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Le Conte du « Conte »

Access to the English translation: The Tale of the « Tale »

 


Le Conte du « Conte »

Louis Clément, Delphine Descombin, Yovan Girard, Maxime Hurdequint

Textes édités et mis en page : Jean-Charles François

Mars 2024

 

Les quatre protagonistes ont collaboré à un spectacle « Le Conte d’un futur commun », avec :

Louis Clément, initiateur du projet, participation du public et animation des dessins.
Delphine Descombin, conteuse.
Maxime Hurdequint, dessins.
Yovan Girard, musique.

Les textes sont le résultat de quatre interviews séparées de chaque artiste réalisées en 2023 par Nicolas Sidoroff et Jean-Charles François.

Sommaire :

1. Le récit de Delphine.
2. Les études d’architecture, Louis et Maxime.
3. Le voyage en Afrique de Delphine.
4. Yovan Girard, le musicien.
5. Le retour en France de Delphine.
6. Les hésitations de Maxime entre architecture et dessin.
7. Le récit de Yovan (suite).
8. Le récit de Delphine (suite). Trapèze et conte.
9. Les récits de Louis et de Maxime (suite).
10. Le récit de Yovan (suite), le projet « Un violon pour mon école » (suite).
11. Delphine, le Conte du crâne et du pêcheur.
12. Le petit carnet des arbres. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute et Louis Clément.
13. Le récit de Delphine (suite). Le Conte du petit poucet.
14. Delphine et le conte. Maxime, l’architecture et les dessins. Yovan et la composition.
15. Le Live Drawing Project.
16. Delphine : Deux contes.
17. Origine du « Conte d’un futur commun ».
18. Le projet immersif de l’AADN.
19. Le « Conte d’un futur commun ».
20. Louis, une année de réflexion.
21. L’écriture du Conte, Delphine et Louis.
22. Les dessins et leur animation. Louis et Maxime.
23. Une musique traditionnelle du futur ?
24. L’élaboration de la musique. Musique pré-enregistrée ou musique en direct. Louis et Yovan.
25. La musique et le conte, Delphine et Yovan.
26. La musique et le conte, Louis et Yovan.
27. Les conceptions de Yovan sur la musique et de Maxime sur les dessins.
28. Le conte et les dessins. Delphine, Maxime et Louis.
29. La sonorisation.
30. Communication par Notion.
31. Les résidences : LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains.
32. La participation du public.
33. La résidence d’éducation artistique et culturelle à Hennebont. Louis, Delphine et Yovan.
34. Les résidences (suite) : Paris, Nantes.
35. Écologie. Delphine.
36. Conclusion.


 

1. Le récit de Delphine

Delphine :
D’où vient le conte ? C’est par le conte, du coup, qu’on vient au Conte… Le Conte vient de quand j’étais au lycée et j’ai rencontré Marie Jourdain, qui est la fille de Marie-France Marbach[1].
Au lycée, j’étais en internat, elle me racontait des histoires tout le temps. J’ai rencontré sa mère et Geo Jourdain. Et j’ai adoré ces gens, qui étaient complètement différents de ce que j’avais moi comme référent dans ma famille. C’est eux qui m’emmenaient à l’école, à l’internat le dimanche soir et qui me ramenaient le vendredi soir. Et je passais énormément de temps avec Marie, qui m’a parlé de l’Afrique, qui m’a raconté plein d’histoires. Et à la suite de ça, j’ai quitté le lycée, je suis partie en Afrique. Là, j’ai entendu plein d’histoires, plein de contes. Et puis, quand je suis revenue d’Afrique, Marie-France voulait absolument que je raconte mon voyage. Et je ne voulais pas, je ne voulais pas parler, je n’étais pas prête du tout à parler devant les gens. Elle me prenait par surprise, et je venais beaucoup voir ses spectacles. Elle m’a offert des stages, elle a vraiment cru en moi, alors que moi-même, je n’y croyais pas vraiment. Donc je suis restée très en lien avec Marie-France.

L’internat, c’était à Louhans, c’était une école d’arts plastiques. C’est le seul lycée qui a bien voulu de moi, parce que j’avais de très mauvaises notes et je ne suivais pas du tout l’école. C’est ma tante qui a trouvé ce lycée qui a bien voulu m’accepter. Je restais dehors, je n’allais pas dans les cours. J’étais à l’internat, mais je restais dehors. J’étais sous les arbres, j’écoutais les oiseaux, je n’avais pas du tout envie de m’enfermer en classe. Souvent, le directeur me convoquait et on avait des discussions tout à fait philosophiques, très intéressantes. Donc il m’avait fait intégrer le cours de philosophie des premières !  Après, il me demandait ce que je voulais faire plus tard, je lui disais : « Je ne sais pas, peut-être m’occuper de chèvres, peut-être… ». Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire, mais c’étaient des questions importantes que personne ne m’avait posées. C’est vrai que j’ai eu la chance de tomber sur de belles personnes. Et les cours d’arts plastiques me plaisaient beaucoup. Il y avait deux profs d’arts plastiques qui étaient super, qui nous emmenaient à Lyon voir des expos, on est même allé à Strasbourg voir des musées, c’était vraiment super. J’assistais à ces cours, c’étaient des créations que je faisais. Pour le reste des cours j’avais vraiment un rejet, ouais, ils m’ennuyaient beaucoup. Donc c’est pour ça qu’après, j’ai pris mon sac à dos et j’ai eu envie d’aller en Afrique. C’est un voyage qui a duré assez longtemps, je me suis arrêtée en chemin, je n’avais pas du tout d’argent. J’ai travaillé comme saisonnière dans des hôtels-restaurants, je faisais du service, et ils me logeaient en même temps. J’ai vendu des croissants, j’ai travaillé dans des boulangeries, j’ai fait toutes sortes de jobs. Et puis après, j’ai rencontré quelqu’un dans la rue qui crachait du feu, qui m’a appris à cracher du feu. Ça a été mon premier vrai métier : je crachais du feu et puis je faisais la manche. En fait, je faisais des bulles devant la boulangerie, je racontais de la poésie. J’arrivais toujours à trouver quelque chose à faire, mais je détestais tout ça, je trouvais ça insupportable.

 

2. Les études d’architecture, Louis et Maxime

Louis :
Mon parcours commence le 23 décembre 1986. Je ne sais pas jusqu’où je remonte, mais je pense que mes parents ne sont pas étrangers à ce qui m’a façonné. Je pense que si on remonte très loin, on va dire que ce qui m’a façonné, c’est la découverte de la lecture, et après surtout la lecture de ce qu’on appelle l’imaginaire, tout ce qui touche à la science-fiction, fantaisie, etc. Et d’un point de vue plus professionnel ou en tout cas dans mes études, j’ai passé un bac S, après j’ai fait des études d’architecture à Paris-Val de Seine et j’ai obtenu un diplôme. À partir de la fin de ma licence, j’ai commencé à me dire que l’architecture ça ne devait pas vraiment être pour moi. En fait, j’avais l’idée un peu utopiste déjà à l’époque que devenir architecte allait me permettre de concevoir des espaces pour que les gens s’y sentent bien et surtout que ça puisse les aider à réfléchir, à changer le monde, etc.

Maxime :
Mon cousin, Louis Clément a également fait des études d’architecture. Avec Louis, on a un an d’écart et en fait, on ne s’est pas spécialement concerté, on est parti sur cette voie séparément. J’étais à l’INSA à Strasbourg et lui au Val de Seine à Paris, on a poursuivi notre chemin comme ça, séparément. C’était une période de notre vie où on se voyait moins, mais on parlait un petit peu d’architecture.

Louis :
Et après je me suis confronté au Master et aux réalités de la construction, du fait que, si tu deviens architecte, tu deviens surtout constructeur. Tu bosses dans des boîtes plus ou moins de grande échelle, et au final, ton travail est extrêmement déterminé par des considérations budgétaires. Et du coup, je me suis dit que ça allait moins m’intéresser. J’ai quand même fait ma première année de Master à Anvers, ça s’est plutôt bien passé, et je commençais à me dire déjà que j’allais m’orienter du côté du spectacle, enfin de la scénographie, etc. Et après, en deuxième année de Master, j’ai un peu volé mon diplôme, mais je l’ai eu quand même, j’étais assez content de moi. Et puis j’ai eu la chance de travailler pour un architecte, alors j’ai fait mon stage de Master chez « Scène scénographie », un truc très bien. On a travaillé sur la scénographie du Musée d’Alésia, de la Grotte Chauvet II, donc j’ai eu la chance de compter les stalactites pendant des heures et des heures, c’était très intéressant ! Intéressant mais voilà… C’était marrant en tout cas de travailler sur de beaux projets.

Maxime :
En fait, pendant la terminale, je me suis présenté dans une école d’architecture, peut-être Lyon ou Grenoble, je suis arrivé les mains dans les poches en me disant : « Architecte, c’est un métier qui s’apprend, je ne vais pas apprendre avant quoi ! » Je me suis rétamé et ma seule option, c’était d’aller en classe préparatoire. Donc, je me retrouve en première année de classe préparatoire.

Louis :
Et après, quand j’ai commencé à travailler en tant qu’architecte, j’ai été pris chez François Pin, un architecte qui a également un festival de musique dans les Carrières de Normandoux[2], et qui a monté la Marbrerie à Montreuil. J’ai bossé sur le projet de la Marbrerie, ce qui était l’un des projets les plus gros, les plus intéressants que j’aurais pu faire en tant qu’architecte : c’était un truc multiprogramme, où il y avait une résidence d’artistes, une piscine, un restaurant, une agence d’architecture, une salle de spectacles et en plus j’étais chargé d’en faire les esquisses. Donc j’aurais pu vraiment m’éclater et je suis resté quasiment six mois. En fait, ça ne m’éclatait pas du tout, donc je me suis dit que si ça, ça ne m’éclatait pas, eh bien, je ne voyais pas ce que je faisais encore en architecture, parce que, je pense, je n’aurais pas pu trouver un projet plus intéressant.

Maxime :
Avec Louis, mon cousin, on s’influence mutuellement, peut-être parce qu’on se connaît très bien. C’est-à-dire que quand on a grandi, on s’est quand même vu très régulièrement, on ne s’est jamais vraiment perdu de vue. Donc c’est toujours une relation fluide entre nous, on ne s’engueule pas, on n’en a pas besoin en fait. Je pense qu’on s’ajuste parfaitement, donc c’est ça l’influence. J’imagine aussi que, comme on a tous les deux une formation d’architecte, on parle le même langage, ça nous aide à communiquer quand il y a certains concepts. Je n’ai pas besoin de lui expliquer tel ou tel projet d’architecture.

 

3. Le voyage en Afrique de Delphine.

Delphine :
J’ai bien mis un an, de 17 à 18 ans, pour récolter l’argent pour mon voyage en Afrique. J’ai fait les saisons d’été, les saisons d’hiver. De toute façon, ma mère n’acceptait pas de me laisser passer la frontière. Donc, à 18 ans, je passais pile la frontière d’Espagne. À 18 ans, je ne craignais plus d’en être empêchée par la police. En fait, je me suis déjà fait arrêter dans des commissariats de police et ils me suivaient, ils suivent les gens qui sont dans la rue, ils ont leurs photos et ils savent où ils sont. Ils savaient que j’étais dans la rue, c’est drôle, ça, parce qu’ils ne le savaient pas tant qu’ils ne m’avaient pas arrêtée.

Je suis descendue jusqu’en Espagne. J’ai pris le bateau à Gibraltar, je suis arrivée au Maroc et puis je suis descendue en Mauritanie, j’ai continué jusqu’à Dakar, au Sénégal. Et après, je voulais absolument aller au Burkina Faso, parce que j’avais rencontré des Burkinabés en France, je voulais vraiment les rejoindre, c’étaient des danseurs et des percussionnistes. J’ai donc pris le train pour Bamako, au Mali où j’ai repris un autre train pour Ouagadougou au Burkina Faso, en 48 heures de train, c’est très long.  Et après, je suis allée jusqu’à Koudougou, ils habitaient là-bas. Je suis restée là-bas un an et demi.

Il y a eu un moment en Afrique où je me suis demandé ce que je faisais là : à quoi ça sert que je sois là ? J’étais blanche, alors, l’air de rien, je n’avais pas l’air de vivre là – pourtant je n’étais pas une touriste ! – mais quand même, j’étais là, je n’avais pas grand-chose à faire là, je pouvais simplement me laisser vivre, vivre avec les gens, mais j’avais l’impression d’être en face d’un dilemme dans ma tête. On avait de grandes discussions, c’était super chouette ce que j’ai vécu intellectuellement. Par exemple, au Burkina Faso, on était là à boire du thé et à discuter. Ce sont vraiment des intellectuels très intéressants, mais ce ne sont pas les mêmes intellectuels qu’en France, on ne vient pas de la même chose. Et j’avais un manque vital de pensée intellectuelle occidentale. C’était aussi le manque de livres, de cette nourriture-là, j’en manquais beaucoup. Et en plus, pour moi ça manquait de sens : là-bas, il y avait beaucoup de problèmes, c’est-à-dire qu’ils n’arrivaient pas à vendre leur blé parce qu’il y avait beaucoup de concurrence, il y avait des problèmes sociétaux.

Et je me rappelle une fois, j’étais dans le désert et j’entends un gars avec une toute petite radio et qui me dit : « Oui, je crois que dans ton pays, ça ne va pas très bien, il y a un monsieur qui va se faire élire. » En fait, c’était Le Pen, Le Pen contre Chirac, à l’époque. Et je me rappelle m’être dit : « Mais qu’est-ce que je fais là, alors que c’est peut-être là-bas qu’il y a la base du problème ». Tout était beau, le paysage est magnifique, la température était belle, je pense qu’il y a là-bas une manière de vivre qui est vraiment chouette par rapport à ici. Et en même temps, je me disais : « Moi, ce n’est pas ma place ici, qu’est-ce que je fais là ? » C’était un peu un dilemme. C’est pour cela que je suis revenue car ça n’avait plus de sens pour moi d’être là-bas.

Moi, ça m’a sauvé la vie de partir là-bas, ça m’a sauvé la mise. Quand j’étais en France, les gens disaient que j’étais folle, ma famille disait que j’étais folle, enfin j’étais vraiment un peu perdue. Et quand je suis arrivée en Afrique, il y avait cet esprit de famille, quelque chose de tout à fait naturel, je trouvais ça hyper sain, hyper normal. J’avais beaucoup de mal en France, et c’est vrai qu’en Afrique ce n’était pas le cas. À mon retour en France, à Montceau-les-Mines j’ai pu vivre avec une bande de copains, ça a été pour moi une famille, c’est ce que je n’avais pas. Et c’est vrai que cette bande de copains, je l’ai toujours.

 

4. Yovan Girard, le musicien

Yovan :
Je suis musicien depuis longtemps. Je suis violoniste à la base, donc j’ai une formation classique et de jazz. Je suis issu d’une famille de musiciens, mon père, Jean-Luc Girard, est compositeur, il a écrit pas mal de pièces, on va dire classiques, mais qui sont toujours un peu hybrides. J’ai l’impression de suivre ce chemin-là aussi, dans le sens où il écoutait aussi beaucoup de rock, et il écoutait ce qu’on jouait. Il aimait bien les compositeurs un peu extraterrestres, les Frank Zappa (je n’aime pas particulièrement Zappa), il nous a toujours fait écouter plein de musiques différentes, ce n’était pas un ayatollah du jazz ou du rock, il était assez ouvert d’esprit. Mon frère, Simon Girard, est tromboniste, et nous avons toujours joué ensemble. Simon et moi on a eu un groupe, et on a joué ensemble dans pas mal de groupes. Simon est beaucoup dans le jazz, même s’il a joué dans des groupes de musiques actuelles. Je connaissais Louis Clément depuis notre petite enfance. Les parents de Louis et mes parents se connaissaient très bien depuis longtemps.

 

5. Le retour en France de Delphine

Delphine :
Je suis rentrée en France et j’ai atterri à Montceau-les-Mines, c’est là où je me suis arrêtée longtemps. Déjà, je suis tombée amoureuse d’un garçon qui était tailleur de pierre et peintre, je suis restée vivre là avec toute une bande de copains dans une maison avec des matelas par terre. Le problème, c’est que, quand on s’installe et qu’on devient sédentaire, c’est là où l’on devient vraiment pauvre, parce qu’il faut payer un loyer, payer l’électricité, payer l’eau. Avant cela, je n’avais jamais eu le sentiment d’être pauvre. Mais là, c’était vraiment une réalité, je n’avais pas une thune et il fallait vivre.

Scène 1 : avec l’assistante sociale

Une assistante sociale : Je te propose faire une formation qui s’appelle IRFA-Bourgogne[3].

Delphine : De quoi s’agit-il ?

L’assistante sociale : C’est une formation où on essaie plusieurs jobs, enfin, on essaie plusieurs corps de métiers qu’on choisit, on démarche des boîtes. Il y a une vingtaine de personnes dans cette formation, il y en a peut-être qui travaillent dans les pompes funèbres, d’autres dans la mise en rayon, dans un centre d’appels téléphoniques, il en y a qui font du ménage, de la blanchisserie…

Delphine : … c’est tous des trucs qui ne me conviennent pas ! Je ne me vois pas faire ça.

L’assistante sociale : Tu sais, il y a peut-être aussi d’autres trucs que ça, tu peux aller voir, je ne sais pas s’ils vont t’embaucher, mais tu peux aller voir…

Delphine : Je vais essayer l’Atelier du Coin[4] de Montceau et le Gus Circus de Saint-Vallier[5].

 

Scène 2 : au Gus Circus

Un gars du Gus Circus : Bonjour Delphine.

Delphine : Tu veux bien devenir mon ami ?

Un gars du Gus Circus : Oui. Viens, tu fais du fil, tu jongles, tu peux venir tous les jours quand tu veux, la porte est toujours ouverte.

Delphine : C’est bien, je vais pouvoir m’entraîner, ça me plait beaucoup.

Un gars du Gus Circus : Tu sais, le Gus Circus ne veut embaucher personne.

Delphine : Ça ne fait rien, je vais tout de même rester, ça va aller, ça me convient bien. J’ai déjà une fibre comme ça, dans la rue j’ai craché du feu, j’ai jonglé avec des balles.

 

Delphine :
Donc ils m’ont embauché en contrat aidé, ça a été mon premier emploi, mon premier contrat à long terme, sur six mois. Et puis après, je suis restée à donner des cours aux enfants pendant à peu près trois ans. Je crois qu’ils ont renouvelé une fois le contrat, c’étaient des contrats aidés pour les associations, un truc pas cher, remboursé à 80% par l’État, donc ils pouvaient le faire. Et puis après, ils m’ont vraiment embauchée parce qu’avec une personne de plus pour travailler, cela voulait dire plus d’enfants, donc ça roulait. J’ai donc bossé au Gus Circus de Saint-Vallier pendant… Je ne sais même pas combien de temps.

On travaillait toutes les disciplines : le clown, le fil, le trapèze, la jonglerie. J’ai passé le diplôme, le BIAC[6] [Brevet d’initiation aux arts du cirque], pour enseigner les arts du cirque. Et puis après, l’association a implosé de l’intérieur. En fait, c’étaient des parents d’élèves qui étaient les patrons et ça s’est très mal passé, il y a eu des conflits d’intérêt, des conflits de pouvoir. Comme on était salariés, on ne pouvait rien dire, c’était leur décision, et du coup, ça a explosé, donc on est parti, mon ami et moi. Je me suis lancée dans une formation professionnelle de trapèze à Moux-en-Morvan, avec une trapéziste complètement folle, Nicole Durot[7], qui faisait des performances sous hélicoptère, sous montgolfière, enfin du trapèze sans sécurité. Elle a 60 ans, hein ! quand elle m’a pris en formation, elle faisait encore ce genre de truc, c’était une warrior. Je suis restée six mois chez elle en formation intensive.

 

6. Les hésitations de Maxime entre architecture et dessin.

Scène : la rencontre de Maxime avec le Vénérable Membre du Grand Conseil.

Le Vénérable Membre du Grand Conseil : Maxime, après cette année en classe préparatoire, comment vois-tu ton avenir ?

Maxime : J’ai suivi le programme très sérieusement et je m’en suis tiré de façon honorable, mais maintenant je me pose des questions.

Le Vénérable : Qu’est-ce qui t’intéresse ? Devenir ingénieur ?

Maxime : Ah non ! je ne veux pas être ingénieur, ça ne m’intéresse pas, ce n’est pas ce que j’ai envie de faire, en fait je crois que je veux vraiment être architecte.

Le Vénérable : Tu as fait du dessin ?

Maxime : Comme tous les enfants, j’ai dessiné et je pense que j’ai été un peu encouragé.

Le Vénérable : Peux-tu me montrer tes dessins ?

Maxime : Oui, voilà.

Le Vénérable : Ils sont bien tes dessins.

Maxime : Le dessin a suffi à me motiver et à continuer. Je sais que mes frères dessinaient très bien, mais je ne sais pas pourquoi, il se trouve que moi, ça m’a poussé et donc j’ai persisté. Et c’est vrai qu’étant enfant, mes parents m’ont inscrit à une école de dessin, et je pense que, éventuellement, ça ouvre quand même des portes. J’allais à cette école tous les mercredis pendant une heure, et le professeur donnait des idées de dessin, ce que j’aimais bien, c’est ce qu’il disait.

Le fantôme du professeur de dessin : Voilà, je ne sais pas, vous allez dessiner des personnages, et vous allez faire en sorte que les pieds touchent le bas de la feuille, la tête le haut de la feuille.

Maxime : En fait, ça faisait penser aux frises grecques ou égyptiennes, et du coup, j’aimais bien cette idée de fixer une règle du jeu assez simple, et après, on y allait, et on voyait que les résultats étaient tous différents. Donc je pense que c’est ce que j’ai retenu, c’est que, voilà, on se fixe une règle vraiment totalement arbitraire, et elle vient amener plein de résultats possibles. Aujourd’hui, j’aimerais peut-être bien faire les art-décos, il y a des sections illustrations.

Le Vénérable : C’est une alternative possible. Oui ça peut être bien pour toi de te diriger vers l’architecture.

Quelqu’un qui passait par là : Oui ça peut être bien pour toi de te diriger vers l’architecture.

Une dame : Oui ça peut être bien pour toi de te diriger vers l’architecture.

Maxime : Effectivement, je pourrais partir dans cette voie-là.

Le Vénérable : Ça serait bien pour toi. Tu pourras continuer à dessiner pendant tes études d’architecture.

Maxime : Je n’abandonnerai jamais le dessin, mais je ne le prends pas trop au sérieux, je n’imagine pas faire carrière dans ce domaine. C’est un truc que j’aime bien faire, j’aime bien me voir progresser, j’aime bien le regarder, j’aime bien le partager, mais je ne le prends pas assez au sérieux. L’architecture est quand même assez proche du dessin.

