas. À la base, je donne de grandes directions. Mais globalement je leur laisse 100% de liberté.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

Maxime :
Quand je dessine, j’ai cette idée toujours d’aller un peu contre ma pratique de l’architecture, il y a vraiment peut-être un, deux ou trois croquis en noir et blanc qui me prennent je dirais deux minutes et après, quand j’en tiens un, j’en fais un croquis en couleur en peut-être cinq minutes et puis, en général, je ne reviens pas trop en arrière. Comme je sais que j’ai un temps limité, je ne fais pas trop de recherche. Assez vite, je me dis : « Là, j’ai vraiment beaucoup de dessins à faire, il faut avancer » et j’aime bien ce côté instinctif. Pas trop de tergiversations, mais aller comme ça, à l’instinct.

Yovan :
Ce que je retiens du travail collectif, c’est que même le négatif nous apprend des choses. À certains moments on se tire les cheveux, mais c’était intéressant en tout cas de travailler dans un planétarium et tout ce que cela implique. J’ai rarement visité ce genre d’endroits, ce ne sont pas des lieux qu’on fréquente tous les jours, je parle pour moi, mais c’était intéressant de voir que ce sont des lieux qui sont très équipés pour le son et la musique (mais aussi du côté du visuel). Et du coup, il y a beaucoup de choses à faire, notamment avec les arts numériques qui est quand même une pratique assez nouvelle. J’ai pas mal d’amis qui se mettent aux arts numériques, il y a tellement de choses qui sont en train de se passer avec ça. Le phénomène va au-delà des performances des artistes numériques, ce sont des choses qui se développent aujourd’hui aussi dans les concerts, dans les concerts de musique électronique, même dans les concerts de rock et de rap, on est dans les textures, dans les lumières, etc. J’ai appris que pour caler à un spectacle qui va peut-être ne durer qu’un quart d’heure, ça va être beaucoup de travail et encore heureux, on n’était que sur des dessins fixes et pas sur des dessins animés. J’ai bien apprécié de découvrir ce genre de travail très minutieux et qui prend un temps très long. Par contre, je pense que l’idéal aurait été d’avoir un maximum de choses déjà posées avant la première résidence, notamment dans l’écriture du conte, pour qu’ensuite, une fois qu’on est dans la phase de création, on puisse aller un maximum dans le détail pendant les répétitions et d’élaguer les choses. On n’a pas eu assez de temps pour faire cela par rapport à ce qui n’allait pas, pour aérer le spectacle. Mais cela va nous servir pour la prochaine fois, c’était plein de découvertes et puis à la fois aussi, de ce qui peut aller mieux, mais c’est le cas dans tous les projets de toute façon. Donc, franchement, il y a en majorité des aspects positifs dans tous les sens, maintenant, et maintenant voilà le spectacle, en espérant que ça tourne un petit peu et qu’on puisse continuer à le peaufiner.

Delphine :
Ce sont de belles rencontres, je suis contente de les avoir rencontrés tous les trois. C’est vraiment chouette d’être avec eux, c’est une équipe qui fonctionne vraiment bien. C’est d’autant plus chouette que ce n’est pas évident de pouvoir travailler avec tout le monde, c’est vrai, ce n’est pas toujours aussi simple. Et là, on s’entend tous très bien, même au niveau de la créativité.
Je relis maintenant mes notes, ça me fait rire. Ce n’est plus du tout ce que je dirais aujourd’hui. C’est drôle.

 


 


Le « Conte d’un futur commun » a été présenté pour la première fois le 18 juin 2023 au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains.

Le Conte d’un futur commun choisit d’explorer de manière collective un futur désirable et les manières d’y parvenir. Spectacle participatif, c’est à l’aide de son smartphone et de sa voix que le public va participer à l’histoire à la manière d’un jeu vidéo. Cette histoire se construit comme une improvisation collective, où chaque participant peut à tout moment la faire dévier ou bifurquer, la bousculer, l’augmenter, la détourner.

Co-production : AADN – Arts & Cultures Numériques à Lyon, Planétarium de Vaulx-en-Velin, Planétarium de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, Stereolux, Planétarium de Nantes, association Antipodes, Pays d’Art et d’Histoire entre Cluny et Tournus.

Avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l’image animée et de la SACEM cda95.fr/fr

 


1. Marie-France Marbach est une conteuse, directrice artistique du festival Contes Givrés et glotte-trotteuse. Geo Jourdain est le président fondateur de l’association Antipodes et un agitateur d’idées. L’association Antipodes, menée par Geo Jourdain et Marie-France Marbach se trouve à Saint-Marcelin-de-Cray (Bourgogne). https://www.association-antipodes.fr

2. « On retrouve François Pin dans son habit de président de l’association La Carrière de Normandoux, où tout a commencé, sur le lieu qu’il a acquis sur un coup de cœur en 2004 à Tercé, à 20 km de Poitiers ». lejdd.fr/Culture/L-etonnante-carriere-de-Monsieur-Pin-

3. IRFA-Bourgogne is a Training organisation in the Region Bourgogne Franche-Comté since 35 years.

4. L’Atelier du Coin, à Montceau-les-Mines, est un atelier chantier d’insertion. atelierducoin.org

5. Gus Circus de Saint Vallier, Fjep, école de cirque. koifaire.com

6. BIAC : Brevet d’Initiation aux Arts du Cirque, un diplôme pour enseigner les arts du cirque. Voir ffec.asso.fr

7. Nicole Durot. Voir « La Bulle verte » : En 2005, Nicole Durot crée La Bulle verte, une école de cirque réunissant jeunes et adultes valides et handicapés.labulleverte.com

8. Il s’agit de Laurent Fréchuret. Les paroles qui lui sont attribuées ici sont une fiction. Voir Laurent Fréchuret

9. Minuit : Passionné d’architecture, Dorian aka Minuit Digital est un artiste lumière et numérique qui aime entremêler structures physiques et digitales. Minuitt

10. Les Contes Givrés est un festival organisé par l’association Antipodes. association-antipodes.fr

11. Les architectes qui exercent la maîtrise d’œuvre sont tenus responsables des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination pendant les dix années qui suivent la réception des travaux. architectes.org

12. L’Ensemble Aleph est un groupe de musique contemporaine basé à Paris qui a existé de 1983 à 2022. ensemblealeph.com

13. Mapping : « le mapping vidéo est une animation visuelle projetée sur des structures en relief ». fr.wikipedia.org

14. Maxime Touroute : maximetouroute.github.io

15. Théâtre C2 à Torcy en Saône-et-Loire. 71210torcy.fr

16. Jacques Prévert, « L’Autruche », Contes pour enfants pas sages, Illustrations de Laurent Moreau, Paris : Gallimard-jeunesse – Folio Cadet, les classiques N°8, 2018. artpoetique.fr

17. Débruit ((Xavier Thomas) : limitrophe-production.fr

18. « KoKoKo! est un projet né à la faveur d’un tournage documentant la scène contemporaine du Kinshasa underground ». limitrophe-production.fr

19. Julien Lagrange, guitariste, enseigne à l’École de Musique (EMDT) du Clunisois (Saône-et-Loire) la guitare et les ateliers handicap. enclunisois.fr

20. Google : « Avec le format sonore 7.1, un canal central arrière est généré en plus de ces canaux et réparti sur deux autres enceintes (appelées centres arrière). Ce canal, codé dans les canaux d’effets stéréo, permet de mieux localiser les effets et les signaux musicaux directement derrière la position assise. » google.com

21. Laboratoire artistique, le LabLab offre un espace de recherche et de création intégralement équipé pour de nouvelles expériences audiovisuelles, immersives et interactives. polepixel.fr

22. AADN (Arts & Culture Numériques) est une association créée en 2004, elle porte des projets artistiques et culturels qui bousculent les imaginaires et suscitent le désir de fonder une société post-numérique sensible, solidaire et responsable. aadn.org

23. Métavers : « par définition un métavers est un monde virtuel. Le terme est régulièrement utilisé pour décrire une version futuriste d’Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés sont accessibles allant au-delà du monde réel. » wikipedia.org

24. Baptiste Morizot est un philosophe français qui enseigne à l’université d’Aix-Marseille. Ses recherches portent principalement sur les relations entre l’humain et le reste du vivant. wikipedia.org

25. Camille de Toledo est un essayiste et écrivain français vivant à Berlin. Il est aussi plasticien, vidéaste et enseignant à l’ENSAV (La Cambre) à Bruxelles. wikipedia.org

26. Medlay est un concept de média hybride permettant de créer un artefact multimédia pour raconter une histoire et/ou communiquer une idée sur le Web. ranbureand.github.io

27. Resolume Wire est un environnement de patch modulaire basé sur des nœuds pour créer des effets, des mixeurs et des générateurs vidéo. resolume.com

28. Jacques Puech est un chanteur et joueur de cabrette de la musique traditionnelle du Massif Central en France, voir la Novia : la-novia.fr

29. Stems : « Ce qu’on appelle les «Stems», ce sont les différentes pistes sources dans votre projet de production, mais regroupées par section. » loreille.com

30. Notion est une application de prise de notes, de gestion de projet et de collaboration développée par Notion Labs Inc. Wikipédia fr.wikipedia.org

31. Chevagny-Passions est un festival des arts qui a lieu une fois par an à Chevagny-sur-Guye (Saône et Loire). fr.wikipedia.org

32. EAC, Ministère de la Culture : « L’éducation artistique et culturelle (EAC) a pour objectif d’encourager la participation de tous les enfants et les jeunes à la vie artistique et culturelle, par l’acquisition de connaissances, un rapport direct aux œuvres, la rencontre avec des artistes et professionnels de la culture, une pratique artistique ou culturelle. » culture.gouv.fr

The Tale of the « Tale »

Return to the French original text: Le Conte du « Conte »

 


 

The Tale of the « Tale »

Louis Clément, Delphine Descombin, Yovan Girard, Maxime Hurdequint

Edition and page lay-out: Jean-Charles François

March 2024

 

The four protagonists have collaborated to a spectacle entitled “Le Conte d’un future commun” [The Tale of a Common Future] with:

Louis Clément, project instigator, public participation and drawing animation.
Delphine Descombin, storyteller.
Maxime Hurdequint, drawings.
Yovan Girard, music.

The texts are the result of four separate interviews with each artist during 2023, by Nicolas Sidoroff and Jean-Charles François.

Summary :

1. Delphine’s story
2. Architecture’s studies, Louis and Maxime
3. Delphine’s journey to Africa
4. Yovan Girard, the musician.
5. Delphine’s return to France
6. Maxime’s hesitations between architecture and drawing.
7. Yovan ‘s Story (continued)
8. Delphine’s story (continued). Trapeze and storytelling.
9. Louis and Maxime’s stories (continued)
10. Yovan’s Story (continued), the project « A Violin for my School ».
11. Delphine, the Tale of the Skull and the Fisherman.
12. The little notebook with trees. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute and Louis Clément.
13. Delphine’s story (continued). The Tale of Tom Thumb.
14. Delphine and storytelling. Maxime and architecture and drawings. Yovan and composition.
15. The Live Drawing Project
16. Delphine : Two tales.
17. Origin of the “Tale of a Common Future”.
18. The AADN immersive project.
19. The “Tale of a Common Future”.
20. Louis, One Year to Reflect.
21. The writing of the Tale. Louis and Delphine..
22. The drawings and their animation, Louis and Maxime..
23. A traditional music of the future?
24. Music elaboration: pre-recorded or live music. Louis and Yovan.
25. Music and storytelling, Delphine et Yovan.
26. Music and storytelling. Louis et Yovan
27. Yovan’s ideas on music and Maxime’s ideas on drawings.
28. The Tale and drawings. Delphine, Maxime et Louis.
29. Sonorization
30. Communication with Notion.
31. Residencies: LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains.
32. Public participation.
33. The artistic and cultural education residency at Hennebont. Louis, Delphine and Yovan.
34. The residencies (continued): Paris, Nantes.
35. Ecology. Delphine.
36. Conclusion


 

1. Delphine’s Story

Delphine:
Where does the Tale come from? It’s by telling the Tale that we’ll arrive at the Tale… The Tale comes from when I was in high school and I met Marie Jourdain, the daughter of Marie-France Marbach.[1]
 
During high school, I was at boarding school, she was telling me stories all the time. I met her mother and Geo Jourdain. And I loved these people who were completely different from what I had as reference in my family. They woulod take me to school, to the boarding school on Sunday evenings and would bring me back on Friday evenings. I spent a lot of time with Marie, who talked to me about Africa, who told me a lot of stories. After that, I left high school and went to Africa. There, I heard lots of stories, lots of tales. And then, when I came back from Africa, Marie-France absolutely wanted me to tell the story of my trip. And I didn’t want to, I didn’t want to talk, I wasn’t at all ready to talk in front of people. She took me by surprise, and I often attended her performances. She gave me the opportunity to go to workshops, she really believed in me, when I really didn’t. So, I stayed in close contact with Marie-France.

The boarding school was in Louhans, it was a visual arts school. It was the only high school that accepted me because I had very bad marks, and I wasn’t following school at all. It was my aunt who found this high school that was willing to accept me. I stayed outside. I didn’t go to classes. I was under the trees listening to the birds, I wasn’t in the mood to be locked in a class. Often, the director summoned me, and we had some very interesting philosophical discussions. So, it was as if he had me join the 12th grade philosophy course. Then, he’d ask me what I wanted to do later in life, and I’d say: “I don’t know, maybe take care of goats, perhaps…” I didn’t know what I wanted to do, but it’s true, these were important questions that nobody had ever asked me before. It’s true that I had the chance to meet some special people. And I really liked the visual arts courses. There were two visual arts teachers who were amazing, they took us to Lyon to see exhibitions, we even went to Strasbourg to see museums, it was great, so these were the courses I attended, I was allowed to create things. As for the rest of the courses, I really rejected them, yeah, they bored me a lot. That’s why afterward I took my backpack and I got the desire to go to Africa. The journey lasted quite a long time because I stopped along the way, I didn’t have any money. I worked as a seasonal worker, in hotels-restaurants, I was doing services and they provided lodging at the same time. I sold croissants, I worked in bakeries, I did all sorts of jobs. And then, I met someone in the street who was spitting fire, who taught me how to do it. This was my first real job: we’d spit fire, I’d spit fire and then I’d beg. In fact, I’d blow bubbles in front of a bakery, telling poetry. I hated all this, I found it unbearable, but I always managed to do something.

 

2. Architecture Studies, Louis and Maxime

Louis:
My background story starts on December 23, 1986. I don’t know how far back I can go, but I think my parents are no strangers to what shaped me. So, I think that if we go back very far, one could say that what shaped me was the discovery of reading, and then above all the reading of what we call imaginary fiction, anything related to science fiction, fantasy, etc. And then, from a more professional point of view, or in any case in terms of my studies, I passed a scientific baccalaureate, then I studied architecture at the Paris-Val de Seine architectural school and graduated from it. At the end of my Licence, I started to realize that architecture wasn’t really for me. In fact, I already had the somewhat utopian idea that becoming an architect would enable me to conceive of spaces in which people would feel good and above all that it would help them to think, to change the world.

Maxime:
My cousin Louis Clément also studied architecture. We’re a year apart, and we didn’t do that in concert, we went our separate ways. I was at the INSA in Strasbourg and he was at the Val de Seine in Paris, we followed our own path. This was a period in our lives when we saw each other less often, but we talked a little about architecture.

Louis:
And then I was confronted with the Master and with the realities of construction, the fact that, if you become an architect, you become a builder. You work in more or less big firms, and ultimately your work is extremely determined by budgetary considerations. And so, I thought that it would not interest so much. Even so, I did my Master’s first year in Antwerp (Belgium), it went fairly well, and I was already starting to think a little that I was going towards performing arts, scenography, etc. And then, in my Master’s second year I sort of eeked by, but I got the diploma all the same. Then I had the chance to work for an architect, I did my Master’s internship at “Scène scénographie”, which is a very good enterprise. We worked on the scenography of the “Musée d’Alésia”, the “Grotte Chauvet II”, so I had the chance to count the stalactites for many hours, this was enormously interesting! Interesting but… It was fun in any case, to work on beautiful projects.

Maxime:
During the last year of high school, I applied to an architecture school, it might have been in Lyon or Grenoble, I went there with my hands in my pockets, thinking: “To be an architect is a trade that you learn, so I’m not going to learn it beforehand!” I crashed, and my only solution was to go to a preparatory school. So then I was in the first year of a preparatory school.

Louis:
And then, when I started to work as an architect, I got a job with François Pin who is an architect who also run a music festival in quarries, in the “Carrières de Normandoux[2], and he created the Marbrerie in Montreuil (a suburb of Paris). I worked on the Marbrerie project, which was one of the biggest projects, the most interesting that I could do as an architect: it was a multi-programmatic project, with an artist’s residency, a swimming pool, a restaurant, an architecture agency, a performance hall, and furthermore I was in charge of sketching it. So, I could have really been very happy, and I stayed almost six months. In fact, it didn’t make me happy at all, so I thought that, if I was not happy there, then I didn’t see what I was still doing in architecture, because, I thought I wasn’t going to find a more interesting job.

Maxime:
With Louis, my cousin, we influence each other, maybe because we know each other very well. That is to say that when we grew up, we saw each other on a regular basis, we never really lost touch. So, this is the reason that it’s always a fluid relationship between us, we never yell at each other, in fact we don’t really need to. I think we adjust one another perfectly, that’s how we influence each other. I imagine that, as we both studied architecture, we speak the same language, it helps us to communicate of certain concepts, I don’t need to explain to him such and such architectural project.

 

3. Delphine’s journey to Africa

Delphine:
It took me a year, from the age of 17 to 18, to collect enough money for my trip to Africa. I worked during the summer and winter seasons. In any case my mother wouldn’t allow me to cross the border. So, when I turned 18, I immediately crossed the Spanish border. At 18 I no longer feared being prevented from doing so by send police. In fact, I’d already been arrested at police stations, and they were tracking me, they track street people, they have their photos, and they know where they are. They knew I lived on the street, that’s funny, because they didn’t know this until they arrested me.

I went all the way down to Spain. I took the boat in Gibraltar, I arrived in Morocco, and then I went down to Mauritania, and on to Dakar in Senegal. After that, I really wanted to go to Burkina Faso, because I’d met some Burkinabe in France and I wanted to go and visit them, they were dancers and percussionists. So, I took the train to Bamako, Mali, where I took another train to go to Ouagadougou in Burkina Faso, it took 48 hours by train to get there, it’s very long. Then I went to Koudougou, they lived there. I stayed there for a while, I was there for a year and a half.

At one point in Africa, I asked myself what exactly I was doing there? What’s the purpose for me to be there? I was white, so, in a subtle way, I didn’t seem to be living there, – look, I wasn’t a tourist! – but I was there, and I didn’t have much to do there, I could simply let myself live, live with the people, but I had the impression of having a real dilemma in my head. We had great discussions, it was super cool what I went through intellectually. For example, in Burkina Faso, we were there drinking tea and talking. They’re really very interesting intellectuals, but it’s not the same kind of intellectuals as in France, we don’t come from the same thing. And in fact, I really missed Western intellectual thinking. It was also lack of books too, of this kind of nourishment, I missed that a lot. And what’s more, it also didn’t make sense for me: there were a lot of problems over there, they couldn’t sell their wheat because there was so much competition, there were societal problems.

I remember once, I was in the desert, and I heard a guy with his tiny radio, and he said to me: “Yes, I think that in your country, things aren’t going very well, there’s a man who might be elected.” In fact, it was Le Pen, against Chirac at the time. And I remember that I said to myself: “What am I doing here, when it’s over there perhaps, that the root of the problem lies?” Everything was beautiful, the landscapes were magnificent, the weather was fine, there was a very cool way of life compared to here. And at the same time, I thought: “I don’t belong here, what am I doing here?” It was a bit of a dilemma. That’s why I came back, it no longer made sense for me to be there.

Going over there saved my life, it saved my ass. When I was in France, people said that I was crazy, my family said that I was crazy, well, I was a bit lost. And when I arrived in Africa, there was that family spirit, something completely natural, I found it super sane, hyper normal. I had lots of difficulties in France, and it was not the case in Africa. When I came back to France, I was part of a bunch of friends, we were a real gang, it was a family for me, something I didn’t have before. All this bunch, they are still my friends.

 

4. Yovan Girard, the Musician

Yovan:
I’ve been a musician for a long time. I’m basically a violinist, so, I studied classical music and jazz. I am issued from a family of musicians, my father, Jean-Luc Girard, is a composer, he wrote a fair number of pieces, that are, let’s say, classical, but always a bit hybrid. I have the impression I am also following this pathway, in the sense that he also listened to a lot of rock, and he listened to what we played. He liked composers who were a little extraterrestrial, like Frank Zappa (I don’t particularly like Zappa), he always made us listen to plenty of different kinds of music, he wasn’t an ayatollah of jazz or rock, he was quite open-minded. My brother, Simon Girard, is a trombonist, and we’ve always played together. Simon and I had a band, and we played together in a fair number of groups. Simon’s very much into jazz, even if he’s played in popular music groups. At the beginning the connection between us was jazz. I’ve known Louis Clément since early childhood. Louis’ parents, Sylvie Drouin and Dominique Clément, and my parents knew each other very well for a long time.

 

5. Delphine’s return to France

Delphine:
I went back to France, and I landed in Montceau-les-Mines and there I stayed for a long while. Well, already I’d fallen in love with a boy who was a stone carver and a painter, and I lived there with a bunch of friends in a house with mattresses on the floor. The problem is, when you’re settling down and become sedentary, that’s when you really become poor, because you have to pay the rent, the electricity, the water. Before that I never felt that I was poor. But there, it was really the case, I had no dough and I had to live.

 

Scene 1: Delphine with the woman social worker

A social worker: I suggest you attend a training program called IRFA-Bourgogne.[3]

Delphine: What’s it all about?

Social worker: It’s a training organization that helps you to try several jobs, several trades of your choice, you approach companies, and then you go. There are about twenty people in this training program, some working in funeral parlors, others in shelving, in a telephone call center, some doing housework, laundry…

Delphine: … all sorts of things that didn’t suit me, I couldn’t see myself doing that.

Social worker: You know, there might be other things outside that, you could go and see, I don’t know if they’ll hire you, but you can go and see…

Delphine: I will try the Atelier du Coin [4] in Montceau and the Gus Circus in Saint-Vallier [5].

 

Scene 2: At the Gus Circus.

A guy from the Gus Circus: Hello Delphine.

Delphine: Would you like to be my friend?

A guy from the Gus Circus: Yes. Come, you do tight rope, you do juggling, you can come here every day, whenever you want, the door is always open.

Delphine: I like it, I’ll be able to train like that.

A guy from the Gus Circus: You know, the Gus Circus basically doesn’t want to hire anyone.

Delphine: It doesn’t matter, I am going to stay there, it’ll work, it suits me. I have already the fiber to do that, because when I was on the street, I’ve already spat fire and juggled with balls.

 

Delphine:
So, they offered me a job on a subsidized contract, it was my first job, my first long term contract, for six months. Then I stayed to teach children for maybe three years, I don’t remember exactly. I think they renewed the contract once, these were subsidized contracts for non-profit organizations (associations), something not very expensive that was 80% reimbursed by the State, so they were able to do it. An after that, they actually hired me, they figured out that having one more person brought them more children to teach, so it worked for them. So, I worked for the Gus Circus of Saint-Vallier for a certain time, I don’t even know how long…

I worked in all the disciplines: clown, tightrope, trapeze, juggling. I got the BIAC diploma [6] [Brevet d’initiation aux arts du cirqueto teach circus arts. And then, the association imploded from the inside. In fact, it was the students’ parents who were the bosses, and it went very badly, there were conflicts of interest, conflicts of power. As we were just employees, we couldn’t have a say in the matter, it was their decision, and as a result, things exploded, so my friend and me both left. And I went on a professional trapeze training with a trapezist in Moux-en-Morvan, a completely crazy trapezist, Nicole Durot [7], who did performances under a helicopter, under a Montgolfier, in a word, trapeze without security. She’s 60 years old! When she took me on in training, she was still doing that kind of things, she was a warrior. I stayed for six months with her in intensive training.

 

6. Maxime’s Hesitations between Architecture and Drawing

Scene: Maxime’s meeting with the Venerable Member of the Grand Council.

The Venerable Member of the Grand Council: Maxime, after this year in a preparatory program, how do you see your future?

Maxime: I followed the program very seriously, and I came out of it honorably, but now I’m beginning to wonder.

The Venerable: What interests you? Becoming an engineer?

Maxime: No, I don’t want to be an engineer, that doesn’t really interest me, in fact I think that I want really to be an architect.

The Venerable: Did you do any drawing?

Maxime: Like all children, I used to draw, and I think I was encouraged a little.

The Venerable: Can you show me your drawings?

Maxime: Yes, here they are.

The Venerable: Your drawings are good.

Maxime: Drawing motivated me to continue. I know that my brothers were very good at drawing, but I don’t know why, it encouraged me to persist. And it’s true that as a child, my parents sent me to an art school, and I think that it does in fact eventually opens doors. I would go to that school every Wednesday for one hour, and the teacher would provide ideas for drawing, what I liked, it’s that he said:

The ghost of the drawing teacher: Here we are, I don’t know, you are going to draw figures, and you are going to do it in such a way so that the feet touch the bottom of the sheet, the head the top of the sheet.

Maxime: In fact, it reminded me of the Greek or Egyptian friezes, and so, I liked this idea of setting the rules of a fairly simple game, and then we would do it, and we could see that the results were all different. That’s pretty much what I retained, you fix a totally arbitrary rule for yourself, and it brings about all kinds of possible results. I would have liked to go to an art design school, there were illustration programs.

The Venerable: It’s a possible alternative. Yes, it would be good for you to go into architecture.

Someone passing by: Yes, it would be good for you to go into architecture..

A lady: Yes, it would be good for you to go into architecture.

Maxime: Effectively I could go this way.

The Venerable: It would be good for you. You can continue to draw during your architecture studies.

Maxime: I’ll never give up drawing, but I don’t take it too seriously, I never thought that I would make a career of it. It’s a thing that I liked doing, and I liked seeing myself progressing, I liked looking at it, I liked sharing it. I think I was not serious about it, so that’s why I didn’t choose to study it, even though architecture is indeed quite close to it.

The Venerable: In fact, you can be an excellent architect without knowing how to draw. Then, it’s interesting to know how to draw to communicate your ideas. You can end up drawing badly, but be good at drawing your ideas. Then, to be good at drawing can be useful in architecture.

Maxime: Yes, I think this is going to help me, I might not be the best, but it’s a good thing that I know drawing, it will be a plus for architecture.

The Venerable: Don’t be under any illusions: in the end, it won’t be long before you’re on the computer. and it’s no longer necessary to know how to draw.

Maxime: Ah?

The Venerable: Well, there’s a way around it: At the Strasbourg INSA you can be recruited as a student after only one year in preparatory school and they have a program of studies in architecture. I have a colleague whose son is in that school, call him!

Maxime: Bingo! I’m going to do it, if I’m accepted in that school, then I won’t have lost a year and I might be with people like me who have chosen this path.

The Venerable: The INSA in Strasbourg was founded during the German period (1870-1918), and at that time, the Germans didn’t distinguish between engineers and architects. So, this school has a tradition of being an engineering school, but it also trains architects, and this is something that has been kept. About 50 architects graduate every year, I think there are a little less nowadays. During the first years the courses are focused on engineering, civil engineering, and then thermic engineering.

Maxime: I have no particular desire to move in this direction.

The Venerable: It’s an opportunity to be seized.

Maxime: It’ll enable me to be outside the classical schools.

Maxime:
After my architecture studies at INSA, I worked in Strasbourg, I moved then to Paris where I worked for eight years. In the meantime, I had several experiences in foreign countries, I had an internship in Denmark, and one in Mexico. Then I worked for two months in Tokyo, because it was a culture I really wanted to discover, I dared to send my CV, and they told me: “Let’s do it, come if you like.” I already had maybe two or three years’ experience, so, they took me on for a two-month trial, and then there was no job available to stay. So, I came back, but it was a beautiful experience.

 

7. Yovan ‘s Story (continued)

Yovan:
At the beginning the connection between my brother and me was jazz. After jazz, I went a lot towards popular music, because I really enjoy composing. I’m in a rap group called Kunta, rap and Ethiopian music, with several instrumentalists. In Kunta, I play keyboard and I rap in English. In fact, I’d been doing a bit of rap on my own for a long time, and it was hard for me to imagine that you could do both playing keyboard and rap. Now I do it from time to time in certain projects, but at first, I didn’t want to mix the two, because it was a bit like two different personalities. So, I played keyboard because it was needed in the group. I simply got into playing Ethiopian scales, what you played on the piano wasn’t too complicated. Now I do both equally, keyboard and voice.

I like making different types of music, in fact I’m not locked in. I’ve already done quite a bit of music with images, notably I did music for a short film by a friend, Pierre Raphaël, and so that’s how I started. Then, I composed music for a theatre play, a modernized version of Cartouche. I’ve always been composing for a long time, doing what you might call “prod” at home on my sequencer with keyboard, plugins, it’s what my “generation” in quote does in the home studio, making the instrumentals to rap on top, but also some couplets, sometimes singing more, trying things out, in short, making music at home. That’s what we call bedroom music. I’ve always done a little of that, whether it’s rap or pop, I enjoyed experimenting because I listen to a fairly big number of different things.

 

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Le poste de travail de Yovan
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Scene 1, Yovan with a stage director [8]

Stage director: I propose you make the music for a collection of poems by Arthur Rimbaud. You could play violin.

Yovan: I propose that it be a solo violin without effects, because I liked the idea that it be as simple as possible.

Stage director: I insist that there be perhaps effects on certain passages where I hear different colors.

Yovan: I’ll do what you ask me to do. I like to start with a simple idea, for example just to compose for a project, but without worrying about the live music, because if you have to do live what you composed at home, it’s always complicated, unless you compose for a group.

Stage director: Even so, I would like you to do straight away the multi-instrument (violin and electronic effects) live on stage.

Yovan: It stresses me a bit. No, I’d rather just play the violin. I’m going to write a piece for solo violin, without anything else, rather than to have to engage myself straight away with the Swiss knife.

Stage director: I nevertheless need these changes of color at certain moments.

Yovan: OK, I accept, but I’ll just take a delay and a distort, because these I know them well, they do different things and can be useful.

Yovan:
I also composed music for digital arts, for example for an artist called Minuit, Dorian Rigal [9], he makes wall projections and quite a lot of immersive things, he is invited everywhere now, in particular at the “Fêtes des Lumières” in Lyon. I’d already done illustrative music for his scenography. So, the project with the “Tale of the Common Future” is like continuing all this, to compose music with images, for a spectacle, or a show.

Scene 2, at the start of the project of the “Tale for a Common Future”. Louis and Yovan.

Louis: Hello. Today, we start a first two-day residency to work on the music of the “Tale for a Common Future”.

Yovan: It’s not what I’d understood since the text od the tale isn’t written down yet. I prefer to compose at home beforehand.

Louis: No, but anyway bring something to play with.

Yovan: Listen, if you like, but it’s not exactly what’s going to happen. I have my analogue keyboard with me. I can start to play textures. Hey, here I’ve chosen one of them, this could be a starting point for the intro.

Louis: We’ll talk together a lot on how we’ll proceed from there.

 

8. Delphine’s Story (continued). Trapeze and Storytelling.

Delphine:
To make a living as a trapeze artist, the problem is hanging up a trapeze. I wanted to be autonomous, so I built a yurt (I have still it in my garden), in which I hang a trapeze. Then inside, I could give performances and lead workshops, it allowed me to have an autonomous job. I did this in the Morvan (because I was living in Morvan quite a lot), at La Tagnière in Saint-Eugène. The yurt, it’s something that can be dismantled and reassembled, I’ve never stopped dismantling and reassembling it for 4 or 5 years. I didn’t do performances with words, just with trapeze, impromptu performances with musicians I’d meet.

Scene between the Venerable Storyteller and Delphine.

The Venerable: You hang out a lot with punks. I don’t like it.

Delphine: I came to see your performance with them. They like it.

The Venerable: You are in a bad way!

Delphine: I know it’s not the kind of crowd you would approve, but I love punks, they’re my family.

The Venerable: You hang out in bars.

Delphine: For me there is a very strong bond there.

The Venerable: I will never abandon you.

Delphine: Thank you.

The Venerable: You should become a storyteller and tell the stories related to your African trip.

Delphine: I am incapable of telling what I lived through.

The Venerable: I propose to you to take part to the Contes Givrés Festival [10] under the yurt.

Delphine: I am not at all ready to talk in front of people. I could maybe do a performance without words.

Delphine:
It was my first performance for the Contes Givrés, it was called “Liberté”. It was a 20-minute performance on a trapeze with a guitar, under the yurt. For the first time it was really a spectacle that we’d designed, sold and performed. And that’s something that has been touring quite a lot at festivals. This brought me closer to Marie-France Marbach, so, I came back around here, I put up the yurt at la Fabrique, a place of residencies for creation in Savigny-sur-Grosne, in Messeugne. I found Marie-France there, and I lived at Pauline’s, who works with Contes Givrés. As she was going on a world tour, to spend a year in Asia, and she left me her flat, because I had nothing, I settled in there.

 

9. Louis and Maxime’s Stories (continued)

Scene between Maxime and Louis. Architecture and scenography, architecture and drawing.

Maxime: I never gave up drawing because as I progressed, even when I was working as an employee in an architecture firm, I found that projects took a long time, so you do some drawing, at the beginning you present sketches, 3D images, drawings, lots of elements like that, very beautiful that make you want to get at a result. So, this part is super, but then, for myself, I want to arrive more quickly at a result, I don’t want to make only beautiful images. And to get to a result, it takes a long time, and there are really too many obstacles that can make you fall into something different from what you want to do.

Louis: For me, it was important to be my own boss, so, I said to myself that scenography for events was more indicated than working for an architect’s office, because to be one’s own boss as an architect implies lots of problems, the décennale [11], and above all I was facing the temporal unfolding of a single project which in architecture can easily take ten years. This was more what I had in mind in terms of temporality, even though now it’s really a little more than that.

Maxime: I still like architecture, so I continue practicing this way, because it takes two years to realize a project, and then it’s very gratifying to go there, to make it alive and all that, but I needed to create things over a much shorter period of time.

Louis: With scenography for events, I was a self-employed entrepreneur, small task person in event organizing firms. Two years later, I started to be stage manager for the Ensemble Aleph [12] and other organizations. I also discovered video projection and mapping. It appealed to me a lot and I started to do that. Then, the fact of meeting people involved in video-projection led me towards digital arts and led me specifically to the tours guided by smartphones. You have in your pocket a fairly powerful tool, which people use to do very little. I thought that it could be interesting to see what could be done with this.

Maxime: I remember that during the evenings at home, on weekends, I was spending two hours to make at least one drawing that would make me happy. And my little ritual was: I would do it in the evening, and in the next morning I would put it on the floor near the window, and it was then that I had the validation, it was then that I would know if it was successful or not. So, I would get up the next morning and say to myself: “Ah! frankly not bad.” Or “No, no, I didn’t go through with it.” Or else “OK, it’s not as it should be, but on the other hand, the next time I’ll change the color, I’ll do it again differently.” And this was the big difference with architecture where in the end, if you do many tests, you never consider the final result. You work by approximation of the result and once it’s there, frankly, it’s too late. You can no longer break the walls, you can repaint things very little, so it’s pretty frustrating because you say to yourself that you were close, but that you could have changed this or that if you would have been aware of it beforehand. However, there, with drawing at home, what I like is that you are like the chefs: they have a dish, and if they want to change a flavor, an ingredient, they start the dish again and they come up with a result again. I like the fact that in my everyday life I can do the two activities, the very long work in architecture to achieve a result, and the fairly short work time an artist needs to achieve a result that itself leads to the following search.

Louis: The first encounter with mapping [13], came through YouTube, with a collective called 1024 Architecture. They are behind one of the software programs called MadMapper. I discovered mapping at a Christmas tree gathering, they had basically stretched some tulle fabric on tour Layher, some construction site scaffolding. It’s amazing what you can do with just tulle fabric and video projection. In fact, what really appealed to me about mapping in the first place, it was its holograph, hologram, holographic aspect. It would take form somehow, and as such it spoke to me well with my architecture background, and the fact that it was contextual.

 

Yovan’s Story (continued), the Project « A Violin for my School »

Yovan :
I’m currently teaching two days a week for a project called “A violin for my school”. Basically, it’s a social project that aims at reducing school failure through music learning, they called in neurosciences researchers to conduct a 10-year study to see how students behave. It’s an interesting project that concerns students up to age 16 taking violin lessons, sponsored by a Swiss foundation, the Fondation Vareille. In this program, there are a lot of teachers, but certainly not enough, otherwise it’s very good, the students like making music, the violin, they only play violin. The foundation bought a lot of violins for all the students. It’s good for the students do this, they are all in ZEP+ [Priority Education Zone+], which means that certain of them have complicated profiles.

 

11. Delphine, the Tale of the Skull and the Fisherman

Delphine:
The first story I told was one I heard from Marie-France and loved. It’s the story of the skull and the fisherman:

 

The Tale of the Skull and the Fisherman

A fisherman finds a skull there.

Fisherman: Skull, what are you doing here? What brought you here?

Skull: The word.

The fisherman is very astonished that the skull speaks.

Fisherman: Skull, you have spoken, what brought you here?

The skull unlocks his big jaw:

Skull: The word.

The fisherman runs to the king.

Fisherman: Wow! there is a skull speaking over there.

The King: Wait a minute, you’re bothering me with your stories of a skull speaking there, do you think I‘ll believe you? It’s not possible. Anyway, I’ll come, but if it’s not true, I’ll chop your head off.

The fisherman, he is sure of himself, he takes the king, the ministers, everyone.

Fisherman: Skull, skull! Tell the king what brought you here?

Skull: …

Fisherman: Come on skull, please speak, what brought you here?

Skull: …

So, the king chops the fisherman’s head off, the head falls on the floor, it rolls and rolls, and rolls, it comes right next to the skull.

Skull: Head, hey, head! what brought you here?

Head: The word.

 

Delphine:
And I liked this story because precisely of this fear of speaking: what is speaking? What should be said? What shouldn’t be said? Do you have the right to say anything? Are you going to have your head chopped off if you say something that you shouldn’t? Perhaps it was my fear of speaking that made me to tell that story, it was one of the first ones I used. And then, after that, what tales did I tell? I found stories, I looked for them in books, my bookshelves are full of books, I read, read, read, a lot of stories. And then, I chose the ones that touched me.

 

12. The little notebook with trees. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute [14] and Louis Clément.

Scene 1: All three of them drink coffee at Louis’ home.

Maxime T. : I am a computer expert and I do also artistic photography projects. Here are several ones of them. And some software I have encoded.

Maxime H. : Ah!

Louis : Ah!… I am interested in mapping. I do it on masks. I build African mask out of papers, fairly simple things, which I then map with a video projector, adding colors.

Maxime T. : Ah!

Maxime H. : Ah!… Here are my drawings.

Louis : Ah!

Maxime T. : Ah! OK, super, but we don’t know what we could do with them.

Louis : Why not tell a story?

Maxime T. : Yeah…

Maxime H. : Yeah…

Louis : No, it won’t do.

Maxime H. : I’ve also this, that’s cool and funny..
(He takes out a small notebook measuring 10 cm by 10 cm)
In this little notebook, I asked people to draw a tree.

 
 

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Maxime’s little notebook with trees

Photos: Nicolas Sidoroff

 

Scene 2, sometimes before, Maxime H. and another person.

Maxime H.: Draw me a tree on this notebook.

The other person: Hell no, I don’t know how to draw and all that, and then, frankly, a tree, no, that’s not possible.

Maxime H.: Surely you can do it, and then, if it’s ugly, in any case it will remain anonymous. As soon as you’ve finished your tree, you can look at all the other trees that have been drawn before, frankly, there are some cool ones.

The other person: OK, I’ll draw a tree.

Maxime H.: I find it funny to see the richness of the different trees.

Scene 3: During Maxime’s architectural studies.

Maxime H.: Here we are, guys, I’ll ask you to draw a tree, and then we will hang all your drawings on the class wall with a little text I’ve written on the meaning of drawing trees.

Each student draws his/her tree.

Maxime H.:
Now look at them and you can find out what you’re like, knowing that it’s not serious.

A student: What should we look for?

Maxime H.: If there are roots going into the ground, if there are leaves or not (because many people draw trees without leaves), if the branches are going down, if the trunk is thin, if there is a hole in the trunk – it’s a great classic – and finally, there are absurd things : if there is a bird on the left branch, but looks to the right, that means something. But it’s impossible, it would never happen,

A student: But it’s exactly what I’ve drawn, this thing! [General laughter]

 

Scene 4: in 2015

A Japanese friend: Here is a present for you: a little notebook.

Maxime H.: Thank you. I don’t ‘know what I am going to do with this notebook. The notebook I had before was nearly full when I lost it in the Paris metro. I’m going to do it again with this new notebook. I tried to do it with other things, like doing it with fishes, anyone can draw a fish, but the results were not very interesting. Someone suggested to draw a teapot, or a window, I tried but frankly, I never came up with anything other than a tree. Yes, it’s true, the fishes are less interesting!

 

Scene 5: return to the first scene with Louis Clément, Maxime H. et Maxime T.

Maxime H.: It clicks!

Louis: It’s great, we could do that, but we could get people to draw the tree on their smartphone with their fingers, and then we’d send it, and you could do an arboretum, where everybody can see everyone else’s trees.

Maxime T.: We will call it the Live Drawing Project.

 

13. Delphine’s story (continued). The Tale of Tom Thumb.

Delphine:
A friend of mine, Florent Fichot, who is an actor, suggested to me that I do something where I would tell things on the trapeze, and so, I was reciting some passages, from Peter Pan for example; it was called “Souffle court” (short breath). We played it at the Théâtre du C2 [15] (in Torcy, in Saône-et-Loire).
 
Then, there was the story of Tom Thumb on the trapeze. Not the story of the real Tom Thumb, right? But Jacques Prévert’s “Petit Poucet” (“The Ostrich”) [16].
 

The Tale of Tom Thumb

When Tom Thumb, abandoned in the forest, sowed pebbles behind him to find his way home, he had no idea that an ostrich was following him to eat all the pebbles one by one, “ram, ram, ram”. Tom Thumb looks back, no more pebbles! It’s a sorry state, no pebbles no house; no house no returning home; no home no daddy-mummy. Then he hears a noise, he hears music, a racket. He pokes his head through the leaves, and he sees the ostrich dancing and singing, and she looks at him.

Ostrich: It’s me who make all this noise, I’m happy, I’ve eaten…

Tom Thumb: You have a magnificent stomach.

Ostrich: Yes, I ate lots of stuff. Come on! Get on my back, I go very fast, I’m going to take you far away.

Tom Thumb: But my mother and my father, won’t I ever see them again?

Ostrich: Did your mother beat you sometimes?

Tom Thumb: My father used to beat me too.

Ostrich: Ah! he used to beat you! Wait a minute! Kids don’t beat their parents, why should parents beat their kids? I can’t stand violence against children. Did he ever beat you?

Tom Thumb: Yes, Father Thumb also beat me.

Ostrich: You know what? Father Thumb is no good. And your mother, instead of buying big hats with ostrich feathers, she’d better be taking care of you. And your father, he is not very smart, do you know what he said to your mother the first time he saw her? He said: ‘she looks like a big pond, it’s a shame there is no bridge.’ Everybody laughed!

Tom Thumb: I laughed, but my mother slapped my face: ‘you can’t laugh when your father says that’.

Ostrich: The thing, boo!!

 

Delphine:
At this point, I fell off the trapeze and broke my hand.
 
I think that I was taken by emotion looking at the audience. I fell off the trapeze and broke my hand, as a result I couldn’t speak anymore. The problem with working the trapeze, and telling a story at the same time, is that you have to be there with each part of the body, in the hands, in the legs, with each support point, you have to be concentrated. Except that I was telling a story at the same time, I lost focus and I fell.

 

14. Delphine and Storytelling, Maxime, Architecture and Drawings, Yovan and Composition.

Delphine:
My wrist was broken, I was operated on in Montceau, and they failed – you should never go to Montceau, you’ll know now – they failed me, I had to have another operation, so that lasted a year. As a result, I’d to earn a living.

 

Scene: Telephone call with the Venerable stroryteller

The Venerable: What do you intend to do?

Delphine: I’m banking on storytelling. I’m going to tell stories, I’m capable of it, since I did it on the trapeze..

The Venerable: You know, it’s a sign, if these things happen to you, it might be because you have got something else to do besides trapeze.

Maxime:
Visual arts are hyper wide in range. I don’t know if it’s a rule I’ve set up for myself, but I hadn’t explore that much outside drawing, so some of my friends told me: “Well, try to open up your practice a little.” I think it was good for me to gain confidence little by little with small formats, and gradually, I’ve become more at ease with large formats. As I’ve been doing a lot of skateboarding, and my brother makes skate art, he sculpts on skateboards, he introduced me to that, so, I did some skateboard art, I must have produced about ten of them, and then, recently, I was commissioned to do one on a big surfboard. I think it’s a question of feeling at ease, and after that, you can move on to bigger formats. What’s also amazing about skateboards is having the object in your hands, and being obliged to move with it, to move around it, whereas with the sheet of paper, it’s really only the wrist that’s moving. Here, there’s a relationship with the object, even if you’re not producing the form… I’m discovering all this gradually, bit by bit, as I become more comfortable with my artistic or illustrative approach.

Yovan:
When I compose, I often use a sound that develops in a given time. Sometimes I have to stretch it out a bit, make things longer, and sometimes a bit shorter, that’s why the repetitive side is convenient, and it’s also what you want, an electronic dimension. Normally, when I compose pieces, I have a beginning and an ending, I know where I’m going, and I like to have a little constraint especially for the music I compose for other’s projects or collaborative projects.

Delphine:
So, gently, I started telling stories and, in so doing, also becoming more self-confident. I think that you are completely naked when telling a story: slips of the tongue, tone of voice, all this tells things about yourself. I felt that it was for me a very delicate issue: being in front of an audience, being afraid of their judgment, of judging yourself. I’m very demanding, I’m very critical of myself, so I was very afraid of what I was going to experience with myself. Speaking in front of others, you’re committing yourself, committing a part yourself. I find that very risky, in fact.

Yovan:
And among the sources that have influenced me, there is a musician, actually not quite a DJ, called Débruit [17], who in particular did a project – KoKoKo! [18] – with percussionists from Kinshasa. It’s really interesting, precisely because he respects their work, he uses their music and just adds small electro touches, but doesn’t deform their music. What Débruit does inspired me well before that KoKoKo! project, but it is one of his most accomplished projects, because it really respects traditional music, and then goes for electronic touches to modernize it a bit.

Delphine:
With the trapeze, I gesticulate a lot, and as time goes by less and less, but it’s true that I move a lot, I engage my body a lot, and I work a lot with a double, often a musician. At the start, the guitarist Julien Lagrange [19] was the guy with whom I formed a trapeze-guitar duo, and he’s still participating in tale-guitar performances. That helps me a lot because we work things together, we set-up rhythm, it pushes me to work too, because when you are alone in your kitchen, you do it, but it’s less easy than when you meet someone to work with, so it helps me to be two. Often, after working on the stories with Julien, I also do them without the guitar. It’s reassuring not to be on my own, and that’s how you build things up.

Maxime:
My main activity is as an architect, but I don’t consider that drawing is just a hobby. There are times during the week which are reserved for drawing, so these two activities coexist. One is more important than the other, but as I’ve participated in exhibitions and I sometimes had commissions, I’ve also been able to sell certain works. Of course, the artistic part of my life is not the one that feeds me, but at the same time, I’ve been able to go further with it. I began by having an exhibition in a café in 2020, where I showed several drawings I’d made during and after my trip to Asia. I also made some drawings on skateboards, I’d done one tryptic and one diptych of skateboards, again in that style. In 2021, I’d an exhibition in a restaurant shared with another artist, I used the theme of the Mayas, because I’d been to Mexico. I had done for this exhibition a triptych of 3 skateboards, and a diptych of 2 skateboards with another artist working in a completely different universe. The same year I participated in a skate art exhibition in Roubaix, I sent in a diptych on the theme of Japan, some people got interested and bought it. It was very funny: a lady offered it to her husband, a former skateboarder and she said: “He is a fan of Japan, he loves skateboarding, I felt it was his style. We’ve put it in good place in our living room.” I was delighted.

Delphine:
I turned primarily to young audiences, I thought it was less judgmental. In a way, it’s harder, because if it doesn’t work, it doesn’t work, that is they’re not going to pretend that it’s good. There is something about children, where if it doesn’t work, you know it straight away, there’s no two ways about it. And at the same time, there’s less judgment in relation to references, to labels, to what already exists.

Maxime :
Then we did a group exhibition in 2022 with my brother and another artist, where this time it was only skateboards that we sculpted. We decided that for each of us, there would be one skateboard we would do entirely ourselves, another that we would share with one of the other two artists, and the third would be shared with the other artist.

Yovan :
I work with Cubase. It’s not obvious, people don’t understand why. Everyone’s on Live. When I am on my computer, I don’t use Live often, in fact I never use it. It was always a bit of a struggle to say: “Well, I am on Cubase”. And during the first residency we had in Lyon, the sound engineer told me: “Ah! but I’m working on Live, you have to learn Live”, and finally he was a bit at a loss and so was I. We found a common ground and he saw that I had the latest Cubase version with the same functionalities, he understood quickly, and he showed me how to adapt the pieces in 7.1 [20] for a spatialization. I’d never done that, it stressed me a bit at first, so I said: “Well, that was an interesting thing to do.”

Delphine:
You have to be very demanding about what is told and by whom: if you tell a story that has been already told by such-and-such a person, or that comes from such-and-such a place, it might be poorly seen. For example, to tell a story that has been written by Henri Gougaud, because he’s a guy who takes up traditional tales, and puts them in his own name, you can’t do that. Or take up a story told someone else, you can’t copy-and-paste. You have to be careful with what you do, in fact, you can’t tell just anything. You have to respect everyone’s work, always say what’s the origin of your stories, from where it comes, from what country, from what culture. And as with any work, I think that as soon as you put your foot in it, the more you realize that there is work to do, it’s without end.

Maxime:
And last year (2022) we had a collective exhibition of surfboards at the Lyon City Surf Park near the Décines football ground. It was the opening vernissage of this sports facility, and they had asked 20 artists to draw on surfboards. I produced this work on Moroccan theme, because it’s quite well-known in the world of surf, I was inspired by Moroccan arts and I added the sea at the end.

Delphine:
When I speak of rhythm, it’s the rhythm of narration. Because often, there are moments when it’s almost singing, there are refrains that are repeated, and an ending. It has to grow in intensity, it has to decrease. There’s a real rhythm to the creation of a story. What is hard with the “Tale for a Common Future” is that it’s a very long story, so it’s more difficult to get into a rhythm.

 

15. The Live Drawing Project

Louis:
And then, I switched to video projection, and I started to design this first project that worked correctly, it was the “Live Drawing Project”, which was clearly the result of a meeting with Maxime Touroute, Maxime Hurdequin, and me. I met Maxime Touroute at a mapping workshop, he had just arrived in Lyon, and each one of us had in turn to present ourselves, and he said that he was working as a developer for Millumin. Maxime Hurdequin is my cousin, so, we’ve known each other since early childhood.

Maxime:
With the three of us, we organized a lot of working time together. At many times, even though we were working side by side, each one of us would work on our own. But there wasn’t this feeling of distance between us. With the Live Drawing Project, the heart of the matter remained the computer, it was really Maxime Touroute who coded, and then there were a lot of tasks that came into play: the communication part, the project management, preparation, set-up.

Louis:
In fact, there are three software programs that exist to do « mapping » and work very well, Resolume that I use, Madmapper which was designed by Swiss people and well known in the trade, and Millumin that tried to find a place in the performing arts.

Maxime:
It will be quite different with the “Tale of the Common Future” where the branches join together at the end during the residencies, and the rest of the time there is not much need to communicate with each other.

Louis:
And we thought that it might be to have people draw in order for their drawings to appear on a screen in real time.

Maxime:
For the Live Drawing you need to know what you are capable of doing and whether you can really encode as you go. OK, there, Louis, do you think that we will get there doing this on this interface?

Louis:
Well, no, it’s impossible, we cannot do it.

Maxime:
Hop ! So, you must have a lot more exchanges, because, the skills are much more linked together, it’s a constant ping-pong.

Louis:
And one month later we participated to the “Fête des Lumières” in Lyon.

Maxime:
During the “Fêtes des Lumières” in Lyon, it was in a bar, the Club des Lumières. The bar tender had stated: “I’ll give you 150 bucks for three days and you make me an event ‘Fêtes des Lumières’.” So we showed him our idea, I had made three drawings to explain it, and Maxime Touroute, did the coding every night for ten days, and it works very well. And what’s more, people would have enough to do, and only make one or two drawings and that’s it. We thought that when we proposed a little theme, draw a flower, draw a tree, we thought that people will have their own task at hand, and only make a small drawing, and that’s it. In fact, not at all, people get really interested, they stay for an hour drawing next to each other, saying: “Look at mine, look at mine!” And in the end, we realize that the more drawing themes we gave, the more people ideas people had, or they wouldn’t follow the proposed theme at all. I think we had found a really open tool. It’s true, we can’t deny this, that people had the tendency to look at their own phones in an individualist way, but because they were drawing right next to one another, they were also exchanging words with one another. And then there were those who didn’t draw, they looked at the big screen where the drawings were projected. We realize that when we passed between the people, things happened, people chatted, they showed each other things, it gave them ideas. We thought: “Yeah, that’s cool, we have got something there that’s rich”. That’s what we developed with Maxime Touroute and Louis, this tool, the Live Drawing Project, a project of participatory drawings that we enriched as we went along.

Louis:
And after that, it got rolling, we are now at our 140th projection.

Maxime:
With the Live Drawing project, when we use it, it’s really a big remote control. Maxime Touroute provided lots of keys: there is a key to change the color of the drawings, one to make them bigger, one to make them smaller, etc. And you can make crossfades, and things like that, but we are not really telling a story; we simply animate the images to avoid always having the same visuals, but it’s not narrative. By contrast, the “Tale of the Common Future”, with the Resolute software, and the fact that there is a storyteller, is really very narrative.

Louis:
We have been touring about everywhere in the world, it has worked super well.

Maxime:
This has been going on since 2018 until now. We had other gigs in 2019 and 2020. It became gradually better remunerated; we were able to buy a video projector, get an association to take care of the administrative side. So, little by little we became more professional. We travelled to Canada, to Denmark. Then there was the Covid confinement, so we developed tools specially for the confinement, by organizing remote communication events. This was for us a good source of revenue, we did it again with Denmark, this time in tele-conference. We are present in many countries, lately in Burma for example.

Louis:
And I told myself at some point that I would like to tell stories with this interface, to be able to do something participatory, and also tell a story so that the spectator would play an active role in shaping the narrative. As it happened, we did our first residency four years ago at LabLab in Villeurbanne [21] (a suburb of Lyon). That’s when we started to use this tool to tell a very short story: the coming to life of a digital anomaly. It was a very short 15 minutes tale, maybe even shorter. It took us four or five days to put it together. At that time, there was no tale yet. There was just a text projected on the screen, as with subtitles for a moving image. The public would draw things before entering the performance space, for example stars. In fact, what we wanted to test was the different types of interaction with the public, how we could get them to participate beforehand, during the projection, while looking, how to make them stop, etc. This residency helped me a lot afterwards in writing, and particularly interacting with the public. Maxime Hurdequint participated in the creation of the basic concept and after that he was doing the management of the project, publicity, looking for places to do it, he did quite a number of budgets templates, when we had to get people to sign, etc.

 

16. Delphine: Two Tales

Delphine:
With Julien, now, we present the tale of “Peter and the Witch”, it’s a traditional children’s story. I mention this one because it’s very rhythmic, between what I say and what he plays.

 

The Tale of Peter and the Witch

In a village, there is a witch.
(Julien plays, he doesn’t look at me, he listens to what I say, and he plays accordingly.)
Then all of a sudden, the witch starts to sing to Pierre, a small boy: [she sings]
“Crac, it’s me the most cunning, and cric, crac, I’m going to eat you up, ah! ah! ah! ah! ah!”
(Julien plays as soon as she sings, he finds the melody to accompany her.))
Hop !
She puts him in the bag.
Hop ! She closes the bag, ah! ah! ah! ah!
She walks, she goes up the path, she arrives to her manor, she puts the bag in the kitchen, she opens it. In fact, what’s inside?
Well, the kid escaped, and then put a stone in the bag, aaaaaaaaaah!”
(When the witch opens the bag, Julien stops playing, there should be a silence at that moment)
She opens it and what’s there inside?
« Aaaah aah ! »
A stone.
« You little brat!”
(This must be in silence. Then the guitar starts again on:)
Peter, the next morning, he doesn’t go to school, he goes on the path, he finds a pear… Hop! He wanders about.
(Julien plays according to what the storyteller is saying, for him there is a logic at work.)

 

Delphine :
There is also

The Tale of the Gingerbread Man

It’s the story of a gingerbread man made by a woman, she puts him in the oven, and he escapes through the window, runs away, runs, runs, and everybody is running after him, and he runs, runs, runs. And the fox, he is waiting for him at the other end, he entices him with big praises, so evidently, he trusts the fox. He gets on his back, and the fox, “crrrr”, eats him. (At this moment, we have to be together, when he devours him.) “Crrrr, hop!… He’s eaten him!!

 

Delphine:
So, Julien and me, we have some very well synchronized cues between us. He performs very near me, we know each other very well, he knows how I tell the story, so, we can improvise things together. We work a lot together face-to-face, even though we also do a lot of work on our own. I can give him the story that I want to tell on paper, or in a book. He brings his own stories too, and he says: “Ah! I’d like to hear that story, I think it’s cool, and plus I’ve got a musical universe for it”. I work a bit on my own, and he work a bit on his own, about roughly what we want to do. And then, we work on getting things in place. And we say: “Let’s do it!”

 

17. Origin of the “Tale of a Common Future”

Scene 1: The telephone rings at Delphine’s home. It’s Louis Clément

Louis: My name is Louis Clément. The association Antipode gave me your name. I would like to do a spectacle in which you imagine how it would be in 100 years, but in an ideal world.

Delphine: Ah yes! No doubt about it, we are in this ideal world…

Louis: 100 years from now, it’s been done!

Delphine: OK, and how did we get here?

Louis: I often tell stories, I’ve got the knack for it, I’ve done it with lots of students, because I participate a lot in artistic and cultural education residencies, and what I often talk about is trying to change the world on my own scale: again, it’s utopic on my part, but then it’s something which carries me along. How can I change the world? I can’t invent very cheap renewable energies, I can’t invent a totally carbon-free means of transport of the future, as for example the cargo-bike. So, I thought that I would just like to get people to reflect on their future and above all to try to go in the opposite direction to everything that’s a dystopia, to try to start with something where, basically, you think about a future in which everything goes well, and how is it possible to achieve this..

Delphine: What you say does me good. Because at the moment I’m in the dark, immersed in punks’ stuff, in things where the world is… Sometimes I think I’m going to throw a bomb on this world, I mean, we’re going to blow up things, when you realize what’s happening in the world, it’s just “aaaah!…” Sometimes, it seems that there are people to kill, there are things to blast, anyway it’s got to stop, period. I hang out with the world of punks, no future.

Louis : Through my reading, I got a lot of inspiration from stories telling us that basically it’s thanks to thinking that you achieve to do things. In particular Neal Stephenson, who is science-fiction author I quite like, who developed a theory called hieroglyph theory: it has to do with technological innovations, and thanks to science-fiction you are able to make major technological advances. His favorite example is the fuel for rockets, he explains that it’s a science-fiction novelist who said that it would work in such and such a way, and then afterwards, a researcher started to work on this idea using this writer’s intuitions and succeeded in creating the first rocket fuel. I like to tell this story to the students I work with or to the public, I like to stress the fact that, basically, if you want to move towards a desirable future, you need to think about it first. So, the first stage to having a world you want is just to reflect on it.

Delphine: In fact, it’s cool to imagine this, it counterbalances the dark ideas. OK say that in 100 years we will be in an ideal world, and you do everything possible to get there. It’s not a question of criticizing everything that’s wrong, of pointing the finger at what doesn’t work, even though you know so many things that are wrong. No, we’re going to say, OK, in 100 years’ time we’re in a cool place. So, OK. I don’t know what I’m getting myself into. Well, yes, I’m interested.

Louis: Well, you’re interested, go on, let’s do it..

Delphine: But you don’t want to see what I am doing beforehand? I play at the media library in Mâcon, on such a date, for children and in the evening for the general public.

Louis: Ah! I cannot in the evening, I will come at the performance for the kids.

 

Delphine:
So, Louis came to see my Jabuti performance at the Mâcon multimedia library: a trapeze performance, actually. We put the trapeze back on, because I’ve got a friend who is also trapezist. I’ve got a circus network around me. Jabuti was a spectacle of storytelling-trapeze-flute. It was a stroll: we went strolling with the public around the media library and led them to the trapeze. So, he came to see the performance, and that’s how we met for the first time.

Louis:
So, that’s how we crossed paths. Anyway, I arrived a little early before the performance, we had a chat, I explained the project, how it will happen, etc. After that, she presented her project, I had to go back to Lyon before the end of the performance, so I didn’t have time to debrief at the end.

 

Scene 2: New telephone call from Louis to Delphine.

Louis: Hello, hi..

Delphine: Hi.

Louis: I saw your performance, which I thought was very good. So yes, it’s fine with me, if you are still willing to do it, OK, let’s do it.

Delphine: OK, let’s do it.

Louis : Let’s go.

 

18. The AADN Immersive Project

Yovan :
The project of the Tale for a Common Future was initiated by Louis. It was his first real spectacle, he had at first few ideas that were still brewing, he knew what he wanted to do but he had difficulties putting his ideas into concrete form. So, when we started talking about it, he had in mind a first team and above all he was looking for funding, in any case, so that we could get places to enable us to create the immersive aspect of the spectacle. A first proposal was put forward, it came close, but it didn’t work. Then, once we got the funding from AADN for this immersive project in planetariums, let’s say in certain towns in France, we started to talk about writing the spectacle, because it was about one year before the first performance.

Maxime:
It started that way. Louis had the intuition to bring us together. In 2019, we organized a residency to try to tell a story using Live Drawing. We made a 5-minute piece, with very, very simple graphics, frankly, it was great. Telling stories became a possibility, but at this point we didn’t go any further. It gradually germinated along the way.

Louis :
And then there was the call for proposals by AADN (Arts & Cultures Numériques) [22] – I was a benevolent member of its Executive Board. They launched a call for immersive creation. It interested me a lot because I started going to see immersive full dome spectacles, and I thought it was pretty crazy, well, it was rather amazing! The immersion that was felt in front of these images aroused my interest. The AADN point of view was to bet on collective immersion, that is to get many spectators to participate in an experience, rather than to have an individual immersion as in virtual reality (with headsets). I liked the idea of going against individual forms of immersion. We’re talking today of the « Metaverse » [23] it means that it’s either about immersing yourself individually in a collective thing or it’s about collectively immersing yourself in a work: you’re all together.

Maxime:
So, it’s Louis who really comes up with the concept, he knows already what he wants to do, and who he wants to work with. We found a first storyteller, but in the end, we didn’t necessarily get the grants we wanted, so we ended up finding a second storyteller, Delphine, and Louis had already found Yovan for the music, who he knew very well. And we got the immersive grant in 2021.