Le Vénérable Membre du Grand Conseil : En fait, on peut vraiment être un excellent architecte sans savoir dessiner. Après, c’est intéressant de savoir dessiner pour communiquer ses idées. Donc on peut finalement mal dessiner, mais bien savoir dessiner ses idées. Après, bien dessiner, ça peut quand même servir en architecture.

Maxime : Oui, je pense que ça va m’aider, je ne serais peut-être pas le meilleur, mais je pense que c’est bien que je sache dessiner, ça va être un plus pour l’architecture.

Le Vénérable : Il ne faut pas se faire d’illusions, finalement, assez vite, on passe sur l’ordinateur et puis ce n’est plus nécessaire de dessiner.

Maxime : Ah ?

Le Vénérable : Ben voilà, il existe une voie de contournement à l’INSA de Strasbourg, le recrutement se fait après un an seulement de classe préparatoire et ils ont un programme d’architecture. J’ai une collègue qui a son fils qui fait ça, appelle-le !

Maxime : Bingo ! Je vais le faire, si je rentre dans cette école, je n’aurais pas perdu un an et en fait, je pourrais être avec des gens comme moi qui ont choisi cette voie-là.

Le Vénérable : L’INSA de Strasbourg a été fondée pendant la période allemande (1870-1918) et du coup, à cette époque-là, les Allemands ne faisaient pas de distinction entre architecte et ingénieur. Cette école a donc une tradition d’école d’ingénieurs, mais elle forme aussi des architectes, c’est quelque chose qu’ils ont voulu garder. Il y a 50 architectes qui sortent tous les ans, je crois que maintenant il y en a un petit peu moins. Pendant les premières années, le cursus est beaucoup plus axé sur l’ingénierie, donc le génie civil et après le génie thermique.

Maxime : Je n’ai pas une volonté particulière pour aller dans cette direction.

Le Vénérable : C’est une occasion à saisir.

Maxime : Oui, et ça va me permettre d’être en dehors des écoles classiques.

Maxime :
Après mes études d’architecture à l’INSA, j’ai travaillé à Strasbourg et je suis arrivé à Paris où j’ai travaillé pendant 8 ans. Entre-temps, j’avais fait des expériences à l’étranger, un stage au Danemark, un au Mexique. Puis j’ai travaillé deux mois à Tokyo au Japon, parce que c’est une culture que je voulais vraiment découvrir. Je me suis lancé, j’ai envoyé des CV et ils m’ont dit, « Ben vas-y, viens si tu veux ». J’avais déjà peut-être deux ou trois ans d’expérience, ils m’ont pris à l’essai pendant deux mois mais après il n’y avait pas la place pour rester. Je suis donc revenu, mais c’était une très belle expérience.

 

7. Le récit de Yovan (suite)

Yovan :
Le jazz, mon frère et moi, nous a un peu reliés. Et après la pratique du jazz, je suis allé un peu beaucoup vers les musiques actuelles parce que j’aime bien composer. Je suis dans un groupe de rap qui s’appelle Kunta, rap et musique éthiopienne, avec plusieurs instrumentistes. Avec Kunta, je joue du clavier et je rappe en anglais. En fait, je faisais un petit peu de rap de mon côté depuis longtemps et j’avais du mal à imaginer à la fois jouer du clavier et rapper. Maintenant, je le fais dans certains projets de temps en temps, mais au départ, je ne voulais pas trop mélanger les deux, c’était un peu comme deux personnalités différentes. Je jouais du clavier parce qu’on en avait besoin dans le groupe. Je me suis mis à jouer sur des gammes de musique éthiopienne, ce qu’il fallait jouer au clavier n’était pas très compliqué. Maintenant je fais vraiment les deux de manière égale, clavier et voix.

J’aime bien faire plein de musiques différentes, en fait, je ne suis pas fermé. La musique à l’image j’en avais déjà fait pas mal, notamment la musique d’un court-métrage d’un ami, Pierre Raphaël. C’est un peu comme ça que j’ai commencé. Ensuite j’ai fait la musique d’un spectacle, une version de Cartouche un peu modernisée. J’ai toujours composé depuis longtemps, ce qu’on appelle de la prod chez moi sur mon séquenceur avec des claviers, des plugins, ce que « ma génération » entre guillemets fait en home studio, faire des instrumentaux, rapper dessus, mais aussi faire des couplets, parfois des trucs plus chantés, tenter des choses, en fait faire de la musique à la maison. Ouais, voilà, ce qu’on appelle la bedroom music. J’ai toujours fait ce genre de choses, que ce soit du rap ou de la pop, j’aime bien expérimenter parce que j’écoute pas mal de trucs différents.

 

Yovan Girard, poste de travail 1/2 (Conte d'un futur commun)

Le poste de travail de Yovan,
(photos Nicolas Sidoroff).

 
 
Yovan Girard, poste de travail 2/2 (Conte d'un futur commun)

 

Scène 1 : Yovan avec un metteur en scène[8]

Le metteur en scène : Je te propose de faire la musique sur un recueil de poèmes de Rimbaud. Tu pourrais jouer du violon.

Yovan : Je propose que ce soit du violon seul, sans effets, j’aime bien l’idée que ce cela soit le plus simple possible.

Le metteur en scène : J’insiste pourtant pour qu’il y ait aussi des effets sur certains passages, où j’entends des couleurs différentes.

Yovan : Je vais faire ce que tu me demandes. J’aime partir d’une idée simple, composer pour un projet, mais sans m’occuper du live, parce que si on doit mettre en live ce qu’on a déjà composé à la maison, c’est toujours compliqué, à moins de composer pour un groupe.

Le metteur en scène : Je voudrais pourtant que tu fasses tout de suite le multi-instrument (violon et effets électroniques) sur scène.

Yovan : Ça m’angoisse un peu. Non, je préfère ne jouer que du violon. Je vais écrire une pièce pour violon solo, sans rien d’autre, plutôt que de devoir tout de suite m’engager dans le couteau suisse.

Le metteur en scène : J’ai pourtant besoin de ces changements de couleur à certains moments.

Yovan : OK, je veux bien, je vais le faire parce que tu me le demandes. Mais je vais juste prendre un delay et une disto, parce que ce sont des effets que je connais bien, qui font deux trucs différents et qui peuvent être utiles.

J’ai aussi composé de la musique pour les arts numériques, par exemple pour un artiste numérique qui s’appelle Minuit, Dorian Rigal[9], il fait des projections murales et pas mal de choses d’immersion. Il est aujourd’hui très demandé partout, notamment à la Fête des Lumières à Lyon. J’avais déjà fait de la musique illustrée pour sa scénographie. Et du coup, le projet du « Conte d’un futur commun », c’est un petit peu dans la continuité de tout ça, de faire de la musique à l’image, enfin de la musique de spectacle.

Scène 2 : au début du projet du « Conte d’un futur commun », Louis et Yovan

Louis : Bonjour. Ces deux jours qui viennent, c’est une première résidence pour commencer à travailler sur la musique du « Conte d’un futur commun ».

Yovan : Ce n’est pas ce que j’avais compris, alors que le texte du conte n’est pas encore complètement écrit. Ben moi je préfère composer chez moi en amont.

Louis : Non mais prends quand même quelque chose pour jouer.

Yovan : Ben écoutes, si tu veux, mais ce ne sera pas exactement ce qui va se passer. Mais j’ai mon clavier analogique avec moi. Je peux commencer par faire des nappes. Tiens, j’en choisi une, pour l’intro ça pourrait être un démarrage.

Louis : On va surtout beaucoup parler de comment on va procéder à partir de ça.

 

8. Le récit de Delphine (suite). Trapèze et conte

Delphine :
Pour vivre du trapèze, le problème c’est de l’accrocher. Je voulais être autonome, alors j’ai construit une yourte (je l’ai encore dans mon jardin) dans laquelle je suspends un trapèze. Dans cette yourte je pouvais donner des spectacles et faire des ateliers, ça me donnait un job autonome. J’ai fait ça dans le Morvan (parce que j’habitais pas mal dans le Morvan), à La Tagnière à Saint-Eugène. La yourte, ça se démonte et ça se remonte, ça n’a pas arrêté de se démonter, de se remonter pendant quatre ou cinq ans. Ce n’étaient pas des spectacles avec des paroles, ce n’était que du trapèze, des performances impromptues avec des musiciens que je rencontrais.

Scène entre la Vénérable conteuse et Delphine

La Vénérable : Tu traînes pas mal avec des punks, je n’aime pas trop ça.

Delphine : Je suis venue avec eux à ton spectacle. Ils ont bien aimé.

La Vénérable : Tu files un mauvais coton.

Delphine : Je sais que ce sont des fréquentations qui ne sont pas ce que tu souhaites, mais moi, j’aime les punks, c’est ma famille.

La Vénérable : Tu traînes dans les bars.

Delphine : C’est quelque chose de très fort pour moi.

La Vénérable : Jamais je ne vais te laisser tomber.

Delphine : Merci.

La Vénérable : Tu devrais devenir une conteuse, raconter les histoires liées à ton séjour en Afrique.

Delphine : Je suis incapable de raconter ce que j’ai vécu.

La Vénérable : Je te propose de créer un spectacle pour les Contes Givrés[10] sous la yourte.

Delphine : Je ne suis pas du tout prête à parler en public. Je peux peut-être faire un spectacle sans paroles.

Delphine :
Ça a été mon premier spectacle sans paroles pour les Contes Givrés, qui s’appelait « Liberté ». C’était une performance de vingt minutes de trapèze accompagné à la guitare, sous la yourte. Pour la première fois c’était vraiment un spectacle qu’on avait fixé, vendu et joué. Et c’est quelque chose qui a tourné pas mal dans les festivals. Cela m’a rapprochée de Marie-France Marbach, du coup, je suis revenue m’installer dans le coin. J’ai mis la yourte à la Fabrique, un lieu de création de résidences qui est à Savigny-sur-Grosne, à Messeugne. J’ai retrouvé Marie-France, et puis j’habitais chez Pauline, qui travaille avec les Contes Givrés. Elle est partie faire un tour du monde, elle est partie un an en Orient, et du coup, elle m’a laissé tout son appartement, parce que je n’avais rien.

 

9. Les récits de Louis et de Maxime (suite)

Scène entre Louis et Maxime. L’architecture et la scénographie, l’architecture et le dessin.

Maxime : Je n’ai jamais abandonné le dessin parce qu’au fur et à mesure que j’avançais, même quand j’ai travaillé en tant que salarié en agence d’architecture, je trouvais que les projets étaient longs, donc on dessine, au début on présente des esquisses, des images 3D, des dessins, plein d’éléments comme ça, très beaux qui donnent envie d’arriver au résultat. Cette partie, là, c’est super, mais après, moi je veux arriver plus rapidement à un résultat, je ne veux pas juste faire des belles images. Et aller au résultat, c’est très long, il y a vraiment beaucoup d’embûches qui font qu’on peut basculer dans autre chose de différent de ce qu’on veut faire.

Louis : En ce qui me concerne, c’était important pour moi d’être mon propre patron, donc je me suis dit que la scénographie pour l’évènementiel me semblait plus indiquée que le travail dans un cabinet d’architecture, parce que si tu es ton propre patron en tant qu’architecte, c’est beaucoup de problèmes, comme par exemple la décennale [11], et surtout j’étais confronté à la temporalité du déroulé d’un projet qui en architecture peut facilement s’étaler sur une dizaine d’années. Je préférais mener des projets sur une dizaine de semaines, même si finalement maintenant c’est un peu plus que ça.

Maxime : J’aime quand même l’architecture, alors je continue à pratiquer de cette manière, parce qu’il faut deux ans pour réaliser un projet, c’est super gratifiant d’y aller, de le vivre. Mais j’avais besoin de faire des créations sur des temps beaucoup plus courts.

Louis : Avec la scénographie pour de l’évènementiel, j’étais un auto-entrepreneur, voilà, petite main pour des boîtes d’évènementiel. Deux ans plus tard, je me suis lancé dans le travail de régisseur de spectacle pour l’Ensemble Aleph[12] et d’autres organisations. Et par ailleurs, j’ai commencé à découvrir ce qu’était la vidéo-projection, le mapping. Cela m’a beaucoup intéressé et j’ai commencé à en faire. Et après, le fait de rencontrer des gens qui faisaient de la vidéo-projection m’a amené vers les arts numériques et m’a conduit plus spécifiquement vers les parcours guidés par smartphones. On a un outil assez puissant dans sa poche, dont on ne se sert que pour faire pas grand-chose. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant de voir ce qu’on pouvait en faire.

Maxime : Je me souviens que le soir chez moi, les week-ends, je me disais : « Je prends deux heures et je fais au moins un dessin dont je serais content ». Et un petit rituel s’est installé : souvent j’en fais un le soir et je le pose par terre à côté de la fenêtre et le lendemain matin, c’est là où je peux le valider ou non, savoir s’il est réussi ou pas. Donc, le lendemain matin, je me disais : « Ah ! franchement pas mal ». Ou bien : « Alors, non, non, je ne suis pas allé au bout ». Ou bien, « OK, ce n’est pas ça, mais par contre, la prochaine fois, je change telle couleur, je le refais mais je le fais différemment. » C’était la grande différence avec l’architecture où finalement, même si on fait plein de tests, on ne considère jamais le résultat final. On travaille par approximation du résultat et une fois qu’il est là, franchement c’est trop tard. On ne peut plus casser les murs, on peut très peu repeindre, donc c’est assez frustrant parce qu’on se dit : « Je me suis approché, mais j’aurais peut-être changé ça si j’avais pu m’en rendre compte avant. » Alors qu’avec le dessin, ce que j’aime bien, c’est que c’est comme les chefs qui cuisinent : ils ont le plat et après, s’ils veulent changer une saveur, changer un ingrédient, ils recommencent le plat et ils arrivent de nouveau à un résultat. J’aime bien le fait que dans mon quotidien, je pratique les deux activités, le travail d’architecte très long pour arriver à un résultat définitif et le travail plutôt d’artiste assez court pour arriver à un résultat qui amène lui-même à la recherche suivante.

Louis : La rencontre avec le mapping[13], cela se fait par YouTube, avec un collectif qui s’appelle1024 Architecture. Ils sont à l’origine d’un des logiciels qui s’appelle MadMapper. Je découvre ça à un arbre de Noël, où ils avaient mis du tissu de tulle sur une tour Layher, de l’échafaudage de chantier. C’est incroyable ce qui peut se passer avec juste de la tulle et de la vidéo projection. En fait, c’est aussi ce qui m’a vraiment plu dans le mapping à la base, c’était le côté holographe, hologramme, holographique. Ça prenait forme et puis ça me parlait bien avec ma formation d’architecte et le fait que ce soit contextuel.

 

10. Le récit de Yovan (suite), le projet « Un violon pour mon école »

Yovan :
J’enseigne actuellement deux jours par semaine dans le cadre d’un projet intitulé « Un violon pour mon école ». C’est un projet social qui vise à réduire l’échec scolaire via l’apprentissage de la musique. Ils ont fait appel à des chercheurs en neurosciences pour faire une étude sur dix ans pour voir comment les élèves se comportent. Donc c’est un projet intéressant qui concerne des élèves jusqu’à l’âge de 16 ans qui suivent des cours de violon, c’est une fondation suisse qui finance ça, la Fondation Vareille. Dans ce programme, il y a beaucoup de professeurs, mais certainement pas assez, sinon c’est très bien, les élèves aiment faire de la musique, à jouer du violon. Ils ne font que du violon, la fondation a acheté plein de violons pour tous les élèves. Cela fait du bien aux élèves de le faire, ils sont tous en ZEP+ [zone d’éducation prioritaire +], ce qui veut dire que certains d’entre eux ont des profils un peu compliqués.

 

11. Delphine, le Conte du crâne et du pêcheur.

Delphine :
La première histoire que j’ai racontée, c’est une histoire de Marie-France que j’avais entendue qu’elle racontait et que j’avais adorée. C’est l’histoire du crâne et du pêcheur :

 

Le conte du crâne et du pêcheur

Un pêcheur qui trouve un crâne là.

Le pêcheur : Crâne, qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce qui t’a amené là ?

Le crâne : La parole.

Le pêcheur n’en revient pas que le crâne parle.

Le pêcheur : Crâne, c’est toi qui as parlé, qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

Le crâne déboîte sa grosse mâchoire :

Le crâne : La parole.

Le pêcheur court chez le roi.

Le pêcheur : Ouah ! il y a un crâne qui parle là-bas.

Le roi : Attends, tu me déranges pour des histoires de crâne qui parle, tu crois que je vais te croire ? Ce n’est pas possible. Je vais venir quand même, mais si ce n’est pas vrai, je te tranche la tête.

Il est sûr de lui le pêcheur, donc il emmène le roi, les ministres, tout le monde.

Le pêcheur : Crâne, crâne ! dis au roi qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

Le crâne : …

Le pêcheur : Allez crâne, parle s’il te plaît, qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

Le crâne : …

Alors le roi tranche la tête du pêcheur, la tête tombe par terre, elle roule, elle roule, et elle roule, elle arrive juste à côté du crâne.

Le crâne : Tête, eh tête ! qu’est-ce qui t’a emmené ici ?

La tête : La parole.

 

Delphine :
Et j’aimais bien cette histoire parce que justement cette peur de parler : qu’est-ce que c’est la parole ? Qu’est-ce qu’on dit ? Qu’est-ce qu’on ne dit pas ? Est-ce qu’on a le droit de tout dire ? Est-ce qu’on va se faire trancher la tête si on dit quelque chose qu’il ne faut pas dire ? C’est peut-être ma peur de parler qui m’a fait raconter cette histoire, l’une des premières que j’ai utilisées. Et puis après, qu’est-ce que j’ai raconté ? J’ai trouvé des histoires, j’ai cherché dans les livres, j’ai une bibliothèque remplie de livres, j’ai lu, lu, lu, plein d’histoires. Et puis j’en ai choisi qui me touchaient.

 

12. Le petit carnet des arbres. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute[14] et Louis Clément.

Scène 1 : Ils boivent tous les trois un café chez Louis.

Maxime T. : Je suis informaticien et je fais des projets artistiques de photographie. En voici quelques-unes. Et voici les logiciels que j’ai codés.

Maxime H. : Ah !

Louis : Ah !… Je m’intéresse au mapping. Je le fais sur des masques. Je construis des masques africains en papier, des choses assez simples, mais sur lesquels ensuite, avec un vidéoprojecteur, j’en fais le mapping et je les mets en couleur.

Maxime T. : Ah !

Maxime H. : Ah !… Voici mes dessins.

Louis : Ah !

Maxime T. : Ah ! OK super, mais on ne voit toujours pas ce qu’on pourrait en faire.

Louis : Il faudrait qu’on raconte une histoire.

Maxime T. : Ouais…

Maxime H. : Ouais…

Louis : Mais non, rien à faire.

Maxime H. : J’ai aussi ça qui est sympa, qui est marrant.
(Il sort un petit carnet de 10 cm par 10 cm)
Dans ce petit carnet, j’ai demandé à des gens de dessiner un arbre.

 
 

Maxime Hurdequint, carnet des arbres 1/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, carnet des arbres 2/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, carnet des arbres 3/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, carnet des arbres 4/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, carnet des arbres 5/5 (Conte d'un futur commun)
Le carnet des arbres de Maxime (photos Nicolas Sidoroff).

 

Scène 2 : quelque temps auparavant, Maxime H. et une autre personne.

Maxime H. : Dessine-moi un arbre sur ce petit carnet.

L’autre personne : Ben non, mais moi je ne sais pas dessiner et tout, et puis franchement, un arbre, non, ce n’est pas possible.

Maxime H. : Tu sais forcément le faire, et puis après, s’il est moche, de toute façon, ça reste anonyme. Dès que tu as fini ton arbre, tu peux regarder tous les autres arbres qui ont été faits avant, franchement il y en a des cools.

L’autre personne : OK, je te dessine un arbre.

Maxime H. : Je trouve ça drôle de voir la richesse des arbres.

Scène 3 : lors des études d’architecture de Maxime.

Maxime H. : Voilà, je vous demande de dessiner un arbre, après on va accrocher tous vos dessins sur le mur, avec un petit texte imprimé de ma part sur ce que ça veut dire les arbres.

Chacun, chacune dessine son arbre.

Maxime H. :
Maintenant regardez, vous allez pouvoir savoir comment vous êtes, quoi, tout en sachant que ce n’est pas sérieux.

Une étudiante : Que faut-il observer ?

Maxime H. : S’il y a des racines qui vont dans le sol, s’il y a des feuilles ou pas (parce qu’il y a beaucoup de gens qui dessinent les arbres sans feuilles), si des branches descendent, si le tronc est fin, s’il y a un trou dans le tronc – c’est un très grand classique. Finalement, il y a des trucs absurdes : si un oiseau est posé sur la branche de gauche, mais regarde à droite, ça veut dire un truc. Mais c’est impossible, ça n’arrive jamais.

Un étudiant : Mais c’est justement ce que j’ai dessiné, ce truc-là. [Rire général]

 

Scène 4 : en 2015

Un ami japonais :
Je t’offre ce petit carnet.

Maxime H. :
Merci. Je ne sais pas ce que je vais en faire. J’avais presque fini le carnet que j’avais, quand je l’ai perdu dans le métro de Paris. Je vais le refaire avec ce nouveau carnet. Et j’ai essayé de le faire avec d’autres choses, comme des poissons, tout le monde peut dessiner un poisson, mais les résultats n’ont pas été très intéressants. On m’avait dit de faire une théière ou une fenêtre, j’ai essayé, mais franchement, je n’ai jamais rien trouvé d’autre que l’arbre. Oui, c’est vrai, les poissons, c’est moins intéressant !

 

Scène 5 : retour à la première scène entre Louis Clément, Maxime H. et Maxime T.

Maxime H. : Ça fait tilt !

Louis : C’est génial, mais ça, on pourrait faire dessiner l’arbre aux gens, mais sur leur téléphone, ils prendraient leur téléphone, ils dessineraient avec leurs doigts un arbre sur le téléphone, et après, on l’enverrait, et on pourrait faire une espèce d’herbier où tout le monde peut voir les arbres de tout le monde.

Maxime T. : On va appeler cela le Live Drawing Project.

 

13. Le récit de Delphine (suite). Le Conte du petit poucet.

Delphine :
C’est un ami à moi qui est comédien, Florent Fichot, qui m’a dit : « Ça pourrait être super qu’on fasse un truc où tu racontes des histoires sur le trapèze », et donc je racontais par exemple des passages de Peter Pan, le spectacle s’appelait « Souffle court ». On l’a joué au théâtre du C2[15] à Torcy en Saône-et-Loire.
Ensuite, il y a eu l’histoire du Petit Poucet sur le trapèze. Ce n’est pas l’histoire du vrai Petit Poucet, hein ! C’est le Petit Poucet (« L’Autruche ») de Prévert[16].