Louis :
We answered the AADN call for projects, I don’t remember the exact date. I took a certain number of decisions: I started by telling this story, I came up with the name of “A Tale of a Common Future”, in retrospect, I think that it speaks to a lot of people. After a first refusal to our proposal for the AADN Call for immersive projects, we resubmitted a project. And this time we got it and the AADN agreed to take us on as a delegated production, which meant that they’d help us raise money and to get performances. And from that moment we have to produce written proposals and start the residencies. I’d been working with Maxime Hurdequint with the Live Drawing, we couldn’t do without his drawing skills, I asked him to make the sets. I thought that a musician was needed, so obviously I asked Yovan Girard, whom I admire a lot, he made a lot of music with a sensibility that I like. He usually composes strictly musical pieces, but he had already done a theater piece with someone. I know he can do it too. We’ve known each other since early childhood, my parents and his parents are very close friends, my mother and his father went to high school together, I think.

 

19. The “Tale of a Common Future”

Louis :
So, I set up a calendar for creative actions, we decide on dates, we start doing things together, etc. I continue in parallel to seek more fundings on my own. While this Call to immersive projects grant brings us some money, it’s not enough to pay everybody all the time, and what’s more, I ask people to work outside the residency periods. We’ve submitted I don’t know how many applications to various organizations. For example, we submitted three times a proposal to the Hybrid Creation in Auvergne-Rhône-Alpes before getting something from them, and also we applied to the CNC (Centre National du Cinéma) and we were successful, as a result we obtained a substantial amount of money. Thanks to that I can breathe a little easier, because I’ll be able to pay people properly for their creation, this is for us a great chance.. And then, we also got some funding from SACEM (music author’s right society). And we were able to do another residency, at the LabLab, and to pay the Enghien-les-Bains Centre des Arts residency, that was not otherwise renumerated. This residency lasted two weeks, because the place by chance was available. They would provide the place, but that’s all, they didn’t do any co-production, they didn’t give us any money for that.

Before finding the title of the “Tale of a Common Future” (Conte d’un futur commun), I was thinking that the reactions of the public should be able to inflect the story’s unfolding. If it was written, we would have arborescent scenarios, with multiple choice trees, this was going to be potentially very complex. And then, there was that idea of a story told around a fire, with people participating, that kind of thing. What pleased me was the opposition between the tale as one of the oldest forms of “art” with its manner of telling stories, and the participatory side, the smartphones, the projection, you had to find a balance between the two. So, I decided that it could be a tale.

Delphine, Maxime, Yovan and I started to work together on this project. I really had already the whole universe of the tale in my head. The first time Delphine and I met, I had the whole unfolding of the story. I knew where it starts, what you are going to see, and how it all ends. In fact, I didn’t really know the storyline, but the places where it happens.

 

20. Louis, One Year to Reflect

Louis :
For a year, practically nothing happened, there were no meetings or anything else. I was thinking on my own, in a rather introspective way. Nothing specific was emerging, but I read an enormous number of books, no longer just for “pleasure”. I made a huge list of works to read. These are all references to concepts, people, thinkers, projects that inspire me, from people who would talk about how they were writing about this topic.

During this year of thinking about the project, when decisions had to be made, it was all in my head, at no time had I written down anything. I formalize things in my head, I just say to myself: this is going to be like that, we’ll start there. And then there was this idea of going to visit places where there are communities living in harmony with their environment, and that, in fact, cannot be done in a hurry: one would do a complete tour of the environment, in the forest, the mountain, through the airs, under the water… And then, I thought, on account of their importance, the city should be a big thing, which will not disappear, so we needed to find an interesting way to inhabit this town. I read a lot of stuff on re-wilding in fashion, like Baptiste Morizot [24], all those people speaking about how to give back a place to nature in the city.

 

21. The writing of the Tale, Louis and Delphine

Louis :
With Delphine, we meet a first time for two days. At the beginning, I come with my story, but in fact I really have only the places of action, and Delphine is the one who’s going to knit everything together, the relationships between the characters, how they are going to be, how they’ll talk to each other, and that helps me a lot. I present my ideas to her and how they might be developed: I want the heroine to go there, and there, and there…

Delphine:
I draw, I write, and then, on my own I go over it again, I reimagine what it looks like, and I find a way to say it. And then, when I’ve found it, I can fix it on paper, and I put the texts on my computer. But after that, I keep modifying them a lot.

 

Feuille de notes de Delphine Photo: Nicolas Sidoroff
Delphine’s notes
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Delphine :
That’s why I have lots and lots of texts on my computer. When I am working in the residencies, I need to have written papers that I cross out, that I correct directly, you see, for example here, it’s all corrected. I am lost if it’s too much a shambles. It also has to be clear in my head, that’s why I write a lot of texts. Writing the tale starts always with paper, because I’m in the habit of writing by hand. Louis is on the sofa and says to me: “OK.”

 

Scene 1: the first working session between Delphine and Louis.

Louis: OK. Let’s start with the arboreals.

Delphine: We need a heroine.

Louis: There’s the question of whether it should be a girl or a guy.

Delphine: Neither, as far as I’m concerned.

Louis: Should we use the principle of saying “iel” [he and she at the same time in French.]

Delphine: For me, it’s a little complicated to put in place, because of the conjugations behind it and the understanding by the audience is a bit tricky. I read books which use “iel”, which means “he and she”, in order to avoid having a feminine or masculine character. Many feminists use this formulation. It’s complicated when you have a public that doesn’t know, children, for example, you say “iel” and they are not going to understand.

Louis: We can decide that it will be a girl.

Delphine: Yes, but with a name that can be applied to both genders. Instead of using he and she in the text, you could use the first name of the person.

Louis: I propose Camille. [25]

Delphine: I agree.

Louis: I’ve got all the places we’re going to visit: arboreal, after that the city, after that the coral, … I’d like Camille to go over there, over there, and over there and I don’t know where Camille’s going to go in the end.

Delphine: We could add the idea of « magnets » (compasses) that people go to see to determine who are the ones who heal. And also, prairies, plants, and it could end up underwater.

Louis: There’s this idea of the Great Council that’s probably located in the city

Delphine: I’m noting everything you say spontaneously on paper and keeping it in a file. I keep everything in bulk, even the things we’re going to reject in the show. This is the pile of the entire « Tale of a Common Future ». You see, it’s a mess! Some of the sentences are very clear, I write them down because they seem right to me, I sometimes found them orally.

Louis: I describe where it will take place, what we want to happen, where it’s going, and what can be found each time, and you, you’ll transform it all into a story. It’s you who will write the text, the major part of the story.

Delphine: I note : “Forest, going through the forest. The train station. The village. The city. The grassland.” I propose to have the grassland before the sea. And then, at the end, that Camille doesn’t return home. We have to find something that involves the audience, that make them evolve throughout the performance, so that they come away from it as though they’d been on a journey. I want people to come away shaken up, that they could say “we went on a journey to a world unknown to us”, a world that brought back some memories, that made us ask questions about ourselves.

Louis: What I like is this idea of an initiation rite, it’s an initiation journey.

Delphine: You see that I’ve even annotated the body positions: am I facing the public? Do I turn around? We can also work on the stage directions, it’s also an important dimension.

 

Feuille de notes de Delphine Photo: Nicolas Sidoroff
Delphine’s notes
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Scene 2: the same, a little later.

Delphine: In this scene, Camille goes down into the submarine city.

Louis: Yeah, you see, we could have bubbles floating outside and then there could be cables falling into the water.

Delphine: I’m drawing it.

 

Feuille de notes de Delphine Photo: Nicolas Sidoroff
Delphine’s notes
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Scene 3: the same, biocracy.

Louis: Concerning climate control, it’s the idea of piercing the clouds to make them rain.

Delphine: You see, “technological solutionism”, I know I have to put it somewhere, but I don’t know where. They are like that: biocracy.

Louis: Somebody who really inspired me about biocracy was Camille de Toledo [26]. I went to one of his lectures, “The Witnesses of the Future” as part of the European Lab. In fact, what I really liked in this, was that he was talking about a future where people were going to ameliorate the world all the while changing it. I was really touched by the emotional side of this. Additionally, it was something easily feasible in the world we live in, that is, it was to decide to give nature the rights to be represented as a legal entity in the same way as a corporation. Basically, this gives to nature the right to sue people who destroy it. I found that very clever because it’s something that rests on something really quite minimal. We always tend to think that you need to make enormous changes in making the world move. And in fact, no, it’s really only the small details that count, thanks to a system that already exists, you can change the world.

Delphine: Camille de Toledo, here he is, he imagined that in the future, there would be houses that would have been destroyed in order to make zones of carbon rain. Then, the people who were not happy with this would take it to court. This story is very moving to me. There is a kid who says: “My father came back crying, he had tears in his eyes, and I wondered why he was crying like that, why he was so sad, what happened?” In fact, he was crying from joy, and he said: “The bees are no longer dying, if the bees stopped dying, it means that we are on the brink of achieving what we want.” He imagines that there’s been a real change, about women too. Camille de Toledo is the one who gave us the idea to launch all these lawsuits: lake Annecy against the owners of the lake, the Danube against the Vienna town hall, the North Sea against the Russian tankers, the Upper Mediterranean against the Suez Canal, the Primary Forests Association against the coal producers. It was also important to me to speak out, even if it got me back into the not-so-cool stuff. It’s true, when you get back into it, ouch! you say to yourself, that just isn’t acceptable!

Louis: Well then, I find that perhaps what you said is a little too negative, it implies that there’s something negative in this world, in this perfect world. “Perfect” here is in quotation marks, it’s not perfect but it’s a desirable world.

 

Scene 4: the mudslide

Delphine: Then, what is our heroine doing there? What’s happening to her? Above all, what is the basis of the technique?

Louis: You write, you use up a lot of paper, you’ll write a lot of things that in the end will not be included.

Delphine: We don’t have an ending, we’ve got nothing, we’re off on something whose beginning we know, but without knowing where we are going. What causes Camille to leave in the end?

Louis: A mudslide.

Delphine: A mudslide isn’t obvious to me as a resolution to the problem of the end.

Louis : Well, we’ll chose that anyway, because it seems to be most fitting.

 

Scene 5: the propel stretch.

Delphine: There is the whole propel stretch story. Listen, what do you mean exactly by your “propel stretches”?

Louis: The propel stretch is an elastic fabric that stretches.

Delphine: Where do you hang them? You know, what do you hang them on? It stretches, OK, but after that, how do you let it go?

Louis: She hangs it on a branch, she stretches it herself, and she lets go and it propels her in the sky, and like that, she can even travel 50 km!

Delphine: She’s got to have a helmet, she’s got to have a mask!

Louis: Perhaps you don’t have to say anything, you just leave the audience to imagine things.

Delphine: Yes, all right, you just imagine it, and it doesn’t shock people too much. We don’t want it to be too incongruous. We want things that were really possible to imagine. So, there’s none of the magic you find in fairy tales. For example, there are no animals that speak, whereas in tales, frequently, a bird talks, a deer talks, in this case no, the animals don’t speak. In any case, you don’t understand their language.

 

Scene 6: The abandoned zone.

Louis: There is an abandoned zone.

Delphine: I write “abandoned zone” with a color pencil.

Louis: It’s not necessarily written there, projected on the wall. In fact, it’s part of the journey: here it’s the city, the grassland, and there is an abandoned zone, you know, where there are factories in ruins that are being reconverted, it’s everything you find in a city. At the top of the city in fact, it’s full of recycled oil platforms.

Delphine: I write: “Animals, monkey bridges, insect hotel.” Everything you’d like to see in this place in your imagination. Generally speaking, we have to touch on a bit of everything, without going each time for the same things, because it can quickly be too repetitive.

Louis: It’s a real headache.

Delphine: For example, I would still like to speak about women, about a place where old people are taken care of, where children are born, there should be a place for this. It’s not easy to speak of all that and at the same time continue the story of Camille’s quest. It’s dense, you have to make choices, it’s sometimes not obvious to combine everything, not to make it heavy, and at the same time say everything you want to say. I would like to speak of water, of all the scarcity of lands. “Pfff” I would like to speak of money “lalala”, there are so many topics, it’s a problem.

Louis: We start by saying “let’s keep everything, more or less everything that we want to convey,” and then, we’ve got to take out quite a lot.

Delphine: But there’s no point in saying that, we will not talk about money.

Louis: Well, yes, let’s get rid of it.

Delphine: Yes, because this story is so dense!

 

Louis:
It’s Delphine who writes the text since she is the one speaking. I say, “you have to say that”, and she writes it. She takes notes, I give her the places and the humans, she writes and then she starts to tell it. When she has the time to do it, she makes a recording of herself and sends it to us, and then she reworks this until it helps her to make its way to her head, she has a storyline, and so she is able to take away some bits and pieces and add other ones. She sends audio files or some text, it depends, and often the big jobs are done during the residencies.

Delphine:
Louis on the sofa doesn’t write, I’m the one who does that. He’s more on his phone, searching things. For example, recently we were looking for submarine cities, he’s going to search to see what it looks like, what really exists, so that you can draw inspiration from this. Or when I said to him: “Ah! give me a synonym for this or that, because I am in the process of writing, and I don’t find the word.” Snap, he looks for it. I ask him questions: “Ah! what do you think she will do if she did that? Is it possible that she would rather do that?” – “Ah! yes, wait a minute, no, but that’s because she just does it that way!”. And me: “OK, yes, you’re right.” That’s it.

Louis:
After it’s a matter of details, I correct very little of what she’s done, I give my opinion, but I don’t say: “Tell it this way, tell it that way.” I know that she is the one who is going to speak the text. Delphine doesn’t think to consider herself as improvising, there is always a text, but she modifies the text as she speaks, for her it’s a question of memorization, the way in which her brain memorizes what will come out of her mouth, but she modifies the text a little. She listens to her recorded voice reading the text, and she changes things accordingly. When she learns it by heart, it modifies all by itself in her head. She has a mental map she’s made of where it goes, a pathway that unfolds.

Delphine:
I don’t have any memorization problems because once I take this path, I know it’s going straight and it’s rolling on. Usually, I take a text, a story, that already exists, that I’ve heard, or I’ve read, so I have a text, something like a basic traditional story. Then, I put my own chosen words, but the story still exists. Sometimes I improvise around the text. I often work on improvisation at home, but I keep the thread of the story, I don’t betray it. Even if the texts are sometimes completely written, if the text is effectively well written, and you have a refrain, this kind of little fredaine, it’s good to respect it, because it gives rhythm to your story. Often even when the stories are well written, you can really transform the way the story is written, and to tell it in a different manner, but most of the time, you keep the story line. When it’s me who writes the text, I can do what I want, if not, I have to respect it. When I’m working on a text, I search for my words by saying them loud as if I had an audience in front of me, and when I find a sentence that clicks, paf! I write it down quickly, hop! OK! I repeat it out loud and then I continue. Fixing what I say in writing means I don’t forget it, it would be a shame to when you find a sentence that has a beautiful music. It’s when I find my words, my music, that it immediately takes hold, I can recall it because it fits well. It’s when I find the right words that I can remember them better.

 

22. The Drawings and their Animation, Louis and Maxime H.

Scene 1: Telephone call between Maxime H. and Louis.

Louis: Hello, Maxime? We got the AADN Call for Immersive Projects grant. Well, that’s it, we’re going for it.

Maxime: So, this time, that’s it, we go for it, But I don’t know how to do comics, I don’t know how to do motion design, I absolutely don’t have the skills to do that. Frankly, I don’t know where I was going at all. Ah! Louis, eventually someone got to help me, because I don’t really draw characters, at least not animated ones, I’m more used to making background sets. How are we going to do it? What’s more, we were successful in getting a grant to be immersive, therefore, under a dome, so there are a certain number of challenges. But well, we will just have to see, let’s go for it!

Louis: In my opinion, in order to adapt the dome to the frontal, I’m going to need some time at the lab, or we should have another residency together. I don’t intend to include you at all in most of the residencies, because you’ve just become a father, and I know what it means. There’s no need for you to come, given that you don’t play any role “live” during the performance, there is no obligation to have you present, even though, for the cohesion of the piece, it’s always more interesting to have you there.

Maxime: Concerning the residencies, in theory – there is theory and then there is practice – everything is already done, since all my drawings should be ready. Except that if it’s the first time that they are projected, I realize that the tree I’ve drawn is too small, or it doesn’t appear with enough contrasts, so there are a lot of back-and-forths with Louis.

Louis: In fact, I integrate the images into my software, which then projects them.

Maxime: And as you project them to me, I often say to myself: “Oh! no, I’m not going to leave this drawing, it’s not suitable.” Or I make modifications. That’s what the residencies are for. I have to be there right from the start to go back-and-forth with Louis when he’s setting up the story to see if it’s appropriate to the place. So, how are we going to work together?

Louis: First, we both work separately. You will have to draw a factory for the end of the Tale.

Maxime: Ah, no, I don’t like it that way!

Louis: Where are your drawings for the two big projects for the “Nuit Blanche” in Paris? Did you do them? Can I drop by your home to see them?

Maxime: I’ll put them in the Dropbox, so you can check on them regularly. There are some new ones.

Louis: Here we are, I need you to draw me a town in which buildings and nature are intermingled. They are intertwined, but still in a distinct manner, that is, you need to have passages for the animals, and then, there are other passages for humans. So, go ahead.

Maxime: Well, I have no idea… I will make 3 or 4 sketches, but frankly, I have no idea. We’ll have to drink a fair number of coffees together.

Louis: I’ve never bothered you, you do what you want. But yeah, I do bother you! It’s good what you did with drawing the city but just here, I see that you drew the city from above. But it should be seen from underneath, like this, it would be better, you see. You need to redo the city.

Maxime: That’s it, I’m off again for 20 hours of drawing to remake the town.

Louis: You see this image for only three seconds at a given moment, while this drawing takes an enormous amount of time for you to produce.

Maxime: It’s a bit frustrating.

Louis: If you don’t do it, it wouldn’t bother me, you don’t need to follow my advice.

 

Maxime :
Concerning the ways to adapt the drawings to the situation under a dome, at the beginning I had no idea what size, what level of precision I needed to make the drawing. I didn’t know, when I put my drawing in the dome, if it was going to be too small or too big, so in fact, I made it so that the drawing could be repeated laterally. That is, when you have a drawing, if you make a photocopy, for example, and place it to the left side of the initial drawing, then it connects perfectly, and so it’s infinite. I thought that if I had to draw a forest, I would start by drawing four trees, and after that I could reproduce the pattern ad infinitum. So, I could adjust according to the situation, if I realized that I needed to reproduce four times the drawing to go around you, or if it took eight times, I could in this way adjust my production, knowing that you have to be aware that if it’s too out of sync, I could stretch my drawing a bit to be at the right height. In any case, I bet on the idea of reproducing the pattern.

 

Scene 2: Maxime and a member of the technical team

A member of the technical team: Hello Maxime. Do you have a question?

Maxime: How can I adapt the image to project under the dome?

The member of the technical team: Well, it should be a circle, so the image that’s video-projected has to be a circle.

Maxime: OK, but my drawings are squares! And above all I am incapable of predicting the deformation that I need to apply when drawing in a circle.

The member of the technical team: You have to draw without any deformation, and to find on your computer which command, which tool to use in Photoshop for making the deformation.

Maxime:
I searched on the web, right? I tested, I didn’t succeed! It would only make weird deformations, and I finally found that actually I could twist it into a semi-circle, and in that case, I could do a symmetrical copy-and-paste, and this would produce a full circle to be video-projected. After that, once this worked, it was really like a machine, when I make a new drawing, I prompt the same command, and it does the job automatically. Once I have a new drawing, it’s processed by the machine, and it comes out with the right size and the right deformation, then, if necessary, I can eventually make small adjustments. Once under the dome, it’s the moment of truth, and I say to myself: “I’ve anticipated in relation to what I did last time, but perhaps with this particular dome, it will need a little rescaling.” So, with each residency, there is with Louis a time of setting up where I have to give him back often almost all the contents, often one by one, and this forces him to rescale them.

 

Louis :
Concerning the animation of the drawings, I get one of Maxime’s drawings with inverted color, with black background instead of white. When we work under a dome, he has already processed the image to fit the dome. And then, from there, I combine them together to make it the way I want, given that the aim of animation was really to make something very simple at the beginning, and after to complexify it as the story unfolds. I enter an image into the software, and thanks to this I can animate it, displace it, and add effects, stylistic effects, on top of it. And then, to animate the images I have to launch something, so that it moves in a certain way, at a certain speed, so that it goes up or down, etc. Basically, the software is not designed to do that, but I use it that way. Then, I make some cross-fades, be it a cross-fade to black then another image, or one with another image appearing on top, or other options. And I make things move inside the image, or I add a transparency, that is, I add another image on top of the first one and I make it move over it. For example, I make the masks of the Great Council go up, fairly simple things like that. During all the first residencies, I struggle to work the control buttons, to make the image go up. Then afterwards, I have to go back to previous states of things, and once we’ve finished, the loop is ready to go, I have to go back to the beginning and remember where things are located, so as to be able to reset them to zero, and then to relaunch them, so that when I click on the thing again, it restarts the animation at the right place.

I’d done a clip for Kunta, which is Yovan’s group, I participated in a residency with them at the LabLab, where I was doing the video projection part for them (there was a guy filming), and we’re having a hell of a time, because I was on Resolume, and they had a thing where it’s precisely timed on their Medlay [27] to the second. And so, the videographer redid exactly the same shot seven times, so he could do the editing inside. It meant that all my video clips had to be timed to the nearest thousandth. Well, it was a struggle, it took us two days to do it, it was endless. Then I thought: “Never this again! It’s really too horrible.”

Scene 3: Louis, a colleague, and the software Chataigne.

A colleague: Have you heard of another software that could control this, called « Chataigne« , which has been designed by someone from Lyon, Ben Kuperberg? With Chataigne, you could have triggered your things clip by clip, and you could have been in a timeline really down to the second. Chataigne is a sort of dashboard that establishes communication between different software programs.

 

Louis :
So, I start working on Chataigne, I’m relying on simple tutorials, there’s documentation, etc. I’m more or less able to launch my first clip on my own: if I press such and such a letter, it triggers the clip. But I found out that it’s better to put it on a timeline, because if I have to use all the keyboard keys, I might hit the wrong key and it wouldn’t work anymore. With the timeline, each time I press the space bar I launch something, and I can press it a second time to stop it.

 

Scene 4: the same, later.

A colleague: I’m going to show you how to use cues, so that the thing would stop automatically at the right moment.

Louis: But when I use the cues, several times it happens that when I press the space bar two things are triggered: Ah! No! not that!

The colleague: Ah! yes, it’s true, not stupid!

Louis: Can we use the portable phone to do it?

The colleague: You can try it, it also works.

 

Louis :
So, I tried it and it worked, however, I can’t do everything, because Chataigne works well with Resolume, but I can’t retrieve the drawings, I can’t adapt Live Drawing with Chataigne. Precisely. To be exact, I can’t do it all the time, I still have to be behind my computer at certain times, especially when there’s the public participating, if only to see what they are writing. So, when it’s running, if I encounter some troubles, I have to phone friends to know how to do things. As with all the projects, it’s always happening that way.

 

Scene 5: Louis and the software Chataigne.

Louis: Thanks to you, Chataigne, I’m now able to create a timeline.

Chataigne: Yes, you give me some elements.

Louis: Here is an element, you launch this thing, you make it go up to there.

Chataigne: Everything that you were doing practically by hand, I do it all by myself automatically. Here are five images I’ve done.

Louis: And then, you reset the first image to zero, well, for example, such and such coordinates at 5000 pixels you reset to zero, and you put it back to a 100% opacity.

Chataigne: Yes, Louis, with great pleasure. Thanks to me, you can top all your things now, you don’t need to click anymore, to search, to move things.

Louis: Thanks to you, I just have to press the space bar, it unfolds the things, that’s all.

 

Scene 6: Louis and Maxime. Projection under the dome.

Louis: Thanks to another software, I was able to overcome the constraints that I had in the beginning. On the other hand, when we changed to being under a dome, there really was a tricky transition, because all my things that were travelling from left to right, from top to bottom, diagonally, and when you’re under a dome, this doesn’t work. Because if you move from left to right, then you get nothing, there’s no image, and it looks a bit weird, it moves. Because under the dome you have a square image, 7000 by 7000 or 8000 by 8000, where the top is now basically at the center of the image.

Maxime: I make the drawings with a format of a square of 4000 by 4000 pixels, and then I process them to make a circle. To make a semi-circle I’m obliged to copy a second drawing to produce a rectangle of 4000 by 8000 pixels. I then multiply the semi-circle by 2 to produce symmetrically a full circle. So, in general, I make a square drawing that will appear 4 times under the dome. The center of the circle is the highest point of the image in a dome, and that’s where the deformation is strongest. So, I don’t have any interest in getting too close to the center, because otherwise my drawings are really crushed. Since we have many outdoor scenes, my drawings are often rectangular. And when I process them with the computer, I “hop”, increase the page surface at the top and it produces a square format. And there are other elements that forced me to change strategy: for example, there is a library, with books all the way up to the ceiling, so I made a really small drawing, in a pattern that I multiplied maybe 50 times, like a wallpaper, and then, there, I was able to put it all the way to the top. The pattern is multiplied in width and height, so the drawing has to be able to be superimposed on itself both vertically and horizontally.

Louis: In fact, it took me a while to figure out how to do it, and then to understand that if I wanted to animate an image, you had to zoom inside this 7000 by 7000 square so as to see a movement either like this or like that. So, I zoomed in and rotated. I took a series of plug-in effects on Resolume [28] that are specially adapted for the dome and enable you to do what we call “Fisheyes rotations”.

 

Maxime:
I could have chosen a much simpler way of drawing to fit the diverse projection formats. I could have, I think, drawn directly on an iPad, and done everything with a computer. But I work with computers all day long when I’m an architect, I really wanted to go through the felt-tip pen. It’s a rather archaic choice, everything starts with a sheet of paper sheet and a felt-tip pen. In order for my drawings to follow each other, I make my first drawing, then I place something like a bookmark with the same height as the drawings on the right-hand side of the drawing and so I extend it. Then I take this bookmark and put it on the other side of the sheet, and I extend it again in a way that it will fit. It’s this little bookmark that I can slide to the right or on the left, which will ensure the continuity of the juxtaposed drawings. It’s true that that’s very simple to show, but rather difficult to explain.

Sometimes, I worked with tracing paper: at the beginning of the piece, there’s a forest and then, there’s a city in the forest. So, I had two solutions: either I stayed archaic, and drew the forest a second time, adding the city, or I would use a old-fashioned tracing paper and would draw the city on top. That’s what I did, so I saved a lot of time, and was able to concentrate more on other things. That way, sometimes, the final drawing doesn’t really exist, it’s not completely on a single paper. It’s not as such usable for an exposition. At another moment, there is a flying vessel, I drew the vessel empty first, because we didn’t have much time. I thought it’s no big deal, I’ll just put a piece of paper on top and draw all the characters, and so if I mess up on a character, it’s all right, I am not going to lose my vessel, I will have a second chance. When I am not completely confident, I have this possibility to superpose several layers of drawings that can then function together with the computer. This is a freedom that’s quite pleasant, when you draw, everything comes from the hand, but afterwards, you can reassemble, you can correct, you can also erase things.

Using the computer, it can happen that little jointures are not always perfect, given my famous archaic technique of a bookmark, then I need to make adjustments. Consequently, I’ve found I’ve erased more when making adjustments than when reworking a drawing because of blemishes on it, like an accidental drop of coffee on my completed drawing. The computer can save me from time wasting mistakes.

 

Scene 7: Louis and Maxime.

Maxime: That one’s too small, that one’s is crooked, that one’s not right.

Louis: Here this drawing doesn’t come out right, there’s not enough contrast, or it’s too small.

Maxime: I’m going to work on it.

Louis: No, it’s not right, it’s too small, it’s ugly. I need to change it.

Maxime: But I didn’t think you’d be able to come up with so many different effects so as not to make it boring and so as to make it fit the story line.

 

Maxime:
The sketches are made in black and white in a very loose manner, that is I let the wrist to guide me, and then, when the sketch begins to take shape, I add colors to distinguish a little the different elements.

 

Photo: Nicolas Sidoroff
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Maxime :
The way in which I draw is based on patterns that repeat themselves. At first, I try to find in the sketch the recipe ingredients, so from there I’m cooking things. For example, there are many trees in the drawings, so, I find the good form of a tree.

 

Photo: Nicolas Sidoroff
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Maxime :
Then, if it’s a city, I find the pattern of a facade, and in the case of the city, there are passageways for the animals, I’ve found a solution for this by suspending the passageways on balloons. After that, everything is assembled, I make sure that it’s always intermingled, you can see that it’s intermingled, but it doesn’t clash together. This is more or less the way I make my drawings, to have a sort of harmony between many ingredients.

 

Photo: Nicolas Sidoroff
Photo: Nicolas Sidoroff

 

Maxime :
I draw my first sketches with a pen, not a pencil. When I get down to the final drawing, I use a pencil to outline the main axes, that is the drawing will not be entirely made with pencil, but you’ll have the silhouette of the main elements. Then I draw them immediately with a felt-tip pen. At the end, I erase the small silhouettes I made at the beginning. Thus there are quite a few lines structuring the drawing.

I usually do my drawings with a pencil and erase this at the end, I rarely need to go back to it. I’ve done a few drawings where I try to ignore the rules of perspective, I respect them a little, but I’m quite free. Some scenes are indoor, and I wanted to do something with the right proportions, so here, it takes a much longer time: I spent maybe 2 or 3 hours just on the pencil drawing, erasing, drawing, erasing until I’ve really found the drawing, and in this case, I entirely redraw with a felt-tip pen, but it’s almost more a coloring work. Then, there are a lot of drawings where it’s a very loose outline, and straight away a completed drawing. In my drawings I use different approaches.

There is a part during the piece where the animation of the images is predominant and at the start, I don’t know how we’re going to do it. I make lots of drawings, but I don’t know how we’re going to animate them. I trust Louis, thinking he’ll know how to make the transition from, let’s say, the forest to the city, he might do a fade in black, or he will make the image appear gradually, so he is the one who is doing the true artistic creation by linking things together. So, there are characters, there are elements to integrate into the image, it’s him who will position them, and make them move (because we have some objects that move).

 

Photo: AADN
Photo: AADN

 

23. A traditional music of the future?

Scène 1 : Louis et Yovan.

Louis: I want you to make me some traditional music of the future.

Yovan: It’s a complicated thing, because a traditional music is already full of codes, it’s not the way I work.

Louis: I say that because I am under the influence of Super Parquet, a group that mix electronic music with traditional music from Central France, which I heard in concert and I liked a lot, I like this type of traditional music of the future.

Yovan: The idea is rather to make an electronic music that wouldn’t only be synthetic, and above all, I’m not acquainted with the practice of a traditional music. Let’s let the audience imagine things. We can be inspired by a lot of different sources, this corresponds better to my way of thinking.

Louis: If I mentioned the idea of traditional music of the future, it was just to give you a little orientation.

Yovan: Traditional music might be more reassuring to me if I approached it with the idea of modernizing it; this could really become a base for my work, since I don’t have too many rules, and I don’t know where to start. I prefer to say that I start with an electronic music that’s also somewhat organic.

Louis: Concerning traditional music, I’d spoken with Jacques Puech [29], thanks to the Aleph ensemble, and he told me that traditional music is in fact much more alive than any written music, because it continuously evolves as it goes along. So, I thought it would be interesting to effectively go and see this side of things.

Yovan: Yeah, I like it, I’m going to use some loops of African traditional music, loops of I-don’t-know-what.

Louis: We are not really talking about the social functions of traditional music, nor about how it’s written, or how it reaches definitive form.

Yovan: It’s more something like: “I’m going to take bits and pieces and I am going to adapt them to my own brew”.

Louis: In any case, knowing your music, I’m not expecting for you to have a traditional music approach.

 

24. Music Elaboration. Pre-recorded or Live Music. Louis and Yovan.

Scene 1: Louis and Yovan.

Louis: It’s a matter of creating an immersive spectacle with a musician on stage.

Yovan: I like to have a well-defined framework to understand what you want.

Louis: I would like you to improvise while doing your own music.

Yovan: I don’t want to do that, for me it means everything and nothing. If you want me to compose musical productions such as electronic music pieces or anything else I can do, it would have to be defined in our grant applications, because we have to put it into precise words. You have to explain things and give references to traditional music.

Louis: It’s a tale about ecology, about the planet, about nature.

Yovan: Then, maybe we need something more than just electronics, with organic instruments as well. But if you want, I can do some live music with the violin and effects.

Louis: No, I’d like you to compose music because you are usually composing for other projects, either electro, pop or other things.

Yovan: In that case, I might as well try to time what’s happening with Delphine so that the music corresponds, with noise effects, and all that. It’s simpler to put only a little bit of live music, but to give priority to a musical writing where I have more freedom to compose, and not just play violin.

Louis: It would be good to have several instruments.

Yovan: I will try to do something that follows Delphine and what she’s telling, and then I’ll see what I can play live as we go along. Since I’m always on my mouse to be certain to trigger some noise effect at the right time with Delphine, then I’m not going to play everything live, I’ve got to make choices. Consequently, there are lots of things that will be pre-written, with this idea of having electronic pieces, and at some point, as you want violin, yes, I can stand up. But at the beginning I have to be in darkness.

Louis: No, you have to be seen.

Yovan: It’s true that it’s important for people to see me, so I ask you, is it also important to have drawings of me? You have to choose.

Louis: Good question, let’s have violin playing at some point, it’d be a good thing.

Yovan: OK, certainly to have a violin on stage add something to the performance.

Louis: You have to assume this fact.

Yovan: Here, we are on something different, you’re taken in by the images, there’s live music, now, these moments of violin playing works well, they provide some breathing space. Then, it’s always good for the audience to see an instrumentalist playing on stage, it’s more pleasant than to have him in the dark. It’s little by little as you go along that you realize what’s needed in the performance.

 

Yovan:
We wrote the funding proposal based on these ideas, and afterwards obviously it was realized a bit differently. Before submitting the proposal to AADN, Louis had asked me to compose a piece – given that it was just a project of which I knew a little the concept, but I didn’t really know much more – in relation to the specifications we’d set for the music on the proposal, I tried to create a piece a bit like that. I had started on an “instrument” based on some sample of African drumming, and it had at the end created a little piece. It was just a question of having a little bit of music, and after that it completely changed. This sample of African drumming was reused in the spectacle – it was the first segment I did – just when she flies over the forest at the beginning. After that I composed the intro piece with the sounds of birds and of the forest, because it’s when Delphine presents the forest.

Louis:
To be honest, I was not expecting that he would use his voice. You should know that Yovan is currently a singer: it’s practically all that what he does now. Yovan plays the violin live, but his voice is recorded, because he used it by superposition of his own voice to produce a choir effect, he records himself on a fair number of things. When I heard what he first sent me, I thought that it was not at all what I wanted, but in the end, I love it. In effect, this has nothing to do with the traditional music of the future, that’s not what he does.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

 

25. Music and Storytelling, Delphine and Yovan

Yovan:
Then Delphine came along, and once she had put the story into words, it was a matter of finding the moments where I would have space for music. I asked Delphine to record her voice, so that I could listen to what she was telling.

Delphine:
So, I sent a recording to everyone, and they listened to it at home over and over again. With Yovan, we created things together, and we were lucky because we got on really well straight away. He pre-recorded music on what he’d heard from me, and we both tried things out together to see how it fit. There were things he’d done that didn’t fit. Because once I was telling the story for real, it didn’t work. I had sent him the text, but when it came to telling the story, it was another matter. He had to change, and to do a lot of work in adapting the music to a storyteller.

Yovan:
Delphine is the one who influenced the most the final sound result, because I listen to the way she tells the story.

 

Scene: Delphine and Yovan.

Yovan: Hey! there, it would be good to cut a little. There, I suggest cutting the narration and putting some music there instead. Here, during your talking, it would be good to have a little music behind it to provide some rhythm.

Delphine: I like the fact that you bring a music that also gives me a rhythm. It helps me, it creates a mood, and a rhythm too.

Yovan: The easiest thing for me to do is to find the rhythm as a function of your text. Often you and Louis are really focused on writing the tale, while I am more concerned with the rhythm [he knocks regular strokes on the table with his hand], like that… like that… The rhythm of the performance: when telling the story, doesn’t matter how long it takes, is there any rhythm?

Delphine: You have to wonder if it isn’t a bit boring at certain moments?

Yovan: Yes. In two of the compositions, I play violin. It’s really a question of two moments: one is improvised during the walking sequence [la balade], I wrote something simple, something that I determined by playing, that I’ve developed by improvising and that now I try to keep all the time. It’s all to do with the rhythm of the performance.

Delphine: I think you agree with our taking into account together the variations that we might make.

Yovan: Yes, I agree completely.

Delphine: If you hear me say something which has the same meaning as what I usually say, but not with the same words, there’s always a silence indicating that I’ve finished, then you throw on the music.

Yovan: I will try to do something that follows what you’re telling, and then I’ll see what I can play live as we go along.

Delphine: Yeah, I try to respect what you do, we juggle together in reciprocity. It’s mutual, but it’s more me adapting to you, but it’s still you who has also to do it with me.

Yovan: Right on cue, when you say that, paf! I throw on the music, paf! you say that.

Delphine: Except that I don’t know the text by heart.

Yovan: At exactly that moment, when you say that, a silence follows, we have to frame that.

Delphine: I am a storyteller! How do you expect me to remember that?

Yovan: We also have to find noise effects because they are needed at certain points.

Delphine: They must be in synchrony between you and me. For example, at one point, there’s a talisman that falls to the ground, it tumbles down 4 or 5 steps, then it stops magnetized on a book. We must be exactly together, it’s really a precise sound effect. But then, it’s easy to achieve in the sense that I know that from the moment I start unwrapping what I say about the talisman that she has in her pocket, that she feels in her pocket, it falls to the ground, here we go! you trigger it. She searches with her hand in her pocket, and you know that you have to send the noise effect..

Yovan: The noise effects are sometimes fabricated: for example, at one point there’s an electronic firefly, it’s necessarily a cliché. I had in mind a sound in Star Wars where you had a sort of butterfly on Tatooine, a sort of flying character. I remember the noise of the wings, so I tried to retrieve it – as Louis loves Star Wars, he might know the reference – it was not obvious to achieve a good result.

 

26. Music and Storytelling, Louis and Yovan

Louis:
It’s not because the music is written that it’s completely fixed, there are many moments when he plays loops, and he produces a certain amount of noises to correspond to the action on stage.

Yovan:
Later, we found other solutions: for example, against a wall, an acoustic wall with holes (there are plenty of little squares in the walls), so we put our fingers in them, “Brrrrrrrrrrr”, it sounded a bit like wing noises, a sort of electronic firefly noise. I made this sort of sounds. Otherwise, I went on Spice where there are sound samples, the Sonotec, and interesting stuff like that. The sounds that we used were often nature sounds, and then it depended on the situations. At some point, there is a story of a snap hook, when she hooks herself on a cable, you have to find a snap hook sound. When you can’t find this online, you have to fabricate it, it’s another type of work. At another moment in the piece, there are the lightning hunters who start to sing, it’s really what the text says, so I wrote a song a bit like a pseudo-Gregorian chant, it’s not really that, but it’s something kind of epic.

 

Scene 1: Delphine, Louis and Yovan.

Yovan: Well, there, that lacks noise effects, you’ve got to hear the lightning.

Louis: You need to have noise effects, but you should have them before the lighting.

Yovan: As Delphine sees the lightning hunters, they are already behind her, they are coming. Hey! It would be good if, on the lightning hunters for example, as she tells something, not to have any music, and while she is speaking, the music will come back little by little.

Delphine: In fact, shortly after, I stop talking for two minutes and let the music play on.

Yovan: The music continues while the hunt is going on. You have to find ways to divide her text in sections to insert musical pieces in between or to treat the text as a musical element. That way, we are in complete agreement, and it works well.

 

Yovan:
I also sing a little, I use it for having choirs in my compositions (by re-recording my voice) or just a single voice, but I don’t pretend to be a singer.

 

Scene 2: Delphine, Louis and Yovan

Louis: Why not having the audience sing along?

Yovan: Yeah, but at that point, aren’t we going to lose something? In fact, you will look up and see the hunters rushing off, and I find that this part is good as it is.

Delphine: Louis and I, we would like to have the audience sing along.

Yovan: Come on! You’ll have to find another way to do it, at another time in the spectacle.

 

Yovan:
For me it was far too many ideas, this is what was difficult, in any case at the beginning, to figure out what to do with them. It was because Louis’ role was to imagine things, it was really a good thing, because the universe he wanted to develop is very interesting, but then, he brings along so many things in addition to the scenario, the idea of talking about ecology, the drawings, the storyteller, the music, the live music, several instruments (etc.), that you have simply to make some choices at a certain point.

 

Scene 3: Louis and Yovan.

Yovan: Well, here, it might be interesting that for a given time she tells the story, and there it might be interesting to have a musical interlude while she is walking.

Louis: We can try to imagine those moments.

Yovan: So that I could have at least something on which I could rely.

 

Yovan:
So, things are coming together little by little because we had to think about everything, it was for all of us our first spectacle, we hadn’t given it much thought. Louis had the concepts, but he didn’t have all the keys of this ambitious project. But it’s a good thing, because we learned lots of things along the way, we discovered the world of noise effects, and so on.

 

27. Yovan’s Ideas on Music and Maxime’s Ideas on Drawings

Yovan:
I knew Maxime a little before. I’d not seen much of his drawings, but I knew he was working in architecture. I also knew him through Louis’ Live Drawing Project. Maxime’s drawings straight away create an atmosphere, a little like a giant graphic novel, that’s what I appreciate a lot. The question is then to decide how much storytelling, how much music, how many drawings to put in. Because once you’ve put the drawings in, some say: “Well, there should be more of that” and others say: “There should be less of that, because you’re not looking at the storyteller.” It was very ambitious, because there is so much stuff, that’s the normal way of making a spectacle. I didn’t see the drawings until the residencies because Louis receives the drawings, and he has to adapt their format for projecting them in the specific space. Then, sometimes I thought: “Hey, it would be nice to have something like you have in the scenography of an electro concert where such and such an image appears during the music, that is in some particular timing.” In the end, it turned into “cues”: “There, I throw this music when a drawing appears, it would be nice if we were immediately in a new atmosphere.” There are few “beeps” like that. Personally, I’d have liked to have more communication, but well, it does communicate a little anyway, but I think we could go even further with it in the future.

Maxime:
What I like in the “Tale of a Common Future”, and what I find extremely astonishing, it’s really the hybrid construction of the project. In fact, we never intrude on each other’s work, and that’s the way Louis built the team. It’s him who comes up with a story that he builds up as he goes along, with enough information to enable us to invent things. Sometimes, when he gives us information, I have the impression that he hasn’t really the image in his head. So, I say to myself: “OK, I don’t know where I am going, but I’ll show you something and we’ll see.” So, I think it’s the same with Yovan and Delphine, where we bring our ideas, and then, in the exchange, the things evolve slightly, and Louis is still very flexible about what he wants. In other words, he knows the essence of what he wants, but he doesn’t need to control the form of what he wants. At times, I took him where he hadn’t planned to go, but he said: “OK, it’s in line with my story.” I think he did a good job of linking us up, and we were each able to have our own “corridor” (in quotation marks) of expression, which added up without being in each other’s way, going from strength to strength. That’s what I like in this project, we each work a bit in our own corner, me at my desk, Yovan, I don’t know where, Delphine, I imagine, on her computer to write texts, and at the end, we add up, and this makes the thing even better.

Yovan:
The format of the composition was a bit like electronic music, with the repetitive aspect that can be found in techno, in electro music, but with a musical idea, and so, there is often a repetitive beat. The direction I took was to start with something based on an organic instrument or something like that, for example a Chinese instrument that resembles a banjo. In short, it was starting off with a traditional music instrument and then having at the same time that electronic aspect. I knew in any case that the pieces couldn’t be too long because we soon realized that when Delphine was telling the story, and in relation to all the worlds that Louis wanted to explore, it would be impossible to linger. During the week I was composing on my own, I thought: “Hey, it would be good to have these three pieces, simply because afterwards I won’t have the time to do the rest before the first residency when I am supposed to have written it all. I’m not going to linger on each composition, and eventually as there’s a very repetitive side to it, it’s something that I can develop along the way.”

Maxime:
For me, Louis is at the center of the project, therefore I had fewer interactions with the others, but that wasn’t necessarily a problem. I think that the music fits in very well with the drawings and I think Louis gave good indications. I didn’t get the sounds much in advance, so I can’t say that the sounds have influenced my way of drawing, and I don’t know to what extent Yovan was influenced by the drawings that I sent to the group.

Yovan:
With Maxime’s drawings, at some point in the performance there is question of velocity, there was a bicycle ride. I looked at Maxime’s images and said: “There, it would be good if we could create an electro night ambiance, where the sound system gradually builds up: at the beginning there is the kick drum and the bass, and then little by little things are added. I saw in these images something of this kind, and it influenced me to propose this idea.

Maxime:
I think that certain drawings imply that the music is very present at certain characteristic moments: at some point, the story takes place in the clouds, it was quite clear what you had to represent for the audience. So, I drew clouds and lightning, and Yovan made sounds of lightning and after that, he added a melody, I did it in my graphic manner and he did it with sounds and we ended up at the same place. Then, there is a walk in the forest, and it’s the same thing: I can see what I have to draw as a forest, and he can see also what we expect from a forest. The question that we both have to answer is the same, and we come up with a result that’s more or less in good synchrony.

Yovan:
I try to introduce musical elements, samples, or songs: at one point there’s a Greek song, at another one there is a kind of Chinese cithara, for each segment of music I try to think this way, mixing acoustic instruments with electronics. It’s fairly free anyway, my basic premise quickly turned into something else, as I really think in terms of sound illustration of what Delphine is saying. When she presents a specific universe, I try to stick to it, as in theatre or film music, to illustrate the storytelling. The music shouldn’t in this case take over, and at the same time you can have moments of music without narration, so that you feel like: “Well, here we have a moment when you can listen to the music with drawings, that’s nice”, something like that. It’s a question really of not just considering the coherence of using a scale or a concept, but of saying to yourself: “Well, we have to find a balance between these different moments of narration and music.”

Maxime:
I had very few direct exchanges with Yovan, we didn’t need to. I could call him, no worries, but we didn’t need to do it. While with Delphine, there were more exchanges.

Yovan:
Basically, I’ve got my frame, a Cubase session. I have the impression that somehow it’s my performance frame. I write down the performance frame on paper, it’s really like a setlist, it’s written in big letters to be able to see it on stage. It’s written on a discreet piece of paper, I’ve got all the main features in this setlist. It’s an automatization of events, but the problem is that each time we change location, sometimes we are in 7.1 and sometimes in 4.1, I have to change things. With my automations, you’ll have, for example, the sound in the middle, here you’ll be on the far right, there at the middle, at the left middle side, there on the far left, and so on. With the rain for example, there are other noise effects, I put them on the left… All this introduction, here [he plays a short extract], I double it on Sequential OB-6 (an analogue synthesizer), because once it’s in the loudspeakers, it lacks analog presence. There are things that I only do on the keyboard, where you have only noise effects [he plays another extract]. I touch the diverse keys to trigger different segments or sound effects, it’s really a mess, I know more or less how to find my way around: I am going there, then I know that I have to go down to trigger the noise effects..

 

28. The Tale and Drawings, Delphine, Maxime and Louis

Scene 1: Delphine, Louis and Maxime.

Louis: Listen, Maxime, you’ve got to draw me a forest, let’s go, with animals in the forest, and then you’ve got to draw me clouds, you’ve got to draw…”

Maxime: Oh! yes, there, when Delphine says that, I need to add this. Then there, I must absolutely draw the machine at the end. And I must do a control panel.

Louis: There, you should have bubbles to aggregate to an underwater cable.

Delphine: I think of these bubbles as living spaces.

Maxime: I drew bubbles with coral around them.

Delphine: But I don’t understand, why is there coral around them? Then what did you put inside them? The bubbles are the workplaces for the coral, we have to agree on what we’re saying, we have to tell the same thing, you with the drawings, and me with the text.

Maxime: It doesn’t mean that we have to say and show the same things at the same time.

Delphine: Yes. If you draw that, well then, I won’t tell it, we won’t do twice the same thing. And that makes it easier for me because I already say a lot. Draw the hunters, the lightning, you have to do it, we have to see them, even if I mention them in the text.

Maxime: We are all the time debating: what should be illustrated, and what shouldn’t?

Delphine: In storytelling, usually, nothing is visually illustrated, there are no drawings, what I’m telling is left to the imagination of the audience.

Louis: I want people to retain a measure of imagination, I don’t want them to be given everything, The tale should still be based on imagination.

Delphine: If we start by throwing everything at them in the drawings, then I don’t serve any purpose, I won’t speak anymore, it’s a story in drawings. People still need to be able to imagine things. So, we’re always trying to reach a compromise on what we should illustrate.

Maxime: Sometimes I wonder: “Oh! I didn’t draw that, it’s a shame, I would have like to do it.”

Delphine: Yeah!

Louis: Yeah! but the more you present drawings, the more people want them.

Delphine: You see, it’s not easy to reach a compromise. What should be in drawings? What should be left to the audience’s imagination?

Maxime: So, there are a lot of things that are not in the drawings.

 

Photo Valentine Bisschop
Photo Valentine Bisschop

 

Scene 2: Delphine and Maxime. During a residency.

Delphine: Louis asked me to say at this precise moment: “Big white bubbles”.

Maxime: We decide on a signal, “beep”, so that the drawing appears when you say that. Beep!

Delphine:
[She turns her back to the screen]
“Big white bubbles floating on water and in the air”
[She turns around and see that the bubbles are black!]

Maxime: OK, you are sticking to the text!

Delphine: Not at all! I have to respect what was agreed with Louis, I’m not going to come to the performance and say something completely different from what we decided. And sometimes I have to stick to the music, because sometimes Yovan is waiting for me, he knows there is a beep, I know there’s a beep, I’ve got to go there. So yes, I still have to respect a text, but sometimes I can vary, I don’t have to use the same words all the time, I can add things, I can modulate. But there are things that I absolutely have to respect because I’m not on my own. We are three in the story, in fact four.

 

Photo: AADN
Photo: AADN

 

Scene 3: Delphine and Maxime

Maxime: Delphine, at the start, you sent me five minutes of the text of the piece, and I made drawings based on this. But there were other parts for which you hadn’t really written anything, and I was ahead with my drawings.

Delphine: In this case, I was inspired by the drawings for small details in the narration as a hook, that sort of thing.

Maxime: At some point there is a town, and it’s not easy to describe a town if you can’t visualize it, so I think it helped you to see my drawing.

Delphine: That way I was able to add little details to the story.

Maxime: I have to draw a road, Camille is coming on that road on a bicycle, and she says that she has to avoid the roots. No luck I have no narrative roots! I can’t draw your roots, instead I’ll draw a hen. You will have to change your text a little. At another moment, there is a ship with barrels, with baskets, moving down, things like that, and I think that as you haven’t yet written the text and as I’ve done the drawing, you can directly base your descriptions on it.

Delphine: For the city, you must have patios.

Maxime: It’s better to talk about passageways or things like that. There is the need to readapt the vocabulary in this way.

 

Maxime:
My drawings are part of the background sets, they often support the narrative, but often the narration and the drawings don’t say the same thing. So, Delphine will spend a lot of time describing the actions that are going to happen and finally, she will not need to describe the sets since it would be redundant. So, when you arrive at an amphitheater, she will say “Here we are, we are in an amphitheater.” But finally, it didn’t really constrain me in what I should draw. And then, since the amphitheater appears, people see it, and she does not need to describe it precisely anymore, she will immediately tell what’s happening in this amphitheater. Because we also chose not to visually represent the heroine of the spectacle and to represent only very few characters, except when it was visually pretty strong or if it helped to take away certain ambiguities. At the beginning, we almost wanted to have none of the characters represented, but we realize that it was too strict a rule, that there was no reason to be so hard on ourselves in imposing it, and that wasn’t that important, you could have drawings of characters. So really, Delphine and I, we work side by side, and the result is an amplification that adds without ever lowering the quality, we are in our own rails without impeding each other.
 
For example, at some point a giant woman appears, so I made a giant drawing. It’s visually quite beautiful because when we’re under a dome, I can really make a very tall character. And it works very well because in this case, the storyteller ends up personifying the heroine who is small. I like this ambiguity, I don’t know to what extent it was basically intended, as the storyteller is supposed to be the narrator. But inevitably there are times when I think that the public perceives her as the main character, as she sometimes speaks on behalf of the heroine. I think that’s also the role of a storyteller: personifying all the characters and being at the same time the narrator. The fact that there are not many characters, the fact of not representing the main character, creates a situation where the audience doesn’t know whether the storyteller is the main character or the narrator, when in fact she is both at the same time, playing with this ambiguity. I don’t know to what extent it’s assumed by Louis, but it’s fine with me.
 
We discussed the idea whether or not we should show the characters. We tested the giant figure with the audience, and we got good feedback. At one point we removed it, and we thought it was less effective, we liked it when she appeared.

 

29. Sonorization

Yovan:
Usually, we play with a sound engineer, and we work on this aspect of sonorization. In Nantes, for example, we had an excellent sound engineer, the balance was made over one week, we worked every day on it. When in certain residencies, we are told at the last minute, “you may use this space, but there is no sound engineer.” Delphine can be tense because we are running out of time before the premiere, then the sound is not very good. The balance between Delphine’s voice and the music is essential; if it’s not right, it can bring prejudice to the performance. So, we worked a lot on that.

Delphine:
Before the Tale of the Common Future, my voice had never been amplified. The guitarist I performed with had an acoustic guitar. Amplification has a very odd and surprising effect on me, and it changed my relationship with the public: I can speak very softly, I can whisper, it depends also on the quality of the amplification, which was very good when we had a good sound engineer, and very bad at other times.

Yovan :
The problem is that every time we change space and equipment, and we don’t have a sound engineer attached to the group who knows in two minutes what to do, we have to adapt. But when there is a good sound engineer, I have been helped a lot, particularly in learning to use Dante for mixing in 7.1, it’s a digital sound card, which is generally integrated on the mixing boards of the sound engineers nowadays, and which means you don’t need to have a sound card in your computer, but you can go through an ethernet wire, and have your balance done directly according to the place. With Dante, you can communicate with the mixing board. So, I come with my 7.1 configuration, and I just trigger it, and if I come to a new place which has also Dante but is in 4, because there are only 4 loudspeakers, then, I just have to change my configuration, I don’t even need to do a balance. So, it’s very useful, but in all the residencies, we had this system only twice, unfortunately, there are lot of places that don’t have Dante. I have my digital sound card installed in my computer in order to be able to do the balance when they don’t have Dante. In any case, every time, you have to pull your hair out for at least one day of technical sound preparation, and also the night, before you can start working on the spectacle.

Delphine :
It can be a real pain if the amplification is not good, because I think that there’s something intimate about this spectacle. If my microphone works well, I don’t need to speak loudly, which is for me an effort because I tend to have a lot of energy.

Louis:
She isn’t yet used to speaking in a microphone, it’s often a technical problem of audio return, she doesn’t hear herself well, it’s a problem of sonorization, she has to hear herself as well as the audience does. Clearly, it’s not exactly the same situation as in tradition of storytelling. If people from the tale-telling world come to see the performance, they might think it’s not a tale at all, because in a tale you never show any images, there’s rarely any music, and generally it’s one person alone telling a story to a public. There is no distancing between the storyteller and the audience, so, the microphone creates a distance, but it’s not the same situation. I think that there’s a certain distance that takes place, but it operates in two ways: on the one hand, when she tells the story, she distances herself from the public, on the other hand, after that, she comes back very strongly towards them when she comes to ask them questions.

Yovan:
With each residency you have to adapt your system, with electronics there’s always issues. Often, you don’t know why, only two loudspeakers worked out of four, then finally we have them, OK. You have to take care of the image and the sound. When there’s no sound engineer and there are all these noise effects that usually go through 8 loudspeakers, but suddenly you have only four of them, it’s not the same settings. So, I have three configurations, I have 5 points, 4 points and 7 points, and each time I have to readjust. With respect to noise effects, there are two or three pieces where I made what we call Stems, [30] that is I separated the bass from the drums, the chords, and the voices, to mix them a little together. You can have the bass located here, and the drum set there, to make it more immersive. In fact, it didn’t like it on all the pieces, because sometimes it was not easy to understand, I preferred having a source coming out in stereo, with the noise effects behind, otherwise I thought it was too scattered. It’s the sound engineer who initiated me to Dante who knew all about that. He tried to remix my pieces, I sent him the Stems of my pieces.

Delphine:
When we played the piece in Paris, Marie-France Marbach came to see me at the end and said: “Listen, you have to get some voice training, you can’t go on like this.” Since then, I’ve been doing a training course in Lyon with a lady, Mireille Antoine, qui est extra. Une dame avec un charisme incroyable et en même temps une grande humilité. Ellwho is extra. A lady with incredible charisma and at the same time a great humility. She makes me work on my voice which tends to be too forceful. The voice is actually a very intimate thing, so she immediately sees a bit of what I told you before about myself. She says to me: “Well, you do everything forcefully, you’re a warrior, you’ve built everything up, your identity is your strength, you’ve put in so much support, you’ve put up a shield, to make sure that you’ll never be vulnerable again. So, we will have to break down the walls, so that your voice comes from the belly so as not to block emotion.” Because you your own emotions are not what matter, it’s the audience that you want to get carried away. And it’s also dangerous for me to give it all, I’m hurting myself. And it might be unpleasant for the audience too because it’s not on them to carry this burden. So, it takes some work to place your voice and also to put some distance from what you’re saying, to let the voice resonate and not to get carried away. It’s an intense work, but very interesting.

Yovan:
For example, once, a sound engineer said to Delphine: “You’re speaking far too loud in your mike, you don’t need to do that.” She is used to speaking acoustically, so, he turned her mike down and she was more careful. When she is stressed, she tends to speak louder, and then, sometimes the music is too loud in relation to the voice, that’s something I can control. In Nantes, everything went well, we had a good rhythm, a full week to rehearse each scene, so, we found a balance that worked better. Sometimes you realize that in such and such place you are less at ease, that’s the nature of live performance. That’s the way it is.

Delphine:
I tend to speak loudly, so I really have to make an effort to keeping my voice down. It’s true that with the presence of a sound engineer, you give up part of the responsibility, in the sense that if my voice sounds through amplification like a carpet dealer, it might quickly be perceived as someone selling detergents on the market. In this case, there is nothing I can do about it, no matter how softly I speak, or try to put more music in my voice, this type of sound will remain. If the sound is rotten, however you may try to “na na na,” nothing can be done.

 

30. Communication with Notion [31]

Maxime:
We use Notion, a software that shares things between several participants. For example, Louis tells me: “Well, there, with Delphine, we have written a text. She has to clean up a text and she puts it on Notion, that’s the link.” So, I click on it, and I see that, effectively, she’s updated it a day before and that’s the last version of the text. If a week later I have to take up the text, it’s possible that she’s changed it. In this way, I have the updated version, it allows me to be always working on the last version.

Delphine:
With Louis, the good thing is that we communicate with Notion software, I can write on it, and he can have immediate access to it. Sometimes when I have questions, I write and then call him, saying: “Look at what I have done. What do you think of it?”

Yovan:
Louis uses Notion to communicate a series of resources, texts that inspired me, particularly about biocracy. We talked about that together. You have to ask Louis about biocracy because it’s a concept that inspired him a lot, especially concerning the major lawsuits included in the piece, that allow nature, a river, a tree, to have the same rights as human beings and therefore to be able to sue a company like Total. This concept is interesting and corresponds well to the Tale idea of human beings reconnecting with nature. He put lots of resources on this on Notion.

Maxime:
I have all my drawings on computer, and I share them with Louis on Dropbox. That way I know if Louis likes them – because I don’t necessarily know that – but there is a little notification to that effect. When I’ve put up a new drawing, I call him, I am proud of myself.

 

Scene 1: Maxime and Louis.

Maxime: Listen, frankly, I worked hard, I’ve made three new drawings.

Louis: Yes I know, I saw the Dropbox notification the day before yesterday.

Maxime: Ah! yes, OK.

Louis: Yes, I looked at them, it’s fine, perfect! OK!

 

Maxime:
And then, in the way we work, it’s true that Louis and I, we like participatory tools, participatory software, so he made some sorts of to-do list that we can both consult, each of us saying to ourselves: “Ah! I’ll mark this, so he will see that I’ve done it”. I think that these tools improve things significantly. Then, I still like the informal chat over the telephone, to talk about this and that, where we can go much further into things. I think there are elements of messages that are important, mostly when I send drawings in progress in order to have feedback before I finish them. Messages are very useful when they tell me what direction to take or give me the chance to diverge from common meaning. I would rather use the chat like that to balance my contents and to confirm the feedback if everything goes well. What’s more, when we are more in the prospective phases, with Louis, we usually go to see or call each other. I think that when we don’t know something, it’s not enough to be on WhatsApp, on a chat group to make a project. That means seeing each other at certain times. On the other hand, there’s a huge amount of working time that’s done on one’s own. So, it’s very much a hybrid thing, there are important points for discussions, and then, there are all the individual times.

Yovan:
In fact, I’ve found that, in the groups I play with, they often say: “Well, we’re not on Messenger, we’re not on WhatsApp, we’re on Signal, it’s better”. So, I receive a lot of links, and they tell me: “It’s true, we don’t go on that sort of stuff anymore.” Notion is interesting, yes, Louis likes all these ways of communication, I haven’t been on it that much, but that’s the place where we send each other things and where you can see what has been changed. I think there are plenty of interesting resources, but for me it’s a question of time. If there’d been a year with less things to do, I would have had more time to go on it. And then, since we’re already talking about it, and I just need few elements to write the music, I just have to think about it.

Maxime:
In terms of software, it’s really only Notion, WhatsApp and then, Dropbox. And concerning the forms of discussion, it’s really going to be either the WhatsApp group, or me calling Louis or sometimes Delphine for the tale, but less so because it’s mainly Louis who is in contact with her. It’s really Louis who is mastering the flow of things with everyone. So, when we call him, he can pass on the information, he is mostly at the center and things revolve around him. That’s why we call him “the creator” who kind of pilots everything. He doesn’t write, there is no visible content, even though he creates the content and sets my drawings in motion.

 

31. Residencies: LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains.

Louis:
I plan the residencies down practically to the minute: this morning we talk about that, then everybody introduces themselves, then we take a break, we go for a walk together, then we come back, then we work on the beginning of the tale, etc. This I do for practically all the residencies, what’s going to happen hour by hour. And this was very useful to us many times when you find yourself lost in things, you are in the thick of things, you are doing things, and suddenly you’ve got a blank page, you don’t know what to say or what to do anymore. So, you tell yourself: “Ah! well, we’d planned a walk in the forest,” hop, well forest walk it is, then. I had ideas like that: the fact of walking in the forest, since at the beginning of the story, it takes place in a forest, I wanted to take them up in the trees, do some acrobranching and sleep in the trees, but I never did it. Here, I found one of these schedules:

 

10h-11h am : Presentation of our universe.
11h-noon: Presentation of the project.
Noon-1h30 pm: Lunch.
1h30-3h: Free exploration of tomorrow’s world, where are we going?
3h-5h: And above all with whom?
5h-5:30h: The day in review, what are we going to do tomorrow?
If we don’t know what to do: tomorrow, touring the village, to talk together.

 

Let’s talk now about the writing residencies, I call them “emerging residencies.” First, on January 6 and 7, 2022. Then we met again on May 5 and 6, 2022. We did a music residency with Yovan and me on January 27, 2022, that finished with a Visio-conference with the four of us. Then we did an “unfolding the tale” on June 23 and 24, 2022 with everybody.