 

Le Conte du petit poucet

Lorsque le Petit Poucet, abandonné dans la forêt, sème des cailloux derrière lui pour retrouver son chemin, il ne se doute pas qu’une autruche le suit pour dévorer les cailloux un à un, « ram, ram ram ». Le Petit Poucet se retourne, plus de cailloux ! C’est désolant, plus de cailloux plus de maison ; plus de maison plus de retour ; plus de retour, plus de papa-maman. Puis il entend du bruit, il entend de la musique, un vacarme. Il passe sa tête à travers le feuillage et il voit l’autruche qui danse et qui chante, et qui le regarde.

L’autruche : C’est moi qui fais tout ce bruit, je suis heureuse, j’ai mangé.

Le petit poucet : Tu as un estomac magnifique.

L’autruche : Oui, j’ai mangé plein de trucs. Viens ! monte sur mon dos, je vais très vite, je vais t’emmener loin.

Le petit poucet : Mais ma mère, mon père, je ne les reverrai plus ?

L’autruche : Alors, elle te frappait quelquefois ?

Le petit poucet : Mon père aussi me battait.

L’autruche : Ah ! il te battait ! Attends ! Les enfants ne battent pas leurs parents, pourquoi les parents battraient-ils leurs enfants ? Je ne supporte pas de voir de la violence sur les enfants. Il te battait quelquefois ?

Le petit poucet : Oui, père Poucet aussi me battait.

L’autruche : Et tu veux que je te dise ? Père Poucet n’est pas bien. Et ta mère, au lieu de s’acheter des grands chapeaux avec des plumes d’autruche, elle ferait mieux de s’occuper de toi. Et ton père, il n’est pas bien malin non plus, la première fois qu’il a vu ta mère, tu sais ce qu’il a dit ? Il a dit : on dirait une grande bassine, dommage qu’il n’y ait pas de pont. Tout le monde a ri !

Le petit poucet : J’ai ri, mais ma mère m’a mis une baffe : « Tu ne peux pas rire quand ton père dit ça ».

L’autruche : Le truc, bouh !!

 

Delphine :
Et c’est à ce moment-là que je suis tombée du trapèze, je me suis cassé la main.
Je pense que je suis prise d’émotion en regardant le public. Je suis tombée du trapèze, je me suis cassé la main, du coup, je ne pouvais plus parler. En fait, le problème avec le trapèze et le conte en même temps, c’est qu’on doit être là, avec chaque partie du corps, dans les mains, dans les jambes, chaque point d’appui, on doit être concentrée. Mais là, vu que je racontais une histoire en même temps, ça m’a dispersée et je suis tombée.

 

14. Delphine et le conte. Maxime, l’architecture et les dessins. Yovan et la composition.

Delphine :
J’avais cassé mon poignet, ils m’ont opérée à Montceau et ils m’ont ratée à Montceau – il ne faut jamais aller à Montceau d’ailleurs, vous saurez – ils m’ont ratée, j’ai dû être réopérée, donc ça a duré un an. Du coup, il fallait bien que je gagne ma vie.

 

Scène : Coup de téléphone de la Vénérable conteuse

La Vénérable : Qu’est-ce que tu comptes faire ?

Delphine : Je compte sur le conte. Je vais raconter des histoires, j’en suis capable, puisque je l’avais fait sur le trapèze.

La Vénérable : Tu sais, c’est un signe, si tu arrives à ça, c’est peut-être parce que tu as autre chose à faire que du trapèze.

Maxime :
Les arts plastiques, c’est hyper large. Je ne sais pas si c’est une règle que je me suis fixée, mais je n’ai pas beaucoup exploré en dehors du dessin, ce qui fait que des amis m’ont dit : « Ben, essaies d’ouvrir un petit peu ta pratique ». Je pense que ce n’était pas mal de prendre confiance petit à petit sur des petits formats et maintenant, j’arrive à être plus à l’aise sur des grands formats. J’ai fait beaucoup de skateboard et comme mon frère fait du skate art, il sculpte sur des planches de skate, il m’a introduit à ça, donc j’ai fait du skate art, j’ai dû faire une dizaine de skateboards et puis là, récemment, je me suis retrouvé à répondre à une commande pour faire un grand surfboard. Je pense que c’est une question de se sentir à l’aise, et qu’après, on peut aborder des formats plus grands. Avec les skateboards ce qui est super, c’est aussi d’avoir l’objet dans les mains, et de devoir bouger avec, de bouger autour, plutôt qu‘avec une feuille où il n’y a vraiment que le poignet qui est en déplacement. Là, il y a un rapport avec l’objet, ce n’est pas qu’on le façonne, mais quand même… Je découvre tout ceci progressivement, au fur et à mesure que je suis plus à l’aise dans ma démarche artistique ou d’illustration.

Yovan :
Quand je compose, j’utilise souvent une sonorité qui se développe dans un temps donné. Parfois je dois l’étirer un petit peu, rendre des choses plus longues, parfois un peu moins longues, c’est pour ça que le côté répétitif est pratique. Et il y a aussi un côté électronique. Normalement, quand je compose des morceaux, j’ai un début et une fin, je sais où je vais, et j’aime bien avoir une petite contrainte surtout pour la musique que je fais dans les projets des autres, ou dans les projets collaboratifs.

Delphine :
C’est ainsi que je me suis mise doucement à raconter des contes et aussi, du coup, à prendre un peu confiance en moi. Je trouve qu’on est vraiment tout nu quand on raconte : les lapsus, le ton de la voix, tout cela en dit long sur soi-même. Je trouvais que c’était un aspect vraiment délicat pour moi : être devant un public, avoir peur qu’on nous juge, de se juger soi-même. Je suis très exigeante, je suis très critique vis-à-vis de moi, donc j’avais très peur de ce que j’allais vivre avec moi-même. Parler devant les autres, c’est s’engager, c’est engager une part de soi. Je trouve ça très risqué, en fait.

Yovan :
Et parmi les références qui m’ont influencé dans mon travail sur le « Conte d’un futur commun », il y a un musicien, ce n’est pas tout à fait un DJ, qui s’appelle Débruit [17], qui a fait notamment un projet – KoKoKo! [18] – avec des percussionnistes de Kinshasa. C’est vraiment intéressant, parce que justement il respecte leur travail, il utilise leur musique et ajoute des petites touches électro, mais il ne déforme pas leur musique. Ce que fait Débruit m’a inspiré bien avant ce projet KoKoKo!, mais c’est un de ses projets les plus aboutis, parce qu’il y a un vrai respect de la musique traditionnelle, avec ensuite des rajouts de petites touches d’électronique pour un peu la moderniser.

Delphine :
Avec le trapèze, je gesticule beaucoup, au fil du temps de moins en moins, mais c’est vrai que je bouge beaucoup, j’engage beaucoup le corps. Et je travaille beaucoup avec un double, souvent un musicien. Au départ, le guitariste Julien Lagrange [19] a été celui avec qui j’ai formé un duo trapèze-guitare, qui est devenu un duo conte-guitare. On travaille ensemble sur le rythme, on cale du rythme, ça m’aide beaucoup, ça me pousse aussi à travailler, parce que toute seule dans la cuisine, je le fais, mais c’est moins facile que quand on se donne un rencart et qu’on travaille ensemble. Souvent, après avoir travaillé les histoires avec Julien, je les fais aussi sans la guitare. Ça me rassure de ne pas être toute seule et c’est comme cela que ça se structure.

Maxime :
Mon activité principale est celle d’architecte, mais j’estime que le dessin n’est pas simplement un hobby. Il y a des temps dans la semaine qui sont réservés au dessin, donc j’estime que ces deux activités cohabitent. Il y en a une plus importante que l’autre, mais mes dessins ont donné lieu à des expositions, j’ai eu parfois des commandes, j’ai aussi pu vendre certaines œuvres. Bien sûr la partie artistique, ce n’est pas celle qui me fait manger, mais en même temps j’ai pu avancer là-dessus. J’ai commencé par exposer différents dessins dans un café en 2020, que j’avais faits pendant et à la suite de mon voyage en Asie. Et j’avais dessiné sur des skateboards un triptyque et un diptyque de planche de skate, toujours sur ce thème-là. En 2021, il y a eu dans un restaurant une exposition partagée, où je me suis donné plutôt un thème Maya, parce que j’avais fait un voyage au Mexique. J’avais fait pour cette exposition 3 skateboards, un triptyque de 3 skates et un diptyque de 2 skateboards, avec un autre artiste évoluant dans un univers complètement différent. La même année, j’ai participé à une exposition collective de skate art à Roubaix, j’ai exposé un diptyque de deux planches de skate sur le thème du Japon, il y a des gens qui étaient intéressés qui l’ont acheté. C’était très drôle : c’est une dame qui l’a offert à son mari, qui est un ancien skateur, et elle a dit, « Il est fan du Japon, il aime le skate, j’ai senti que c’était son style. On l’a mis en bonne place chez nous dans le salon ». J’étais ravi.

Delphine :
Je me suis surtout tournée vers le jeune public, je trouvais que c’était moins jugeant. C’est plus dur parce que si ça ne marche pas, ça ne marche pas, c’est-à-dire qu’ils ne vont pas faire semblant qu’ils ont trouvé ça bien. Il y a quelque chose chez les enfants qui fait que si ça ne va pas, on le sait tout de suite, il n’y a pas de double jeu. Mais en même temps, il y a moins de jugement par rapport à des repères, par rapport à des étiquettes, à ce qui existe déjà.

Maxime :
Après on a fait une exposition collective en 2022 avec mon frère et un autre artiste, où cette fois c’étaient uniquement des skateboards qui ont été sculptés. On a décidé que pour chacun d’entre nous, il y aurait un skateboard qu’on ferait entièrement nous-mêmes, il y en aurait un qu’on partagerait avec un des deux autres artistes, et le troisième serait partagé avec l’autre artiste.

Yovan :
Moi je suis sur Cubase. Ce n’est pas évident, les gens ne comprennent pas pourquoi. Tout le monde est sur Live. Quand j’utilise mon ordinateur, je n’utilise pas souvent Live, jamais en fait. Donc c’était toujours un petit peu le combat de dire « Ben voilà, moi, je suis sur Cubase. » Et lors d’une des résidences qu’on a fait à Lyon, l’ingénieur du son m’a dit : « Ah ! mais moi je travaille sur Live, là, il faut que tu te mettes à Live. » Il était un peu perdu et puis moi aussi. En fait on a trouvé un terrain d’entente et il a vu que j’avais la dernière version de Cubase avec les mêmes fonctionnalités, il a vite compris et il m’a montré comment réadapter les morceaux en 7.1 [20] pour une spatialisation. Je n’avais jamais fait ça, au début ça m’a un peu angoissé, j’ai dit : « Ben ça, c’était intéressant à faire ».

Delphine :
Il faut beaucoup d’exigences sur ce qui est raconté et par qui : si on raconte une histoire qui a déjà été racontée par un tel ou une telle, ou qui vient de tel ou tel endroit, ça peut être mal vu. Par exemple, si on raconte des histoires écrites par Henri Gougaud, qui reprend des histoires traditionnelles, qui les met à son nom, voilà, ça ne se fait pas. Ou prendre une histoire qui est racontée par quelqu’un d’autre, on ne va pas faire du copier-coller. Il faut faire attention à ce qu’on fait, on ne peut pas raconter n’importe quoi. Il faut respecter le travail de chacun, toujours dire l’origine de ce qu’on a raconté, d’où ça vient, de quel pays, de quelle culture. Et comme tout travail, je pense que dès qu’on met les pieds dedans, on se rend compte qu’en fait, plus on travaille et plus on a du travail à faire, c’est interminable.

Maxime :
L’an dernier on a fait aussi une exposition collective de planches de surf, au City Surf Park de Lyon, vers le stade de foot de Décines. C’était le vernissage d’ouverture de ce complexe sportif, et du coup ils avaient demandé à 20 artistes de dessiner sur des planches de surf. J’ai produit l’œuvre que j’ai exposée sur un thème marocain, parce que c’est assez connu dans le monde du surf, donc je me suis inspiré des arts marocains et j’ai rajouté la mer au bout.

Delphine :
Quand je parle de rythme, c’est le rythme de la narration. Parce que souvent, il y a des moments où ça chante presque et il y a des refrains qui se répètent et puis une fin. Il faut que ça monte, il faut que ça redescende. Il y a un vrai rythme dans la création d’une histoire. C’est ce qui est difficile dans le « Conte pour un futur commun », c’est une histoire très longue, elle est donc beaucoup plus difficile à rythmer.

 

15. Le Live Drawing Project

Louis :
J’ai ensuite rebifurqué sur la vidéo-projection et j’ai commencé à monter ce premier projet, le « Live Drawing Project » qui était né d’une rencontre entre Maxime Touroute, Maxime Hurdequint et moi. J’ai rencontré Maxime Touroute à un atelier sur le mapping, il venait d’arriver à Lyon, et on faisait un tour de table pour se présenter, et quand il s’est présenté, il a dit qu’il bossait comme développeur pour Millumin. Maxime Hurdequint, c’est mon cousin, donc on se connaît vraiment depuis la petite enfance.

Maxime :
Tous les trois, on s’est organisé beaucoup de temps de travail ensemble. Il y a beaucoup de moments où même si on était côte à côte, chacun travaillait de son côté. Mais il n’y avait pas de distance entre nous. Avec le Live Drawing Project, le cœur de la machine reste l’informatique, c’est vraiment Maxime Touroute qui code et ensuite il y a beaucoup de tâches qui se mettent autour : toute la partie communication, toute la partie gestion de projet, préparation, installation.

Louis :
En fait, il y a trois logiciels qui existent pour faire du mapping qui marchent vraiment bien, c’est Resolume que j’utilise, MadMapper qui a été monté par des Suisses, qui est aussi très reconnu dans le milieu, et Millumin qui a plutôt essayé de se faire une place dans le spectacle vivant.

Maxime :
Ce sera très différents avec le « Conte d’un futur commun » où les branches se rejoignent vraiment juste à la fin, pendant les résidences et où le reste du temps, on n’a pas trop besoin de communiquer ensemble.

Louis :
On a pensé qu’on pouvait envisager de faire dessiner des gens pour que leurs dessins apparaissent sur un écran en direct.

Maxime :
Dans le Live Drawing, il faut savoir ce qu’on est capable de faire et de réellement coder au fur et à mesure. OK, là, Louis, tu crois qu’on va y arriver là, sur cette façade ?

Louis :
Ben non, c’est impossible, on ne peut pas.

Maxime :
Hop ! Donc il y a beaucoup plus d’échanges à faire, parce que les compétences sont beaucoup plus liées, on est constamment en ping-pong.

Louis :
Et un mois plus tard, on a participé à la Fête des Lumières à Lyon.

Maxime :
Pendant la Fête des Lumières, c’était dans un bar, le Club des Lumières. Le patron du bar avait annoncé : « Moi je file 150 balles pour 3 jours, et faites-moi un événement Fêtes des Lumières ». Donc on lui a montré notre idée, j’avais fait 3 dessins pour l’expliquer et Maxime Touroute a travaillé sur le code tous les soirs pendant dix jours et ça a très bien fonctionné. En plus, on a pensé que les gens n’allaient faire qu’un ou deux dessins, et qu’après, ce serait fini. Comme on proposait un petit thème, « dessine une fleur », « dessine un arbre », on s’est dit que les gens auraient bien assez à faire, ils feront un petit dessin, et puis c’est tout. En fait, pas du tout, il y a des gens que cela intéresse, et qui restent pendant une heure à dessiner les uns à côté des autres, à dire : « Regarde le mien, regarde le mien ! » Et puis finalement, on s’est rendu compte que plus on donnait des thèmes de dessin, plus les gens avaient des idées. Ou bien ils ne suivaient pas du tout le thème proposé. Je crois qu’on avait trouvé un outil très ouvert. Certes, on ne s’en cache pas, les gens avaient tendance à regarder leur téléphone de manière individuelle, mais parce qu’ils dessinaient côte à côte, ils échangeaient avec les autres. Et puis il y avait ceux qui ne dessinaient pas, ils regardaient l’écran où les dessins étaient projetés. On s’est rendu compte que quand on passait entre les gens, il se passait des choses, les gens papotaient, ils se montraient les trucs, ça leur donnait des idées. On s’est dit : « ouais, c’est cool, on a un truc là, qui est riche ». C’est donc cela qu’on a développé avec Maxime Touroute et Louis, le Live Drawing Project, des dessins participatifs qu’on a enrichi au fur et à mesure.

Louis :
Et après, c’était parti, là, on en est maintenant à notre 140e projection.

Maxime :
Avec le Live Drawing Project, quand on l’utilise, c’est vraiment une grosse télécommande. Maxime Touroute nous a codé plein de boutons : on a le bouton pour changer la couleur des dessins, les agrandir, les mettre plus petits, etc. On peut faire des fondus, faire des choses comme ça. Mais on ne raconte pas vraiment une histoire, simplement on anime pour éviter que le visuel soit toujours pareil. Alors qu’avec le « Conte du futur commun », avec le logiciel Resolume et le fait qu’on a une conteuse, on est vraiment très narratif.

Louis :
On a tourné un peu partout dans le monde, ça a hyper bien marché.

Maxime :
On a fait ça depuis 2018 jusqu’à maintenant. On a eu d’autres dates en 2019, en 2020. C’est progressivement devenu mieux rémunéré, on a pu acheter un vidéoprojecteur, se structurer avec une association qui nous fait toute la partie administrative. On s’est vraiment professionnalisé au fur et à mesure. On a voyagé au Canada, au Danemark. Ensuite il y a eu le confinement du Covid, donc on a développé des outils spécialement pour le confinement, en organisant des événements à distance. C’était pour nous une bonne source de revenus, on l’a fait de nouveau au Danemark, mais cette fois à distance. On a été dans plein de pays, dernièrement en Birmanie par exemple.

Louis :
Et je me suis dit à un moment donné que j’aimerais bien raconter des histoires avec ce dispositif-là, pour pouvoir faire quelque chose d’à la fois participatif et qu’on puisse surtout raconter quelque chose pour que le spectateur puisse être partie prenante dans le récit. Et du coup, on a fait une première résidence il y a quatre ans au LabLab à Villeurbanne [21]. Et là, on a commencé à se servir de cet outil pour raconter une toute petite histoire : la naissance d’une anomalie numérique. C’était un très court récit d’une quinzaine de minutes. On l’a monté en quatre ou cinq jours. Pour l’instant il n’y avait pas encore de conte. Il y avait juste du texte projeté sur l’écran, comme des sous-titres avec l’image en mouvement. Le public dessinait des trucs avant de rentrer dans la salle de spectacle, par exemple des étoiles. En fait, ce qu’on voulait tester, c’étaient différents types d’interaction avec le public, comment on pouvait les faire participer en amont, pendant, en regardant, les faire s’arrêter, etc. Cette résidence-là m’a bien aidé par la suite dans l’écriture et l’interaction avec le public. Maxime Hurdequint a participé à la création du concept de base et après il a fait de la gestion de projet, de la communication, pour aller chercher des endroits où le présenter, il a fait pas mal de templates de devis, il a fallu faire signer les gens, etc.

 

16. Delphine : deux contes.

Delphine :
Avec Julien, en ce moment, on raconte beaucoup « Pierre et la sorcière », c’est un conte traditionnel pour enfants. Et je parle de celui-là parce que c’est très rythmique entre ce que je dis et ce qu’il joue.

 

Le conte de Pierre et la sorcière

Dans un village, il y a une sorcière.
(Julien joue, il ne regarde pas la conteuse, il écoute ce qu’elle dit et joue en fonction.)
Et puis tout à coup la sorcière, elle se met à chanter en s’adressant à Pierre, un petit garçon : [elle chante]
« Crac c’est moi la plus rusée, et cric, crac, je vais te dévorer, ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ».
(Julien joue, et dès qu’elle se met à chanter il trouve la mélodie pour l’accompagner.)
Hop !
Elle le met dans le sac.
Hop ! Elle referme le sac ah ! ah ! ah ! ah !
Et puis elle marche, elle monte le chemin, elle arrive dans son manoir, elle pose le sac sur la cuisine, elle l’ouvre. Et en fait, qu’est-ce qu’il y a dedans ?
Ben le gamin, il s’est sauvé et puis il a mis un caillou dedans, « aaaaaaaaah » !
(Quand la sorcière ouvre le sac, Julien s’arrête de jouer, il faut que ce soit dans le silence.)
Elle l’ouvre et qu’est-ce qu’il y a dedans ?
« Aaaah aah ! »
Un caillou.
« Espèce de sale gosse » !
(Ça, c’est dans le silence. Et puis après la guitare reprend sur :)
Pierre, le lendemain matin, il ne va pas à l’école, il va sur le chemin, il trouve une poire…
Hop ! ça se balade.
(Julien joue vraiment en fonction de ce que la conteuse raconte, pour lui, il y a une logique.)

 

Delphine :
Il y a aussi

Le conte du pain d’épices

C’est un bonhomme de pain d’épices fait par une femme, elle le met au four et puis il se sauve par la fenêtre et il court, il court, il court et tout le monde lui court après et puis, en fait, il court, il court, il court. Et le renard, il est au bout, il l’attend, et le renard lui fait des éloges et du coup, il fait confiance au renard, évidemment. Il monte dessus et le renard, « crrrrr », il le mange. (Là il faut qu’on soit calé au moment où il le bouffe). « Crrrr », hop !… Il l’a mangé !

 

Delphine :
Donc entre Julien et moi, on a des tops bien calés. Il joue très près de moi, on se connaît très, très bien, donc il sait comment je raconte, donc on peut improviser des choses ensembles. On travaille beaucoup ensemble en présentiel, même s’il y a aussi beaucoup de travail chacun de son côté. Je lui donne l’histoire que j’ai envie de raconter sur du papier ou dans un livre. Lui aussi apporte des histoires, il dit : « Ah ! j’aimerais bien qu’on raconte ça, je trouve ça cool, en plus j’ai un univers ». Moi je travaille un peu de mon côté, lui il travaille aussi de son côté sur à peu près comment on veut faire. Et après on se voit tous les deux, on se cale, et puis on dit : « Bon allez on y va ».

 

17. Origine du « Conte d’un futur commun »

Scène 1 : Chez Delphine, le téléphone sonne. C’est Louis Clément.

Louis : Mon nom est Louis Clément. L’association Antipode m’a donné votre nom. Je voudrais faire un spectacle dans lequel on imagine comment ce sera dans 100 ans, mais dans un monde idéal.

Delphine : Eh oui, il n’y a aucun doute là-dessus, on est dans ce monde idéal.

Louis : 100 ans après, ça, c’est fait.

Delphine : OK, et comment on en est venu jusque-là ?

Louis : Je raconte souvent des histoires, maintenant je suis un peu rodé, je l’ai fait avec plein d’élèves, parce que je fais beaucoup de résidences d’éducation artistique et culturelle, et ce dont je parle souvent, c’est le fait à mon échelle d’essayer de changer le monde : encore une fois, c’est utopique de ma part, mais voilà, c’est quelque chose qui me porte. Comment est-ce que je peux changer le monde ? Je ne peux pas inventer des énergies renouvelables très peu chères, je ne peux pas inventer un moyen de transport du futur totalement décarboné, comme le vélo-cargo par exemple. Du coup, je me suis dit que j’aimerais bien amener les gens à réfléchir sur leur avenir et surtout, à l’inverse de tout ce qui est dystopie, essayer de partir sur quelque chose où on réfléchit à un avenir où tout se passe bien et comment on y arrive.