Then, we had the “unfolding the tale” residency on June 23 and 24, 2022. This residency was again at the LabLab in Lyon. We used this place a lot. All four were present. Here is the pre-established schedule:

 

10h. am: Presentation of the state of progress of the narrative plot and feedback; presentation of music and feedback, presentation of drawings and feedback, presentation of Live Drawing and feedback.
11h30: Identifying contact zones between music and drawings, between storytelling and public participation.
Noon: Lunch.
1h pm: Installation, set-up drawing projections and music.
1:30h: First scene.
3:30h: Second scene.
4:30h: Pause.
5h: Third scene.

 

It was a bit ambitious, I don’t know if we were successful in fulfilling this schedule. After that, 6:30 pm, it’s the end. And then comes Friday:

 

9h. am: Feedback on Day 1.
10h.: Scene 0, which was the welcoming of the public, we gave a lot of thinking to how we were going to welcome the audience, because that was really part of the immersion and to showing how to use the tools, to explain how it was going to happen.
11h.: Go-through scenes 1, 2, and 3.
1h. pm: Public presentation.

 

At the end of the residency, we’d do a small public presentation, and then after some feedback, we were supposed to work a little more before everyone would leave. Except that we didn’t do anything after the performance, we were exhausted. So, I thought that we should never work anymore after a performance.

In August 2022, we did our first real residency, where at the end the totality of the Tale was going to be presented. It was part of the festival « Chevagny Passions » [32], thanks to Antipode and Chevagny-Passions. For the first time we were paid. We spent one day with Antipode, and at the beginning, on Tuesday, Wednesday and Thursday I worked with Delphine only, and Friday Yovan arrived, and we worked all three together. And we played Saturday once, and twice Sunday. And we managed to produce a performance with over 20 minutes of the piece. We get super positive feedback from the audience, for each of the three performances we perform in front of about 60 to 80 people.

Maxime:
We did a first residency without a dome at Chevagny-sur-Guye, during which we had tested the idea of having drawings with a storyteller, with sound, and with an audience that had reacted quite favorably to the participation tool. Finally, there are the four of us, plus the participatory tool that brings the public into the story

Louis:
The performances took place in the church, I recuperated our video projector that we have with Live Drawing, which enabled us to cover the totality of the back wall of the church. All the church’s benches were taken out, and replaced by reclining chairs, poufs, carpets. We were highly welcome.
 
The planning helps me because it makes me feel more secure. Let’s just say that it allows me not to get lost, and since after all I am the leader of a team, it’s better not to have any blanks. I know that I shouldn’t come and just say: “Ah! well, I don’t know what we are going to do.” I know that it would destabilize them, it wouldn’t please them.
 
It works, and we’re happy, and it’s just one month before the Vaux-en-Velin Planetarium residency, for which we have two weeks of work to do. The aim was to produce a 30-minute performance up to the scene with the “Great Council.” It was the first time that the visuals were adapted for a dome, and that took an enormous amount of time. The music was adapted for sound spatialization and we moved on with the storyline by finishing the “hunt for lightnings”, creating “the city” and “the Great Council”. Also, we discussed the budget and the planning of the pedagogical interventions that we decided to implement.

Maxime:
Each time we have to adapt to a place, because if you change the performance space, you change the screen size, so it’s possible that certain drawings will get a bit squashed or an element of the drawing gets too magnified, or is too far to the side. Sometimes, when under a dome, you can see images behind you. Sometimes the public is all facing the same direction, that’s fine, but at other times people are all facing the center of the space. For example, at one point, people have to look at two pathways and have to decide if you should take the path to the right or the one to the left. But as people are facing each other, in fact, for some people the path on the right is the one on the left, or such nonsense. Fortunately, a stage manager of a space had warned us, he was in Paris and told us: “Be careful, this image will not work.” So, I made a white arrow on the right-side panel, and a black arrow on the left-side panel, and then, we could say: “OK, you take the black arrow, or you take the white one.” So, there are lots of things like that which can vary.

Louis:
The next residency was 10 days at the Enghien-les-Bains “Centre des arts”.

Maxime:
The time spent in residency is super because it’s when you really discover what the others have been doing. Yovan rarely sent us the sounds he had prepared in advance, so I discovered them during the residencies. I bring most of my drawings, and I might take a tracing paper to redraw an element that’ll then be superimposed to the drawing. I come to the residency with my pencils in case something happens. I use Photoshop software to edit images in most cases, but sometimes I am obliged to do it by hand. When I show a drawing, there is generally not much feedback, everyone seems happy with it. But Delphine said to me once:

Delphine:
Yes, your drawing is fine, but in fact, it lacks flowers. You are a bit sad here, you should add some flowers.

Maxime:
OK, you’re right, I am with you, it doesn’t suit me but… you’re right, I’m going to add flowers.
 
So, I drew lots of flowers so as to be able to take them one by one and afterwards integrate them into the drawing. And it’s better, a lot better, however it took me a while but… Now that we are almost at the end of it, I’ve got a list of alterations like that to be done on different drawings, where I need to add flowers, to remove some trees, that sort of thing.
 
Once the performance starts, I haven’t got much to do, because my drawings are already done, it’s Louis who is in charge of the animation. So roughly speaking, I’m in charge of the public participation part (people who are going to draw and all that), but I can also take care of the lighting. We did run through the piece together, someone helped me, she said: “You see, there, you turn it on, there you turn it off.” It had to make sense in terms of the story and so the storyteller was sometimes in the foreground, because she should be enhanced in front of the drawings; at other times, on the contrary, you have to turn her off so that the drawings can really take over all the viewer’s attention. That’s an interesting aspect that I discovered, I think it enriches the performance to be able to increase or decrease the presence of the storyteller.

 

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Photo: Nicolas Sidoroff
Children looking at Maxime’s drawings
Photo: Nicolas Sidoroff

 
 
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32. Public Participation

Louis:
Then there was of the interaction with the audience that was important, how to use what already exists, what you’ve already mastered, in order to have the public participate. And so, it was basic, it wasn’t just for them to do things like creating the set, but to really pass on ideas through drawing. In the Live Drawing, you ask people questions, so as to provide them with subject matters for drawing, and then they do it. And in fact, we’ve found that to get people to start drawing, you have to be very simple, then afterwards, you can go super far, and they follow you, and produce incredible things. When I was in the process of creating the “Tale”, I always thought that the Live Drawing events could help me to find ways of involving the public in the tale, for example by proposing drawing themes such as: how do you see the transport of the future, how do you see things?

Maxime:
There is the question of the wall that exists between the scene and the public and how we can try to partially break it. In our case, I have the impression that the wall does not exist, but I realize that a small filter remains, a transparency paper, something in between, anyway there is a screen. When we started to experiment with digital applications, we saw a lot of things that depended on a single remote control, you had queues of 50 people waiting to access the technological tool. We thought Live Drawing was a good idea because this time it was really participatory, it was everyone doing things at the same time. So, on the one hand, we still had a thin wall, since we used telephones, but at least the thing was accessible to all. We pushed that idea because that’s what the festivals expected of us. They told us: “What we liked about it is the fact that everyone is doing things at the same time, last year we had 50 people waiting to access things, it was very frustrating for everybody.” So, we thought: “Ah! Banco!” There is still a limit because it’s anonymous: the people draw, and they can sit on a sofa, drawing in their own corner, or drawing eventually for the screen on the wall in Live Drawing, making drawings that aren’t interesting, that we feel obliged to delete without knowing who did it. By and large, that way, we break the wall since everyone is proactive in the work, and at the same time there’s still a bit of a filter in the sense that people are anonymous, and so, not completely assuming responsibility for their acts. And at the same time, that’s what freed them too, as I said to them: “Let’s go, in any case if you are going to do a rotten drawing, no one will know that’s you who did it, you’ll not have to show it to your son next to you, he won’t know, and at least you’ll have tried.”

Louis:
Concerning public participation and Live Drawing, I went back and forth with Maxime Touroute and Rémi Dupanloup. In the meantime, we did another project called “La Bulle du personnel” (the staff bubble), which was an institutional project for a hospital where we wanted to make a wall of interactive postcards. So, we spent a lot of time working on that idea of postcard. Maxime and Rémi who developed this project, used Live Drawing, and added new elements within it, in particular the possibility of inserting a text. So, I thought: “Yes, it would be very interesting if people could write instead of just using the Live Drawing.” I have adapted my desires for public participation according to the tools available to me. I couldn’t change, starting from scrap, because I had too many constraints, but all the same, I succeeded in getting people to write texts on basic things, notably on the big laws of the future.

Delphine:
I don’t feel far removed from the people in the audience because, after all, I ask them their advice. I feel the presence of the public, I know who is there. Because we help them to connect, we ask them if they are comfortably seated. Then, when I ask them their advice whether we should take the path on the right or the one on the left, I often take the time to say: “Do you all agree? Anyone disagree?” With almost no visible effort, I want to weave this relationship.

Louis:
The aim of this project isn’t necessarily centered on getting the public participating as such, but on projecting them into a desirable future and getting them to reflect on it. And to get them thinking about it, I propose they participate during the performance to engage them in this process. To achieve this, I use a system of gradually increasing participation:

a) Before the beginning of the performance, they draw stars on their smartphone to introduce them to the situation.
b) Then, they see their own stars appear on the wall, so they understand that what they’re doing with their phone is going to play a role in the story.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

 

c) Next, I have them draw the rain, it’s the same principle, but here they see that their image is animated and interacting with the plot.
d) And then, they choose a pathway, so now, they are really participating by saying yes or no, a simple choice that will determine the evolution of the story.
e) And after that, we ask them questions live, for example saying to them: “Here we are, in the world of the future, what do we do about people who don’t respect the rules?” Here you’re already starting to have a more in-depth interaction, and above all, this will make them think about potential conflicts, like how to behave in the future regarding someone who doesn’t respect the rules, how it might happen in a desirable future (we make this clear again and again) especially when we are in presence of students who want to hang people.
f) Then, after the Great Council, they have to write the laws – this is what was closest to my heart and that’s what I try to preserve – we ask them to write a law that could today help us to achieve this desirable future.

Maxime:
With the “Tale of the Common Future”, we went a little further by asking people to participate in a real debate, by addressing the audience directly saying: “Here, what do we do, how should we continue the story, go ahead and propose something to us.” The time is quite structured in the sense that there is a period when the audience has to assimilate what the story is about, then there are open times where they’re on their anonymous telephones, and there is at least one period where we even turn the lights bock in the hall on to have a debate. This means that the separating wall between the scene and the public constantly goes up and down, there are several layers, but you can’t say that it’s completely removed.

Louis :
And I think that the Great Council, when we explain Biocracy, and when we get them involved, that’s really at the heart of what I wanted to do. In effect, we could do more, and we could do it differently, but in any case, I think that if they manage to think of a law within the framework of our present democratic society, in France, if you can imagine finding a law to make the world better, it means that you’re not going to have a violent revolution, but rather a more benevolent revolution. That’s really something that motivates me, and I want to show people that the system has certainly its faults, but solutions can be found within this system allowing us to succeed in evolving in a positive manner.

Delphine:
Even if the smartphone is bait for teenagers, because when we say to the kids they’re going to be able to draw on their phone, they say: “Ah! Really?”, they want to go and see the performance. Amazing! But in fact, they don’t do much on it, they draw the rain. At the end of the Nantes performance, a lady came to me and told me: “Hey! It’s a bit like cheating, your use of the phones, it’s a bit like trying to catch young people, because nobody chooses anything in your story.” I said “yes,” because I wasn’t going to contradict her, she’d seen it all.

Maxime:
We have to be careful about how we communicate our spectacle, because if we over-sell the participatory side, rather than the storytelling, the audience might be disappointed. At the beginning we sold the spectacle a bit by saying: “It’s a video game, you are active in shaping the story” and all that. I don’t know, it seems that it’s not a video game, where people at any moment take a joystick and move things around. We thought we mustn’t advertise that idea too much, because the people might be disappointed, we’ll sell them something that’s not representing what we’re doing. When we start a creation, you have a lot of ambitions, and once you’ve created something, you need to realize that in spite of liking what you have done, it does not correspond to the original ambition. You need to rewrite it to match what you want to do. So, we’ve been working a lot on this participatory side of things, but now it’s more just one of the ingredients, rather than the founding element of the spectacle.

On the question of a possible contradiction in the relationships with the audience between the intimate nature of storytelling and the technologies used in the performance, what’s interesting is to really tackle the problem in reverse order. In the call for Immersive projects, a lot of applicants submitted things based on technologies, their lines of thought didn’t really leave the computer. The fact of introducing a tale meant bringing an archaic element into the extremely technological world of digital arts. We proposed something non-technological, and it’s the same for the drawings which are done by hand. So, it’s not so much that we’ve “digitalized” the tale and the drawings, but it’s more that we’ve made the digital arts more human. In any case, I wasn’t expecting that, but the people who supported us said: “That’s what we appreciated in your application, it’s the fact that you bring together universes that we didn’t think could cohabit.” It was Louis’ intuition to update the digital arts by showing that they can be applied in so many different ways. It’s true that in the “Tale of a Common Future,” we are in a tension, because we want to tell a story and at the same time, we want to get the audience participating. So, it’s a delicate balance to achieve, it’s super sensitive. There’s a balance where we could perhaps open up the public participation more, and at the same time, once we have decided to have a story, you necessarily go more or less from point A to point B, where in any case you don’t have 10,000 entries. It closes a bit the question of participation.

 

33. The Artistic and Cultural Education Residency at Hennebont.
Louis, Delphine and Maxime

Louis :
Another form of participation was experimented with the Hennebont (Brittany) residency in schools, it was a EAC, “Education Artistique et Culturelle – Affaires Culturelles” (Artistic and Cultural Education – Cultural Affairs), [33] which lasted ten days in primary and secondary schools. We both worked almost eight hours a day during this period in many different classes. Public participation took another form of temporality: with the “Tale of the Common Future,” the public is only present for an hour, so it’s clear that people potentially will have less time to reflect than the primary and secondary school students, who work with this artistic project during one year, who are also supervised by the teachers who speak about it before I arrive. It means that when it’s well done, as in Hennebont, when our arrival. If it’s well done, as in Hennebont, they will have spent already four months of classes to reflect on the subject in different courses, in any case in visual arts. For four months they think about it, and then, I add another layer. I ask the students: “What would you like in the future concerning your habitat, what would you like as transportation, as the means of moving about?” Then I tell them, “We’ve thought about that,” and I show some elements of the Tale of the future, saying: “Well, we thought that it should be like this or that, but you, how do you see it?” And in general, it obviously raises their thinking, because you show something upon which they can reflect. The two situations of participation, performing in front of an audience and teaching in school, are just as important to me. Maybe the students in school think about it more, but it’s really a question of timing.

Delphine:
We did that residency in Hennebont with primary and secondary schools, they’d been drawing things that were then projected during the performance. To link all this to our spectacle, I briefly summarize the story of the performance we’re going to present them. In any case, at the beginning, there’s a general presentation by Louis and me.

 

Scene 1: Delphine and Louis. Presentation for the students.

Louis: Here you are, we have a performance called “Tale of a Common Future.”

Delphine: We imagine a future that will be desirable, na-na-na-na…

Louis: You are going to work on storytelling with Delphine, then you will do digital work with me.

 

Delphine:
After that, both of us, we decide, depending on the situations and on the classes, our line, our objective, what we expect from them to do at the end of the day: do we want them to tell a story, or to produce something?

Louis:
With the SES classes (Economic and Social Sciences classes) I worked on the organization modes for future collective decision making, what economic models, what types of commercial and diplomatic exchanges between communities, what types of work and employment. In all my interventions, I speak of how people will live, in what kind of habitat in the future (especially with the youngest students), how they’ll get around, how they’ll be transported from one place to another. I am interested in Artificial Intelligence, so I spoke quite a bit about images generated by AI, which wasn’t really related to the Tale project, but which gave me a kick at that moment.

Delphine:
With one of the classes, we produced court cases. They were in small groups, they could use their phone, not to go where they usually go, but to go to research tools looking for court cases. So, you needed a victim, a culprit, and a trial, a cause. There some very well dressed were girls who came for the case to sue Zara, H&M and ASOS, great! I said to them: “You can tell all your friends”. They found out (and I learned that from them) that it was the Uighurs in China who make all these fashion clothes in extreme poverty, and everybody here buys them. “Me, you see, I buy clothes on Vinted and there’s loads of clothes to buy, amazing! [Muttered:] In fact everyone buys their clothes there. [Normal voice:] It’s very cheap”. So, they’ve discovered that, and I think it’s great that kids in small groups search on their phones, because it’s a tool they have at all times. All of them have a phone, when we say: “Take your phone out”, not one of them says: “But I don’t have a phone.” They never went to search this kind of things on their phones, they are just on social networks, they are not going to use it for anything else.

Louis:
At certain moments we would be together, Delphine and me, in front of a class, but most of the time we were alone. We had very short interventions, the longest ones lasted three hours. I was going back and forth: I stayed for a week and went back to Lyon, six hours by train, then I went back there for two days during which we did five performances, a crazy marathon. Yovan joined us at that point. During these performances, I included all the drawings the students had made.

Delphine:
Artistic education is very interesting to me. With the primary school children, all I did was to tell them stories, because that’s what they wanted. I tried to take the basic features of the spectacle. They did also some drawings, they love drawings. In fact, they are not told stories very often. I started by asking them: “If you had to make big court cases for making a better world tomorrow, what would they be? What can you imagine?”

Louis:
The students had essentially to draw things. The teachers had worked very hard on the whole thing, on the avatars of the future, their habitat, they already started to describe their huts, their things, etc. So, the students drew their habitat of the future, their characters of the future, etc., and I integrated them into Maxime’s drawings. This was an enormous amount of work! I’ll never do that again! It took me ten hours of clipping, I don’t know how many thousands of drawings, it was unbearable. Well, “unbearable,” it wasn’t unbearable, but it really exhausted me. Afterwards, it enabled me to recalibrate my interventions, by saying to myself: “Ah! only one drawing per class!”.

Delphine:
So, we had this whole discussion about the death penalty, it was terrible! They were all for the death penalty. It’s complicated, isn’t it! So, we spent a whole session discussing that. Nowadays, you don’t talk about the death penalty any more at school, the teachers told me that they didn’t do that anymore. Me, at school, I got a lot of flak about the death penalty. We talked a lot about it, we read texts, “na-na-na-na-na-na”, Victor Hugo, “ta-ta-ti ta-ta-ta”. Now, you don’t talk about the death penalty, so the kids listen to television programs.

 

Scene 2: in the classroom with Delphine.

Student 1: I saw on television, there was a guy who said that a girl had been raped, and that he, the culprit, should be hanged.

Student 2: He’s right.

Student 3: Yes, he’s right.

Other students: He’s right!

Student 4: Some are going to jail, it’s useless, they are too happy in jail.

Delphine: Ah! how do you know that he is happy in jail? Have you been to jail?

Student 4: No, but I mean, in jail he has food, beverages, shelter.

Delphine: And you, what if you were accused of raping someone, but it wasn’t you who did it, but everyone says that it was you, and you went to prison?

Student 4: Oh, no! not me, it couldn’t happen to me!

Delphine: Oh! Yeah?

Student 4: No.

Delphine: It can’t happen to you, it only happens to other people!

Student 5: It’s no big deal if it happens to others.

 

Delphine:
At the same time, the teachers afterwards told me that it was actually good to talk about it, because it’s something they keep to themselves. They don’t say anything to anyone, they’re sure of themselves, they’re certain of their little conceptions. So, as a result of discussing it, it gets things moving. It is difficult to tackle this, because you must not judge what they say either, it’s an open forum, a space where you are free to speak. And so, there are some gems in what is said, like: “No, but they should stop at the iPhone X, and after that they should stop making them.” I said: “Yes, OK!”
 
The fact that I didn’t like high school, that I was on the margins, means that I don’t have any a priori ideas about the students. It’s almost those at the margin that sometimes I find the most interesting. Because I don’t have a great self-esteem, I don’t have prejudgments as sometimes intellectuals do with respect to the ones who can’t make it. And I want to keep it that way. What I got from the circus, is the position of the body: first of all, we have to sit down, to put our feet down on the floor, we all have the backs straight and we are there all together. We’re not like that [she shows a slumped body position], if anyone really wants to stay like that, no big deal. But I mean, we are here, present with our body, and then there’s the work on breathing, on keeping straight, of sending what you want to say where you want to say it – [whispered] because if you talk like that, no-one understands anything – [normal voice] and this is also useful for them at school when they have their oral exam, they’ll know how to speak. There is a discussion, at first you just say their first name, and then ask if any of them are very embarrassed to speak in public. Because some are hyper embarrassed to speak. And then there are those who aren’t at all embarrassed, they should not be allowed to talk all the time, and have the others saying nothing, you have to manage that aspect, and then set some rules. From the onset, I set rules: don’t make fun of anyone here, you have the right to say whatever you wish, it will not go out of the classroom, it will stay between us. You can discuss things, but you are not there to say anything out of the blue, it’s a space of freedom, you respect others, no mockery, I can’t bear it. It was the circus that brought me this attitude that involves a lot of bodywork, and also, storytelling where working the body is related to speaking. And then I tell them stories and ask them what they think. Obviously, I’m not going to tell the same stories to teenagers as to primary school children.
 
We worked with the partners, the teachers. For example, we worked with a Spanish teacher. We had the students in a circle, and we looked for words in Spanish to imagine for example the Propel Stretch. So, I explained to them what it was, and then they started looking for words in the dictionary, they had a ball. I don’t know any Spanish, so they tried to pronounce things and then I would say: “How do you say that? This one I don’t know.” The kids were trying to say it. And the teacher said to me: “The Spanish classes have never been as beneficial as they were today.” Because it was another way to do it, they had to look for a vocabulary for future habitats in Spanish. Everything is possible, in fact.

Maxime:
There was a residency at Hennebont with high school students, I wasn’t there, so I think that must have had an influence on the writing, because Louis came back and told me: “They came up with some incredible ideas, it gave us many leads.” So, it may have orientated the story a little bit, but also, they made a lot of drawings. And this didn’t match up with my practice, because you have to remember that drawing is a solitary practice, that is done prior to being able to work with others. I don’t think that musicians are as solitary because there are the rehearsal times for rehearsals; it’s true, there’s personal time for practicing, but I think that the something collective happens more often. I work on my own before bringing new building blocks to the collective team.

 

34. The Residencies (continued): Paris, Nantes.

Louis:
The next residency was in Paris, at the Cité des Sciences. It was a five-day residency, and I only made a plan for the first day:

 

9h.am: Installation
10h.: Internet test
11h.: Video test
Noon: Lighting test
1h. pm: Lunch

 

Oh! yes, then there was Emilie Baillard, who is a stage director; I asked her to take an external look at Delphine’s movements on stage. She came and, in the end, we realized that a complete residency would have been necessary, and she was only there only for one day with us, while we were doing many other things. In Paris we added roughly between three and four minutes more.

 

Scene 1: Delphine and Louis

Louis: Well! we’ve got to move on, hop!

Delphine: Yes, let’s go.

Louis: Now, we have to get a bit moving, because it’s hot right now, we haven’t managed to make much headway since the last time, we’ve got to finish the story for Nantes. It’s our last residency as part of the Call for immersive projects AADN.

Delphine: We could meet before going to Nantes.

Louis: So, we should meet for two more two-day writing residencies in Lyon.

Delphine: I can come to Lyon, since I am taking some classes. We can try to write the end of the story.

 

Louis:
In Nantes, Yovan, Delphine and I are present all the time. And there, the days weren’t very precisely organized, although as usual I’d drawn up a more or less complete schedule. And there we effectively run through the entire tale from beginning to end, because we arrived at the end of it. The two last days we have two public presentations, on Thursday evening and Friday evening, presenting the spectacle in its entirety even if we still are missing some drawings, even if Delphine reads her text. Maybe I didn’t mention this up to now – I don’t know if it’s appropriate to say it now – but what needs emphasizing is the enormous amount of work Delphine has done. In Nantes, the work days didn’t end at 6 p.m., they ended much later in the evening. Many times, Delphine and Yovan are both working together while I’m struggling with the drawings, so, I don’t have time to do things with them. What’s really great about Yovan, as a musician, is that he’s got a sense of rhythm, so he can say to Delphine:

Yovan :
There, you see when I play this, you have to say that.

Louis:
He goes back-and-forth a lot with Delphine, a lot of times they have to coordinate their actions:

Yovan :
Ah! no, that’s it! Exactly!

Louis:
And so, they go through the piece together. During the rehearsals, I often work on drawings that have nothing to do with what they are doing. Often, I work alone, many times when I have to adjust things, it doesn’t work, I redo it, it doesn’t work, I redo it… it doesn’t work! After a while finally it does work.

 

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240531_211744posteLC-MdP-PierreBenite - Moyenne

Louis working station during the performance
Photos: Nicolas Sidoroff

Louis :
From time to time, I call Maxime. And I have also to take care of all the rest. I do the animation of the drawings, the video, all the public participation part, I fix each time what’s going to appear on the smartphones, what’s going to appear on the screen, all the changes it implies, because it continuously changes as it goes along, you have to change the questions addressed to the audience, you have to change the interface, etc. There are many things to change while it’s going on with Live Drawing that I now know very well. And I’m also in charge of lighting. That’s a lot of things to do, I’m in charge of the technical side, I have also to take care of Yovan’s sound when something doesn’t work. Well, he looks at things, he does things, but generally it’s me who gets my hands dirty.

Yovan:
Louis is also helping out, otherwise it wouldn’t work. Now we know that for such a performance, you need someone permanently in charge of these technical aspects of sound and music, basically it’s not too much to ask. In this project, there were lots of things to be learned at the same time, frankly, that’s what was interesting to me. Each time you say to yourself: “Ah! there, it didn’t work!”, there is that big challenge. It takes one day to fix things and then you get back to the rhythm of the performance. In fact, every time, you have to familiarize yourself with the place, once you are comfortable in that place, that you have your sound balance, everything will fly.

Louis:
And at the end I find myself alone to de-install, while Yovan repacked his gear, it’s for me to put things back in order, but I’m used to it, it’s the role of the stage manager at the beginning and at the end, after everyone’s gone.

Yovan:
We really worked together as a trio because the story was still being written as we went along, it wasn’t a situation like: “So, here we are, I’ve written this text, now deal with it.” At the beginning, I proceeded in this manner with Delphine’s text, by composing the music to it. This was a good way to go, but after a while it was necessary to meet. The residencies were the occasion to work together, especially in Nantes where the text wasn’t completely written yet. Delphine didn’t send me anything prior to that residency because Louis had some ideas, but they had to agree together on what was really going to happen. Louis isn’t a writer, he’s not an author, but he was responsible for the concept of the spectacle, and he needed Delphine to put the story into words. And since I had also not decided on the music, I said: “I prefer to compose along with you.” So, for the end of the piece, I worked with them when we were in Nantes, making the noise effects with them. And when they’d ask me: “Look, right here, it would be good to have a moment of music,” I knew quickly how to produce something that would be rewritten later at home. That way, we were able to get well acquainted with each other. Louis’ project was very ambitious from the start, because he had a lot of ideas that you had to sort out. Now that we know each other, we know what works effectively, and for a possible next project, we will know what not to do, it’ll save time.

Louis:
So, we’re super happy at the end of the Nantes residency, because we succeeded in putting something together, and we’re very happy with the public feedback.

 

Scene 2: after the performance in Nantes
Delphine, Louis, Amandine’s friend, someone from the public

A person from the public: I am super happy to have come because it makes us to want to do things, we can see that it’s possible to change things and gives us the incentive to do it.

Louis: That’s exactly what I wanted, so I’m very happy.

Amandine’s friend: It was super. I tried to get colleagues from work to come along to the performance, but they thought it was too ecologist.

Delphine: Oh! well, how do they know it’s an eco-thing?

Amandine’s friend: You’ve seen the publicity?

Delphine: I’m the one who wrote the publicity notice.

Louis: Here is the text: “This spectacle is a participatory journey into a desirable future, an immersive tale, with a storyteller, with the audience contributing to the story with digital tools, discussions, and reflections. This work creates a space conductive to addressing social issues that concern us today: injustice, ecology, and war.”

Delphine: If only war had been mentioned, they might have come! I don’t think the publicity notice is so easy to write.

Amandine’s friend: For someone who is not ecologist, yes, it doesn’t seem eco, but for someone who isn’t…

Delphine: All right. At the same time, I don’t understand how today, in our time, you can’t be concerned by ecology. I don’t understand that you can say you don’t give a damn about it! I’m appalled by people who say “Oh! another ecologist thing!” Have you seen how we live? Have you seen what about to fall on our heads? So, do you have children? Even if you don’t have children! You love animals? You love flowers? How can you be so indifferent to that? It seems really complicated, it seems to me crazy. And if they think it’s leftist, I’ve been anarchist for a long time, so OK, I’m in a left-wing spectacle. Well, it’s true that it’s the rich people who pollute the most the earth! Delusions of luxury, there! And the more you dig, the more you… Concerning bees, the lobbyists present falsified arguments: “No, no, no, pesticides are not at all bad for bees, no worries.” Everyone knows it’s false, that it’s just a question of dough, and in fact they continue to use pesticides against bees, they screw everything.

 

35. Ecology, Delphine

Delphine:
Today, after all, I might be bourgeois in relation to what I was before, and maybe I’m not “all eco”. That’s clear. But I try to do what I can. It’s true, I think the very rich are on another level: it’s all about rocket competitions, huge boats, it’s everyday taking a plane. It stinks. I think that already you could do a little more, you could stop using the pesticides a little. You’d just do a bit, and that would be already quite a lot. I denounce Total during the performance. In Uganda and in Tanzania, it’s terrible, they screw everything up. Tanzania, it’s a paradise on earth, there are giraffes, elephants, “prrrrrroo, gray, grog, track, trock, pail.” Some people rebel, they are locked in the dark for six months. And Macron supports. And everyone supports that, BNP Paribas finances, come on but where’s the problem guys? It’s awful. It’s awful, but it’s going on. But there are people who denounce it, I learnt that from watching the television show “Investigation gizmo”: a blond girl, very short hair, doing Tintin investigations, I don’t know how to say that, is it written somewhere? [noises of page turning] In short, anyway, there’re are journalists who denounce the status quo, things are happening. I think things will change, at least I hope.
 
The problem is that the rich couldn’t care less. They want to continue to live in luxury and are so afraid of losing all their money. Why? It’s crazy. You’re not asking them to live on subsistence allowance, and go sweep the street pavements, as we’re asking the unemployed nowadays. Yeah, it’s true, I come from a very low-class background, I come from no-dough, maybe I have this empathy or this understanding of other people who don’t have that, because they were born into luxury and they don’t understand that if one day they don’t have that anymore, it still will be OK, it can be a beautiful life without all that. You almost want to give these people a hug: “It’s going to be all right, don’t worry!”
 
I’ve discovered some incredible architects, like Ferdinand Ludwig. We looked for examples of architecture, like vernacular architecture, it’s all premises that are built with trees and plants. I didn’t completely agree with this. Maxime and I talked a lot about it, because for me, if you make buildings with trees, they have to be rooted in the ground, and often with the buildings you see, the trees are in plant pots. As someone who loves trees and reads a lot, I know that trees communicate through their roots, so you miss it if you do that: they can’t communicate. The trees protect themselves from certain illnesses through the roots, by the mycelium, they send information if there are animals or insects attacking them. One tree communicates: “Quickly, protect yourself!” then, it dies, but not the ones next to it. So, I think it’s a pity to put them in pots. In any case, I think you will be obliged to put plants, vegetation in cities, otherwise too many people will die. It’s obvious.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

 

36. Conclusion

Louis:
My team was formed by people who are actually good at what they do, otherwise I wouldn’t have worked with them. So, from there, if they propose something, I assume that it’s good, that they know better than I do what’s good, because that’s their job. It’s the same with Yovan, I don’t give him a hard time about the music, I am not going to tell him what to do… Oh! yes anyway, I do give him a bit of a hard time!

Yovan:
In this project, the people I work with had no strong requirements and trusted me, they let me be free to develop my own things. It allowed me to express myself and continue to evolve in that way. I could adapt the music to different situations, if it was too long or too short, I could decide what was working and what was not Then, sometimes, Louis and I didn’t agree, he would say: “Well, here I’d like to have more of that, you should play that live,” or things like that. But it was always expressed in order to find a common ground between us.