Delphine : Ce que tu dis me fait du bien. Parce qu’en ce moment je suis dans le noir, dans des trucs punks, dans des choses où le monde est… Des fois, je me dis, que je vais mettre une bombe dessus ce monde, enfin, on va faire péter des trucs, quand tu te rends compte de ce qui se passe dans le monde, c’est quand même « aaaah !… » Des fois, on dirait qu’il y a des gens à tuer, il y a des choses à faire péter, enfin il faut que ça s’arrête, quoi. Je traîne dans le milieu punk, no futur.

Louis : À travers mes lectures, je me suis pas mal inspiré de récits qui disent que c’est grâce à la pensée qu’on arrive à faire les choses. Notamment Neal Stephenson qui est un auteur de science-fiction que j’aime assez, qui a sorti une théorie qui s’appelle la théorie du hiéroglyphe : c’est plutôt en rapport avec les avancées technologiques, où grâce à la science-fiction, on arrive à faire des avancées technologiques majeures. Son exemple préféré est le combustible pour les fusées, où il explique que c’est un auteur de science-fiction qui a dit que cela allait marcher de telle manière, et qu’ensuite, un chercheur s’y est penché et en se saisissant des intuitions de cet écrivain, il a réussi à créer le premier combustible pour fusée. J’aime bien raconter ça aux élèves avec qui je fais des interventions ou au public, j’aime bien insister sur le fait que, en gros, si l’on veut aller vers un futur désirable, il faut déjà y avoir pensé. Et que, du coup, la première étape pour avoir un monde qu’on a envie d’avoir, c’est juste d’y réfléchir.

Delphine : En fait, c’est chouette d’imaginer ça, ça contrebalance ces idées noires. OK, en fait, on se dit que dans 100 ans on est dans un monde idéal et on fait tout pour y arriver. Ce n’est pas de critiquer tout ce qui ne va pas, de mettre le doigt sur tout ce qui ne va pas, même si l’on sait que pas mal de choses ne vont pas. Non, on va dire, OK, dans 100 ans, on est dans un monde chouette. Et donc, OK. Je ne sais pas dans quoi je me lance. Ben, oui, je suis intéressée.

Louis : Ben tu es intéressée, vas-y, tu le fais.

Delphine : Mais, tu ne veux pas voir ce que je fais, avant ? Je joue à la médiathèque de Mâcon, tel jour, pour des enfants et le soir pour tout public.

Louis : Ah ! je ne peux pas le soir, je vais venir au spectacle pour les enfants.

 

Delphine :
Louis est ainsi venu me voir jouer le spectacle Jabuti à la médiathèque de Mâcon : du trapèze, justement. On avait remis le trapèze, parce que j’ai aussi une copine qui est trapéziste. Oui, j’ai un réseau trapéziste de circassiens autour de moi. Jabuti était un spectacle conte-trapèze-flûte traversière. C’était une balade : on se baladait avec les gens dans la médiathèque et on les amenait jusqu’au trapèze. Et donc, il est venu voir ce spectacle, c’est comme ça qu’on s’est vu la première fois.

Louis :
Du coup, c’est comme ça qu’on s’est croisé. Enfin, j’arrive un peu en avance avant son spectacle, on discute, je lui explique le projet, comment ça va se passer, etc. Après elle a présenté son spectacle et je devais repartir à Lyon avant la fin du spectacle, donc je n’ai pas eu le temps de lui en parler à la fin.

 

Scène 2 : Nouveau coup de téléphone de Louis à Delphine

Louis : Allo bonjour.

Delphine : Bonjour.

Louis : J’ai trouvé ton spectacle très bien. Ben ouais, c’est bon pour moi, si toi tu es toujours OK.

Delphine : OK, on y va.

Louis : C’est parti.

 

18. Le projet immersif de l’AADN

Yovan :
Le projet du « Conte d’un futur commun », c’est une idée de Louis. C’est son premier spectacle en vrai, il avait des idées au début qui germaient, il savait ce qu’il voulait faire, mais il avait du mal à les mettre en forme. Et du coup, quand on a commencé à en parler, il pensait à une première équipe et surtout il cherchait d’abord les subventions, en tout cas, pour qu’on puisse avoir des lieux qui nous permettent de créer aussi tout le côté immersif du spectacle. Une première proposition a été déposée, on n’était pas loin d’aboutir, mais ça n’a pas fonctionné. Ensuite, une fois qu’on a pu avoir les subventions de l’AADN pour ce projet d’immersion dans les planétariums dans certaines villes de France, on a commencé à parler de l’écriture du spectacle.

Maxime :
C’est comme ça que tout a commencé, Louis a eu cette intuition de nous rassembler. En 2019, on avait fait une résidence pour essayer de raconter une histoire à partir du Live Drawing, c’était un spectacle de cinq minutes, avec des graphismes très, très simples, c’était très chouette. On pensait qu’il y avait moyen de raconter une histoire, mais on n’est pas allé plus loin. Ça a germé très progressivement.

Louis :
Il y a eu l’appel AADN (Arts & Cultures Numériques) [22] avec qui j’étais bénévole au Conseil d’Administration. Ils ont lancé un appel pour la création immersive. Cela m’a bien intéressé parce que j’ai commencé à aller voir des spectacles sous dôme, je trouvais ça assez fou, enfin c’était assez bluffant ! L’immersion qu’on ressentait face à ces images avait éveillé mon intérêt. Le point de vue de l’AADN était de parier sur l’immersion collective, c’est-à-dire de faire participer beaucoup de spectateurs à une expérience, plutôt que d’avoir une immersion individuelle comme avec la réalité virtuelle (avec des casques). L’idée d’aller à l’encontre des formes individuelles d’immersion me plaisait beaucoup. Ce dont on parle aujourd’hui, c’est le « métavers » [23] ce qui veut dire, en gros, qu’on peut soit s’immerger individuellement dans quelque chose de collectif, soit de s’immerger collectivement dans un œuvre : on est ensemble.

Maxime :
Donc c’est Louis qui vient vraiment avec le concept, il sait déjà ce qu’il veut faire, et qui il veut recruter. On avait trouvé une première conteuse, finalement, on n’a pas eu forcément les subventions qu’on voulait, donc on a fini par trouver une deuxième conteuse, Delphine, et il avait déjà trouvé aussi Yovan pour la musique, comme il le connaît très bien. On a décroché la subvention immersive en 2021.

Louis :
Nous avons répondu à l’Appel à projets d’AADN, et donc je prends un certain nombre de décisions. Je commence à raconter cette histoire, je trouve le nom d’un « Conte d’un futur commun », je trouve que ça parle assez bien aux gens. Après avoir trouvé ce titre, je me suis demandé comment je vais concevoir ce spectacle. Après un premier refus de l’Appel à projet immersif de l’AADN, nous redéposons un projet. Et là, on l’a obtenu et l’AADN a accepté de nous prendre en production déléguée, c’est-à-dire qu’ils vont nous aider à aller chercher des financements et à diffuser le spectacle. À partir de là, on fait des dossiers et on commence les résidences. J’avais travaillé avec Maxime Hurdequint avec le Live Drawing, il n’était pas question de se passer de ses capacités de dessinateur, et je lui ai demandé de faire les décors. Il faut un musicien, je demande bien évidemment à Yovan Girard que j’admire beaucoup, qui a fait beaucoup de musique, qui a une sensibilité qui me plaît. Il fait plutôt de la composition pour des morceaux de musique mais il avait déjà fait une pièce de théâtre avec quelqu’un. Je sais qu’il est capable en plus de le faire. On se connaît depuis la petite enfance, parce que mes parents et ses parents sont très proches, ma mère et son père étaient ensemble au lycée, je crois.

 

19. Le « Conte d’un futur commun »

Louis :
Donc je fais un calendrier de création, on se cale des dates, on se voit, on commence à faire des trucs ensemble. Je continue parallèlement à chercher des subventions de mon côté. Si cet Appel à projet immersif nous donne de l’argent, cela ne suffit pas vraiment pour payer tout le monde tout le temps, et en plus je demande aux gens de travailler en dehors des périodes de résidence. On a déposé je ne sais pas combien de dossiers auprès de différentes structures. Par exemple, nous avons déposé trois fois un dossier auprès de la création hybride en Auvergne-Rhône-Alpes avant d’obtenir quelque chose de leur part, et je dépose aussi un dossier auprès du CNC (Centre National du Cinéma) et on obtient cette subvention et du coup on a pas mal d’argent. Grâce à ça je respire un peu plus, parce que je vais pouvoir payer les gens correctement pour la création, donc ça c’est une très grande chance. Et après on a eu aussi une subvention de la SACEM. On a pu refaire une résidence au LabLab et payer après coup les résidences qu’on avait faites au Centre des arts d’Enghien-les-Bains. Cette résidence avait duré deux semaines parce qu’on avait la chance d’avoir l’endroit disponible, ils nous fournissaient le lieu mais ils ne nous donnaient pas d’argent.

Avant de trouver le titre du « Conte d’un futur commun », je me suis dit qu’il fallait pouvoir infléchir le déroulé de l’histoire par les réactions du public. Je me disais que si c’était écrit, on allait faire des scénarios en arborescence, avec des arbres de choix multiples, ce qui allait être potentiellement très complexe. Et puis il y avait cette idée d’une histoire racontée autour du feu, avec la participation des gens, ce genre de chose. Ce qui me plaisait bien aussi, c’était l’opposition entre le côté du conte comme l’une des plus vieilles formes « d’art » entre guillemets avec sa manière de raconter des histoires, et le côté participatif, les smartphones, la projection, il fallait trouver un équilibre entre les deux. Alors, j’ai décidé que ça pouvait être un conte.

Delphine, Maxime, Yovan et moi-même, nous avons commencé à travailler ensemble sur ce projet. J’avais vraiment déjà tout l’univers dans ma tête. La première fois qu’on s’est rencontré avec Delphine, j’avais tout le déroulé de l’histoire, je savais où ça commence, qu’est-ce qu’on va voir et jusqu’où on va. En fait, je n’avais pas vraiment le déroulé de l’histoire, mais les lieux où elle se déroule.

 

20. Louis, une année de réflexion

Louis :
Pendant un an, il ne s’est quasiment à rien passé, il n’y a pas eu d’autres rencontres. J’ai réfléchi tout seul de manière plutôt introspective. Rien de spécifique n’a émergé, mais j’ai lu énormément, je ne lisais quasiment plus pour mon « plaisir » entre guillemets, Je me suis fait des énormes tableaux de livres à lire. Ce sont toutes les références à des concepts, à des gens, à des penseurs et à des projets qui m’inspiraient, de la part de gens qui parlaient de comment ils écrivaient à ce sujet.

Pendant cette année de réflexion, quand il fallait prendre des décisions c’était dans ma tête, à aucun moment je n’ai écrit quoi que ce soit. Je formalise les choses dans ma tête, je me dis juste : ça, ça va être ça, enfin, on va commencer là. Et puis il y a eu cette idée d’aller visiter des endroits où il y a des communautés qui sont en harmonie avec leur milieu et ça, en fait, ce n’est pas vite-fait : je fais le tour complet du milieu, la forêt, la montagne, dans les airs, sous l’eau… Et après, je me suis dit que, par son importance, la ville n’allait pas disparaître, et qu’il fallait donc trouver une manière intéressante de l’habiter. J’ai lu plein de trucs sur le ré-ensauvagement qui étaient à la mode : Baptiste Morizot [24] par exemple, enfin tous ces gens qui parlent de comment on peut redonner une place à la nature en ville.

 

21. L’écriture du Conte, Delphine et Louis.

Louis 
Avec Delphine donc, on se voit une première fois pendant deux jours. Au début, j’arrive avec mon histoire, mais en fait je n’ai que les lieux et Delphine, c’est elle qui va tricoter tout, les relations entre les personnages, comment ils vont se trouver, comment ils discutent, et ça m’aide beaucoup. Je présente mes idées et comment ça va se dérouler : je voudrais que l’héroïne aille là-bas, là-bas, et là-bas…

Delphine :
Je dessine, j’écris, et puis après, moi toute seule, je reprends ça, je réimagine à quoi ça ressemble et je trouve la manière de le dire. Et après, quand j’ai trouvé, je le fixe sur papier et je mets les textes sur mon ordinateur. Mais après cela, je continue à beaucoup les remodifier.

 

Delphine Descombin, feuille de notes 1/3 (Conte d'un futur commun)
Feuille de notes de Delphine (photo Nicolas Sidoroff).

 

Delphine :
Quand je travaille en résidence, j’ai besoin des papiers écrits que je rature et que je rectifie directement, je suis perdue si jamais c’est trop le bastringue. Il faut aussi que ce soit clair aussi dans ma tête, c’est pour ça que j’ai écrit beaucoup, beaucoup de textes. L’écriture du conte commence toujours avec du papier, car j’ai l’habitude d’écrire à la main. Louis est dans le canap’ qui me dit « OK ».

 

Scène 1 : la première séance de travail, Delphine et Louis

Louis : OK. On commence par les arboricoles.

Delphine : Il faut une héroïne.

Louis : Il y a la question de savoir si ce doit être une fille ou un gars.

Delphine : Ni l’une, ni l’autre, d’après moi.

Louis : Faut-il utiliser le principe du « iel » ?

Delphine : Pour moi, c’est assez compliqué à mettre en place, parce qu’il y a les conjugaisons derrière et que la compréhension par le public n’est pas évidente. J’ai lu des livres avec « iel », qui veut dire « il et elle », pour pas que ce soit un personnage féminin ou masculin. Beaucoup de féministes utilisent cette formule. C’est compliqué quand tu as un public qui ne sait pas, des enfants, par exemple, tu dis « iel » et ils ne vont pas comprendre.

Louis : On peut décider que c’est une fille.

Delphine : Oui, mais avec un nom qui peut s’appliquer aux deux genres. Au lieu d’utiliser il ou elle dans le spectacle, peut-être qu’on pourrait utiliser le prénom de la personne.

Louis : Je propose Camille.

Delphine : D’accord.

Louis : J’ai tous les endroits que l’on va aller visiter : arboricole, après la ville, après le corail… Je voudrais que Camille aille là-bas, là-bas, et là-bas et je ne sais pas où Camille va aller à la fin.

Delphine : On pourrait rajouter l’idée des « aimants » (boussoles) qu’on va voir pour déterminer qui sont les gens qui guérissent. Et aussi les prairies, les plantes, et ça peut finir sous l’eau.

Louis : Il y a cette idée de Grand Conseil qui est plutôt dans la ville.

Delphine : Je note tout ce que tu dis spontanément sur du papier que je garde dans un dossier. Je garde tout en vrac, même les choses que nous allons rejeter dans le spectacle. C’est la pile du « Conte d’un futur commun » tout entier. Tu vois, moi c’est du bazar, hein ! Il y a des phrases qui sont très nettes, que j’écris pour ne pas les perdre parce qu’elles me semblent justes, je les ai parfois trouvées à l’oral.

Louis : Moi je décris où ça va se passer, qu’est-ce qu’on veut, où est-ce qu’on va et qu’est-ce qu’on peut trouver à chaque fois, et toi, tu vas mettre tout cela en histoire. C’est toi, après qui va écrire le texte, la majeure partie de l’histoire.

Delphine : Je note : « Forêt, traversée de la forêt. La gare. Le village. La ville. La mer. La prairie. » Je te propose de mettre la prairie avant la mer. Et aussi que Camille finalement ne retourne pas chez elle. Il faut trouver quelque chose qui implique le public, qui le fasse évoluer tout au long du spectacle pour qu’on en ressorte comme si on avait fait un voyage. Je veux qu’on en ressorte chamboulé, qu’on puisse se dire, “on a fait un voyage dans un monde qu’on ne connaissait pas”, un monde qui nous a rappelé des souvenirs, qui nous a fait se poser des questions sur nous-mêmes.

Louis : Ce qui me plaît, c’est cette idée de rite initiatique, enfin, c’est un voyage initiatique.

Delphine : Tu vois, je vais même annoter les positions du corps : est-ce que je suis face aux gens ? Est-ce que je me retourne ? On peut aussi travailler sur la mise en scène, c’est aussi une dimension importante.

 

Delphine Descombin, feuille de notes 2/3 (Conte d'un futur commun)
Feuille de notes de Delphine (photo Nicolas Sidoroff).

 

Scène 2 : les mêmes, plus tard

Delphine : Dans cette scène, Camille descend dans la cité sous-marine.

Louis : Ouais tu vois, on pourrait avoir des bulles qui flottent à l’extérieur, et puis il y aurait des câbles qui tombent dans l’eau.

Delphine : Je le dessine.

 

Delphine Descombin, feuille de notes 3/3 (Conte d'un futur commun)
Feuille de notes de Delphine (photo Nicolas Sidoroff).

 

Scène 3 : les mêmes, la biocratie

Louis : Concernant le contrôle du climat, c’est l’idée de percer les nuages pour provoquer la pluie.

Delphine : Tu vois, le « solutionnisme technologique », je sais qu’il faut qu’on le case quelque part, mais je ne sais pas où. Il y a des choses comme ça : la biocratie.

Louis : Camille de Toledo [25] m’a vraiment beaucoup inspiré sur la biocratie. Je suis allé à une de ses conférences sur « Les témoins du futur », dans le cadre du « European Lab ». En fait, ce qui m’a vraiment plu, c’est qu’il parlait d’un futur où l’on allait réussir à améliorer le monde tout en le changeant, j’ai été beaucoup touché par le côté émotionnel. Et en plus, c’était quelque chose qui était très facilement réalisable dans le monde dans lequel on vit, c’était de se dire qu’on donne le droit à la nature d’être représentée comme une personne morale au même titre qu’une société. Et en gros, ça donne le droit à la nature d’attaquer les gens qui la détruisent. J’ai trouvé ça très intelligent, parce que cela se joue vraiment sur une chose minime. On a toujours tendance à se dire qu’il faut changer énormément les choses pour réussir à faire bouger le monde. Et, en fait là, non, ce ne sont vraiment que les petits détails qui comptent et on est capable de changer grâce au système qui existe déjà.

Delphine : Camille de Toledo, voilà, il est là, il a imaginé que dans le futur, il y aurait des maisons qui avaient été détruites pour faire des zones de pluie à carbone. Et les gens qui n’étaient pas contents décidaient de porter cela devant les tribunaux. Son histoire est pour moi très émotionnelle. Il y a un enfant qui dit : « Mon père est revenu en pleurant. Il avait les larmes qui coulaient et je me demandais pourquoi il pleurait comme ça, pourquoi il était si triste, qu’est-ce qui s’était passé ? » En fait, il pleurait de joie en disant : « Les abeilles ont cessé de mourir. Si les abeilles cessent de mourir, ça veut dire qu’on est en train d’y arriver ». Il imagine qu’il y a un vrai changement, sur les femmes aussi. Camille de Toledo, c’est lui qui nous a donné cette idée de lancer des procès : le lac d’Annecy contre les propriétaires du lac, Danube contre la mairie de Vienne, la mer du Nord contre les tankers russes, la Haute-Méditerranée contre Canal de Suez, les Association des forêts primaires contre les producteurs de charbon. Après, moi, ça me tient à cœur, aussi, de dénoncer, même si ça m’a replongée dans le truc pas cool. C’est vrai, quand tu replonges là-dedans, aïe-aïe, tu te dis, ouais, c’est pas possible là !

Louis : Alors ça, je trouve peut-être ce que tu dis un peu trop négatif, cela implique qu’il y a quelque chose de négatif dans le monde, dans ce monde parfait. Ben « parfait » ici c’est entre guillemets, ce n’est pas parfait, mais dans ce monde désirable.

 

Scène 4 : la coulée de boue

Delphine : Et puis, qu’est-ce que notre héroïne fait là ? Qu’est-ce qu’il lui arrive ? Quelle est la base de la technique, surtout ?

Louis : Tu écris, tu vas utiliser beaucoup de papier, tu vas écrire beaucoup de choses qu’on ne va pas garder.

Delphine : On n’a pas la fin, on n’a rien, on part sur quelque chose dont on connaît le début, mais on ne sait pas où on va aller. Qu’est-ce qui fait partir Camille à la fin ?

Louis : Une coulée de boue.

Delphine : Une coulée de boue, ça ne me paraît pas évident comme résolution du problème de la fin.

Louis : Ben, on va quand même choisir ça, parce que c’est ce qui convient le mieux.

 

Scène 5 : le propel stretch

Delphine : Il y a cette histoire du propel stretch. Écoute, qu’est-ce que c’est exactement tes propel stretches ?

Louis : Le propel stretch est un tissu élastique qui se tend.

Delphine : Parce que là, tu les accroches où ? Tu vois, à quoi tu les accroches ? Ça s’étire, OK, puis après ça, qu’est-ce qui fait que ça lâche ? Parce que si tu es accroché, comment tu te lâches ?

Louis : Elle l’accroche à une branche, elle le tend, puis elle se lâche et ça la propulse dans le ciel et comme ça, elle peut faire 50 km quand même, hein !

Delphine : Il faut qu’elle ait un casque, il faut qu’elle ait un masque !

Louis : Peut-être qu’il ne faut rien dire, on laisse les gens imaginer les choses.

Delphine : Oui, d’accord, on l’imagine et ça ne choque pas trop les gens. On ne veut pas trop d’incongru. On veut que ce soit quelque chose qui soit vraiment possible à imaginer. Il n’y a donc pas la magie qu’on trouve dans les contes. Par exemple, il n’y a pas d’animaux qui parlent, alors que dans les contes, fréquemment, un oiseau parle, un cerf parle, là, non, les animaux ne parlent pas. En tout cas, on ne comprend pas leur langage.

 

Scène 6 : La zone désaffectée

Louis : Il y a une zone désaffectée.

Delphine : J’écris « zone désaffectée » en couleur.

Louis : Ce n’est pas forcément écrit, là, en projection. En fait, ça fait partie du trajet : ici c’est la ville, la prairie, et il y a la zone désaffectée, tu sais, où il y a des usines en ruines qui sont en reconversion, c’est tout ce qu’on trouve dans la ville. Tout en haut de la ville, en fait, tout est en recyclage de plateformes pétrolières.

Delphine : J’écris : « Animaux, ponts de singes, hôtels à insectes ». Tout ce que dans l’imaginaire on voudrait qu’il y ait dans cet endroit. Globalement il faut qu’on touche un peu à tout sans aller à chaque fois vers les mêmes choses, parce que tu peux vite être trop répétitif.

Louis : C’est un vrai casse-tête.