Louis:
I give them all a bit of a hard time, that’s kind of my role. I give my opinion, and then they follow my advice or not at all. Basically, I give the big directions. But overall, I leave them 100% free.

 

Photo: Valentin Bisschop
Photo: Valentin Bisschop

Maxime:
When I’m drawing, I still have that idea of going a bit against my architectural practice (and its long-time established nature). There’s maybe one, two or three sketches in black and white, which take I’d say two minutes to do, and then, when I hold one, I do a color sketch in maybe five minutes, and then, in general, I rarely go back to do it again. As I know that I have limited time, I don’t allow myself to do too much research. Fairly quickly, I say to myself: “Now, I have got a lot of drawings to do, let’s get on with it” and I like this sense of being instinctive. Not much tergiversations but going instinctively.

Yovan:
What I retain from the collective work is that even the negative makes you learn things. It’s pulling your hair at certain moments, but it was interesting in any case to work in a planetarium and all that. I rarely visited these kind of places, you don’t go there every day, I’m speaking for myself, but it’s interesting to see that they are very well equipped for sound and music (also visually speaking). And as a result, there’s a lot to be done, especially with digital arts, which is actually a fairly new practice. I have a good number of friends who are getting into digital arts, there’s so much going on with that. The phenomenon goes beyond the performances of digital artists, it’s something that’s developing nowadays in concerts of electronic music, even in rock and rap concerts, you are into textures, lighting, etc. I learned that in order to put together a performance that might last fifteen minutes, it’s going to be a lot of work. On the other hand, I think that the ideal would have been to have a maximum of things already laid down before the first residency, particularly in the writing of the story, so that afterwards, once we’re in the creative stage, we could go into as much detail as possible in rehearsals and into trimming things. We had not enough time to do that in relation to what was not going well, so as to air out the spectacle. Well, this is going to be useful for next time, but it was full of discoveries, and at the same time, discoveries of what could be better, but you have that in all projects in any case. So, frankly, for the most part there’s some positive aspects in every sense, and now here’s the spectacle, and we are hoping that it will go a bit on tour, so that we can continue to fine-tune it.

Delphine :
These are wonderful encounters, I‘m happy to have met all three of them. It was cool to be with them, it’s a team that really functions well. It’s particularly nice to be with them, because it’s not always certain that you’ll be able to work with anyone, that’s true, it’s not always that simple. Here we all get on really well, even at the level of creative collaboration.
 
I’ve now read my notes, it makes me laugh, this is not at all what I would say today. It’s funny.

 

 


The “Tale of a Common Future” was premiered on June 18, 2023, at the Centre des Arts in Enghien-les-Bains near Paris.

TheTale for a Common Future chooses to collectively explore a desirable future and the ways to achieve it. This is a participatory spectacle, with the audience using their smartphones and voices to take part in the story in the manner of a video game. The story is constructed as a collective improvisation, in which each participant can at any moment make it deviate or fork, jostle it, increase it, divert it.

Co-production: AADN –Arts & Cultures Numériques (Digital Arts and Culture) in Lyon, Vaulx-en-Velin Planetarium, Paris Planetarium of the “Cité des sciences et de l’industrie”, Stereolux, Nantes Planetarium, association Antipodes, “Pays d’Art et d’Histoire” between Cluny and Tournus.

With the support from the “Centre National du Cinéma et de l’image animée” and SACEM. cda95.fr/fr

 


1. Marie-France Marbach is a storyteller, artistic director of the festival Contes Givrés, and glottis-trotter. Geo Jourdain is the president founder of the association Antipodes and an idea agitator. The Association Antipodes is directed by Geo Jourdain and Marie-France Marbach and is located in Saint-Marcelin-de-Cray (Burgundy). https://www.association-antipodes.fr

2. “François Pin is back in his role as president of the association La Carrière de Normandoux, where it all began, on the site he acquired on a whim in 2004 in Tercé, 20 km from Poitiers.” lejdd.fr/Culture/L-etonnante-carriere-de-Monsieur-Pin-

3. IRFA-Bourgogne is a training organization in existence in the Bourgogne Franche-Comté region for 35 years.

4. L’Atelier du Coin, in Montceau-les-Mines, is an insertion workshop work site. atelierducoin.org

5. Gus Circus of Saint Vallier, Fjep, circus school. koifaire.com

6. BIAC diploma: Brevet d’Initiation aux Arts du Cirque (Brevet for the Initiation to Circus Arts) a French diploma for teaching circus arts. See ffec.asso.fr

7. Nicole Durot. See « La Bulle verte »: in 2005, Nicole Durot created La Bulle verte, a circus school for valid and handicapped children and adults. labulleverte.com

8. It’s Laurent Fréchuret. The words that are attributed here to him are fictional. Laurent Fréchuret

9. Minuit: With a passion for architecture, Dorian aka Minuit Digital is a lighting and digital artist who likes to interweave physical and digital structures. Minuitt

10. Les Contes Givrés is a festival organised by the association Antipodes. association-antipodes.fr

11. In France, the architects who are the masters of the work are responsible for any damages to the building’s solidity or who render improper to its usage destination for ten years following the completion of the work. architectes.org

12. Ensemble Aleph, a contemporary music group based in Paris that exited from 1983 through 2022. ensemblealeph.com

13. Mapping: The video mapping is a visual animation projected on relief structures. fr.wikipedia.org

14. Maxime Touroute : maximetouroute.github.io

15. Theatre C2 at Torcy in Saône-et-Loire. 71210torcy.fr

16. Jacques Prévert, « L’Autruche », Contes pour enfants pas sages, , Illustrations by Laurent Moreau, Paris : Gallimard-jeunesse – Folio Cadet, les classiques N°8, 2018. artpoetique.fr

17. Débruit (Xavier Thomas): limitrophe-production.fr

18. « « KoKoKo! is a project born out of a film documenting the contemporary underground Kinshasa scene » limitrophe-production.fr

19. Julien Lagrange, guitarist, teaches guitar and workshop for handicap students at the EMDT of Cluny and vicinity (Saône-et-Loire). enclunisois.fr

20. Google : “With the 7.1 sound format, a rear center channel is generated in addition to these channels and distributed over two other speakers (called rear centers). This channel, coded in the stereo effects channels, makes it easier to localize effects and music signals directly behind the seated position.” google.com

21. The Lablab is an artistic laboratory, which offers a research and creative space completely equipped for new audiovisual, immersive and interactive experiences. polepixel.fr

22. AADN (Arts & Cultures Numériques) Digital arts and culture association, created in Lyon in 2004, it carries artistic and cultural projects that shake up the imaginary landscape and arouse the desire of founding a sensible, solidary, and responsible post-digital society. Through experimentation and cooperation, it strives to build a new culture of being-together. aadn.org

23. Metaverse: The metaverse is a virtual world where humans, as avatars, interact with each other in a three-dimensional space that mimics reality. The metaverse is online, but it’s also three-dimensional and changeable. The Metaverse is the spatialized Net of the future. wikipedia.org

24. Baptiste Morizot is a French philosopher who teaches at the Aix-Marseille University. His research is on the relationships between humans and the rest of the living world. wikipedia.org

25. In French, Camille can be both the first name of a girl or of a boy.

26. Camille de Toledo is a French essayist and writer living in Berlin. He is a visual and video artist, and teaches at the ENSAV (La Cambre) in Brussel. wikipedia.org

27. Medlay is a hybrid media from concept for crafting a multimedia artefact to narrate a story and/or communicate an idea on the Web ranbureand.github.io

28. Resolume Wire is a modular node-based patching environment to create effects, mixers and video generators. resolume.com

29. Jacques Puech is a singer and cabrette player of traditional music from Massif Central in France, see La Novia. la-novia.fr

30. Stems : « What we call “Stems” are the different source tracks in your production project, grouped by sections. loreille.com

31. Notion is a productivity and note-taking web application developed by Notion Labs, Inc. It is an online only organizational tool on many different operating systems, with options for both free and paid subscriptions. It is based in San Francisco, California, United States. Wikipédia en.wikipedia.org

32. Chevagny Passions : an art festival that takes place every year at Chevagny-sur-Guye (Saône-et-Loire). fr.wikipedia.org

33. EAC, Ministry of Culture: “The aim of artistic and cultural education (EAC) is to encourage the participation of all children and young people in artistic and cultural life, through the acquisition of knowledge, a direct relationship with works of art, encounters with artists and cultural professionals, and artistic or cultural practice.” » culture.gouv.fr

Christopher Williams – Français

Access to the English original text: Encounter with Christopher Williams

 


 

Rencontre entre Christopher Williams et
Jean-Charles François

Berlin, juillet 2018

 

Sommaire :

1. KONTRAKLANG, Berlin
2. Participation du public
3. La question de l’immigration
4. Médiation
5. Recherche artistique – Une tension entre théorie et pratique


1. KONTRAKLANG, Berlin

Christopher W.:

Je voudrais commencer par aborder mon activité de curator, de responsable de la programmation d’un lieu de concerts, parce que je pense que cela concerne le sujet de cette édition PaaLabRes. À Berlin, je co-organise une série de concerts mensuels qui s’appelle KONTRAKLANG (https://kontraklang.de). Il faut prendre en considération que dans un lieu comme Berlin où il y a une grande concentration de personnes qui font de la musique contemporaine, plus que partout ailleurs dans le monde, et à un niveau très élevé, les gens ont tendance à se spécialiser et ne se considèrent pas eux-mêmes comme faisant partie d’un écosystème plus large. C’est ainsi que, par exemple, les personnes qui font partie de la scène de l’art et du design sonore peuvent aller dans les galeries ou ont à faire avec la radio, mais elles ne vont pas nécessairement passer beaucoup de temps à aller à des concerts et à fréquenter le milieu des compositeurs et des musiciens. Et puis il y a comme on le sait des compositeurs-compositeurs qui ne vont qu’aux concerts de leur propre musique ou à des festivals. Ils sont à la recherche de commissions et parfois ils vont écouter ce que font leurs amis. Et puis encore il y a les improvisateurs qui se retrouvent dans certains clubs et qui ne vont jamais dans les festivals de musique contemporaine de type conventionnel. Bien sûr, tout le monde n’est pas comme cela, mais c’est une tendance qui semble se confirmer : les êtres humains aiment se séparer en tribus.

Jean-Charles F.:

Il n’y a rien de mal à cela ?

CW :

Eh bien, je pense qu’il y a beaucoup de mal à cela si cela devient la superstructure.

JCF :

Oui. Et dans le monde de l’improvisation, il y a aussi des sous-catégories.

CW :

Oui, même si le gâteau est petit, les gens éprouvent le besoin de le couper en tous petits morceaux. Je ne vais pas m’attarder sur cette condition permanente de l’humanité, sauf de constater qu’elle existe. Et c’est à cela que nous avons voulu nous confronter lorsque nous avons créé la série de concerts KONTRAKLANG il y a maintenant quatre ans. Nous avons voulu faire dérailler cette tendance et encourager plus d’intersections entre les différentes mini-scènes. En particulier, on gravite autour des formes d’échanges ou d’œuvres ayant des identités multiples. Quelquefois, souvent en réalité, nous organisons des concerts en deux parties, avec un entracte au milieu, avec deux présentations très différentes en termes d’esthétiques, de générations, etc. Mais elles peuvent être reliées par des types de questions ou de méthodes similaires. Par exemple, il y a à peu près deux ans, nous avons organisé un concert autour des collectifs. Deux collectifs ont été invités : d’une part, Stock11 (http://stock11.de), un groupe de compositeurs-interprètes, la plupart allemands, très ancrés dans un style de musique typique de la scène de la « musique contemporaine » [Neue Musik] ; ils ont présenté leur propre musique et ont joué des œuvres écrites par les différents membres du groupe. D’autre part, nous avons présenté un autre collectif plus expérimental, Umlaut (http://umlautrecords.com/), dont les membres ne jouent pas ensemble de façon régulière. Ils ne sont pas liés par des parcours musicaux communs. Ils ont un label d’enregistrements et un festival, ils forment un réseau de gens qui aiment être ensemble. Ils n’avaient jamais encore joué un concert ensemble en tant que « Umlaut » ; et alors nous leur avons demandé de présenter un concert ensemble. Je pense qu’ils étaient cinq ou six et ils ont réalisé une pièce ensemble pour la première fois. Ainsi, le même thème s’appliquait aux deux parties du concert, mais chaque partie se déroulait dans des conditions très différentes, avec des esthétiques très différentes, des philosophies très différentes dans la façon d’aborder le travail d’ensemble. C’est le genre de choses que l’on recherche avec plaisir. Il n’y a pas toujours un thème adéquat pour regrouper la diversité des éléments, mais il y a généralement un fil conducteur qui les relie et qui fait ressortir les différences d’une manière (on l’espère) provocatrice. Pour nous, cela a été très fructueux, parce que cela a créé des occasions de collaborations qui sans cela n’auraient normalement pas existé, et je pense aussi que cela a contribué à amener un public plus large que si nous nous étions limités à ne présenter que de la musique contemporaine, ou que de la musique improvisée, ou d’autres choses encore plus évidentes. Nous avons aussi invité des artistes sonores : nous avons présenté des performances-installations et des projets avec des artistes sonores qui écrivent pour des instruments. Les concerts ne sont pas nécessairement des formats adéquats pour les gens qui font de l’art sonore, parce qu’en général, ils travaillent dans d’autres types d’espaces ou de formats : la performance ne fait pas nécessairement partie des arts sonores. En fait, surtout en Allemagne, la façon d’envisager la performance est un des murs qui a été construit historiquement entre les arts sonores et la musique. Ce n’est pas ce qui se passe nécessairement dans d’autres endroits.

JCF :

Est-ce parce que les artistes sonores sont plus connectés au monde des arts plastiques ?

CW :

Exactement. Leur superstructure est le monde des arts, qui est en général opposé à celui de la musique.

JCF :

Est-ce aussi le cas pour les artistes sonores qui utilisent beaucoup les moyens électroniques et numériques ?

CW :

Parfois. Mais, parce que je suis américain, je pense que ma façon d’envisager les artistes sonores est plus œcuménique. Je ne sais pas où situer beaucoup des gens qui se décrivent comme artistes sonores, mais qui font aussi de la musique ou vice versa. Cela n’a pour moi peu d’importance, mais je le mentionne ici pour illustrer notre goût pour les zones grises dans KONTRAKLANG.

 

2. La Participation du public

JCF :

Il me semble que pour beaucoup d’artistes qui s’intéressent à la matière sonore, il y a une nécessité d’éviter l’univers ultra spécialisé des musiciens, garantie d’excellence mais source de grandes limitations. Mais il y a aussi la question du public. Très souvent il est composé des artistes, des musiciens eux-mêmes et de leur entourage. J’ai l’impression qu’il y a aujourd’hui une grande demande de participation active de la part du public, pas seulement d’être dans des situations d’avoir à écouter ou à contempler quelque chose. Est-ce le cas ?

CW :

L’écoute et la contemplation ne sont-elles pas actives ? Même dans le cas des concerts les plus formels, le public est physiquement actif avec la musique, je ne crois pas vraiment au concept de participation en tant que catégorie séparée d’activité. Tout ce que je fais en tant que musicien est de nature assez collaborative. Je ne fais presque jamais quelque chose par moi-même, que ce soit des pièces écrites pour d’autres personnes ou pour moi-même, ou d’improvisations ou même quand il s’agit de quelque chose où je suis ostensiblement « seul ». C’est toujours clairement dans des perspectives d’un partage avec d’autres. Et j’inclus dans cela bien sûr aussi la notion d’écoute, même si les personnes qui écoutent ne votent pas quelle pièce je dois jouer ensuite, ou même si elles ne participent pas à la production de mes sons avec des smartphones ou par d’autres moyens. L’imagination est par essence interactive et pour moi cela suffit amplement. Je ne passe pas vraiment beaucoup de temps sur la participation sociale explicite qu’on trouve dans une forme exagérée dans la musique pop ou dans la publicité, ou même dans les contextes organisés aujourd’hui dans les musées. Je suis très sceptique en fait. Est que tu connais un architecte et penseur qui s’appelle Markus Miessen ?

JCF :

Non.

CW :

Il a écrit un livre, The Nightmare of Participation[1] [Le cauchemar de la participation], dans lequel il démonte toute l’idée et critique les attitudes cyniques qui se cachent derrière. Il faut « laisser le peuple décider par lui-même ».

JCF :

Pourtant la participation active du public me paraît être ce qui constitue la nature même de l’architecture, dans l’adaptation active et des usagers aux espaces et aux parcours, voire à leurs modifications effectives. Mais bien sûr le processus est le suivant : les architectes construisent quelque chose à partir d’un fantasme de ce que sont les usagers, puis les usagers après coup transforment les lieux et les parcours planifiés.

CW :

Eh bien, l’architecture offre certainement un contexte intéressant pour réfléchir à la participation, car celle-ci peut être présente de multiples façons.

JCF :

Habituellement, les usagers n’ont pas d’autre choix que de participer.

CW :

Il faut qu’ils vivent là. Est-ce que tu connais l’œuvre de Lawrence Halprin ?

JCF :

Oui, tout à fait. Les « RSVP Cycles » [2].

CW :

Comme tu le sais, j’ai écrit un chapitre entier dans ma thèse de doctorat à ce sujet, et pendant les deux dernières années je me suis plongé dans ses travaux. J’ai aussi participé à une classe de danse de Anna Halprin, sa femme, qui a été tout autant responsable de cette histoire. Elle a quatre-vingt-dix-huit ans maintenant et elle continue à enseigner deux fois par semaine, sur les mêmes bases du chantier qu’elle a pratiqué depuis les années 1950, c’est incroyable. Anna continue à beaucoup parler des « RSVP Cycles ». Elle a une conception beaucoup plus simple et plus ouverte qu’avait son mari, l’architecte Lawrence Halprin au sujet des « RSVP cycles » : il avait une idée plus systématique sur comment cela pouvait fonctionner et comment on pouvait utiliser ce concept. C’est un cas très intéressant si l’on compare le sens utopique de participation (de la population) dans ses écrits avec comment il a pu réaliser en réalité ses propres projets. Dans son ouvrage City Choreographer Lawrence Halprin in Urban Renewal America[3], Alison Bick Hirsh considère avec sympathie l’œuvre de Halprin. Mais elle critique aussi la tension entre d’une part ses sensibilités modernistes, son besoin de contrôler les choses et d’avoir une reconnaissance de ses droits et d’autre part, son désir sincère de maximiser le potentiel de la participation du public à différents niveaux.

Le projet que j’utilise dans ma thèse pour comprendre les principes du RSVP est le Sea Ranch, une communauté écologique du nord de la Californie. Si tu le voyais, tu le reconnaîtrais immédiatement car ce style d’architecture a été largement copié : un revêtement en bois brut avec des toits très pentus et de grandes fenêtres – très emblématique. Il a développé ce type d’architecture pour ce lieu particulier : les toits inclinés détournent le vent venant de l’océan et créent une sorte de sanctuaire sur le côté de la maison qui ne fait pas face à la côte. Le revêtement en bois est une caractéristique historique de l’architecture régionale, les granges qui y ont été construites par les trappeurs russes avant que la terre ne soit développée. Avec ses nombreux collaborateurs, il a également établi des principes écologiques pour être adoptés par la collectivité : il y avait des règles concernant le type de végétation à utiliser sur les terrains privés, qu’aucune maison ne devait bloquer la vue sur la mer pour une autre maison, que la communauté devait être construite en groupes plutôt qu’en style de banlieue cossue, ce genre de choses. Et très vite, cette communauté est devenue si recherchée, en raison de sa beauté et de sa solitude, que les promoteurs immobiliers ont en gros fait fi des principes écologiques énoncés.

Finalement, ils se sont débarrassés de Lawrence Halprin et ont élargi la communauté d’une manière qui contredisait totalement sa vision initiale. Ce projet était basé sur le cycle RSVP, c’est-à-dire sur un modèle de processus créatif qui donnait la priorité à une représentation transparente des interactions entre les ressources (R), la partition (S pour score), les valeurs à mettre en action (V) et la performance ou réalisation effective (P). Mais le pouvoir de la finance, planant sur l’ensemble du processus, qui a en quelque sorte rendu tout le reste impuissant à un certain moment, n’est pas représenté dans son modèle. Cette dynamique de pouvoir asymétrique a apparemment été un problème dans beaucoup de ses projets. Ce n’était pas toujours une question d’argent, mais parfois c’est sa propre vision qui posait problème, car n’étant pas représentée de manière critique dans le processus de création.

JCF :

C’est la nature de tout projet, il se développe dans le temps, et soudainement il devient quelque chose d’autre, ou bien il disparaît.

CW :

Certains de ses projets d’urbanisme étaient ainsi assez extrêmes : une année de travail avec la communauté, à partir de ce qui avait été déjà construit ; rencontre avec les gens, mise en place de groupes de travail locaux avec des représentants de la communauté, organisation d’événements et d’enquêtes, réunions, et ainsi de suite dans la durée. Et puis, en fin de compte, ce qui s’est passé, c’est qu’il a façonné le projet de sorte qu’il parvienne aux conclusions qu’il voulait atteindre dès le début. Et je peux comprendre, d’une certaine manière, que cela ne puisse pas en être autrement, parce que si vous laissez au peuple le soin de décider de questions complexes, il va être difficile de parvenir à des conclusions. Ce n’est pas à cause de l’éducation qu’il a reçu et de ses idéaux esthétiques forts qui trouvent leur origine profonde dans le Bauhaus qu’il a fait cela. Il a étudié à la Harvard Graduate School of Design avec Walter Gropius. Il faut en conséquence savoir qu’il ne pouvait pas, à un certain niveau, éviter d’être influencé par ses impulsions modernistes. Je sais par expérience que les structures du pouvoir d’auteur disparaissent rarement dans ce genre de projets participatifs, et il est sage de l’accepter et de l’utiliser à l’avantage de la collectivité.

Dans le même chapitre de ma thèse, je parle d’une série de pièces de Richard Barrett. C’est une personnalité intéressante, un compositeur-compositeur illustre, qui a souvent utilisé une notation très complexe, mais il aussi été un improvisateur libre tout au long de sa carrière en utilisant surtout l’électronique. Il a un duo important avec Paul Overmayer qui s’appelle furt. Il y a à peu près quinze ans, Richard Barrett a commencé à travailler dans ses projets en reliant dans le même mouvement la notation et l’improvisation, ce qui alors était pour lui tout à fait nouveau dans son travail – avant cela, c’était plutôt l’utilisation de l’une ou de l’autre. Il a écrit une série de pièces intitulées fOKT, pour un octuor d’improvisateurs et de compositeurs-interprètes. Dans cette série de pièces, je trouve intéressant que son rôle dans le projet est dans une très grande mesure celui de leader, de compositeur, mais en faisant appel aux mondes sonores des interprètes, et en offrant sa composition comme une extension de sa pratique de performance sonore. Il a créé une situation dans laquelle il pouvait se fondre comme un des musiciens parmi d’autres. Il ne s’agissait pas de maintenir une structure de pouvoir comme avait pu le faire Lawrence Halpirn dans ses travaux. Je pense que c’est un formidable modèle pour montrer comment des compositeurs s’intéressant à l’improvisation peuvent travailler. C’est une alternative à des solutions plus faciles, comme lorsqu’un compositeur qui n’est pas lui-même un improvisateur donne aux improvisateurs une ligne de temps et leur dit : « faites ceci pendant quelque temps et puis faites cela ». Il y a d’autres moyens plus profonds pour s’engager dans l’improvisation en tant que compositeur si l’on n’adopte pas cette perspective qui consiste à être quelqu’un ne regardant la performance que d’un hélicoptère.

JCF :

Dans les années 1960, j’ai vécu beaucoup de situations telles que celle que tu décris, un compositeur incluant dans ses partitions des moments d’improvisation. De nombreuses versions expérimentales se déclinaient déjà sous la forme de partitions graphiques, d’improvisation dirigée (une partie s’appelle aujourd’hui « sound painting »), sans oublier les processus des formes aléatoires et de l’indétermination. À l’époque, cela a produit chez les interprètes énormément de frustration, ce qui a mené à la nécessité pour les instrumentistes et vocalistes de créer des situations d’improvisation « libre » qui se passaient de l’autorité d’une seule et unique personne portant la responsabilité de la création. Certes, aujourd’hui la situation des rapports entre composition et improvisation a beaucoup changé. Par ailleurs, les conditions de la création collective concernant la production immédiate de la matière sonore sont loin d’être clairement définies en termes de contenus et de relations sociales. Pour ma part, j’ai développé pendant les 15 dernières années, la notion de protocoles d’improvisation qui me paraissent nécessaires à des situations où des musiciens de traditions différentes doivent se rencontrer pour co-construire une matière sonore, à des situations de rencontre entre des musiciens et d’autres artistes (danseurs, acteurs, plasticiens, etc.) pour trouver des territoires communs, ou bien à des situations où il s’agit de personnes abordant l’improvisation pour la première fois. Pourtant je reste attaché à deux idées : a) l’improvisation tient sa légitimité dans la création collective de type de démocratie directe et horizontale ; b) les supports du monde « visuel » ne doivent pas être éliminés, mais l’improvisation doit chercher du côté de l’oralité et de l’écoute à favoriser d’autres supports.

 

3. La question de l’immigration

JCF :

Pour changer de sujet, et revenir à Berlin : tu sembles décrire un monde qui reste encore profondément attaché aux notions d’avant-garde et d’innovation dans des perspectives qui me paraissent être encore liées à la période moderniste – bien sûr je fais complètement partie de ce monde. Mais qu’en est-il par exemple du problème de l’immigration ? Même si en ce moment ce problème est particulièrement brûlant, je pense qu’il n’est pas nouveau. Les populations qui ne correspondent pas à l’idéal de l’art occidental viennent-ils aux concerts que tu organises ?

CW :

En fait, nous avons dans notre série de concerts plusieurs connexions avec des organisations qui aident les réfugiés, et nous les avons invités à nos événements. Il faut savoir que, sans doute, pour beaucoup de réfugiés – en plus du fait qu’ils sont dans un nouvel espace et qu’il leur faut ici recommencer à zéro sans beaucoup de famille ou d’amis (si toutefois ils en ont) –ils n’ont pas le droit de travailler. Certains d’entre eux s’inscrivent dans des cours d’allemand, recherchent des stages ou des choses comme cela, mais la plupart ne font que « traîner » en attendant de retourner dans leur pays et c’est bien sûr une recette pour aller au désastre. Alors il y a des organisations qui leur trouvent les moyens de s’impliquer ici dans la société. Nous les avons invités à KONTRAKLANG, C’est une invitation permanente à tous nos événements, ils peuvent y entrer gratuitement, les boissons sont offertes. De manière occasionnelle, nous avons eu des groupes de vingt à vingt-cinq personnes présentes faisant partie de ces organisations, et certains de ces concerts ont été parmi les meilleurs de la saison, car ils ont pu apporter une atmosphère complètement différente dans le public. Il faut savoir que ce sont des jeunes qui ont disons entre dix-huit ans ou moins et jusqu’à vingt-cinq ans – j’ai l’impression que très peu d’entre eux ont déjà assisté à des concerts formels, encore moins pour entendre de la musique contemporaine. Tout le rituel d’aller à la salle de concert, porter son attention sur ce qui est joué, éteindre son portable, semble ne pas faire partie de leur univers. Parfois, ils se parlent entre eux pendant les concerts, ils se lèvent pour aller au bar ou aux toilettes pendant que les pièces sont jouées. Cela dérange au premier abord, mais ils n’ont pas de tabous concernant les réactions qu’on peut avoir à la musique. Je me rappelle les applaudissements à la fin de certaines pièces, c’était tout à fait stupéfiant – ils se sont levés et se sont mis à huer et à crier, comme aucun membre de notre public habituel ne le ferait jamais. Et ils se mettent à rire et font des commentaires entre eux lorsque quelque chose d’étrange se passe. Évidemment c’est tout à fait réjouissant, et malgré tout un peu choquant pour un public habitué aux concerts de musique contemporaine. Malheureusement ils ne viennent plus aussi souvent ; nous avons peut-être besoin de les recontacter et d’en recruter d’autres, parce que cela a été une expérience très positive. Pourtant certains d’entre eux sont aussi revenus, ce n’était pas comme s’ils étaient venus une seule fois en se disant en sortant « merde alors, plus jamais cela ! ». Pourtant, certains sont revenus. Certains ont continué à venir et ont posé des questions sur ce que nous faisons, c’est très encourageant. Mais évidemment il s’agit d’une exception à la règle.

JCF :

Est-ce qu’ils viennent eux-mêmes avec leurs propres pratiques ?

CW :

Eh bien, je ne sais pas combien se sont engagés dans la voie d’être des musiciens à plein temps ou des musiciens professionnels, mais j’ai l’impression que beaucoup chantent ou jouent d’un instrument. Honnêtement, c’est une zone un peu aveugle.

JCF :

D’une façon plus générale, Berlin est un lieu qui est particulièrement connu pour son multiculturalisme. Il n’y a pas que les réfugiés récents.

CW :

Il est vrai qu’il y a dans cette ville des centaines de nationalités et de langages, et différentes communautés. Est-ce que tu te demandes pourquoi nos concerts sont tellement l’affaire des blancs ?

 

4. Médiation

JCF :

Il s’agit des relations entre le groupe des « modernistes » – qui est constitué en grande majorité par des blancs – avec le reste de la société. Cela a à voir avec l’impression que j’ai d’une disparition progressive de la musique contemporaine de ma génération qui dans le passé avait un large public qui est maintenant devenu de plus en plus clairsemé et avait une exposition médiatique qui a maintenant pratiquement disparue, tout cela au profit d’une mosaïque de pratiques diversifiées, chacune ayant un groupe d’aficionados passionnés mais peu nombreux.

CW :

À Berlin il y a, selon mon expérience, un public beaucoup plus nombreux que pratiquement partout ailleurs. Même s’il y a des concerts où il n’y a qu’une quinzaine ou une vingtaine de personnes, il y en a d’autres où, le plus souvent, il y en a cinquante ; ce qui est sympa. C’est le cas par exemple à des endroits comme Ausland[4], une des institutions underground des musiques improvisées. Ils existent depuis une quinzaine d’années et dans ce cadre, certains de mes amis organisent une série de concerts sous le nom de « Biegungen ». L’endroit est ce qu’il est, ce n’est pas très grand, mais si on arrive à y faire venir un certain nombre de gens, on s’y sent comme dans une fête informelle, c’est une scène assez vivante. Par ailleurs, il y a des festivals plus officiels dans lesquels il y a des centaines de personnes. KONTRAKLANG se situe entre les deux, autour de cent personnes par concert. Donc je n’ai pas l’impression que ce type de musique et son public sont en train de disparaître en tant que tels. Ce dont tu parles, je pense, c’est plutôt de la déconnexion qui existe entre la culture musicale et la pratique musicale.

JCF :

Pas tout à fait. Pour revenir à ce dont nous avons parlé ci-dessus, c’est plutôt l’idée d’une pléthore de « groupuscules », avec leurs propres réseaux qui s’étendent de par le monde, mais qui restent petits de taille. Il est souvent difficile d’être capable de faire la distinction entre un réseau et un autre. Il ne s’agit plus de faire la distinction entre le grand art et la culture populaire, mais plutôt d’une série de réseaux souterrains qui s’opposent par leurs pratiques et leurs affiliés à la machine uniformisante de l’industrie culturelle. Ces réseaux sont en même temps tellement proches, ils tendent tous à faire la même chose au même moment, et pourtant ils sont fermés dans le sens qu’ils ont tendance en même temps à éviter de faire quoique ce soit entre eux. Chaque réseau a ses festivals, scènes et salles de concert ; et si vous faites partie d’un autre groupe, il n’y a aucune chance d’être invité. La pensée de la multitude des divers undergrounds ouvre des champs de liberté illimitée, et pourtant elle tend complètement à multiplier les murs.