Delphine : Par exemple, je voudrais parler quand même des femmes, d’un lieu où l’on prend soin des personnes âgées, où les enfants naissent, qu’il y ait un lieu pour ça. Ce n’est pas évident de parler de tout cela et en même temps de continuer l’histoire de la quête de Camille. C’est dense, parfois il faut faire des choix, ce n’est pas évident de tout conjuguer, d’éviter que ce soit lourd et en même temps de dire tout ce qu’on veut dire. Je voudrais parler de l’eau, je voudrais parler de toutes ces terres rares. « Pfff » je voudrais parler de l’argent « lala », le problème c’est qu’il y a tellement de sujets.

Louis : On commence par se dire « on garde tout, à peu près tout ce qu’on veut » et après, il faut enlever pas mal de choses.

Delphine : Mais ça, ça ne sert à rien de dire ça, on ne va pas parler d’argent.

Louis : Ben oui, on enlève.

Delphine : Oui, parce que cette histoire est tellement dense !

 

Louis :
C’est Delphine qui écrit le texte vu que c’est elle qui parle. Je dis « il faut dire ça », et elle l’écrit. Elle prend des notes, je lui donne les lieux et les humains, elle écrit et après elle commence à le raconter. Quand elle a le temps, elle s’enregistre et nous envoie une version, et puis après elle retravaille là-dessus et jusqu’à ce que cela l’aide à faire son chemin dans sa tête, elle a un déroulé, et ça fait qu’elle peut enlever des bouts et en rajouter d’autres. Elle envoie de l’audio ou du texte, ça dépend, et souvent les grands trucs on les fait en résidence.

Delphine :
Louis sur le canapé n’écrit pas, c’est moi qui écris. Lui, il est plutôt sur son téléphone pour chercher les choses. Par exemple, récemment on cherchait les cités sous-marines, il va chercher pour voir à quoi ça ressemble, ce qui existe vraiment, pour pouvoir peut-être s’en inspirer. Ou quand je lui dis : « Ah ! donne-moi un synonyme de ça parce que je suis en train d’écrire, je ne trouve pas le mot ». Hop, il cherche. Je lui pose des questions : « Ah ! parce que ça, tu penses qu’elle va faire comment si elle a fait ça, est-ce possible qu’elle préfère faire ça ? » Louis : « Ah oui attends, non mais c’est parce qu’elle fait comme ça tout simplement ! », et moi : « OK, ah oui, t’as raison ». Voilà.

Louis :
Après c’est une question de détail, je retouche très peu ce qu’elle fait, je donne mon avis, mais je ne vais pas lui dire : « Dis comme ci, dis comme ça ». Je sais que c’est elle qui va dire le texte. Delphine ne considère pas qu’elle improvise, il y a toujours un texte, mais elle le modifie au fur et à mesure qu’elle parle, elle considère que c’est de la mémorisation, la manière dont son cerveau mémorise ce qui va sortir, mais elle modifie un peu le texte. Après elle réécoute sa voix enregistrée en train de lire le texte et elle change des choses en conséquence. Au moment où elle l’apprend par cœur, il se modifie tout seul dans sa tête. Elle a une carte mentale qu’elle s’est faite de l’endroit où ça va, un chemin qui se déroule.

Delphine :
Je n’ai pas de problème de mémorisation parce que une fois que j’ai pris ce chemin-là, je sais que ça va tout droit et que ça roule. D’habitude, je prends un texte qui existe, je prends une histoire qui existe, que j’ai entendue ou que j’ai lue, donc j’ai un texte, j’ai quelque chose, une histoire traditionnelle de base. Après, je mets les mots que je veux, mais l’histoire existe. Parfois j’improvise autour du texte. Mais je travaille souvent l’improvisation chez moi, je garde le fil de l’histoire, je ne la trahis pas. Même si les textes sont parfois complètement écrits, si un texte est effectivement bien écrit, et que tu as un refrain, cette espèce de petite fredaine, c’est bien de le respecter, parce que ça donne du rythme à ton récit. Souvent, les histoires sont quand même bien écrites, mais après, tu peux vraiment transformer la manière dont l’histoire est écrite et la raconter vraiment autrement. Mais la plupart du temps, tu gardes le fil de l’histoire. Quand c’est moi qui écris le texte, je peux faire ce que je veux. Quand je travaille sur un texte, je cherche les mots comme si j’avais un public devant moi et quand je trouve une phrase qui tilte, paf ! je l’écris vite, hop ! OK, bon. Alors à haute voix je la répète et puis je continue. De fixer ce que je dis par écrit me permet de ne pas l’oublier, ce serait dommage quand on trouve une belle phrase qui a une belle musique. C’est quand je trouve mes mots, ma musique, qu’elle s’imprègne tout de suite, je m’en rappelle parce que ça colle bien. C’est quand je trouve les mots justes que je peux le mieux m’en souvenir.

 

22. Les dessins et leur animation. Louis et Maxime H.

Scène 1 : Coup de téléphone entre Maxime et Louis

Louis : Allo, Maxime ? On a décroché la subvention de l’Appel à projet immersif de l’AADN. Ben, ça y est, on fonce, quoi.

Maxime : Cette fois-ci, on y va. Mais moi, je ne sais pas faire de la bande dessinée, je ne sais pas faire du motion design, je n’ai absolument pas les compétences pour faire ça. Franchement, je ne vois pas du tout où je vais. Ah ! Louis, si ça se trouve, il va falloir que quelqu’un m’aide parce que je ne dessine pas spécialement des personnages, en tout cas, pas des personnages animés, je fais beaucoup plus de décors. Comment on va faire ? Et en plus, on a gagné une subvention pour être immersif, donc, sous dôme. Moi, je ne sais pas faire un dessin qui se tord sous un dôme, donc, il y a quand même pas mal de défis. Mais bon, on va bien voir, on y va !

Louis : À mon avis, pour adapter le dôme au frontal, je vais avoir besoin de temps au lab. ou bien il faudrait qu’on ait encore une résidence tous ensemble. Je n’ai pas l’intention de t’intégrer dans la plupart des résidences parce que je sais que tu viens d’être papa et je sais ce que cela veut dire. Ce n’est pas la peine pour toi de venir, vu que tu ne joues rien « en direct » entre guillemets, il n’y a pas besoin forcément que tu sois là, même si pour la cohésion c’est toujours plus intéressant que tu sois là.

Maxime : Les résidences, en théorie – il y a la théorie et la pratique – tout est déjà fait, puisque tous mes dessins doivent tous être prêts. Sauf que si c’est la première fois qu’ils sont projetés, ben je me rends compte que mon arbre que j’ai dessiné est trop petit, ou qu’il n’apparaît pas très bien en termes de contraste, donc il y a beaucoup d’allers-retours avec toi, Louis.

Louis : En fait, j’intègre les images dans mon logiciel qui les projette.

Maxime : Et au fur et à mesure que tu me les projettes, je me dis souvent, « Ah ! non, je ne vais pas laisser ce dessin, il n’est pas adapté ». Ou je fais des modifications. Donc les résidences, ça sert à ça. Il faut que je sois là vraiment dès le début pour faire les allers-retours avec toi quand tu mets en place le récit pour voir si c’est adapté au lieu. Alors comment va-ton travailler ?

Louis : On travaille d’abord tous les deux séparément. Il faudrait que tu dessines une usine pour la fin du conte.

Maxime : Ah ! non, je n’aime pas trop comme ça !

Louis : Ils sont où tes dessins pour les deux gros projets « Nuit Blanche » à Paris ? Tu les as faits ? Je peux passer chez toi pour les voir ?

Maxime : Je vais les mettre dans la Dropbox, tu peux aller les voir régulièrement. Il y en a des nouveaux.

Louis : Voilà, il faut que tu me dessines une ville où les immeubles et la nature sont entremêlés. Ils sont entremêlés, mais quand même de façon distincte, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait des passages pour les animaux et après, il doit y avoir d’autres passages pour les humains, et voilà, vas-y quoi.

Maxime : Ben, je n’ai aucune idée… Je vais te faire 3 ou 4 croquis, mais franchement, là, je n’ai aucune idée. Il faudra qu’on prenne pas mal de café ensemble.

Louis : Je ne te fais jamais chier, tu fais ce que tu veux. Enfin si ! ouais, je te fais chier ! C’est bien ce que tu as fait avec le dessin de la ville, mais, hop là, je vois que tu as dessiné la ville vue d’en haut. Il faudrait qu’on la voie du dessous, comme ça, ça serait mieux, tu vois. Il faut me refaire la ville.

Maxime : Ça va, je suis reparti pour 20 heures de dessin pour refaire la ville.

Louis : Oui et on va voir cette image que pendant trois secondes à un moment donné, alors que je sais que ça t’a pris énormément de temps.

Maxime : C’est un peu frustrant.

Louis : Si tu ne le fais pas, cela ne va pas me déranger, tu peux tout aussi bien ne pas suivre mon avis.

 

Maxime :
En ce qui concerne les moyens d’adapter les dessins pour pouvoir les montrer sous le dôme, au début je n’avais aucune idée de la taille, du niveau de précision dont j’avais besoin pour faire les dessins. Je ne savais pas, quand j’allais mettre mon dessin dans le dôme, s’il allait être trop petit ou trop grand, donc en fait, j’ai fait en sorte que le dessin puisse se répéter latéralement. C’est-à-dire que quand on a le dessin, si on fait une photocopie, par exemple, et qu’on le met à gauche du dessin initial, alors il se raccorde parfaitement, et donc voilà, c’est infini. Je me suis dit que si je dois dessiner une forêt, je commence à dessiner quatre arbres, et je sais qu’après, je peux reproduire le motif à l’infini. Donc je pensais pouvoir changer, de réadapter ma production en fonction, si je me rendais compte qu’il me fallait reproduire quatre fois mon dessin pour faire le tour ou s’il fallait huit fois, je pensais ainsi pouvoir me régler comme ça, sachant qu’après, si c’est vraiment trop décalé, j’aurais à étirer un peu mon dessin pour être à la bonne hauteur. En tout cas, j’ai fait ce pari de reproduire le motif.

 

Scène 2 : Maxime et un membre d’une équipe technique

Un membre d’une équipe technique : Bonjour Maxime. Tu as une question ?

Maxime : Comment faire pour adapter l’image à la projection sous le dôme ?

Le membre d’une équipe technique : Voilà, il faut que ce soit un rond, donc l’image qui est vidéo projetée, c’est un rond.

Maxime : OK, mais moi, mes dessins, ce sont des carrés ! Et surtout, je suis incapable de prédire la déformation que je dois appliquer pour dessiner dans un rond.

Le membre de l’équipe technique :
Il faut que tu dessines sans la moindre déformation, et que sur ton ordinateur, tu trouves quelle commande, quel outil utiliser sur Photoshop pour procéder à la déformation.

Maxime : J’ai cherché hein ! j’ai cherché sur internet, j’ai fait des tests, je n’y arrivais pas du tout ! Ça me faisait une déformation trop bizarre, et j’ai fini par trouver qu’effectivement, je pouvais tordre le dessin en demi-cercle, et dans ce cas, je pouvais faire un copier-coller en symétrie, et cela produisait un cercle complet que je pouvais vidéo-projeter. Et après cela, une fois que ça, ça marche, c’est vraiment comme une machine, c’est-à-dire qu’après, quand je fais un nouveau dessin, j’utilise la même commande, et le travail se fait automatiquement. Une fois que j’ai un nouveau dessin, il est traité par la machine, et il ressort avec la bonne taille, la bonne déformation, et après, je peux éventuellement faire des petits réglages. Une fois sous dôme, c’est quand même le moment de vérité et je me dis : « J’ai bien anticipé par rapport à la dernière fois, mais peut-être que dans ce dôme-là, ça nécessitera une petite mise à l’échelle ». Donc, à chaque nouvelle résidence, il y a, avec Louis, un temps de réglage, où je dois souvent lui redonner tous les contenus un par un pour les remettre à l’échelle.

 

Louis :
En fait sur l’animation des dessins, je récupère un dessin que m’a fait Maxime, qu’il a déjà inversé pour que le fond soit noir à la place d’être blanc. Quand on est sous le dôme, il a déjà traité l’image pour l’adapter au dôme. Et moi à partir de là, je les allie pour en faire ce que je veux, sachant que le but de l’animation, c’est vraiment de faire un truc très simple au début de l’histoire, et de le complexifier au fur et à mesure du récit. Je rentre une image dans le logiciel et grâce à ça je peux l’animer, la déplacer, et mettre des effets par-dessus, des effets de style. Pour animer les images il faut que je lance quelque chose, qu’elles se déplacent d’une certaine manière, à une certaine vitesse, qu’elles montent et qu’elles descendent, etc. Voilà, à la base, le logiciel n’est pas fait pour faire ça, mais je m’en sers de cette manière. Après je fais des fondus, soit un fondu au noir avec une autre image, ou bien l’autre image qui apparaît par-dessus une autre, ou d’autres options. Et je fais bouger des trucs à l’intérieur de l’image, ou je rajoute un calque, c’est-à-dire que je rajoute une autre image par-dessus la première et je la fais bouger. Par exemple, je fais monter les masques du Grand Conseil, enfin voilà, des trucs assez simples. Et pendant toutes mes premières résidences je galère à appuyer sur les manettes, à faire monter les images. Après je dois revenir en arrière : une fois qu’on a fini la boucle qu’on a fait, il faut que je reprenne tout depuis le début, que je me souvienne où sont les choses pour les remettre à zéro pour pouvoir après les relancer, pour que, quand je reclique sur le truc, ça redémarre l’animation au bon endroit

J’avais fait un clip pour Kunta, qui est le groupe de Yovan, j’ai participé avec eux à une résidence au LabLab, où je faisais la partie de projection vidéo (il y avait quelqu’un qui filmait), et c’était une galère de fou, parce que j’étais sur Resolume, et eux avaient un truc où c’est timé sur leur Medlay [26] qu’ils ont fait à la seconde près. Et du coup, le vidéaste a refait exactement le même plan sept fois pour pouvoir faire son montage à l’intérieur. Ça voulait dire que toutes mes vidéos devaient être timées au poil de millième près. Et ça nous a pris deux jours, c’était interminable. Alors je me suis dit : « Plus jamais ça, c’est vraiment trop horrible ! ».

Scène 3 : Louis, un collègue et le logiciel Chataigne

Un collègue : As-tu entendu parler d’un autre logiciel qui peut piloter ça, qui s’appelle « Chataigne » qui a été conçu par un lyonnais, Ben Kuperberg ? Avec Chataigne, tu aurais pu lancer, clip par clip, tes trucs et ça aurait pu être dans une timeline mais vraiment à la seconde près. Chataigne est une espèce de tableau de bord qui fait communiquer les différents logiciels entre eux.

 

Louis :
Donc, je me mets sur Chataigne, je fais des tutos simples, il y a une documentation, etc. J’arrive plus ou moins à lancer mon premier clip tout seul : si j’appuie sur telle lettre du clavier ça lance le clip. Mais après, j’ai découvert qu’il valait mieux le placer sur une timeline, parce que si je dois utiliser toutes les touches de mon clavier, je risque de me tromper de touche et ça ne marchera plus. Avec la timeline, chaque fois que j’appuie sur la barre espace, je lance un truc, et je peux appuyer une deuxième fois pour l’arrêter.

 

Scène 4 : les mêmes plus tard

Le collègue : Je vais te montrer comment utiliser les cues, de sorte que le truc s’arrête automatiquement au bon moment.

Louis : Mais quand j’utilise les cues, il arrive souvent que deux choses se déclenchent quand j’appuie sur espace : Ah ! non ! pas ça !

Le collègue : Ah ! oui, c’est vrai pas con !

Louis : On pourrait se servir du téléphone pour le faire ?

Le collègue : Tu peux essayer, ça marche aussi.

 

Louis :
Du coup, ça marche aussi, mais je ne peux pas tout faire, parce que Chataigne ça marche bien pour le Resolume, mais je n’arrive pas à récupérer les dessins, enfin je ne peux pas réadapter le Live Drawing avec Chataigne. C’est-à-dire que je ne peux pas le faire tout le temps, enfin il faut que je sois tout de même derrière mon ordinateur à certains moments, notamment quand il y a la participation du public, ne serait-ce que pour voir ce que les gens écrivent. Quand j’ai des galères, j’appelle les copains au téléphone pour savoir comment faire les choses. Dans tous les projets, c’est tout le temps comme ça.

 

Scène 5 : Louis et le logiciel Chataigne

Louis : Grâce à toi, Chataigne, j’arrive à me faire une time line.

Chataigne : Oui tu me donnes des éléments.

Louis : Voilà un élément, tu lances ce truc-là, tu le fais monter jusque-là.

Chataigne : Tout ce que tu faisais à la main, je le fais tout seul automatiquement. Voilà cinq images de faites.

Louis : Et là tu me remets la première à zéro, enfin par exemple telle coordonnée à 5000 pixels tu me la remets à zéro et tu remets une opacité de 100%.

Chataigne : Oui, Louis, avec plaisir. Grâce à moi, tu topes tous tes trucs maintenant, tu n’as plus besoin de cliquer, de chercher, de déplacer les choses.

Louis : Grâce à toi, je n’ai plus qu’à appuyer sur « espace », ça déroule le truc et voilà.

 

Scène 6 : Louis et Maxime. Projection sous le dôme

Louis : Grâce à un autre logiciel, j’ai pu dépasser les contraintes qui étaient les miennes au départ. Par contre, quand on est passé sous le dôme, il y a eu vraiment un moment de flottement, parce que tous mes trucs qui étaient des travellings de gauche à droite, de haut en bas, en diagonale, sous le dôme ça ne marche pas. Parce que si tu bouges de gauche à droite, ben là tu n’as plus rien, il n’y a plus d’image et ça fait un peu bizarre. Parce que sous le dôme, l’image est carrée, 7000 par 7000 ou 8000 par 8000, où en haut, en gros, c’est le centre de l’image.

Maxime : Je fais des dessins sur un format carré de 4000 par 4000 pixels, ensuite, je les balance dans mon logiciel pour en faire des cercles. Pour faire mon demi-cercle, je suis obligé de copier un deuxième dessin pour produire un rectangle de 4000 par 8000 pixels. Je multiplie ensuite le demi-cercle par deux pour obtenir symétriquement un cercle complet. Donc je sais qu’en général, quand je fais un dessin 4000 par 4000, il apparaîtra 4 fois sous le dôme. Le centre du cercle, c’est le point le plus haut de l’image dans un dôme et c’est là où la déformation est la plus forte. Donc je n’ai pas intérêt à trop m’approcher du centre, parce que sinon mes dessins, ils sont vraiment très, très écrasés. Comme on a beaucoup de scènes d’extérieur, souvent mes dessins sont rectangulaires. Et quand je les passe sur l’ordinateur, « hop », j’augmente la surface de la page en haut et ça me fait un format carré. Et il y a juste certains éléments qui m’ont obligé à changer de stratégie : par exemple, on est dans une bibliothèque, avec des livres jusqu’au plafond, j’ai fait vraiment un dessin assez petit, un motif que j’ai multiplié peut-être 50 fois, comme un papier peint et donc après, là, j’ai pu le mettre jusqu’en haut. Le motif est multiplié en largeur et en hauteur, donc le dessin doit pouvoir se superposer à lui-même à la fois verticalement et horizontalement.

Louis : En fait, j’ai mis un peu de temps à comprendre comment on fait, et après de comprendre que si je voulais animer mon image, il fallait que je zoome à l’intérieur de ce carré de 7000 par 7000 pour qu’on voit un déplacement comme ceci ou comme cela. Donc je zoome et je fais des rotations, voilà. J’ai pris une suite de plug-ins d’effets sur Resolume [27] qui sont spécialement adaptés pour le dôme et qui me permettent de faire ce qu’on appelle « Fisheyes rotations ».

 

Maxime :
J’aurais pu choisir une façon beaucoup plus simple de dessiner pour correspondre aux divers formats de projection. J’aurais pu, je pense, dessiner directement sur un iPad et faire tout de façon informatique. Mais je fais de l’ordinateur toute la journée quand je suis architecte, je voulais vraiment passer par le feutre. Donc déjà, je pense que j’ai fait un choix un peu archaïque : tout part d’une feuille de papier et d’un feutre. Pour que les dessins puissent se suivre, je fais mon premier dessin, ensuite, je fais comme un marque-page qui fait la même hauteur que le dessin que je viens poser à droite du dessin, donc je prolonge le dessin, je prends mon marque-page, je le passe de l’autre côté de la feuille, et là, je reprolonge et je fais en sorte que ça marche. Et c’est ce petit marque-page que je peux glisser à droite et à gauche qui va me faire la continuité des dessins. C’est vrai que là, c’est très simple à montrer, mais assez difficile à expliquer.

Parfois, j’ai travaillé avec du papier calque : au début de la pièce, il y a une forêt et ensuite, il y a une ville dans la forêt. Donc j’avais deux solutions : soit je restais archaïque, et je redessinais une deuxième fois la forêt en ajoutant la ville, soit je prenais une feuille de papier calque à l’ancienne et je dessinais ma ville par-dessus. C’est ce que j’ai fait, j’ai gagné pas mal de temps, j’ai pu plus me concentrer sur d’autres choses. Donc, il y a quelques fois où le dessin final n’existe pas vraiment, il n’est pas complètement sur un seul papier. Il n’est pas utilisable tel quel pour une exposition. À un autre moment, il y a un vaisseau volant, j’ai dessiné d’abord ce vaisseau vide, parce qu’on n’avait pas trop de temps. Et je me suis dit, ce n’est pas grave, je vais mettre une feuille par-dessus et je vais dessiner tous les personnages et comme ça, si je me rate sur un personnage, ce n’est pas grave, je ne vais pas perdre mon vaisseau, j’aurais droit à un deuxième essai. Quand je n’ai pas tout à fait confiance, je me donne cette possibilité d’avoir plusieurs épaisseurs de dessin que je peux après faire fonctionner ensemble sur l’ordinateur. C’est une liberté qui est assez agréable, quand on dessine, tout part de la main, mais après, on peut réassembler, on peut corriger, on peut gommer aussi.

Sur l’ordinateur, ça peut m’arriver que j’aie des petites jonctions qui ne soient pas toujours parfaites, étant donné ma fameuse technique archaïque de marque-page, donc ça me demande un peu de reprise. C’est ainsi que j’ai plus gommé pour faire des ajustements, que dans le cas d’avoir à refaire un dessin à cause d’une mauvaise trace, comme une goutte de café qui tombe accidentellement sur mon dessin qui est fini. En cas d’erreur, j’ai l’ordinateur qui peut me sauver.

 

Scène 7 : Louis et Maxime

Maxime : Là, le dessin est trop petit, là tu me l’as tordu, là ça ne va pas.

Louis : Mais là, ce dessin-là, il ne sort pas bien, il n’est pas assez contrasté ou il est trop petit.

Maxime : Je vais bosser dessus.

Louis : Non mais là ça ne va pas, c’est trop petit, c’est moche. Je devrais le modifier.

Maxime : Mais je ne pensais pas que tu arriverais à trouver autant d’effets différents pour que ce ne soit pas ennuyeux et que ce soit logique avec le fil du récit.

 

Maxime :
Les croquis sont réalisés en noir et blanc et de façon très lâche, c’est-à-dire que je laisse un peu le poignet guider et quand le croquis commence un peu à prendre forme, je passe en couleur pour distinguer un peu les différents éléments.

 

Maxime Hurdequint, croquis 1/3 (Conte d'un futur commun)
Croquis de Maxime (photo Nicolas Sidoroff).

 

Maxime :
Ma façon de dessiner est basée sur des motifs qui se répètent. Dans les croquis, j’essaie d’abord de trouver les ingrédients de la recette et puis après, je cuisine les choses à partir de là. Par exemple, il y a beaucoup d’arbres dans les dessins, donc, je trouve un peu la bonne forme d’arbre.

 

Maxime Hurdequint, croquis 2/3 (Conte d'un futur commun)
Croquis de Maxime (photo Nicolas Sidoroff).

 

Maxime :
Ensuite, si c’est une ville, je trouve le motif de façade et dans le cas de la ville, il y a des passages pour les animaux. J’ai trouvé une solution : ils sont suspendus sur des ballons. Et après, tout s’est un peu assemblé et je fais en sorte que ce soit toujours enchevêtré, mais si on voit bien que ça s’enchevêtre, pourtant ça ne se cogne pas. C’est un peu comme ça que je fais mes dessins, pour avoir une espèce d’harmonie entre plein d’ingrédients.

 

Maxime Hurdequint, croquis 3/3 (Conte d'un futur commun)
Croquis de Maxime (photo Nicolas Sidoroff).

 

Maxime :
Mes premiers croquis, c’est au stylo, pas au crayon de papier. Et après, quand j’en arrive vraiment au dessin final, j’utilise le crayon de papier pour tirer un peu les grands axes, c’est-à-dire que cela donnera la silhouette des grands éléments. Et après, je les dessine tout de suite au feutre. Et à la fin, je gomme mes petites silhouettes que j’avais faites au début. Donc il y a bien quelques lignes qui structurent le dessin.

En général, je fais mon dessin au crayon de papier et je le gomme à la fin, j’ai assez peu besoin d’y revenir. J’ai juste fait quelques dessins où, d’habitude, j’essaie de faire abstraction des règles de perspective, je les respecte un petit peu, mais je suis assez libre. Il y a quelques scènes qui sont en intérieur et j’avais envie d’avoir de bonnes proportions, donc là, ça prend beaucoup plus de temps. Il y a quelques dessins où vraiment, j’ai passé je pense 2 ou 3 heures juste sur le crayon de papier à dessiner, gommer, dessiner, gommer jusqu’à ce que j’aie vraiment trouvé le dessin et pour le coup, je redessine entièrement au feutre, mais c’est presque plus un travail de mise en couleur. Pourtant, il y a beaucoup de dessins où il s’agit d’une ébauche très lâche qui devient tout de suite un dessin achevé. Dans mes dessins, j’utilise différentes démarches.

Il y a une partie de la pièce où l’animation des images est prédominante et au début, je ne sais pas comment on va faire. Je fais plein de dessins, mais je ne sais pas comment on va faire pour les animer. Je fais confiance à Louis, en me disant qu’il saura comment on fait la transition quand on passe, disons, de la forêt à la ville, il va faire un fondu au noir, ou bien il va faire apparaître l’image progressivement, donc c’est lui qui fait de la vraie création artistique en liant les choses. Il y a donc des personnages, des éléments à intégrer dans l’image, c’est lui qui va les positionner et les faire se déplacer (parce qu’on a des objets qui se déplacent).

 

Projection 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Projection 4 mai 2023 (photo AADN).

 

23. Une musique traditionnelle du futur ?

Scène 1 : Louis et Yovan

Louis : Je veux que tu me fasses de la musique traditionnelle du futur.

Yovan : C’est compliqué, car la musique traditionnelle est déjà pleine de codes, ça ne correspond pas à ma façon de travailler.

Louis : Je dis ça, parce que je suis sous l’influence de Super Parquet, un groupe qui mixe de la musique électronique avec de la musique traditionnelle du centre de la France, que j’ai vu en concert et qui m’a vraiment beaucoup plu, j’aime bien ce côté un peu musique traditionnelle du futur.

Yovan :L’idée est plutôt d’avoir une électronique qui ne soit pas que synthétique, et surtout, et je ne connais pas assez la pratique d’une musique traditionnelle. Laissons les auditeurs imaginer des choses. On peut s’inspirer de beaucoup de différentes sources, ça correspond plus à ma façon de penser.

Louis : Si j’ai mentionné l’idée de la musique traditionnelle du futur, c’était pour t’orienter un peu.

Yovan : La musique traditionnelle pourrait peut-être me rassurer en prenant l’idée qu’on va essayer de la moderniser, cela pourrait vraiment devenir une base pour mon travail, vu que je n’ai pas trop de règles et que je ne sais pas par où commencer. Mais je préfère dire que je pars d’une musique électronique qui est aussi un peu organique.

Louis : Concernant la musique traditionnelle, j’avais parlé aussi avec Jacques Puech [28] grâce à l’Ensemble Aleph et il m’avait expliqué que la musique traditionnelle est en fait une musique beaucoup plus vivante que toute la musique écrite, parce qu’elle évolue continuellement au fur et à mesure du temps. Du coup, je me suis dit que ça serait intéressant effectivement d’aller voir de ce côté-là.

Yovan : Ouais, j’aime bien, je vais reprendre des boucles de musiques traditionnelles africaines, ou bien des boucles de je-ne-sais-pas-quoi.

Louis : On n’est pas vraiment sur la fonction sociale de la musique traditionnelle, ni sur comment elle est écrite et comment elle se fixe.

Yovan : C’est plutôt quelque chose du genre : « Je vais reprendre des bouts de ci, et puis je vais les adapter à ma sauce ».

Louis : Et de toute façon, connaissant ta musique, je ne m’attends pas du tout à ce que tu ais une approche de musique traditionnelle.

 

24. L’élaboration de la musique. Musique pré-enregistrée ou musique en direct. Louis et Yovan.

Scène 1 : Louis et Yovan

Louis : Il s’agit de faire un spectacle immersif avec un musicien sur scène.

Yovan : J’aime bien avoir une trame bien définie pour comprendre ce que tu veux.

Louis : Je voudrais que tu improvises tout en faisant ta propre musique.

Yovan : Je ne veux pas faire ça, pour moi ça ne veut rien dire. Si tu veux que je compose des productions musicales comme des morceaux de musique électronique ou tout ce que je peux faire d’autre, eh bien, il faut le définir dans notre dossier de subventions, il faut qu’on arrive à le mettre en mots. Il faut expliquer les choses, donner des références de musique traditionnelle.

Louis : C’est un conte sur l’écologie, sur la planète, sur la nature.

Yovan : Alors, il faut peut-être quelque chose de plus que l’électronique, avec aussi des instruments organiques. Mais si tu veux, je peux ne faire que de la musique live avec du violon et des effets.

Louis : Mais non, moi j’aimerais que tu composes parce que tu as l’habitude de composer pour d’autres projets, que ce soit de l’électro, de la pop, ou d’autres choses.

Yovan : Dans ce cas-là, autant que j’essaye déjà de timer ce qui se passe avec la conteuse pour que la musique corresponde avec des bruitages. C’est plus simple de ne mettre qu’un petit peu de musique live, mais surtout d’avoir une vraie écriture musicale où j’ai plus de liberté pour composer, pas juste de jouer du violon.

Louis : Ça serait bien d’avoir plusieurs instruments.

Yovan : Je vais essayer de faire quelque chose qui suit un peu la conteuse et ce qu’elle raconte, et après je verrai ce que je peux jouer en live, on verra au fur et à mesure. Vu que je suis tout le temps sur ma souris à être sûr d’envoyer le bruitage au bon moment avec Delphine, alors je ne vais pas tout jouer en live, il faut que je fasse des choix. Du coup, il y a beaucoup de choses qui vont être pré-écrites, avec cette idée d’avoir des morceaux électroniques, et à un moment donné, comme tu veux du violon, oui, je peux me lever. Mais au début, je reste dans le noir.

Louis : Non, il faut qu’on te voie.

Yovan : C’est vrai que c’est important qu’on me voie, alors je te demande, est-ce que c’est important qu’on me dessine aussi ? Il faut choisir.

Louis : Bon, ben voilà, à un moment il y a du violon, c’est bien.

Yovan : D’accord, on voit bien que d’avoir un violon sur scène rajoute quelque chose au spectacle.

Louis : Il faut l’assumer.

Yovan : Tiens ! là, on est sur quelque chose de différent, on se laisse porter par les images, il y a de la musique en live et je pense que ça donne une respiration dans le spectacle. Et puis c’est toujours bien pour le public de voir un instrumentiste jouer sur scène, c’est plus agréable que de l’avoir dans le noir. C’est petit à petit, au fur et à mesure qu’on se rend compte de ce qu’il faut faire dans la pièce.

 

Yovan :
Le dossier de subvention a été écrit en reprenant ces idées et après, évidemment, dans la réalisation ça a pris une forme un petit peu différente. Avant de soumettre le dossier à AADN, Louis m’avait demandé de composer un morceau. Par rapport à ce qu’on avait mis sur le cahier des charges de la musique dans le dossier, j’étais parti sur une instrumentale à partir d’un échantillon de percussion africaine et j’avais réalisé un petit morceau. C’était juste une question d’avoir un peu de musique et après cela a complètement changé. Cet échantillon de percussion africaine a été réutilisé pour un morceau dans le spectacle, c’est le premier segment que j’ai fait, justement quand elle survole la forêt au début. Après cela, j’ai fait le morceau d’intro, avec des sons d’oiseaux et de forêt, parce qu’au début, elle présente la forêt.

Louis :
Franchement, je ne m’attendais pas à ce qu’il utilise sa voix. Il faut savoir que Yovan est en ce moment chanteur et qu’il ne fait quasiment plus que ça. Yovan joue du violon en direct, mais sa voix reste enregistrée, car il a utilisé une superposition de sa propre voix pour produire un effet de chœur, il s’enregistre sur pas mal de trucs. Quand j’ai reçu les premiers morceaux qu’il m’a envoyé, j’ai d’abord pensé que ce n’était pas du tout ce que je voulais, mais au final j’adore. Effectivement, cela n’a rien à voir avec la musique traditionnelle du futur, ce n’est pas ce qu’il fait.

 

Yovan Girard, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Yovan, 4 mai 2023 (photo Valentin Bisschop).

 

25. La musique et le conte, Delphine et Yovan.

Yovan :
Et ensuite Delphine est arrivée et une fois qu’elle a mis l’histoire en mots, il s’agissait de trouver les moments où j’aurais des espaces pour la musique. J’ai demandé à Delphine de s’enregistrer pour que je puisse écouter ce qu’elle racontait.

Delphine :
J’ai donc envoyé un enregistrement audio de mon texte à tout le monde et ils l’ont écouté chez eux en boucle. Avec Yovan, on a créé un peu ensemble et puis on a eu de la chance parce qu’on s’est tout de suite bien entendu. Il a pré-enregistré de la musique sur ce qu’il avait entendu de moi et on a tous les deux essayé des choses ensemble pour voir comment ça collait. Il y avait des choses qu’il avait faites qui n’allaient pas. Parce qu’une fois que je racontais l’histoire pour de vrai, ça ne marchait pas. Je lui avais envoyé le texte, mais en fait une fois qu’on racontait l’histoire, ça n’allait pas. Il a dû changer et faire un gros boulot d’adaptation à la présence d’une conteuse.

Yovan :
Delphine est surtout celle qui a le plus influencé le résultat sonore final, parce que j’écoute sa manière de raconter l’histoire.

 

Scène : Delphine et Yovan.

Yovan : Tiens, là, ce serait bien de couper un petit peu. Voilà, là, je propose de couper la narration et de mettre de la musique. Tiens, pendant que tu dis ça, ça ce serait bien qu’il y ait un peu de musique derrière pour donner du rythme.

Delphine : J’aime bien le fait que tu apportes une musique qui me donne aussi un rythme. Ça m’aide, ça donne un ton, un rythme.

Yovan : Ce qui est le plus simple pour moi, c’est de trouver le rythme en fonction de ton texte. Souvent toi et Louis, vous êtes vraiment axés sur l’écriture du conte, alors que moi, je suis plus préoccupé par le rythme [il frappe des coups réguliers sur la table avec sa main], comme ça… voilà, comme ça… Le rythme du spectacle : quand on raconte notre histoire, peu importe combien de temps ça dure, est-ce qu’il y a du rythme ?

Delphine : Il faut se demander si ce n’est pas un peu ennuyeux à certains moments ?

Yovan : Oui. Dans deux des compositions, je joue du violon. Ce sont vraiment deux moments. L’un des deux correspond à la séquence de la balade, c’est improvisé, j’ai écrit quelque chose de simple, quelque chose que j’ai commencé par jouer, que j’ai développé en improvisant et que maintenant j’essaie de garder tout le temps. C’est lié au rythme du spectacle.

Delphine : Je pense que tu es d’accord pour prendre en compte ensemble les variations qui pourraient se produire.

Yovan : Oui, tout à fait.

Delphine : Si tu entends que je dis quelque chose qui veut dire la même chose que ce que je dis d’habitude, mais pas avec les mêmes mots, il y a toujours un silence qui signale que j’ai fini, alors, tu balances la musique.

Yovan : Je vais essayer de faire quelque chose qui suit un peu ce que tu racontes, et après je vois ce que je peux jouer en live, on verra au fur et à mesure.

Delphine : Ouais, j’essaye de respecter ce que tu fais, on jongle tous les deux, c’est réciproque. C’est quand même plus moi qui m’adapte à toi, mais tu dois aussi le faire avec moi.

Yovan : Pile quand tu dis ça, paf ! je balance cette musique et paf ! tu dis ça.

Delphine : Je ne connais pas encore le texte par cœur.

Yovan : À ce moment-là, quand tu dis ça, après, il y a un silence, je vais caser cette musique.

Delphine : Je suis conteuse, moi ! Comment tu veux que je me rappelle ?

Yovan : Il faut aussi trouver des bruitages, parce qu’on en a besoin à certains moments.

Delphine : Ils doivent être synchronisés entre toi et moi. Par exemple, à un moment donné où un talisman tombe par terre, il dévale 4 ou 5 marches et puis il s’arrête aimanté à un livre. Là, il faut qu’on soit exactement ensemble, c’est vraiment un bruitage précis. Mais après c’est facile dans le sens où je sais qu’à partir du moment où je commence à déballer ce que je dis, c’est-à-dire le talisman qu’elle a dans sa poche, qu’elle sent dans sa poche, il tombe à terre, ça-y-est c’est parti ! tu l’envoies. Elle sent que dans sa main le talisman bouge et toi, ça-y-est, tu sais qu’il faut que tu envoies le bruitage.

Yovan : Les bruitages doivent parfois être fabriqués : par exemple, à un moment il y a une luciole électronique, c’est forcément un cliché. J’ai en tête un son dans Star Wars, où il y avait une espèce de papillon sur Tatooine, une espèce de personnage volant. Tiens, le bruit des ailes, je me souviens de ça, alors on peut essayer de le retrouver – comme Louis adore Star Wars, il connaît peut-être la référence – ce n’est pas évident d’y arriver.

 

26. La musique et le conte. Louis et Yovan

Louis :
Ce n’est pas parce que la musique de Yovan a été écrite avant, qu’elle est totalement fixée. Il y a plein de moments où il joue des boucles et il fait pas mal de bruitages aussi pour correspondre à l’action sur scène.

Yovan :
Par la suite on a trouvé d’autres solutions : par exemple, contre un mur, un mur acoustique où il y a des trous (c’est plein de petits carrés dans le mur), et du coup on a mis nos doigts dedans, « Brrlrrlrrlrrlrrlrrlrrl », ça faisait un peu le bruit des ailes, ça fait une espèce de bruit de luciole électronique. J’ai fabriqué ce genre de sons. Sinon je suis aussi allé sur Splice où il y a des samples de sons, la Sonotec. Les sons qu’on a utilisés sont souvent des sons de la nature, après ça dépend des situations. À un moment donné, il y a une histoire de mousqueton quand Camille s’accroche à un câble, il faut trouver un son de mousqueton. Quand on ne peut pas le trouver en ligne, il faut le fabriquer, c’est encore un autre type de travail. À un autre moment, il y a les chasseurs d’éclair qui entament un chant, c’est ce qui est vraiment là dans le texte, donc j’ai fait un chant pseudo-grégorien, ce n’est pas vraiment ça, mais c’est quelque chose d’épique.

 

Scène 1 : Delphine, Louis et Yovan

Yovan :
Bon, là, ça manque un peu de bruitage, il faut entendre les éclairs.

Louis :
En fait, il faudrait des bruitages, mais il faudrait les avoir avant les éclairs.

Yovan :
Quand elle voit les chasseurs d’éclairs, ils sont déjà derrière elle, ils arrivent. Tiens ! ce serait bien que sur les chasseurs d’éclairs, où Delphine raconte quelque chose, il n’y ait pas de musique, et pendant qu’elle parle que la musique revienne petit à petit.

Delphine :
En fait, peu de temps après, je m’arrête de parler pendant deux minutes et je laisse la musique tourner.

Yovan :
La musique continue pendant que la chasse se poursuit. Il faut trouver des moyens de découper le texte en sections pour insérer des morceaux de musique ou pour le traiter comme un élément musical. Comme ça on accorde bien nos violons et ça fonctionne bien.

 

Yovan :
Je chante aussi un peu, j’utilise ma voix pour avoir des chœurs dans mes compositions (en réenregistrant ma voix) ou juste une voix, mais je ne me considère pas comme un chanteur.

 

Scène 2 : Delphine, Louis et Yovan

Louis : Pourquoi ne pas faire chanter le public ?

Yovan : Oui, mais à ce moment-là, est-ce qu’on ne va pas perdre la chose ? En fait, on va regarder en l’air et on va voir les chasseurs qui s’élancent pour chasser et je trouve que ce passage est bien comme ça.

Delphine : Louis et moi, on voudrait faire chanter les gens.

Yovan : Ben voyons ! il faudrait trouver un autre moyen, à un autre moment dans le spectacle.

 

Yovan :
Pour moi, c’était beaucoup trop d’idées, c’est ce qui a été difficile, en tout cas au début : décider de ce qu’on allait en faire. C’est que le rôle de Louis était d’imaginer les choses, c’était vraiment une bonne chose, parce que l’univers qu’il a voulu développer est très intéressant, mais il a amené tellement de choses en plus du scénario, l’idée de parler d’écologie, les dessins, la conteuse, la musique, la musique en live, plusieurs instruments (etc.), qu’il a fallu tout simplement faire des choix à un moment donné.

 

Scène 3 : Louis et Yovan.

Yovan : Tiens, ça pourrait être intéressant qu’à certains moments où Delphine raconte l’histoire, il y ait un interlude musical pendant telle ou telle promenade.

Louis : On peut essayer d’imaginer ces moments-là.

Yovan : Alors j’aurais au moins quelque chose sur lequel je puisse m’appuyer.

 

Yovan :
Donc, les choses se mettent en place petit à petit, parce qu’il fallait penser à tout, c’était notre premier spectacle, on n’y avait pas trop réfléchi. Louis avait ses concepts mais il n’avait peut-être pas toutes les clés de ce projet ambitieux. Mais c’est bien, au moins on a appris beaucoup de choses, on a découvert le monde des bruitages, et tout ça.

 

27. Les conceptions de Yovan sur la musique et de Maxime sur les dessins.

Yovan :
Je connaissais Maxime un petit peu avant. Je n’avais pas vu beaucoup de ses dessins, mais je savais qu’il travaillait dans l’architecture. Je le connaissais aussi via le Live Drawing Project de Louis. Les dessins de Maxime donnent tout de suite l’ambiance, un peu comme un roman graphique géant, c’est ce que j’ai bien apprécié. La question est alors de savoir comment doser le conte, la musique et les dessins. Parce qu’une fois qu’on a les dessins, certains disent : « Tiens, il en faudrait plus », et d’autre disent : « Il en faudrait moins, parce qu’on ne regarde pas la conteuse ». C’était très ambitieux parce qu’il y a tellement de choses, c’est la façon normale de travailler à faire un spectacle. Je n’ai pu voir les dessins que pendant les résidences, parce que Louis les reçoit et il doit adapter leur format pour les projeter dans l’espace dans lequel on travaille. Je me suis dit parfois : « Tiens ! ce serait bien qu’il y ait quelque chose un peu comme une scénographie dans un concert d’électro, où il y a telle image qui apparaît pendant la musique, enfin des calages ». Finalement, ça s’est transformé en tops : « Tiens là, je lance cette musique avec l’apparition des dessins, ce serait bien que tout de suite on soit dans la nouvelle ambiance ». Il y a quelques tops comme ça. Moi, j’aurais bien aimé que ça communique un peu plus, ça communique un petit peu quand même, mais je pense qu’on pourrait aller encore plus loin avec ça à l’avenir.

Maxime :
Ce que j’aime bien dans le conte et ce que je trouve hyper étonnant, c’est vraiment la construction hybride du projet. En fait, on ne se marche jamais sur les pieds et c’est la façon dont Louis a construit l’équipe. C’est lui qui arrive avec un récit qu’il construit au fur et à mesure, avec assez d’informations pour nous permettre d’inventer des choses. Parfois, quand il nous donne des infos, j’ai l’impression qu’il n’a pas vraiment l’image en tête. Alors, je me dis : « OK, je ne sais pas où je vais, mais je vais te montrer un truc, on va voir ». Je pense que c’est la même chose pour Yovan et pour Delphine, où en fait, on apporte nos idées, et après, dans l’échange, on fait légèrement évoluer les choses. Louis est quand même très souple sur ce qu’il veut. C’est-à-dire qu’il sait ce qu’il veut, mais il n’a pas besoin de contrôler la forme de ce qu’il veut. Parfois, je l’ai emmené là où il n’avait pas prévu d’aller, mais il a dit : « OK, ça va dans le sens de ce que je racontais ». Je pense qu’il a bien établi des liens entre nous et qu’on a chacun pu avoir notre « couloir » (entre guillemets) d’expression, qui, du coup, s’additionne sans se gêner, vraiment en s’amplifiant. C’est ça que j’aime bien dans ce projet, c’est qu’on travaille un peu chacun dans notre coin, moi, sur mon bureau, Yovan, je ne sais pas où, Delphine, j’imagine, sur son ordinateur pour écrire les textes et à la fin, on s’additionne et ça donne quelque chose d’encore mieux.