CW :

Les murs ! C’est ce que je veux dire quand je parle de la culture musicale : les gens s’organisent eux-mêmes, les discours qu’ils développent, les lieux où ils jouent, les publications qu’ils lisent, tout ce genre de choses. Pour moi, c’est évidemment très important, et cela a un impact majeur sur la pratique, mais je ne pense pas que la pratique est profondément liée à tout cela. Il y a beaucoup de terrains communs entre, par exemple, certains musiciens qui travaillent sur des drones ou sur des guitares électriques tabletop, les musiciens électroacoustiques, de la techno, et les DJs expérimentaux : les mêmes types de problèmes se manifestent dans le contexte des différentes pratiques. Mais quand il s’agit de ce qu’on appelle en allemand Vermittlung [la médiation], la présentation, la promotion, la dissémination de la musique, alors soudainement « swshhhh… » les praticiens se contredisent souvent complètement entre eux. . Ce qui m’intéresse plus, en tant que musicien qui comprend le travail réalisé à la base, c’est comment la pratique peut se connecter avec d’autres cultures et non pas la façon par laquelle les cultures musicales peuvent séparer les pratiques. La culture musicale doit être au service de la pratique, et c’est une des raisons pour laquelle j’ai choisi de m’intéresser à l’organisation de concerts, car je peux apporter ce type de savoir, celui de la connectivité qui existe entre différentes pratiques, pour la faire apparaître dans leur présentation au public. Trop de gens qui organisent des festivals, dirigent des institutions, des écoles ou des publications n’ont pas d’expérience directe du travail sur les matériaux. Ils ne voient donc pas les liens qui existent et ils ne les mettent pas en avant. Parfois ils osent peut-être se lancer dans la juxtaposition de deux traditions opposées lors de rencontres isolées, comme par exemple faire jouer des musiciens de la musique traditionnelle classique persane ou indienne avec un ensemble de musique contemporaine. Ces choses se passent de temps en temps, mais le plus souvent elles sont vouées à l’échec par le geste de concocter un cocktail sexy de ceux qu’on a présumé autres. Ce que nous essayons de faire dans notre série de concerts, c’est d’explorer les continuités qui sont déjà là, mais qui sont cachées hors de vue par nos préjugés dans nos propres cadres musicaux et culturels.

 

5. Recherche artistique – Une tension entre théorie et pratique

JCF :

On en arrive à la dernière question : les murs qui existent entre le monde académique de l’université et celui des pratiques effectives. Les praticiens de la musique sont exclus des institutions d’enseignement supérieur et de la recherche, ou bien plus souvent ne veulent pas y être associés. Mais en même temps, ils n’en sont pas complètement en dehors par les temps qui courent. Tu es dans une bonne position pour dire des choses à ce sujet ?

CW :

J’ai la chance de me situer à cheval entre les deux univers, et je ne suis pas obligé de choisir entre les deux, au moins au point où j’en suis. Je me suis toujours intéressé à la recherche, et évidemment aussi à faire de la musique en tant que telle. Au cours de mon doctorat, j’ai développé un goût prononcé pour développer l’interface qui existe entre les deux.

JCF :

Donc, pour toi, la notion de recherche artistique est importante ?

CW :

Oui et non. Les contenus de la recherche artistique sont importants pour moi, et je suis très attaché à l’idée que la pratique peut aider à résoudre des questions de recherche que les méthodes de la recherche plus scientifique sont incapables de faire. Je suis aussi très attaché aux potentiels que la pratique artistique – en particulier la musique expérimentale – peut apporter aux questions sociales, aux questions plus larges qui gravitent autour de la connaissance de la production et de la dissémination. Je m’intéresse aussi à l’utilisation de la recherche pour me faire sortir de mes propres limitations esthétiques. Toutes ces choses sont inhérentes à la recherche artistique, mais par contre, j’ai des sentiments ambivalents vis-à-vis de la recherche artistique en tant que discipline et de ses institutions. Le terme de « recherche artistique » est souvent utilisé de manière abusive. D’une part, le terme est communément utilisé par des praticiens qui n’arrivent pas à survivre dans le monde des arts ou de la musique, parce qu’ils n’ont pas les compétences pour le faire, ou bien qu’ils n’ont pas le courage de mener la vie d’artiste indépendant. D’autre part, des universitaires ont colonisé ce domaine, parce qu’ils sont à la recherche d’une spécialité. Ils peuvent peut-être venir de la philosophie ou des sciences sociales, de l’histoire de l’art, de la musicologie, des études théâtrales, de la théorie critique, des choses de ce genre. Pour eux, la recherche artistique est une sorte de nouveau gâteau qu’il convient de partager en morceaux.

JCF :

Oui, je vois.

CW :

Alors, il y a des colloques, des publications, des départements dans les universités, mais je n’arrive pas à déterminer si beaucoup de personnes dans le monde de la recherche artistique valorisent vraiment la pratique et comment ils s’y prennent pour le faire. On peut sans doute sentir combien je suis allergique à cet aspect de la recherche artistique en tant que discipline – toutes mes excuses pour cette diatribe. Disons seulement que je ne me préoccupe pas de la promotion ou de la théorisation de la recherche artistique en tant que discipline, je m’intéresse plus à la mener. Je suppose que la plupart des personnes qui produisent le meilleur travail dans ce domaine partagent le même sentiment. Ces questions me préoccupent plus que jamais en ce moment parce que, en premier lieu, je voudrais avoir sous une forme ou une autre des revenus réguliers : les difficultés de cette vie d’artiste indépendant commencent à me fatiguer !

JCF :

Effectivement, les rapports entre les différentes versions de carrières artistiques ne sont pas tout à fait pacifiques. Premièrement, les artistes indépendants, notamment dans le domaine des musiques expérimentales, considèrent souvent ceux qui sont à l’abri dans des institutions académiques ou autres comme trahissant l’idéal du risque artistique en tant que tel. Deuxièmement les professeurs tournés vers la pratique musicale instrumentale ou vocale, pensent souvent que toute réflexion sur leur propre pratique est un temps inutile pris sur la pratique effective exigée par le haut niveau d’excellence. Troisièmement beaucoup d’artistes font de la recherche sans le savoir, et quand ils en sont conscients, souvent ils refusent de diffuser leur art par des articles de recherche. Beaucoup de murs se sont dressés entre les mondes des pratiques indépendantes, des conservatoires et des institutions de recherche.

CW :

Eh bien, si on se limite à la question de l’improvisation, il y a de plus en plus de personnes qui sont à la fois des artistes praticiens et des chercheurs qui sont en position de pouvoir dans les institutions. Prenons le cas de George Lewis : il a tout changé. Il a payé de sa personne comme musicien et artiste et il a constamment produit des choses créatives intéressantes : en même temps il est devenu une figure majeure dans le domaine de la recherche sur l’improvisation. En étant professeur à l’Université Columbia à New York il a été capable de créer des opportunités pour tout un tas de gens et d’idées qui sans cela n’auraient pas pu être mises en place.

JCF :

À l’Université Columbia (et à Princeton), historiquement, Milton Babbitt[5] était la figure de proue du département de musique. C’est très intéressant de voir que maintenant c’est George Lewis, avec tout ce qu’il représente, qui occupe cette position qui en est devenu le personnage intellectuel et artistique le plus influent.

Toi-même tu as fait ton doctorat à l’Université Leiden aux Pays-Bas[4]. Cela semble être un endroit très intéressant ?

CW :

Certainement. Il y a beaucoup d’étudiants intéressants et l’équipe de professeurs est très petite – à la base Marcel Cobussen et Richard Barrett (ils ont été mes deux interlocuteurs principaux), et Henk Borgdorff qui est un théoricien d’envergure dans la recherche artistique. Le président de mon comité de doctorat a été Frans de Ruiter, qui a été le directeur du Conservatoire Royal de La Haye pendant de longues années avant de créer le département à Leiden. Je crois que Edwin van der Heide, un artiste sonore qui fait des sculptures cinétiques et beaucoup d’installations sonores, en fait maintenant partie. C’est un centre de rencontres où beaucoup de choses importantes se produisent dans notre domaine d’intérêt.

En ce qui concerne ma recherche d’un poste plus stable, je suis sûr que quelque chose va se présenter, je dois juste être patient et continuer à me renseigner. La plupart des opportunités de ce type dans ma vie se sont produites grâce à des relations personnelles de toute façon, donc je pense que je dois garder les yeux ouverts jusqu’à ce que la bonne personne se présente.

Notre rencontre touche à sa fin, car je dois m’en aller.

JCF :

Merci beaucoup pour cette rencontre très fructueuse.


1. 2010 Markus Miessen, The Nightmare of Participation, Berlin: Sternberg Press

2. See Lawrence Halprin, The RSVP Cycles: Creative Processes in Human Environment, G.Brazilier, 1970. Les RSVP cycles consituent un système méthodologique centré sur la collaboration et la créativité. La signification des lettres est comme suit : R = ressources; S = scores [partitions musicales] ; V = valeurs à mettre en action [value-action]; P = réalisation effective [performance]. Voir en.wikipedia.org

3. Alison Hirsch, City Choreographer: Lawrence Halprin in Urban Renewal America, University of Minnesota Press, 2014. (https://www.upress.umn.edu/book-division/books/city-choreographer)

4. « Ausland, Berlin, est un lieu indépendant pour la musique, le cinéma, la littérature, les performances et autres activités artistiques. C’est un lieu qui propose également son infrastructure aux artistes et à leurs projets pour des répétitions, des enregistrements et des ateliers, ainsi qu’un certain nombre de résidences. Inauguré en 2002, Ausland est géré par un collectif de bénévoles. » (https://ausland-berlin.de/about-ausland)

5. Milton Babbitt, compositeur américain (1916-2011), pionnier de la musique électronique et du sérialisme intégral. Théoricien très influent concernant le dodécaphonisme et de sa combinatorialité. Figure très importante dans la défense de la pratique musicale contemporaine et de ses apports théoriques au sein des universités américaines. Il a été en particulier associé à l’Université de Princeton et l’Université Columbia. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Milton_Babbitt)

6. Voir « Leiden University – Academy of Creative and Performing Arts » (https://www.universiteitleiden.nl/en/humanities/academy-of-creative-and-performing-arts/research)


 

Christopher A. Williams (1981, San Diego) est un créateur, un organisateur et un théoricien de la musique expérimentale et de l’art sonore. En tant que compositeur et contrebassiste, il travaille dans les domaines de la musique de chambre, de l’improvisation et de l’art radiophonique et développe aussi des collaborations avec des danseurs, des artistes du son et des artistes visuels. Performances et collaborations avec Derek Bailey, Compagnie Ouie/Dire, Charles Curtis, LaMonte Young’s Theatre of Eternal Music, Ferran Fages, Robin Hayward (en tant que Reidemeister Move), Barbara Held, Christian Kesten, Christina Kubisch, Liminar, Maulwerker, Charlie Morrow, David Moss, Andrea Neumann, Mary Oliver et Rozemarie Heggen, Ben Patterson, Robyn Schulkowsky, l’Ensemble SuperMusique, les Vocal Constructivists, les danseurs Jadi Carboni et Martin Sonderkamp, le cinéaste Zachary Kerschberg et les peintres Sebastian Dacey et Tanja Smit. Ses travaux ont été présentés dans divers circuits de musique expérimentale nord-américains et européens, ainsi que sur VPRO Radio 6 (Pays-Bas), Deutschlandfunk Kultur, le Musée d’art contemporain de Barcelone, la Volksbühne Berlin et le Festival du film documentaire américain.

La recherche artistique de Christopher Williams se manifeste à la fois dans des publications universitaires conventionnelles et dans la réalisation pratique de projets multimédia. Ses travaux écrits ont paru dans des publications telles que le Journal of Sonic Studies, le Journal for Artistic Research, Open Space Magazine, Critical Studies in Improvisation, TEMPO, and Experiencing Liveness in Contemporary Performance(Routledge).

Il est le co-organisateur de la série de concerts KONTRAKLANG. De 2009 à 20015 il a été le co-organisateur de la série de conecerts de salon Certain Sundays.

Williams est titulaire d’un B.A. de l’Université de Californie San Diego (Charles Curtis, Chaya Czernowin, and Bertram Turetzky); et d’un doctorat Ph.D. de l’Université de Leiden (Marcel Cobussen and Richard Barrett). Sa thèse Tactile Paths : on and through Notation for Improvisers est pionnière dans le domaine du numérique et peut être trouvée sur www.tactilepaths.net.

Pour la période 2020-22 il a obtenu un poste de recherche post-doctorale à l’University of Music and Performing Arts, Graz, Autriche.

Voir http://www.christopherisnow.com

Clare Lesser – Français

Retour au texte original en anglais :
English

 


 

INTER MUROS

Une approche qui déconstruit la pratique d’interprétation de la pièce de John Cage, Four,
en se focalisant sur l’indécidable, l’interpénétration virale et la fusion des domaines.

Clare Lesser

Traduction de l’anglais: Jean-Charles François

Sommaire

Murus
John Cage – Four
Four⁶ – ART : Abu Dhabi, avril 2018
Pharmakoi
… commencer et finir à des points particuLiers de tEmps…

Références

 


Murus

Murus, maceria, moerus, mauer, mur…

Emmuré, mural, au bord…

… mur cellulaire, mur de prison, mur-rideau, mur d’enceinte de la ville…

…mur de soutènement, mur du port, mur de séparation, mur de liaison…

…clôture, partition, écran, séparateur, mur mitoyen, panneau, cloison…

…abris, garde, le mur du jardin, barrage, fortification…

…mur porteur, revêtement décoratif, Four Walls…

…déjanté, hors les murs… 

…mûre, mûr…

… travail de sape…

… avec/sans fondations…

Les murs, choses bien compliquées, et si l’on poursuit cette ligne de pensée, qui sait où cela va nous mener ? Peut-être va-t-on tomber à la renverse, cul par dessus tête … ou bien s’écraser contre le mur ?

Avant de faire sur le champ tomber les murs, il convient plutôt de considérer ce que cela pourrait signifier d’être entre les murs ou à l’intérieur des murs, de les questionner, de se confronter aux fragments de ciment et de sable du mortier qui les composent, de faire un peu trembler leurs fondations, sans doute. Mais comment procéder pour lancer ce processus ? La déconstruction semble être un bon point de départ ; en examinant les jointures, les chaînages d’angle… en pénétrant le tissu même de la question, en initiant le processus d’interrogation, d’affaiblissement, du ‘peut-être’. Donc essayons d’ouvrir nos yeux et nos oreilles au déroulement de la déconstruction à l’intérieur de chaque domaine et à travers les domaines, en s’inspirant de l’œuvre de Derrida et de Bernard Tschumi (je pourrais aussi bien faire appel à Simon Hantaï et Valerio Adami), en se concentrant sur deux terrains d’intérêts : le pharmakon (et l’indétermination) et le virus.

Il y a un certain nombre de contradictions ou d’oppositions qui apparaissent dans la liste d’ouverture  (abris/prison, mur de liaison/mur de séparation, mur porteur/revêtement décoratif). Les murs peuvent apparemment occuper simultanément deux ou plus de fonctions antagonistes, et dans ce cas, ils peuvent être considérés comme des pharmakoi. Considérons alors une œuvre de ‘musique’ dans laquelle ces murs, ces pharmakoi, ces possibilités de saper les fondations et de dissoudre les frontières, ces contradictions apparentes et ces bordures floues, ces exemples d’aporia (ou de perplexité), font partie intégrante de son interprétation, et dans laquelle l’instrumentiste créateur (le ‘joker’) peut s’adonner à déconstruire ou à pousser les ‘règles’ (les murs) du ‘jeu’ au point de rupture.

John Cage – Four

Four (1992) pour quatre performers, plutôt que ‘musiciens’ ou ‘interprètes’ spécifiquement, ou plutôt, disons qu’il s’agit de quatre ‘performers’ sur la couverture de la partition et de quatre ‘interprètes’ sur les parties instrumentales (s’agit-il de jouer à des jeux, à un théâtre, s’agit-il de jouer à jouer ?), est une des œuvres de John Cage basées sur des tranches de temps (entre crochets) [time-bracket], ainsi nommées parce que lors d’une interprétation chaque participant doit :

Jouer par rapport au temps flexible entre crochets. Lorsque les crochets sont connectées par une ligne diagonale elles [les tranches de temps] sont relativement proches les unes des autres. (Cage 1992, p2)

Ainsi, la partie de l’interprète numéro un commence comme suit :

0’00” ↔ 1’15”      0’55” ↔ 2’05”

 2

Cage donne aussi deux sortes d’information sur les types de son qu’il envisage, je dois dire ici qu’il n’y a pas de ‘contenu’ donné pour les représentation des tranches temps entre crochets, c’est ce que l’interprète doit inventer, car l’œuvre est écrite

pour n’importe quelle manière de produire des sons (vocalisation, chant, jeu sur un instrument ou des instruments, sons électroniques, etc.) … (Cage 1992, p1)

Et Cage nous dit en plus de

Choisir douze sons différents ayant des caractéristiques fixes (amplitude, structure des partiels, etc.) (Cage 1992, p2)

 

Ainsi, à l’intérieur des murs constitués par des ‘règles’, à l’intérieur des limites de la pièce, nous sommes en présence de contradictions ou d’opportunités créatives inscrites d’entrée de jeu au sein l’œuvre. Cage nous propose de manière moins évidente un pharmakon dans le fait que les sons sont apparemment à la fois fixés et libres. On peut penser que l’intention de Cage était que chacun des douze sons devait avoir des caractéristiques fixes, mais alors à quoi rime le début de la phrase dans ce cas-là ? Cela est redondant et ouvre la voie à la possibilité de l’aporia. Pourquoi ne pas dire seulement ‘produire douze sons avec des caractéristiques fixes (amplitude etc.)’ ? Cela paraîtrait tout à fait compréhensible pour tout musicien.

Il laisse aussi aux interprètes la complète détermination concernant leur provenance, c’est-à-dire à quel domaine ils/elles appartiennent (si elles/ils en ont un)[1], et tout aussi bien une certaine flexibilité dans la détermination de la ‘structure’ générale, dans la mesure où les tranches de temps (les murs de soutènement) permettent une variabilité dans le début et la fin du temps de chaque ‘événement’. Ces tranches de temps sont évidemment des coquilles vides – qui attendent d’être remplies, elles attendent d’être habitées par des évènements (ce que Derrida appelle « l’émergence d’une multiplicité disparate » [Tschumi 1996, p. 257]. En d’autres termes, leur ‘programmation’ n’est pas fixée. La relation ou hiérarchie entre le compositeur et l’interprète est complètement déstabilisée (un autre pharmakon), pour toute personne qui en fait ici ‘compose’ la réalisation de la performance : le compositeur, les interprète(s), les deux à la fois, ni l’un ni l’autre ? Chaque interprète est indépendant, dans un sens muré par rapport autres… peut-être ?

Le pharmakon peut-il être utile pour dépasser les limites, en changeant (en défiant) la structure du mur et de ses fonctions ? Si une opposition binaire (inclus/exclus, libre/bloqué, etc.) peut être bousculée, par exemple en ayant ses fonctions remises en cause, alors les murs deviennent des seuils, des conduits, des zones de connexion, et non plus des barrières. Le pharmakon est un des concepts majeurs qu’on peut trouver dans le Phaedrus de Platon, ce qui nous amène à considérer les explications de Derrida sur le pharmakon, tels qu’on peut les trouver dans « La pharmacie de Platon » :

Ce pharmakon, ce « médicament », ce philtre, qui acte à la fois comme remède et poison… (Derrida 2004, p75)

et

Ce charme, cette vertu envoûtante, ce pouvoir de fascination, peuvent être – alternativement ou simultanément – bénéfiques ou maléfiques. (Derrida 2004, p75)

et

Si le pharmakon est « ambivalent », c’est parce qu’il constitue un moyen dans lequel les oppositions s’opposent, le mouvement et le jeu qui les lient entre elles s’inversent ou font qu’un côté traverse l’autre (âme/corps, bon/mal, intérieur/extérieur, mémoire/oubli, parole/écrit, etc.). (Derrida 2004, p130)

Ainsi, le pharmakon est un espace dans lequel les oppositions peuvent être démantelées ; un passage ou mouvement de convergence et d’interpénétration, le soit/ou, le ni/ni, le ‘et’. Le démantèlement des oppositions n’est pas seulement confiné à la parole et l’écrit (bien que Derrida s’y réfère ici) : il relève tout aussi bien d’autres champs, comme par exemple l’architecture, le champ par excellence des murs, le bastion de la solidité et des structures apparentes, et en plus un espace de collaboration pour Derrida avec Peter Eisenmann et Bernard Tschumi pendant les années 1980[2]Derrida avait émis des doutes initialement sur ce type de collaboration, en disant à Tschumi « Mais comment un architecte peut-il être intéressé à la déconstruction ? Après tout, la déconstruction est antiforme, anti-hiérarchie, anti-structure, l’opposé de tout sur quoi l’architecture repose. » « « Précisément pour cette raison”, j’ai répondu. » (Tschumi 1996, p. 250). Tschumi a aussi fait remarquer que les stratégies de la déconstruction dans l’architecture s’étaient développées tout au long des années 1970 et 80, lorsque les architectes on commencé à

… se confronter aux oppositions binaires de l’architecture traditionnelle : à savoir, la forme versus la fonction, ou l’abstraction versus la figuration. Cependant, ils ont aussi voulu défier les hiérarchies qui se cachent sous ces dualités, comme par exemple « la forme suit la fonction » et « l’ornement est subordonné à la structure ».  (Tschumi 1996, p251)

Et la pratique pédagogique ‘radicale’ de Tschumi à l’Architectural Association et à Princeton au milieu des années 1970 a exploité la fusion des domaines (par exemple l’architecture et la littérature) d’entrée de jeu :

Je donnais à mes étudiants des textes de Kafka, Calvino, Hegel, Poe, Joyce et d’autres auteurs comme programmes pour des projets d’architecture. La grille de points du Garden de Joyce (1977)… réalisée avec mes étudiants du AA à l’époque comme un projet architectural basé sur Finnegan’s Wake a été consciemment réutilisée comme stratégie d’organisation pour le Parc de la Villette cinq ans plus tard. (Tschumi, 1997, p125)

Ainsi le projet du Parc de la Villette de Tschumi (1982-98), la restructuration et le développement d’un grand espace urbain (les anciens abattoirs au nord-est de Paris), a exploité la programmation transversale, une réévaluation de l’‘événement’, le jeu de la ‘trace’, et des stratégies variées de la déconstruction dans la composition des lignes, des points, et des surfaces. C’est probablement le caractère iconique des folies rouges vives de Tschumi qui a rendu ce projet si célèbre (structures à multiprogrammation ou sans programmation à l’intérieur du parc) : une des folies pouvait être soit un restaurant ou une salle de concert, ni un restaurant, ni une salle de concert, ou bien, un restaurant et une salle de concert. Ainsi les folies sont des pharmakoi, elles restent dans l’indécision ; elles rejettent les ‘murs’, le confinement, la ‘programmation’ prédéterminée. Elles sont des coquilles vides – des tranches de temps entre crochets.

Comment fonctionne cette pluralité des jeux de l’indécidable dans Four⁶ ? Qu’est ce qui est indécidable dans la pièce et quelles implications cela peut-il générer pour renverser les murs dans la pédagogie et la praxis ? Pour continuer cette exploration, je vais me tourner maintenant vers une réalisation récente de Four⁶ dont j’ai été l’instigatrice.

Une liste partielle des éléments d’indécision dans Four⁶ peut se présenter comme suit :

  • Forces – qui peut jouer dans cette pièce ?
  • Contenu – que peut-on inclure dans les tranches de temps entre crochets ?
  • Hiérarchie – qui est le compositeur ?
  • Partition – qui en a la maîtrise ?

 

Four⁶ – ART : Abu Dhabi, avril 2018

La « version art » – c’est le nom que j’ai donné à une performance réalisée en 2018 à Abu Dhabi centrée sur les arts plastiques (un peu comme Step : A Composition for Painting) – a été conçue comme un moyen de se détacher de la musique, tout en reconnaissant encore ses traces à l’intérieur de l’œuvre (figure 1). Chaque exécutant a été appelé à élaborer douze actions ayant des relations avec les arts. L’exécution des tranches de temps entre crochets pouvaient être soit prévue à l’avance et notée sur la partition, ou bien choisie et réalisée en temps réel au moment de l’exécution ‘live’. J’ai demandé aux exécutants d’interpréter le terme d’‘art’ à leur façon, ce qui a donné le résultat d’une mixture de performance art, d’art sonore, d’art plastique, de théâtre, de poésie performée, etc. ; et je leur ai aussi demandé d’élaborer leurs ‘évènements’ individuellement, de façon à ce que l’exécution publique se passe sans répétitions et que toutes les réactions restent spontanées, potentiellement surprenantes pour les exécutants regroupés sur scène et pour le public – (un clin d’œil à la définition de Cage de ‘l’action expérimentale’ en tant que ‘quelque chose dont le résultat n’est pas prévu’) (Cage 1961, p. 39)

Une pièce de toile de 2×1 mètres [6×3 pieds] a été utilisée, montée sur un cadre de bois et surélevée sur des blocs (pour avoir un espace permettant de couper la toile) et posée sur une grande table. Des objets ont été mis à la disposition des exécutants pour être utilisés si nécessaire : des tubes de peinture (acrylique) en blanc, noir et bleu, des tubes de peinture des mêmes couleurs, de la craie, du charbon, des couteaux, un verre d’eau, des bouteilles en verre, des crayons, des tournevis, des pinceaux (de différentes tailles), des taille-crayons (en acier), des chiffons (pour effacer ou peindre, etc.). Une des participantes avait aussi apporté un sabre laser pour faire de la peinture avec. Les interprètes étaient libres d’utiliser n’importe quelle partie de leur corps pendant la réalisation de l’œuvre. Le choix qui a été fait par les exécutants 2 et 3 étaient :

Exécutant 2 – Sons (Actions)

1. Parler, 2. Crayon, 3. Repeindre par dessus, 4. Wood blocks, 5. Blanc, 6. Couteau, 7. Noir, 8. Tournevis, 9. Bleu, 10. Silence, 11. Chanter, 12. Tousser.

Exécutant 3 – Sons (Actions)

1. Tacet, 2. Déchirer la partition et l’ajouter à la toile du canevas, 3. Secouer les pinceaux pour projeter de la peinture, 4. Eclabousser avec les pinceaux, 5. Faire gicler le tube de peinture, 6. Ecrire avec une craie, 7. Eclabousser avec de l’eau, 8 Percussion sur une bouteille et un pot de confiture, 9. Gommer, 10. Aiguiser un couteau, 11. Bousculer un autre exécutant, 12. Lacérer la toile du canevas.

 

Figure 1: portion de la toile du canevas immédiatement après l’exécution publique (avril 2018),
montrant la peinture fraîche et déchiquetée pendant l’exécution (au centre).

 

Pharmakoi

Le premier pharmakon concerne les forces en présence : qui a le droit de jouer cette œuvre ? Est-ce que la pièce est entourée de murs qui empêchent la participation et l’accès à son exécution ? Non, les frontières de l’exécution sont très ouvertes. En d’autres termes, n’importe qui peut jouer Four, on n’a pas besoin d’une formation classique ou formelle dans n’importe quelle tradition. Fourc’est de la musique et ce n’est pas de la musique ; cette pièce peut accueillir des exécutants de n’importe quel domaine artistique, en fait pouvant provenir de n’importe où, qui ont toute liberté de rester dans leur propre domaine (même si ces domaines vont s’entremêler) : artistes, musiciens, scientifiques, acteurs, historiens, philosophes, vétérinaires… la liste est infinie. Le mur de la discipline – le pour ‘qui ?’ est conçue la pièce – est instable et affaibli ; la pièce peut être jouée dans une mixture hybride de domaines, une infection virale à double sens (ou à quadruple sens) à tout moment au cours de l’exécution. On est en présence ici d’implications sociales et politiques ; il n’y a pas de barrières (murs) d’accès, pas de hiérarchie, et pas de fondement pédagogique requis.

C’est-à-dire : le programme n’a pas besoin d’être de la ‘musique’. La version que j’ai esquissée ci-dessus est basée sur un focus approximatif, mais ne requiert pas la présence d’un ‘thème’, il s’agit d’un réceptacle pour permettre à des évènements de se dérouler. Les exécutants appartenaient à différentes disciplines : musique, arts plastiques, psychologie et arabe classique. C’est ainsi que l’œuvre peut être considérée comme de la musique et en même temps n’est pas de la musique. Les tranches de temps entre crochets sont comme les folies du programme de Tschumi, décrites par Derrida comme « un espace d’écriture, un mode d’espacement qui donne lieu à un événement » (Tschumi, 2014, p. 115). Les folies ont un nombre de traits communs avec les tranches de temps entre crochets : une tranche de temps est un mode d’espacement dans le temps, et elle peut être remplie par n’importe quelle chose, par n’importe quel ‘événement’ qui crée du son, tiré de la collection de douze déterminée par chaque exécutant séparément, exactement comme une folie a un ‘programme’ indéterminé et ouvert à partir d’une collection d’évènements possibles[3]. La combinaison des évènements des tranches de temps (programmes) permet aux domaines individuels de fusionner, d’infecter, de réécrire, d’hybrider, comme dans l’exemple de notre folie, qui combine un espace de performance et d’un restaurant. Dans la version ‘art’, les domaines de la musique, du théâtre et de la philosophie occupent tous le même espace de temps.

Les évènements continuent aussi à vivre après coup, comme des cendres si vous voulez. Au fur et à mesure que la toile du canevas se sèche, la version ‘art’ continue de se modifier longtemps après que l’exécution de la pièce est terminée ; elle n’est donc pas confinée dans ces 30 minutes de ‘murs’ temporels. Elle continue d’évoluer à travers des changements de couleur et de texture (figure 2). Le processus de séchage à la fois révèle et dissimule l’écriture (sur la toile et en plus sur les lambeaux de partitions) et les modes d’application et d’addition (les morceaux de charbon dans la figure ci-dessous). Au fur et à mesure que la peinture se fissure et tombe, encore d’autres traces de la propre histoire de l’exécution apparaissent, alors que les parties individuelles peuvent devenir des objets d’art à part entière (figure 3) : une archéologie de la performance. Les cendres se laissent emporter par le flux.

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Figure 2: portion de la toile un mois après la performance (mai 2018),
montrant les modifications apportées à la couleur et la texture,
des parties en lambeaux (en bas à gauche)
et des morceaux de charbon (au centre à droite).

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Figure 3: : la partie de l’exécutant 4,
avec les additions de peinture faites
pendant les 30 minutes de la ‘performance’.

 

 

… commencer et finir à des points particuLiers de tEmps…[4]

Cage explique la structure variable très succinctement, dans la forme d’un mésostiche :

These time-brackets / are Used / in paRts / parts for which thEre is no score no fixed relationship / … / music the parts of which can moVe with respect to / eAch / otheR / It is not entirely / structurAl / But it is at the same time not / entireLy / frEe (Cage, 1993, p35-6)[5].

Il faut noter que Cage dit ‘les parties peuvent évoluer en rapport les unes avec les autres’ (les italiques sont miennes), et non pas qu’elles doivent ou sont dans l’obligation de le faire. Que pourrait vouloir dire ici le mot respect ? Littéralement qu’elles respectent l’espace des uns et des autres, les limites (murs) entre les participants, qu’elles ne doivent pas interférer, réécrire par dessus, gommer, infecter ou de franchir les programmes respectifs ; ou bien au contraire, qu’elles peuvent se frayer un chemin parce que les autres autorisent le libre passage, se permettant d’être infectées, gommées, greffées, hybridées ou réécrites par dessus, qu’elles permettent l’interpénétration parce que il n’y a pas de ‘partition, ni de relation fixe’, pas de mainmise de qui que ce soit ?[6] De nouveau, le mur est affaibli, sa fonction est hétérogène, ouverte au changement, mais sa trace, son fantôme restent présents.