Yovan :
Le format de la composition était un petit peu comme dans la musique électronique, avec l’aspect répétitif qu’il peut y avoir dans la techno, dans la musique électro, et du coup il y a souvent un beat répétitif. La direction que j’ai prise, c’est de partir de quelque chose qui est basé sur un instrument organique, par exemple un instrument chinois qui ressemble à un banjo. Bref, l’idée est de partir d’un instrument de musique traditionnelle, et d’avoir en même temps cet aspect électronique. Je savais que de toute façon les morceaux ne pouvaient pas être trop longs, parce que on s’en est vite rendu compte que quand Delphine racontait l’histoire, et par rapport à tous les mondes que Louis voulait explorer, il serait impossible de s’attarder. Pendant la semaine de composition, je me suis dit : « Tiens ! ça serait bien que j’aie ces trois morceaux, parce que tout simplement je n’aurais pas le temps de faire le reste avant la première résidence où je suis censé avoir tout écrit. Je ne vais pas m’étaler trop sur chaque composition, et éventuellement comme il y a un côté très répétitif, ce sont des choses que je peux faire évoluer sur la longueur ».

Maxime :
Pour moi, c’est Louis qui est au centre du projet, j’ai eu moins d’interactions avec les autres, mais ça n’a pas forcément posé problème. Je trouve que les musiques marchent très bien avec les dessins et je pense que Louis a donné de belles indications. J’ai peu eu les sons à l’avance, donc je ne peux pas dire que les sons que j’ai reçus ont influencé ma façon de dessiner et je ne sais pas dans quelle mesure Yovan a été influencé par les dessins en cours que j’ai envoyés au groupe.

Yovan :
Avec les dessins de Maxime, à un moment donné il est question de vélocité, où en gros il y a un tour de vélo. J’ai regardé les images de Maxime et je me suis dit : « Ben là, ce serait bien qu’on arrive à faire comme avec une soirée électro où il y a la sono qui monte progressivement : au début, il y a le kick et la basse et puis petit à petit des choses se construisent », et ça m’a poussé à proposer cette idée.

Maxime :
Je pense aussi que certains dessins impliquent que la musique est très présente à certains moments caractéristiques : par exemple, à un certain moment, l’histoire se passe dans les nuages, avec des éclairs, c’était assez clair qu’il fallait représenter les choses pour le public. Donc, je dessine les nuages, les éclairs, et lui il a fait des sons d’éclairs, il y a ajouté une mélodie, je l’ai fait à ma façon graphique, lui l’a fait à avec ses sons et on s’est retrouvés au même endroit. Ensuite, il y a une marche dans la forêt, c’est pareil : moi, je vois bien ce que je dois dessiner comme forêt et lui, il voit bien ce qu’on attend aussi d’une forêt. La question à laquelle on doit tous les deux répondre est la même, on arrive à un résultat à peu près bien synchronisé.

Yovan :
J’essaie d’introduire des éléments musicaux, des samples ou des chants : à un moment donné, il y a un chant de musique grecque, à un autre il y a une espèce de cithare chinoise, pour chaque segment de musique, j’essaie de penser un petit peu de cette manière en mélangeant des instruments acoustiques à de l’électronique. C’est quand même assez libre, le postulat de base s’est vite transformé en quelque chose d’autre, car il s’agit vraiment de penser en termes d’illustration sonore de ce que Delphine raconte. Quand elle présente un univers particulier, j’essaie de coller un petit peu à cet univers, comme dans la musique de spectacle ou de film, d’illustrer par rapport au conte. La musique ne doit pas prendre le dessus sur la narration, même s’il y a des moments de musique qui viennent prendre le relais, pour qu’on sente que : « Tiens ! il y a un moment où on peut écouter de la musique avec des dessins c’est sympa », quelque chose comme ça. Il s’agit vraiment de ne pas penser uniquement à la cohérence d’utiliser une gamme ou un concept, mais en plus de se dire : « Tiens ! en fait, il faut surtout que ces différents moments de narration et de musique soient bien dosés ».

Maxime :
J’ai très peu d’échanges en direct avec Yovan, on n’en a pas le besoin. Je pourrais l’appeler, il n’y a pas de soucis, mais on n’a pas besoin de le faire. Alors qu’avec Delphine, il va y avoir plus d’échanges.

Yovan :
En gros, j’ai ma trame, j’ai une session Cubase. J’ai l’impression que ça me fait un petit peu ma conduite de spectacle. Je mets la conduite sur papier, c’est vraiment comme une setlist, j’écris très gros pour pouvoir la voir sur scène. C’est écrit sur une petite feuille discrète et j’ai tous mes éléments principaux sur cette setlist. C’est une automation des évènements, mais le problème, c’est qu’à chaque fois qu’on change d’endroit, parfois on est en 7.1, ou bien on va être en 4.1, donc je suis obligé de changer les choses. Avec mes automations, on va être au milieu, là, on va être tout à droite, là, on va être au milieu, au milieu à gauche, là tout à gauche. Avec la pluie par exemple, il y a d’autres bruitages, voilà, je les mets à gauche… Toute cette introduction, là, [il diffuse un court extrait] je la double au Sequential OB-6 (un synthétiseur analogique) parce qu’une fois que c’est dans les enceintes, ça manque de vraie présence analogique. Il y a des choses que je ne fais qu’au clavier où il n’y a que du bruitage [il joue un autre extrait]. Je presse sur les différentes touches pour déclencher différents effets sonores, c’est vraiment le bazar, je sais à peu près où je dois aller : je vais par-là, après je sais que je dois aller en bas pour déclencher les bruitages qui sont là.

 

28. Le conte et les dessins. Delphine, Maxime et Louis.

Scène 1 : Delphine, Louis et Maxime

Louis : Ben écoutes, Maxime, voilà, il faut que tu me dessines une forêt, c’est parti, avec des animaux dans la forêt, après il faut que tu me dessines des nuages, après il faut que tu me dessines…

Maxime : Ah ! oui, là, quand Delphine dit ça, il faut que je rajoute ça. Puis là, il faut absolument que je fasse la machine à la fin. Et puis il faut que je fasse un tableau de commande.

Louis : Là, il faut qu’il y ait des bulles qui s’agglomèrent à un câble.

Delphine : Ces bulles, je pense que ce sont des espaces de vie.

Maxime : J’ai dessiné les bulles avec du corail autour.

Delphine : Mais je ne comprends pas pourquoi il y a du corail autour ? Puis, qu’est-ce que tu as mis dedans ? Les bulles sont des lieux de travail pour le corail, il faut qu’on soit d’accord sur ce qu’on raconte, il faut qu’on raconte la même chose, toi en dessin, moi avec le texte.

Maxime : Cela ne veut pas dire qu’il faut dire et montrer les mêmes choses en même temps.

Delphine : Oui. Si tu dessines ça, ben du coup, je ne le raconte pas, on ne va pas faire deux fois la même chose. Et puis moi, ça m’allège, parce que je dis déjà beaucoup de choses. Dessine les chasseurs, l’éclair, il faut que tu les fasses, qu’on les voie, même si j’en parle dans le texte.

Maxime : On est tout le temps en train de se dire : qu’est-ce qu’on illustre et qu’est-ce qu’on n’illustre pas ?

Delphine : En général, dans le conte, rien n’est illustré visuellement, il n’y a pas de dessins. Ce que je raconte est laissé à l’imaginaire du public.

Louis : J’ai envie que les gens gardent un imaginaire, je n’ai pas envie qu’on leur donne tout. Le conte doit se baser sur l’imaginaire.

Delphine : Si on commence par tout leur balancer dans les dessins, alors je ne sers à rien, je ne parle plus : c’est un conte en dessin. Il faut que les gens puissent encore imaginer des choses. Donc on est toujours en train d’essayer de trouver un compromis sur ce qu’on doit illustrer.

Maxime : Parfois je me demande : « Ah ! je n’ai pas dessiné ça, c’est dommage, j’aurais bien voulu le faire. »

Delphine : Ouais !

Louis : Ben oui, mais plus on en dessine, et plus les gens en veulent.

Delphine : Tu vois, ce n’est pas facile de trouver un compromis. Qu’est-ce qu’on dessine ? Qu’est-ce qu’on laisse à l’imagination des gens ?

Maxime : Donc il y a beaucoup de choses qui ne sont pas dessinées.

 

Delphine Descombin, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Delphine, 4 mai 2023 (photo Valentin Bisschop).

 

Scène 2 : Delphine et Maxime, lors d’une résidence

Delphine : Louis m’a demandé de dire à ce moment précis : « des grosses bulles blanches ».

Maxime :
On décide d’un top pour que le dessin apparaisse quand tu dis cela. Top !

Delphine :
[Elle a le dos tourné à l’écran.]
Des grosses bulles blanches flottent sur l’eau et dans l’air.
[Elle se retourne et voit que les bulles sont noires!]

Maxime :
D’accord, tu colles bien au texte !

Delphine :
Mais non ! Je dois respecter ce qu’on a convenu avec Louis, je ne vais pas venir dire complètement autre chose que ce qu’on a décidé. Et du coup, en même temps, il faut que je colle aussi avec la musique, parce que Yovan, il doit parfois m’attendre. Il sait que là, il y a un top, et moi, je sais qu’il y a un top, il faut que j’y aille. Donc oui, il faut malgré tout que je respecte un texte, même si, je peux varier, même si je ne suis pas obligée d’employer tout le temps les mêmes mots, je peux rajouter des choses, je peux moduler. Mais il y a des choses qu’il faut que je respecte absolument, parce que je ne suis pas toute seule. C’est ça, on est trois dans l’histoire, en fait on est quatre.

 

Projection 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Projection 4 mai 2023 (photo AADN).

 

Scène 3 : Delphine et Maxime

Maxime : Delphine, tu m’as envoyé au début cinq minutes de texte du spectacle et j’ai fait des dessins dessus. Mais il y a eu d’autres parties où tu n’avais pas vraiment écrit les choses et où j’avais pris de l’avance sur les dessins.

Delphine : C’est dans ce cas que je me suis inspirée des dessins pour des petits détails de narration, d’accroche, ce genre de choses.

Maxime : À un moment donné, il y a une ville et ce n’est pas évident de décrire une ville si on ne la visualise pas, donc, je pense que ça t’a aidé que je la dessine.

Delphine : J’ai pu mieux accrocher des petits détails à l’histoire.

Maxime : Il faut que je dessine une route, Camille avance à vélo sur cette route et elle dit qu’il faut qu’elle évite les racines. Pas de bol, je n’ai pas de racines narratives ! Moi, je ne peux pas te dessiner tes racines, à la place je vais dessiner une poule. Il va falloir que tu changes un peu ton texte. À un autre moment, il y a un vaisseau avec des bonbonnes, des paniers qui descendent, des choses comme ça, et je pense que comme tu n’as pas encore écrit le texte et que j’ai fait le dessin, tu peux directement baser tes descriptions dessus.

Delphine : Pour la ville, il y a des patios.

Maxime : Il faut plutôt parler de coursives ou de choses comme ça. Il est nécessaire de réadapter le vocabulaire de cette manière.

 

Maxime :
Mes dessins font partie du décor, ils viennent souvent appuyer la narration, mais souvent la narration et le dessin ne disent pas la même chose. Donc Delphine va passer beaucoup de temps à décrire les actions qui vont se passer et finalement elle n’aura pas trop besoin de décrire le décor puisque ce serait déjà une redite. Donc quand on arrive dans un amphithéâtre, elle va dire : « Voilà on est dans un amphithéâtre ». Mais finalement ça ne m’a pas spécialement contraint dans ce que je devais dessiner. Et ensuite, vu que l’amphithéâtre apparaît, les gens le voient et elle n’a plus du tout besoin de faire une description précise, elle va tout de suite raconter ce qui se passe dans cet amphithéâtre. Parce qu’on a aussi choisi de ne pas représenter l’héroïne du spectacle et de représenter très peu de personnages, sauf quand visuellement c’était assez fort ou que ça permettait d’enlever certaines ambiguïtés. Au départ on avait vraiment presque envie qu’il n’y ait aucun personnage, mais on s’est dit que c’était une règle qui était trop stricte et que, finalement, il n’y avait pas de raison d’être aussi dur à se l’imposer, que ce n’était pas grave, il pouvait y avoir des dessins de personnages. Donc Delphine et moi, on est côte à côte et le résultat est une amplification qui s’additionne sans jamais faire baisser la qualité, on s’est bien mis dans des rails qui ne se gênent pas.
Par exemple, à un moment donné, on a une femme géante qui apparaît et du coup j’ai fait un dessin géant. C’est quelque chose qui visuellement est assez beau parce que quand on est sous un dôme, je peux vraiment mettre un personnage très, très grand. Et ça marche très bien puisque dans ce cas-là, la conteuse finit par incarner l’héroïne qui est petite. J’aime bien cette ambiguïté, je ne sais pas dans quelle mesure elle est prévue à la base puisque la conteuse est censée être la narratrice. Mais forcément il y a des moments où je pense que le public la perçoit un peu comme le personnage principal, car elle parle parfois au nom de l’héroïne. Je pense que c’est aussi le rôle d’une conteuse : personnifier un peu tous les personnages et être en même temps narratrice. Le fait de ne pas mettre trop de personnages, le fait de ne pas représenter le personnage principal, ça a fait que le public ne sait pas si la conteuse est le personnage principal ou le narrateur, alors qu’en fait elle est les deux à la fois, en jouant avec cette ambiguïté. Je ne sais pas dans quelle mesure avec Louis, c’est assumé, mais je trouve que c’est bien.

On a eu un débat pour savoir s’il fallait ou non montrer les personnages. Concernant la figure géante on a testé avec le public et on a eu de bons retours là-dessus. À un moment on l’a enlevé et on a trouvé que c’était moins bien, on aimait bien quand elle apparaissait.

 

Projection 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Projection 4 mai 2023 (photo AADN).

 

29. La sonorisation

Yovan :
En général, on joue avec un sonorisateur et on travaille sur cet aspect. À Nantes, on avait un excellent ingénieur du son, l’équilibre a été fait sur une semaine, on travaillait tous les jours. Dans certaines résidences on nous a dit au dernier moment : « On vous prête cette salle-là, par contre, vous n’avez pas de sonorisateur ». Delphine peut être tendue parce qu’on manque de temps avant la performance en public. Le son dans ce cas n’est pas très bon. L’équilibre entre la voix de Delphine et la musique est essentiel, s’il n’est pas très bon, ça peut porter préjudice au spectacle. On a donc beaucoup travaillé sur ce point.

Delphine :
Avant le « Conte d’un futur commun », ma voix n’avait jamais été amplifiée. Le guitariste avec lequel je jouais avait une guitare acoustique. L’amplification me fait un effet très bizarre, très étonnant, cela a changé ma relation au public : je peux parler tout doucement, je peux chuchoter, ça dépend aussi de la qualité de l’amplification, qui a été très bonne, par exemple, quand on a eu un bon ingénieur son et très mauvaise à d’autres moments.

Yovan :
Le problème, c’est qu’à chaque fois qu’on change de salle et d’équipements, et qu’on n’a pas d’ingénieur du son attaché au groupe qui sait déjà exactement ce qu’il faut faire en deux minutes, on doit s’adapter. Mais quand il y a un bon ingénieur du son, j’ai été bien aidé, notamment j’ai appris à me servir de Dante pour le mixage en 7.1. C’est une carte-son numérique qui est intégrée sur les tables de mixage des ingénieurs du son aujourd’hui et ça permet de ne pas avoir à prendre de carte-son dans son ordinateur, mais de passer par un câble ethernet et d’avoir directement sa balance en fonction du lieu. Avec Dante, on peut communiquer directement avec la table de mixage. Donc, j’arrive avec ma configuration 7.1, j’appuie dessus et si j’arrive dans une nouvelle salle qui a également Dante qui est en 4, parce qu’il n’y a que 4 enceintes, alors je n’ai qu’à changer ma configuration, je n’ai même pas besoin de faire de balance. Donc ça, c’est pratique, mais dans toutes les résidences on n’a eu ce système que deux fois malheureusement, il y a beaucoup de lieux qui n’ont pas Dante. J’ai maintenant installé ma carte-son numérique dans mon ordinateur pour pouvoir faire la balance quand ils n’ont pas Dante. En tout cas, à chaque fois, on se tire les cheveux pendant au moins une journée de préparation technique sonore et puis aussi la nuit avant de pouvoir commencer à travailler sur le spectacle.

Delphine :
Si l’amplification n’est pas bonne, ça peut être très pénible, parce que je trouve qu’il y a quelque chose d’intime dans ce spectacle. Si mon micro marche bien, je n’ai pas besoin de parler fort et pour moi, c’est un effort, parce que j’ai tendance à avoir de la gouaille.

Louis :
Delphine n’a pas encore l’habitude de parler dans un micro, c’est souvent un problème technique de retour audio. Elle ne s’entend pas bien, c’est un problème avec la sonorisation, il faut qu’elle s’entende aussi bien que le public l’entend. Il est clair que ce n’est pas la même situation que dans la tradition du conte. Si les gens du milieu du conte viennent voir ça, ils trouvent que ce n’est pas un conte du tout, parce que déjà, dans un conte on ne montre jamais d’images, il y a rarement de la musique et en général c’est une personne seule qui raconte son histoire face à un public, il n’y a pas de mise à distance avec le public. Le micro la met à une certaine distance du public, mais c’est aussi une autre situation qui est à double sens : d’une part, elle se met à distance dans sa façon de raconter le récit et d’autre part, après, elle revient très fortement vers le public quand elle va aller les chercher pour leur poser des questions.

Yovan :
À chaque résidence, il faut se réadapter, avec l’électronique, il y a toujours des soucis. Souvent, on ne sait pas pourquoi, il y avait deux enceintes qui marchaient sur quatre, enfin finalement on les a, c’est bon. Il y a l’image et le son à gérer. Quand il n’y a pas d’ingénieur du son et qu’il y a tous ces bruitages qui passent normalement dans 8 enceintes, mais que là il n’y en a que 4, ce ne sont plus les mêmes réglages. J’ai donc trois configurations, j’ai 5 points, 4 points et 7 points, et à chaque fois je dois me réadapter. Par rapport aux bruitages, il y a deux ou trois morceaux où j’ai fait ce qu’on appelle des Stems [29] , c’est-à-dire que j’ai séparé la basse de la batterie, des accords et des voix pour les mixer un petit peu. Tu peux faire passer la basse ici, la batterie là, pour que ça soit plus immersif. Mais en fait, ça ne me plaisait pas sur tous les morceaux, parce que parfois, je trouvais que ce n’était pas très intelligible, je préférais avoir une source qui sortait en stéréo, avec les bruitages derrière, sinon je trouvais que c’était trop éparpillé. C’est l’ingénieur du son qui m’a initié à Dante qui connaissait très bien tout ça. Il a essayé de remixer des morceaux, je lui ai envoyé les Stems de mes morceaux.

Delphine :
Mais quand on a joué à Paris, Marie-France Marbach est venue me voir à la fin et m’a dit : « Écoute, il faut que tu fasses une formation sur la voix, tu ne peux pas continuer comme ça ». Depuis, je fais une formation à Lyon, avec une dame qui s’appelle Mireille Antoine, qui est extra. Une dame avec un charisme incroyable et en même temps une grande humilité. Elle me fait bosser la voix qui a tendance à être toute en force. La voix est en fait très intime, donc elle voit tout de suite un peu tout ce que j’ai raconté tout à l’heure, elle me dit : « En fait, tu es toute dans la force, tu es une guerrière, tu as bâti tout, ton garant c’est la force, tu as mis tellement de soutènement, tu as tellement mis de carapace pour t’assurer de ne plus jamais être vulnérable. Et du coup, il va falloir qu’on fasse tomber les murs pour que ta voix vienne du ventre pour ne pas bloquer l’émotion. » Parce que ses propres émotions, ça ne sert à rien, ce sont les gens qu’on veut emporter. Et en plus c’est dangereux, parce que je me donne à corps perdu et après, mince, je me fais mal. Et ça peut être désagréable pour le public aussi parce qu’ils n’ont pas à porter ce poids-là. Donc c’est vraiment un travail de poser sa voix et aussi mettre une distance avec ce que je raconte, pour laisser résonner la voix et pas m’emporter. Gros boulot, mais c’est très intéressant.

Yovan :
Par exemple, un ingénieur du son a parlé à Delphine : « Là, tu parles beaucoup trop fort dans ton micro, il n’y a pas besoin de faire ça ». Mais elle a l’habitude de s’exprimer en acoustique, il l’a mis moins fort et elle a fait plus attention. Quand elle est un peu stressée, elle a tendance à parler plus fort, et puis, parfois la musique est trop forte par rapport à la voix, ce sont des choses que je peux contrôler. À Nantes, ça s’est très bien passé, il y avait un rythme qui fonctionnait, on avait une semaine pour répéter chaque scène, donc on était dans un équilibre qui fonctionnait mieux. Parfois, on s’aperçoit que dans une salle on est moins à l’aise, c’est le spectacle vivant. De toute façon, c’est comme ça.

Delphine :
J’ai tendance à parler fort, donc j’ai vraiment un effort à faire pour baisser la voix. Mais c’est vrai que la présence de l’ingénieur du son fait qu’il y a une responsabilité qui ne m’incombe pas, dans le sens où, l’air de rien, si le son de ma voix ressemble à une marchande de tapis, ça peut vite être perçu comme celui utilisé pour vendre de la lessive sur le marché. Donc dans ce cas, je n’y peux rien, j’aurais beau ne pas parler fort, essayer de mettre peut-être plus de musique dans ma voix, dans ce que je raconte, il y aura toujours ce son. Tu as beau parler moins fort, essayer de « na na na », le son est pourri.

 

30. Communication par Notion [30].

Maxime :
Nous utilisons Notion, un logiciel qui permet de partager les choses entre plusieurs participants. Par exemple, Louis me dit : « Là, avec Delphine, on a écrit un texte. Elle doit le remettre au propre et elle le met sur Notion et c’est ce lien-là. » Du coup, je clique dessus et je vois qu’effectivement, elle l’a mis à jour il y a une journée et que c’est la dernière version du texte. Et si jamais une semaine après, je veux reprendre le texte, si ça se trouve elle l’a modifié. Comme ça j’ai la version mise à jour, ça me permet de toujours travailler sur la dernière version.

Delphine :
Avec Louis, ce qui est bien, c’est qu’on communique avec l’application plateforme Notion, je peux écrire dessus et il peut y accéder de manière immédiate. Donc parfois, quand j’ai des questions, j’écris et puis je l’appelle, je lui dis : « Regarde ce que j’ai fait. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Yovan :
Louis utilise Notion pour communiquer une série de ressources, des textes qui m’ont inspiré, notamment sur la biocratie. On en avait déjà parlé ensemble. Il faut interroger Louis sur la biocratie parce que c’est un concept qui l’a beaucoup inspiré, notamment pour les grands procès inclus dans le spectacle qui permettent à la nature, à une rivière, à un arbre, d’avoir les mêmes droits que les êtres humains et donc de pouvoir mettre en procès une entreprise comme Total. Ce concept correspond bien à l’idée du spectacle d’êtres humains qui se reconnectent à la nature. Il a mis beaucoup de ressources à ce sujet sur Notion.