S’il n’y a pas de partition, seulement des parties instrumentales, dans une danse du temps qui résulte d’une collection variable de quarante-huit coups, alors qui est le compositeur ? Qui a le contrôle sur la totalité ? Qui détient la clef qui permet le passage à travers les murs (s’ils existent) de la création de cette œuvre, de sa direction ? Il s’agit d’un autre pharmakon ; John Cage est l’auteur reconnu (son nom apparaît sur la couverture), mais en est-il vraiment l’auteur, l’auteur du contenu ? Nous n’avons que des parties, pas de partition, et nos parties n’ont pas de substance ; jusqu’à preuve du contraire elles sont informelles, sauf en termes de longueurs variables et de leur ordre, par exemple l’exécutant 1 commence avec l’événement sonore 2. C’est comme une pièce de théâtre sans livret unifié, avec des caractères qui ne connaissent pas leurs relations avec les autres caractères (en référence à l’idée de Cage que le terme « expérimental » implique des actions dont on ne peut prévoir l’issue), et avec des dialogues qui sont à la fois secrets et désordonnés. Dans Four⁶ on est en présence d’‘indications scéniques’ (instructions), et on a une ‘chorégraphie’ à temporalité variable qui nous indique approximativement quand nous devons placer les choses que nous avons trouvées en tant qu’exécutants. Mais attention, attendez un peu, n’est-ce pas à nous qu’appartiennent les contenus des tranches de temps ? Après tout, nous les avons trouvés, nous les avons élaborés et nous avons décidé précisément quand et on allait les placer, nous avons décidé que l’événement sonore 12 allait être de tousser ou de lacérer la toile et nous avons décidé quand nous allions tousser ou lacérer la toile à l’intérieur de la tranche de temps – alors ne serait-il pas plus approprié de dire que John Cage est un des auteurs de Four⁶ plutôt que John Cage est l’auteur de Four⁶?

Ainsi la hiérarchie reste indécise, il n’y a pas la présence d’un seul contrôle de décision dans l’exécution, il n’y a pas de partition ‘maître’. Les exécutants ont une marge considérable de manœuvre à condition qu’ils respectent les ‘règles’ (car Cage n’a jamais été pour la liberté pour tous sans limites). Même dans ce cas, c’est une façon de composer très généreuse et égalitaire, en se souvenant que les règles peuvent toujours être détournées (tout en restant dans leurs limites), être interprétées de nouvelles manières[7]. Tous ces ‘murs’ hiérarchiques qui peuvent bloquer le passage (ou au moins de le rendre sens obligatoire) de la communication entre les interprètes et le compositeur restent ouverts ; les murs sont perméables (y a-t-il même encore des murs ?), donc ni l’interface compositeur/interprète, ni l’interface interprète/interprète ne sont fixes. Dans la version ‘art’, l’interface public/interprète est aussi plus ouverte – la peinture peut éclabousser n’importe où. L’exécutant est un compositeur/exécutant qui interprète de manière hybride au sein d’une composition, en composant dans le cadre d’une interprétation ; le compositeur (Cage) s’est ouvert à la communication virale de l’interprète ; les interprètes se sont ouverts aux formes indépendantes/non indépendantes de la praxis greffée ; ils sont tous en interaction tout en gardant leur individualité, il peuvent tous réécrire par dessus le travail des autres (produisant des sons et/ou des peintures), il peuvent tous greffer le geste et l’expression, s’ouvrant au virus, menant des conversations dans beaucoup de ‘langages’ traversant les domaines, se permettant d’être pénétrés à un quasi niveau cellulaire.

Comme le dit Derrida :

… tout ce que j’ai fait, pour le résumer de manière très réductrice, c’est de dominer par la pensée du virus ce qu’on peut appeler une parasitologie, une virologie, le virus étant beaucoup de choses… Le virus fait partie d’un parasite qui détruit, qui introduit le désordre dans la communication. Même du point de vue biologique, c’est ce qui se passe avec le virus ; il déraille un mécanisme de communication type, son codage et son décodage (Brunette and Wills, 1994, p12)

Le virus déstabilise les choses, les fait trembler, les secoue, désorganise la communication (les messages sont perdus ou envoyés aux mauvais destinataires, ils peuvent donner lieu à une multiplicité d’interprétations), ouvre un espace pour les interventions imprévisibles, introduit l’aporia. Dans Four⁶  on peut voir l’évidence de ce virus à travers sa trace, la façon dont il laisse des marques (des empreintes) dans la poussière, dans les cendres (charbon), dans la peinture, dans le son. Ainsi on a une fusion virale des actions dans la performance (altérant les actions des autres qui laissent une marque), de ‘personnes’ (interprètes/public/compositeur), et de domaines (art/musique/théâtre, etc.) : dans la version ‘art’ de Four⁶, l’art, la musique et la danse sont tous présents, comme l’est le théâtre[8].

Le virus infecte les moments lorsque la surface de la toile du canevas est créée, lorsque les couleurs se mêlent à de nouvelles couleurs, quand elles s’ajoutent par dessus, se greffent, sont effacées ; il laisse une marque par l’accumulation et la révélation de couches, à travers l’écriture et la réécriture par dessus, à travers la déconstruction quand le couteau entaille la surface, exposant l’autre côté de la toile du canevas qui devient à son tour une nouvelle surface, à travers l’altération intentionnelle d’un ‘événement’ d’un autre exécutant par des interventions physiques – bousculer, gommer, couper et couvrir. Ainsi, le parasite de Derrida détruit (ou devrions-nous dire ‘fixe’ ?) ; mais il ne détruit que la possibilité du moment, un clin d’œil de l’‘histoire’ de cette toile peinte au moment de la performance. Il force à changer, à muter, et qui peut savoir où cela va nous mener ?

Il y a aussi d’autres traces dans les cendres ; ‘il y a là cendre’ (Derrida 2014, p. 3), des traces intertextuelles, des traces hypertextuelles, d’autres œuvres (dans des sens multiples : la propre histoire de la toile du canevas utilisée, son histoire éventuelle telle qu’elle aurait pu être, l’histoire qui est encore à venir et les histoires du domaine auquel maintenant elle s’associe). La collection de 48 évènements sonores constitue un filet de pêche rempli de traces ; celles des muralistes gréco-romains, celles des peintures religieuses baroque (dont l’élaboration collective posera sans cesse des questions pour savoir qui en est l’auteur[9]), celles des Fontana, Kiefer et Hantaï, des situationnistes, du Vienna Action Art, du Fluxus des débuts, d’Heiner Goebbels, de Robert Wilson, de Heiner Müller, les traces du théâtre post-dramatique, du danse-théâtre de Lindsay Kemp, et évidemment d’autres œuvres de Cage. Ces traces font références à d’autres traces, dans des chaînes de résonance infinie. Les traces de nos propres expériences seront aussi toujours présentes dans toute entreprise – comment pourraient-elles ne pas y être ? Les murs sont omniprésents, pour le meilleur ou pour le pire, faites en ce que vous voudrez, mais ils ne sont pas simplement des barrières. Peut-être qu’il vaut mieux reconnaître leur hétérogénéité fonctionnelle plutôt que d’essayer de les faire tomber ; de s’efforcer d’aller vers des versions plus faibles (des filets de pêche moins remplis), pour permettre leur transfiguration, pour embrasser leur indécidabilité, car alors les murs deviennent à peine perceptibles, presque transparents, des mur[mur]es[10].

 


 

1. Ceci s’applique aussi bien aux sons eux-mêmes.

2. Cage a trouvé de nouvelles façons d’apprécier la ville et de contempler ses constructions, ses traces, ses interactions, après avoir marché à travers Seattle en compagnie du peintre Mark Tobey. (Cage & Charles, 1981, p.158)

3. Dans un sens elles peuvent être considérées comme des hétérotopies.

4. Cage, 1993, p34 : « …begin and end at particuLar/points in timE… »

5. « Ces tranches de temps entre crochets / sont Utilisées / dans les paRties / les parties qui ne se réfèrEnt à aucune partition, ni de relation fixe / … / la musique dont les parties peuvent éVoluer par rapport à / les unes / les AutRes / Ce n’est pas complètement / structurAl / Mais en même temps ce n’est pas / compLètement / librE ».

6. Derrida utilise le terme de ‘Animadversions’ dans les textes tels que Glas, Cinders et « Tympan » (Marges de la philosophie) et c’est une autre façon de contempler la présentation tout en les commentant (de manière parfois explicite, parfois implicite, parfois silencieuse), simultanément, des actions séquentielles à travers la même surface, par exemple la toile du canevas.

7. Comme l’a dit Cage : « Nous ne sommes pas libres. Nous vivons dans une société cloisonnée. Nous devons prendre en compte ces cloisons. Mais pourquoi faut-il les répéter ? » (Cage & Charles, 1981, p. 90)

8. En ce qui concerne le théâtre, l’un de mes co-interprètes a presque coupé la toile du canevas en deux à un moment de la performance, et j’en ai été assez choquée – en me demandant s’il restait assez de surface pour pouvoir travailler dessus et si la chose allait complètement se détériorer – mais d’autre part, j’ai pensé que cela était très drôle et j’ai dû réprimer mon envie de rire pendant le reste de la performance, et cela fait entrer une autre trace dans le jeu, celle de la tradition du théâtre qui rend les co-interprètes comme des ‘cadavres’.

9. Dés l’année 1934, Cage a rencontré le travail collectif en groupe, ce qu’il a appelé l’attraction de l’art médiéval et gothique. (Kostelanetz, 1993, p.16)

10. Note du traducteur. Dans la version originale en anglais, Clare Lesser utilise « swallow » (avaler) qui contient « wall » (mur): « for then walls can be barely perceptible, almost transparent, they can be s[wall]owed ».


Références

Brunette, P., & Wills, D., Deconstruction and the Visual Arts: Art, Media, Architecture, Cambridge: Cambridge University Press, 1994.
Cage, J., Silence, Middletown, CT: Wesleyan University Press, 1961.
Cage, J., Four⁶, New York, NY: Edition Peters, 1992.
Cage, J., Counterpoint (1934) in Kostelanetz, R. (ed), Writings about John Cage, Ann Arbor, MI: University of Michigan Press, 1993.
Cage, J., Composition in Retrospect, Cambridge, MA: Exact Change, 1993.
Cage, J., & Charles, D., For the Birds, New York, NY: Marion Boyars, 1981. Edition en français: Pour les Oiseaux, Paris: Belfond, 1976.
Derrida, J., ‘Plato’s Pharmacy’ in Dissemination, trans. B. Johnson, London: Continuum, 2004. Edition en français : La dissémination, Paris, Editions du Seuil, 1972.
Derrida, J., Cinders, trans N. Lukacher, Minneapolis, MN: University of Minnesota Press, 2014.
Derrida, J., ‘Points de Folie – Maintenant l’architecture’ in Tschumi, B., Tschumi Park De La Villette, London: Artifice Books, 2014.
Kostelanetz, R. (ed), Writings about John Cage, Ann Arbor, MI: University of Michigan Press, 1993.
Tschumi, B. Architecture and Disjunction, Cambridge, MA: MIT Press, 1996.
Tschumi, B., ‘Introduction’, in J. Kipnis and T. Leeser (eds.), Chora L Works, New York: Monacelli Press, 1997.
Tschumi, B., Tschumi Park De La Villette, London: Artifice Books, 2014.

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Clare Lesser

Accéder à la traduction en français :
Français

 


 

INTER MUROS

A deconstructive approach to performance practice in John Cage’s Four⁶, focusing on undecidability, viral interpenetration and the merging of domains.

Clare Lesser

Summary

Murus
John Cage – Four
Four⁶ – ART: Abu Dhabi, April, 2018
Pharmakoi
…begin and end at particuLar/points in timE…

References

 


Murus

Murus, maceria, moerus, mauer, mur…

Immured, mural, rim….

…cell wall, prison wall, curtain wall, city wall…

…retaining wall, harbour wall, dividing wall, connecting wall…

…enclosure, partition, screen, divider, party wall, panel, bulkhead…

…shelter, guard, garden wall, dam, fortification…

…load-bearing wall, decorative skin, Four Walls

…off the wall… 

…mûre, mûr…

…undermining…

…with/out foundations…

 

Complicated things walls, and if we step into this stream of thought, who knows where we’ll end up? Maybe we’ll be washed off our feet and land on our heads…or crash into a wall?

Rather than immediately breaking down any walls, consider what it could mean, instead, to be between or within walls, to question them, to pick at the mortar, to make their foundations tremble a little, perhaps. But how to go about this process? Deconstruction seems a good place to start; examining the joins, quoins…penetrating the fabric, initiating the process of interrogation, of weakening, of the ‘perhaps’. So, let’s attempt to open our eyes and ears to the unfolding of deconstruction within and across domains, drawn from the work of Jacques Derrida and Bernard Tschumi (I could equally bring in Simon Hantaï and Valerio Adami), focusing on two main areas of concern: the pharmakon (and undecidability) and the virus.

There are a number of apparent contradictions or oppositions in the opening list (shelter/prison, connecting wall/dividing wall, load-bearing wall/decorative skin). Walls can seemingly occupy two or more apparently opposing states simultaneously, and as such, could be seen as pharmakoi. So, let’s consider a work of ‘music’ where these walls, these pharmakoi, these possibilities for foundation shaking and boundary dissolving, these apparent contradictions and blurred edges, these instances of aporia (or perplexity), are integral to the performance, and where the performer/creator (the ‘wild card’) can strive to deconstruct, or push, the ‘rules’ (walls) of the ‘game’ to breaking point.

 

John Cage – Four

Four⁶ (1992) for four performers, rather than ‘musicians’ or ‘players’ specifically, or rather, it is for four ‘performers’ on the front cover and four ‘players’ on the parts (does this play at games, at the theatre, does it play with play?) is one of John Cage’s time-bracket works, so named because during performance each player should

Play within the flexible time brackets given. When the time brackets are connected by a diagonal line they are relatively close together. (Cage 1992, p2)

Thus, player one opens with:

0’00” ↔ 1’15”      0’55” ↔ 2’05”

2

Cage also gives us two pieces of information about the types of sound he has in mind, I should mention here that there is no given ‘filling’ for the time brackets, that is for the performers to provide, because the work is

for any way of producing sounds (vocalization, singing, playing an instrument or instruments, electronics, etc.) … (Cage 1992, p1)

And Cage further tells us to

Choose twelve different sounds with fixed characteristics (amplitude, overtone structure, etc.) (Cage 1992, p2)

So, within the walls of the ‘rules’, within the boundaries of the work, we have creative contradictions or opportunities in the work from the outset. Cage offers us a less obvious pharmakon in that the sounds are apparently both fixed and free. We assume that Cage intended that each of the twelve sounds should have fixed characteristics, but why the first sentence in that case? It is redundant, it opens up the possibility of aporia. Why not just say ‘produce twelve sounds with fixed characteristics (amplitude etc.)’? That would make perfect sense to a musician.

He also gives the performers complete agency regarding where, i.e. from what domain (if any), they come[1], as well as a certain amount of flexibility within the overall ‘structure’, in-as-much as the time brackets (containing walls) allow for variability in start and stop times for each ‘event’. Those time brackets are empty shells of course – waiting to be filled, waiting to be inhabited by events (what Derrida calls ‘the emergence of a disparate multiplicity’ [Tschumi 1996, p257]). In other words, their ‘programme’ is unfixed. The composer/performer relationship or hierarchy is completely unsettled (another pharmakon), for who is actually ‘composing’ the performance here: composer, performer(s), both, neither? Oh yes, and there’s no ‘master’ score either, only parts. Each player is independent, in a sense walled off from the others…perhaps?

Could the pharmakon be useful in overcoming boundaries, changing (challenging) the wall’s structure and function? If a binary opposition (included/excluded, free/trapped, etc.) can be overturned, i.e. have its function cast into doubt, then walls can become thresholds, conduits, zones of connectivity, not barriers. The pharmakon is one of the key concepts to be found in Plato’s Phaedrus, so let’s consider Derrida’s explication of the pharmakon, as found in Dissemination, “Plato’s Pharmacy”.

This pharmakon, this “medicine”, this philtre, which acts as both remedy and poison… (Derrida 2004, p75)

and

This charm, this spellbinding virtue, this power of fascination, can be – alternately or simultaneously – beneficent or maleficent. (Derrida 2004, p75)

and

If the pharmakon is “ambivalent”, it is because it constitutes the medium in which opposites are opposed, the movement and the play that links them among themselves, reverses them or makes one side cross over into the other (soul/body, good/evil, inside/outside, memory/forgetfulness, speech/writing, etc.). (Derrida 2004, p130)

So, the pharmakon is a space where oppositions can be overturned; a passage or movement of conjoining and interpenetration, the either/or, neither/nor, the ‘and’. The overturning of oppositions is not solely confined to speech and writing (although that is what Derrida is referring to here): it is equally relevant to other fields, e.g. architecture, the field par excellence of walls, the bastion of apparent solidity and structure, and yet also an important area of collaboration for Derrida with Peter Eisenmann and Bernard Tschumi during the 1980s[2]Derrida was somewhat dubious about such a collaboration initially, telling Tschumi “But how could an architect be interested in deconstruction? After all, deconstruction is anti-form, anti-hierarchy, anti-structure, the opposite of all that architecture stands for.” ‘“Precisely for this reason,” I replied.’ (Tschumi 1996, p250). Tschumi also remarks that deconstructive strategies in architecture were developing momentum throughout the 1970s and ‘80s, when architects began to

…confront the binary oppositions of traditional architecture: namely, form versus function, or abstraction versus figuration. However, they also wanted to challenge the implied hierarchies hidden in these dualities, such as “form follows function” and “ornament is subservient to structure”.  (Tschumi 1996, p251)

And Tschumi’s ‘radical’ pedagogical practice at the Architectural Association and at Princeton in the mid-1970s exploited the merging of domains (e.g. architecture and literature) from the outset:

I would give my students texts by Kafka, Calvino, Hegel, Poe, Joyce and other authors as programs for architectural projects. The point grid of Joyce’s Garden (1977)…done with my AA students at the time as an architectural project based on Finnegan’s Wake, was consciously re-used as the organising strategy for the Parc de la Villette five years later. (Tschumi, 1997, p125)

So Tschumi’s Parc de la Villette project (1982-98), the redesign and development of a large urban space (the former abattoir complex in north-eastern Paris), exploited cross-programming, a reappraisal of the ‘event’, the play of the ‘trace’, and various other deconstructive strategies in its composition of lines, points and surfaces. It is probably best known for Tschumi’s iconic bright red folies (multi-programme or programme-less structures within the park): one of the folies could be either a restaurant or a music venue, neither a restaurant nor a music venue, or, a restaurant and a music venue. So, the folies are pharmakoi, they are undecidable; they reject the ‘walls’, the containment, of pre-determined ‘programme’. They are empty shells – time brackets.

How does this plurality of undecidables play out in Four? What is undecidable in the work, and what implications might this have for overturning walls in pedagogy and praxis? To explore further, let’s turn to a recent performance of Fourwhich I instigated.

A partial list of the undecidables in Four could include:

  • Forces – who can perform the work?
  • Content – what will inhabit the time brackets?
  • Hierarchy – who is the composer?
  • Score – who is in control?

 

Four⁶ – ART: Abu Dhabi, April, 2018

The art version was conceived as a way of stepping away from music, while still acknowledging its trace within the work (figure 1). Each performer was asked to individually design twelve art related actions. Time bracket execution could be either pre-planned and notated on the score, or chosen/performed ‘live’. I asked the performers to interpret ‘art’ in any way they liked, which resulted in a mixture of performance art, sound art, fine art, theatre,  performance-poetry, etc; and I also asked the performers to devise their ‘events’ in isolation, so that the live performance would be unrehearsed and all reactions would be spontaneous, potentially surprising to executors, co-performers, and the audience  ̶  (a nod towards Cage’s definition of the ‘experimental action’ as ‘one the outcome of which is not foreseen’, Cage, 1961, p39).

A 6X3 foot canvas sheet was used, mounted on a wooden frame and supported on blocks (to allow space for cutting) on a large table. The following items were available to all the performers to use if they so chose: tubes of paint (acrylic) in white, black and blue, tubs of paint in the same colours, chalk, charcoal, knives, glasses of water, glass bottles, pencils, screw drivers, paint brushes (varied sizes), knife sharpeners (steel), rags (for erasing/painting, etc.,). One performer also brought a light -sabre to paint with. Performers were free to use any part of the body during the work’s realisation. The choices made by players 2 and 3 were:

Player 2 – Sounds (Actions)Speak,

1. Speak, 2. Pencil, 3. Overpaint, 4. Wood blocks, 5. White, 6. Knife, 7. Black, 8. Screwdriver, 9. Blue, 10. Silence, 11. Sing, 12. Cough.

Player 3 – Sounds (Actions)

1.  Tacet, 2. Shred score & add to canvas, 3. Rattle brushes, 4. Splatter with brush, 5. Paint tube thrown squirt, 6. Charcoal writing, 7. Water splatter, 8. Bottle & jar percussion, 9. Erase, 10. Knife sharpen, 11. Shove other performers, 12. Slash canvas.

Figure 1: portion of the canvas immediately after the performance (April 2018),
showing wet paint and shredded performance part (centre).

 

Pharmakoi

The first pharmakon concerns the forces involved: who can perform this work? Does the work have walls that prevent participation and access? No, the boundaries of performance are very open. In other words, anyone can perform Four; no classical or formal music training from any tradition is required. Fouris music and is not music; it will accommodate performers from any artistic domain, from anywhere in fact, who are perfectly at liberty to stay within their own domain (although these domains will bleed into one another): artists, musicians, scientists, actors, historians, philosophers, vets…the list goes on. The wall regarding discipline  ̶  the ‘who?’ is the work for  ̶  is unstable and weakened; the performance can be a hybrid, a mixture of domains, a two (or four) way viral infection in every moment of performance. There are social and political implications here; there are no barriers (walls) to access, no hierarchy, and no pedagogical foregrounding is required.

If the players can come from anywhere, any domain, then the ‘content’ or ‘programme’ of the time brackets will be equally open. That is: the programme does not have to be ‘music’. The version I have outlined above has a rough focus, but no ‘theme’ is actually necessary, it is a container for events to take place in. The performers were drawn from the fields of music, visual arts, psychology, and classical Arabic, so we have a work that is music and is not music. The time brackets are like Tschumi’s programme-less folies, described by Derrida as ‘a writing of space, a mode of spacing which makes a place for the event’ (Tschumi, 2014, p115). The folies have a number of shared traits with the time brackets: a time bracket is a mode of spacing in time, and it can be filled with anything, with any ‘event’ that creates sound, drawn from each player’s lexicon of twelve, just like a folie has an undefined and open ‘programme’ with a variable lexicon of possible events[3]. The combination of the time-bracket events (programmes) allows the individual domains to merge, to infect, to overwrite, to hybridise, like our earlier example of a folie, which interbred a performance space and restaurant. In the ‘art’ version, the domains of music, art, theatre and philosophy all occupy the same time space.

Events have afterlives too, cinders, if you like. As the canvas dries out, the art version continues to change long after the performance is finished; it is not confined within those 30-minute temporal ‘walls’. It continues to evolve through changes of colour and texture (figure 2). The drying process both reveals and conceals writing (on the canvas and the additional shreds of the parts) and the modes of application and addition (charcoal pieces below). As the paint cracks and falls off, yet more traces of the performance’s own history appear, while the pages of the individual parts can become art objects in their own right (figure 3): an archaeology of performance. The cinders are carried along in the flux.

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Figure 2: portion of the canvas one month after the performance (May 2018),
showing changes of colour and texture,
small shreds of parts (bottom left) and charcoal (centre right).

 

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Figure 3: player 4, part with paint additions
acquired during the 30 minutes of ‘performance’.

 

 

…begin and end at particuLar/points in timE…[4]

Cage explains variable structure very succinctly, in the form of a mesostic:

These time-brackets / are Used / in paRts / parts for which thEre is no score no fixed relationship / … / music the parts of which can moVe with respect to / eAch / otheR / It is not entirely / structurAl / But it is at the same time not / entireLy / frEe (Cage, 1993, p35-6).

Note that Cage says the ‘parts of which can move with respect to each other’ (my italic), not that they must or should. And what could respect mean here? Literally that they respect each other’s space, each other’s boundaries (walls), that they do not interfere, overwrite, erase, infect or cross-programme; or the opposite, that they can move because the others allow free passage, permit themselves to be infected, erased, grafted, hybridised or overwritten, that they allow interpenetration because there is ‘no score, no fixed relationship’, no controlling hand?[5] Again, the wall is weakened, it’s function is heterogeneous, open to change, but its trace, its ghost, is still there.

If there is no score, only parts in a timed dance drawn from a variable lexicon of forty-eight moves, then who is the composer? Who has overall control? Who holds the key that allows passage through the walls (if they exist) of this work’s creation, of its direction? It is another pharmakon; John Cage is the acknowledged author (his name is on the front cover), but is he really the author, the author of the content? We only have parts, no score, and our parts have no substance; as yet they are unformed, except in terms of variable lengths and their order, e.g. player 1 starts with sound event 2. It’s like a drama without a unified script, with characters who do not know their relationships to the other characters (back to actions with unforeseen outcomes), and dialogue that is both secret and disordered. In Four⁶ we have ‘stage directions’ (instructions), and we have a variable temporal ‘choreography’ which tells us approximately when to put the things that we, as performers, have found. But wait a minute, aren’t the fillings of the time brackets ours? We found them, after all, we devised the sounds, and we decided precisely when and where we were going to put them, we decided that sound event 12 was going to be coughing or canvas slashing and we decided when we were going to cough or slash the canvas within that time bracket – so perhaps it would be better to say that John Cage is an author of Four⁶ rather than John Cage is the author of Four⁶?

So, the hierarchy is undecided, there is no single controlling presence in the performance, there is no ‘master’score. The performers have a very considerable amount of agency as long as they play by the ‘rules’ (for Cage was never one for a free-for-all). Even so, it’s a very generous and egalitarian way of composing, always remembering that rules can be outmanoeuvred (whilst still remaining within them), interpreted in new ways[6]. All those hierarchical ‘walls’ that can block (or at least make it one way only) the passage of communication between performer and composer are open; the walls are porous (are they even walls anymore?), so neither the composer/performer interface nor the performer/performer interface is fixed. In the art version, the audience/performer interface is also more open – paint can fly everywhere. The performer is a composer/performer hybrid interpreting within a composition, composing within an interpretation; the composer (Cage) has opened himself up to the viral communication of the performer; the performers have opened themselves up to independent/not independent forms of grafted praxis; all interact while retaining their individuality, all can overwrite each other’s work (in sound and/or paint), all can graft gesture and expression, opening themselves to the virus, conversing in many ‘languages’ across domains, allowing themselves to be penetrated at a quasi-cellular level.

As Derrida says

…all I have done, to summarize it very reductively, is dominated by the thought of a virus, what could be called a parasitology, a virology, the virus being many things…The virus is in part a parasite that destroys, that introduces disorder into communication. Even from the biological standpoint, this is what happens with a virus; it derails a mechanism of the communicational type, its coding and decoding (Brunette and Wills, 1994, p12)

The virus unsettles things, makes them tremble, and shakes them up, disorders communication (messages get lost or ‘wrongly’ delivered, they are open to a multiplicity of interpretations), makes a space for unpredictable interventions, introduces aporia. In Four⁶ we can see the evidence of this virus through its trace, the way it leaves marks (imprints) behind in the dust, in the ashes (charcoal), in the paint, in the sound. So we have a viral melding of actions in performance (altering another’s actions which leaves a mark), of ‘persons’ (performers/audience/composer), and domains (art/music/theatre, etc.): in the art version of Four⁶,art, music and dance are all present, as is theatre[7].

The virus infects the moments when the the surface of the canvas is created, when colours blend to become new colours, are overwritten, are grafted, are erased; it leaves its mark through the accretion and revealing of layers, through writing and overwriting, through deconstruction as the knife slashes through the surface, exposing the underside of the canvas which in turn becomes a new surface, through the intentional alteration of another player’s ‘event’ by physical interventions – shoving, scrubbing, cutting and covering. So, Derrida’s parasite destroys (or should one say it ‘fixes’?); but it only destroys a moment’s possibility, an eye-blink of the painting’s ‘history’ (of this performance’s canvas). It forces a change, a mutation, and who knows where that will lead?

There are other traces in the ashes too; ‘il y a là cendre’ (Derrida, 2014, p3), intertextual traces, hypertextual traces, of other works (in multiple senses: the current canvas’ own history, its possible history that could have been, the history that is yet to come, and the histories of the domains to which it now aligns itself). The lexicon of 48 sound events is a net of traces; of the Greco-Roman muralists, of baroque religious painted interiors (whose collective endeavour will always raise questions of authorship[8]), of Fontana, Kiefer, and Hantaï, the Situationists, Vienna Action Art, early Fluxus, Heiner Goebbels, Robert Wilson, Heiner Müller, the traces of post-dramatic theatre, of the dance-theatre of Lindsay Kemp, and other works by Cage of course. These traces refer to other traces, in chains of infinite resonance.  The traces of our own experiences will always be present in any endeavour as well – how could they not be? Walls are omnipresent, for good, for ill, make of them what you will, but they are not merely barriers. Perhaps it is better to acknowledge their functional heterogeneity than to attempt to break them; to strive for weakened versions (as nets), to allow their transfiguration, to embrace their undecidability, for then walls can be barely perceptible, almost transparent, they can be s[wall]owed.

 


 

1. This is equally applicable to the sounds themselves.

2. Cage found a new appreciation for the city and new ways of looking at its constructions, its traces, its interactions, after taking a walk through Seattle with the painter Mark Tobey. (Cage & Charles, 1981, p158)

3. In one sense they could be considered heterotopias.

4. Cage, 1993, p34.

5. Derrida’s use of ‘Animadversions’ in texts such as Glas, Cinders and Tympan (Margins of Philosophy) are another way of looking at the presentation of, and commentary (sometimes explicit, sometimes implicit, sometimes silent) on, simultaneous, parallel and sequential actions across the same surface, i.e. the canvas.

6. As Cage said: ‘We are not free. We live in a partitioned society. We certainly must take those partitionings into consideration. But why repeat them?’ (Cage & Charles, 1981, p90)

7. Regarding theatre, one of my co-performers almost cut the canvas in half at one point during the performance, and I was quite shocked – wondering if there was both enough surface left to work on, and whether the whole thing would unravel-, but on the other hand, I thought it was very funny and had to stifle my desire to laugh for the rest of the performance, and that brings another trace into play, that of the theatre’s tradition of making co-performers ‘corpse’.

8. As early as 1934 Cage found the group endeavour of what he termed medieval or gothic art appealing. (Kostelanetz, 1993, p.16)


References

Brunette, P., & Wills, D., Deconstruction and the Visual Arts: Art, Media, Architecture, Cambridge: Cambridge University Press, 1994.
Cage, J., Silence, Middletown, CT: Wesleyan University Press, 1961.
Cage, J., Four⁶, New York, NY: Edition Peters, 1992.
Cage, J., Counterpoint (1934) in Kostelanetz, R. (ed), Writings about John Cage, Ann Arbor, MI: University of Michigan Press, 1993.
Cage, J., Composition in Retrospect, Cambridge, MA: Exact Change, 1993.
Cage, J., & Charles, D., For the Birds, New York, NY: Marion Boyars, 1981.
Derrida, J., ‘Plato’s Pharmacy’ in Dissemination, trans. B. Johnson, London: Continuum, 2004.
Derrida, J., Cinders, trans N. Lukacher, Minneapolis, MN: University of Minnesota Press, 2014.
Derrida, J., ‘Points de Folie – Maintenant l’architecture’ in Tschumi, B., Tschumi Park De La Villette, London: Artifice Books, 2014.
Kostelanetz, R. (ed), Writings about John Cage, Ann Arbor, MI: University of Michigan Press, 1993.
Tschumi, B. Architecture and Disjunction, Cambridge, MA: MIT Press, 1996.
Tschumi, B., ‘Introduction’, in J. Kipnis and T. Leeser (eds.), Chora L Works, New York: Monacelli Press, 1997.
Tschumi, B., Tschumi Park De La Villette, London: Artifice Books, 2014.