Maxime :
J’ai tous mes dessins sur ordinateur et je les partage avec Louis sur Dropbox. Comme ça, je sais si Louis les aime bien – parce que moi, je ne le sais pas forcément, – mais effectivement, il a une petite notification à cet effet. Quand j’ai mis un nouveau dessin, je l’appelle, je suis fier de moi.

 

Scène 1 : Maxime et Louis

Maxime : Écoute, franchement, j’ai bossé, j’ai fait trois nouveaux dessins.

Louis : Oui, je sais, j’ai vu la notification sur Dropbox avant-hier.

Maxime : Ah ! oui, OK.

Louis : Oui, je l’ai regardé, c’est bon, nickel ! OK !

 

Maxime :
Et après, dans la façon de travailler, c’est vrai qu’avec Louis, on aime bien les outils participatifs, les logiciels participatifs, donc des espèces de to-do list que l’on peut consulter tous les deux, et de se dire : « Ah ! ça, je le coche, comme ça, il va voir que je l’ai fait ». Donc, je pense que déjà, ces outils-là améliorent grandement les choses. J’aime bien aussi le coup de téléphone informel pour parler de ceci et de cela, on peut aller beaucoup plus loin dans les choses. Je pense qu’il y a des éléments de messages qui sont importants, surtout quand j’envoie des dessins en cours pour avoir des remarques avant de les avoir finis. Les messages sont très utiles lorsqu’ils m’indiquent dans quelle direction je dois aller ou me donnent la possibilité de dévier le sens du courant. Et après, quand on est plus dans des phases de prospection, avec Louis, on va se voir ou on va s’appeler. J’estime que quand on ne sait pas quelque chose, ça ne suffit pas d’être juste sur WhatsApp, sur un groupe de conversation pour faire un projet. Ça passe forcément par se voir à certains moments. Mais une grande partie du temps de travail se fait en solitaire. Donc, c’est très hybride, il y a les temps forts pour discuter et après, il y a tous les temps individuels.

Yovan :
En fait, j’ai constaté que, dans les groupes avec lesquels je joue, on dit souvent : « On n’est pas sur Messenger, on n’est pas sur WhatsApp, on est sur Signal, c’est mieux. » Du coup, je reçois plein de liens et on me dit : « C’est vrai, on ne va plus sur ce genre de choses. » Notion est intéressant, oui, Louis aime bien tous ces moyens de communication, je ne suis pas tant allé dessus, mais c’est là où l’on s’envoie les choses et où l’on peut voir ce qui a été changé. Je pense qu’il y a plein de ressources intéressantes, mais pour moi c’est une question de temps. S’il y avait eu une année avec moins de trucs à faire, j’aurais eu plus de temps pour aller dessus. Et puis, comme on en parle déjà, et que je n’ai besoin que de quelques éléments pour écrire la musique, il me suffit d’y penser.

Maxime :
Pour ce qui est des logiciels que nous utilisons, c’est vraiment Notion, WhatsApp et Dropbox. Pour des formes de discussion, ça va vraiment être soit le groupe WhatsApp, soit moi qui appelle Louis et parfois ça peut m’arriver d’appeler Delphine pour le conte, mais finalement, moins, parce que c’est surtout Louis qui est en contact avec elle. C’est vraiment Louis qui maîtrise le flux des choses avec tout le monde. Et du coup, quand on l’appelle, il peut repasser les informations aux autres. C’est lui qui est au centre, les choses gravitent autour de lui. C’est pour ça qu’on l’appelle « le créateur » qui pilote un peu tout. Il n’écrit pas, il n’y a pas de contenu vraiment visible, même s’il crée le contenu et met en mouvement mes dessins.

 

31. Les résidences : LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains

Louis :
Je prévois mon planning de résidences à la minute à la minute près : le matin, on parle de ça, après chacun se présente, puis on fait une pause, on va marcher ensemble, après on revient, puis on travaille sur le début de l’histoire, etc. Je le fais quasiment dans toutes les résidences, qu’est-ce qui va se passer heure par heure. Et mine de rien, ça nous a bien servi de nombreuses fois où tu te retrouves perdu, tu es dans le dur, tu es en train de faire les choses, et là tu as la page blanche, tu ne sais plus quoi dire, quoi faire. Alors tu te dis : « Ah ! on avait prévu une balade dans la forêt », hop, balade dans la forêt, voilà. J’avais ce genre d’idées : le fait d’aller se balader, vu qu’au début l’histoire se passait dans la forêt, je voulais les emmener dans les arbres, faire de l’accrobranche et même dormir dans les arbres, mais je ne l’ai jamais fait. Là, j’ai retrouvé un de ces calendriers :

 

10h-11h : Présentation de nous et de notre univers.
11h-midi : Présentation du projet.
12h-13h30 : Pause déjeuner.
13h30-15h : Exploration libre du monde de demain, où on va.
15h-17h : Et surtout avec qui on y va.
17h-17h30 : Bilan de la journée, qu’est-ce qu’on fait demain ?
Si on ne sait pas quoi faire : demain, tour du village pour parler.

 

Abordons maintenant les résidences d’écriture, je les appelle « résidences émergences ». C’est d’abord le 6 et 7 janvier 2022. Après on s’est revu le 5 mai et le 6 mai 2022. On a eu une résidence musique avec Yovan et moi qui a finalement fini par une visio-conférence le 27 janvier 2022 avec nous quatre.

Après il y a eu une résidence « Déroulé du conte » les 23 et 24 juin 2022. Cette résidence était encore au LabLab, à Lyon. Nous avons beaucoup utilisé ce lieu. On est tous les quatre. Voici le planning préétabli :

 

10h. : Présentation des avancées de la trame narrative et retour, présentation de la musique et retour, présentation des dessins et retour, présentation du Live Drawing et retour.
11h30 : Identification des zones de contact entre musique et dessins, conte et participation du public.
12h. : Repas.
13h. : Installation, setup dessins et musique..
13h30 : Première scène.
15h30 : Deuxième scène.
16h30 : Pause.
17h. : Troisième scène.

 

C’était un peu ambitieux, je crois qu’on n’a pas réussi à finir le programme fixé. On a fini à 18h30. Et puis arrive le vendredi :

 

9h. : Retour sur le jour 1.
10h. : La scène 0 qui est l’accueil du public, on a beaucoup réfléchi à comment on allait accueillir le public, parce que cela faisait vraiment partie de l’immersion et de montrer les outils, comment ça allait se passer.
11h. : Enchaînement, scène 1, 2 et 3.
13h. : Présentation publique.

 

À la fin de la résidence, il y avait une présentation publique et après des retours, on était supposé retravailler un petit peu avant que tout le monde s’en aille. Mais on a pas du tout retravaillé après la représentation, on était épuisé. Donc, je me suis dit qu’il ne fallait plus jamais envisager de retravailler après une représentation.

En août 2022, notre première réelle résidence a eu lieu où à la fin, la totalité du conte va être présentée. C’était dans le cadre du festival « Chevagny Passions » [31], grâce à Antipode et à Chevagny Passions. C’est la première fois qu’on était payé. On a passé un jour avec Antipode, et au début, le mardi, mercredi et jeudi, on ne se voit qu’avec Delphine, et le vendredi Yovan arrive et on a travaillé tous les trois ensembles. Et on a joué une fois le samedi et deux fois le dimanche. Et là on arrive à présenter quasiment 20 minutes du spectacle, un peu plus. On a des retours hyper positifs du public, on joue pour chacune des trois représentations devant entre 60 et 80 personnes.

Maxime :
On avait fait une première résidence sans dôme à Chevagny-sur-Guye, et c’est là qu’on a pu tester l’idée d’avoir des dessins avec une conteuse, avec du son et avec un public qui a réagi assez favorablement à l’outil de participation. Finalement, on est quatre personnes, plus l’outil participatif qui amène les gens dans le récit.

Louis :
Les représentations étaient dans l’église, et j’avais récupéré le vidéoprojecteur du Live Drawing qui nous a permis de projeter les images sur tout le mur du fond de l’église. Tous les bancs de l’église avaient été enlevés et remplacés par des chaises longues, des poufs, des tapis. On a été très bien reçu.
La planification ça m’aide, parce que ça me sécurise. Disons que je ne me perds pas, et vu que je dirige une équipe, il vaut mieux ne pas avoir de blancs. Enfin, je sais qu’il ne faut pas que je me pointe en disant : « Ah ! ben là je ne sais pas ce qu’on fait ». Je sais que ça les déstabiliserait et ça ne leur ferait pas plaisir.

Ça marche, on est content et c’est juste un mois avant la résidence au Planétarium de Vaulx-en-Velin, où là on a deux semaines de travail. Le but était de faire 30 minutes de spectacle jusqu’au « Grand Conseil ». C’est la première fois qu’on adaptait les visuels pour le dôme, cela a pris énormément de temps. On a adapté la musique pour une spatialisation sonore et on a avancé sur l’histoire, en terminant la « chasse aux éclairs », en créant « la ville » et « le Grand Conseil ». On a également parlé du budget et du déroulé des interventions pédagogiques qu’on avait décidé de faire.

Maxime :
Il faut à chaque fois s’adapter au lieu, parce que si on change de salle, on change de taille d’écran, certains dessins se retrouvent un peu écrasés ou bien un élément du dessin est un peu trop important, il se trouve un peu trop sur le côté. Parfois quand on est sous un dôme, on peut voir des images derrière soi. Le public est soit orienté dans la même direction, soit les gens sont orientés tous vers le centre de la salle. Par exemple, il y a un moment où les gens doivent regarder deux chemins possibles et décider s’ils doivent prendre le chemin de droite ou celui de gauche. Mais si les gens sont face à face, il y a ce genre d’absurdités où pour la moitié des gens le chemin de droite, c’est le chemin de gauche. Heureusement, le gérant de la salle nous avait prévenu, il était venu à Paris, il nous avait dit : « Faites attention, cette image-là, elle ne marchera pas ». Donc j’avais fait en sorte qu’il y ait une flèche blanche sur le panneau de droite et une flèche noire sur le panneau de gauche, et on pouvait dire : « Bon voilà, vous prenez la flèche noire ou la flèche blanche ». Il y a plein de choses comme ça qui peuvent varier.

Louis :
La résidence suivante de 10 jours, s’est déroulée au Centre de arts d’Enghien-les-Bains.

Maxime :
Le temps de résidence, c’est super, parce que c’est le moment où l’on découvre vraiment ce qu’ont fait les autres. Yovan, il a très peu envoyé les sons préparés à l’avance, je les ai souvent découverts pendant les résidences. J’apporte mes dessins et ça peut m’arriver de prendre un calque et de redessiner un élément que je vais ensuite incruster dans le dessin. Je viens en résidence avec mes crayons au cas où il peut se passer quelque chose. J’utilise le logiciel Photoshop pour éditer les images dans la plupart des cas, mais je suis parfois obligé de les faire à la main. Lorsque je montre un dessin, il n’y a généralement pas beaucoup de réactions, tout le monde semble satisfait. Mais Delphine m’a dit un jour :

Delphine :
Ouais, ton dessin, c’est bien, mais en fait, ça manque de fleurs. T’es un peu tristoune, là, il faudrait mettre des fleurs.

Maxime :
Ben, t’as raison, je vais aller dans ton sens, ça ne m’arrange pas, mais… t’as raison, je vais mettre des fleurs ».
Donc j’ai dessiné plein de fleurs pour pouvoir les prendre une par une et après les intégrer dans le dessin. Et c’est mieux, c’est beaucoup mieux, donc ça m’a pris du temps mais… Maintenant qu’on est presque au bout, j’ai une liste de retouches comme ça à faire sur différents dessins où il faut que je rajoute des fleurs, que j’enlève des arbres, ce genre de choses.

Une fois que le spectacle commence, par contre, je n’ai pas grand-chose à faire, parce que mes dessins sont déjà produits, c’est Louis qui les anime. Je m’occupe alors de la gestion de la partie participative (les gens qui vont dessiner et tout cet aspect), ou bien de la mise en lumière. On avait fait un filage ensemble, une personne du lieu m’avait aidé, elle m’avait dit : « Tu vois, là, tu l’allumes, là, tu l’éteins ». Pour que ça ait du sens vis-à-vis du récit, il fallait que la conteuse soit parfois mise en avant par rapport aux dessins, et par contre, à d’autres moments, de l’éteindre pour que les dessins reprennent vraiment toute l’attention du spectateur. Ça, c’est un aspect intéressant que j’ai découvert, je trouve que ça enrichit bien le spectacle de pouvoir monter ou descendre la présence de la conteuse.

 

 
Maxime Hurdequint, exposition des dessins, 18 juin 2023, CDA d'Enghien-Les-Bains 1/3 (Conte d'un futur commun)
Maxime Hurdequint, exposition des dessins, 18 juin 2023, CDA d'Enghien-Les-Bains 2/3 (Conte d'un futur commun)  
 
Maxime Hurdequint, exposition des dessins, 18 juin 2023, CDA d'Enghien-Les-Bains 3/3 (Conte d'un futur commun)
Enfants regardant les dessins de Maxime, 18 juin 2023,
CDA d’Enghien-Les-Bains (photo Nicolas Sidoroff).

 

 

32. La participation du public

Louis :
Et puis, il y a l’importance de l’interaction avec le public, comment on se sert de ce qui existe et qu’on maîtrise déjà, pour faire participer le public. À la base, ce n’était pas seulement pour leur faire faire des choses comme créer le décor, mais aussi que les gens puissent vraiment faire passer leurs idées par le dessin. Dans le Live Drawing, on leur pose des questions pour donner des thématiques de dessins et après ils dessinent. On s’est aperçu qu’au début, pour que les gens commencent à dessiner, il faut être très simple, mais après, on peut aller très loin, les gens vous suivent et ils te sortent des trucs stupéfiants. Quand j’étais en train de créer le « Conte », j’ai toujours pensé que les évènements réalisés avec le Live Drawing pouvaient m’aider à trouver comment faire participer le public pour le conte, par exemple en proposant des thématiques de dessins comme : comment tu vois le transport du futur, comment tu vois les choses…

Maxime :
Il y a la question du mur qui existe entre la scène et le public et comment tenter de partiellement le supprimer. J’ai l’impression que le mur n’existe pas, mais je me rends compte qu’on a quand même un petit filtre, un calque, il y a quand même entre les deux un écran. Quand on a cherché à faire des projets en numérique, nous avons vu beaucoup de choses qui dépendaient d’une seule télécommande, il fallait des queues de 50 personnes qui attendaient pour accéder à l’outil technologique. On a pensé que le Live Drawing était une bonne idée parce que cette fois-ci, c’était vraiment participatif, c’était tout le monde qui faisait des choses en même temps. Donc d’un côté on a toujours un mur des plus fins, puisqu’on utilise le téléphone, mais on a quand même au moins rendu le truc accessible à tous. On a poussé cette idée, parce que c’est ce que les festivals attendaient de nous. Ils nous ont dit : « Ce qui nous a plu, c’est le fait que tout le monde fasse les choses en même temps, l’année dernière il y avait 50 personnes qui attendaient, c’était hyper frustrant pour tout le monde ». Alors on a dit, « Ah ! Banco ! » Il y a toujours une limite, c’est que c’est anonyme : les gens dessinent, mais ils peuvent complètement se mettre dans un canapé, dessiner dans leur coin, ou faire des dessins sans intérêt pour être projetés sur le mur en Live Drawing qu’on est obligé de supprimer sans savoir qui l’a fait. De cette manière, on casse le mur puisque tout le monde est proactif de l’œuvre, mais en même temps il y a encore un petit filtre dans le sens où les gens étant anonymes, ils ne sont pas complètement tenus responsables de leurs actes. Et en même temps c’est ce qui les débride aussi, je leur disais : « Allez-y, de toute façon si vous faites un dessin pourri, personne ne saura que c’est vous qui l’avez fait, vous n’aurez pas à le montrer à votre fils à côté de vous, il ne le saura pas, et au moins vous aurez essayé ».

Louis :
Concernant la participation du public et le Live Drawing, j’ai fait des allers-retours avec Maxime Touroute et Rémi Dupanloup. Entre-temps on avait fait un autre projet intitulé « la Bulle du personnel », un projet institutionnel pour un hôpital où on voulait créer un mur de cartes postales interactives. Maxime Toutoute et Rémi, qui ont développé ce projet, ont repris le Live Drawing et y ont rajouté de nouvelles briques à l’intérieur : notamment la possibilité d’insérer du texte. Et du coup, je me suis dit : « Ça serait très intéressant que les gens puissent écrire au lieu d’utiliser uniquement le Live Drawing ». J’ai adapté mes envies de participation du public en fonction des outils que j’avais. Je n’ai pas pu changer, je n’ai pas pu repartir de zéro, parce que j’avais trop de contraintes, mais j’ai quand même réussi à faire écrire les gens, notamment sur les grandes lois du futur.

Delphine :
Je ne me sens pas si loin des gens présents dans le public, parce que je leur demande leur avis. Je sens la présence du public, je sais qui est là. On les aide à se connecter, on leur demande s’ils sont bien installés. Et après quand je leur demande justement leur avis, est-ce qu’on prend le chemin de gauche ou de droite, souvent je prends vraiment le temps de dire « C’est bon vous êtes tous d’accord ? Quelqu’un n’est pas d’accord ? » Et l’air de rien j’ai envie de tisser cette relation.

Louis :
Le but de ce projet, ce n’est pas forcément de faire participer les gens, le but du projet c’est de les projeter dans un avenir désirable et de les amener à y réfléchir. Et pour qu’ils y réfléchissent, je leur propose de participer pendant le spectacle, et de commencer à les engager dans ce processus. Pour cela, j’utilise une graduation dans la participation :

a) Avant le début du spectacle, ils dessinent des étoiles sur leur téléphone pour les introduire à la situation.
b) Après, ils voient leurs étoiles apparaître sur le mur, donc ils comprennent que ce qu’ils font sur leur téléphone, ça va servir dans l’histoire.

 

Début du conte, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Début du conte, 4 mai 2023 (photo Valentin Bisschop).

 

c) Ensuite, je leur fais dessiner la pluie, c’est le même principe, mais là, ils voient que leur image s’anime et qu’elle interagit avec le scénario.
d) Et après ils choisissent un chemin, donc là ils sont vraiment dans une participation en disant oui ou non, un choix simple qui va faire évoluer l’histoire.
e) Et après, on leur a posé des questions en direct, en leur disant par exemple : « Voilà, dans le monde du futur, que fait-on des gens qui ne respectent pas les règles ? ». Donc là, on commence déjà à avoir une interaction plus profonde et surtout qui va les mettre en réflexion sur comment ça se passe effectivement quand il y a un conflit, quand il y a quelqu’un qui ne respecte pas les règles, comment ça pourrait se passer alors, dans un futur désirable (on le reprécise bien à chaque fois), surtout quand on a des élèves, qui veulent pendre les gens.
f) Puis, après le Grand Conseil – là, c’était vraiment ce qui me tient le plus à cœur et c’est ce que j’essaie de conserver – on leur demande d’écrire une loi qui pourrait aujourd’hui nous servir à atteindre ce futur désirable.

Maxime :
Avec le « Conte d’un futur commun », on est allé un peu plus loin en demandant aux gens de participer à un véritable débat, en s’adressant directement au public : « Là, qu’est-ce qu’on fait, comment on avance dans l’histoire, allez-y proposez-nous des choses ». Donc, il y a une période où le public doit assimiler ce qu’on leur raconte, il y a des temps ouverts où ils sont sur leur téléphone anonyme, et il y a au moins une période où on rallume même la salle pour avoir un débat. Cela veut dire que le mur de séparation entre la scène et le public constamment monte et descend, il y a plusieurs couches, mais on ne peut pas dire que le mur s’enlève complètement. Mais je pense que si on ouvrait trop, on ne pourrait pas raconter notre récit avec les valeurs que Louis voulait porter.

Louis :
Et je pense que le Grand Conseil, quand on explique la biocratie et au moment où on les fait participer, c’est vraiment au cœur de ce que je voulais faire. Je pense effectivement qu’on pourrait aller plus loin dans la participation, et on pourrait le faire différemment, mais en tout cas, je me dis que s’ils arrivent à penser à une loi dans le cadre de notre société démocratique actuelle pour que le monde devienne meilleur, ça veut dire qu’on ne va pas faire une révolution par la violence, mais plutôt une révolution plus bienveillante. C’est vraiment un truc qui me motive et j’ai envie de montrer aux gens que le système a certes ses défauts, mais que l’on pourrait trouver à l’intérieur de ce système des solutions pour réussir à évoluer de manière positive.

Delphine :
Même si le téléphone portable est un appât à adolescent, parce que quand on dit aux gamins « Vous allez pouvoir dessiner sur votre téléphone », ils disent « Ah bon ? » ils veulent aller voir ce spectacle. C’est dingue hein ! Alors qu’en fait, ils ne font pas grand-chose dessus : ils dessinent la pluie. À la fin du spectacle à Nantes, une dame est venue me voir et elle m’a dit : « Dites donc, c’est un peu de la triche votre utilisation des téléphones, c’est un peu pour attraper les jeunes, parce que personne ne choisit rien du tout dans cette histoire ». J’ai dit « oui », parce que je n’allais pas lui dire le contraire, elle avait tout vu.

Maxime :
On doit faire attention à comment on communique notre histoire, parce que si on vend trop le côté participatif du conte plutôt que la narration, les gens risquent d’être déçus. Au départ on avait un peu vendu le spectacle en disant « C’est un jeu vidéo, vous êtes actifs sur l’histoire ». Il me semble que ce n’est pas un jeu vidéo où à tout moment le public prend un joystick et déplace des choses. On a décidé qu’il ne fallait pas trop baser la communication sur cet aspect, parce que les gens risquaient d’être déçus par quelque chose ne correspondant pas exactement à ce qu’on fait. Quand on commence une création, on a beaucoup d’ambitions et une fois que la création a jailli, il faut se dire que même si on aime bien ce qui a été créé, ça ne correspond pas à l’ambition de base du projet. Il faudrait que ça corresponde à ce qu’on veut faire. On a donc beaucoup travaillé sur ce côté participatif, mais maintenant c’est plus un des ingrédients que l’élément fondateur du spectacle.

Concernant la question d’une contradiction possible dans les relations avec le public entre le caractère intime du conte et les technologies utilisées, ce qui est intéressant c’est de prendre vraiment le problème dans l’autre sens. Dans l’appel à projets immersifs, il y avait beaucoup de gens qui postulaient des choses très technologiques, leurs lignes de pensée ne quittaient pas vraiment l’ordinateur. Et le fait d’introduire l’idée du conte veut dire qu’on amène un élément archaïque dans l’univers très technologique des arts numériques. On a proposé un projet qui n’est pas technologique et pareil pour les dessins qui sont faits à la main. Donc, plutôt que d’avoir entre guillemets « numérisé » le conte et les dessins, on a rendu plus humains les arts numériques. En tout cas, moi je ne m’attendais pas à ça, mais les gens qui nous ont soutenus nous ont dit : « C’est ça qu’on a apprécié dans votre dossier, c’est le fait que vous nous proposez des univers qu’on ne pensait pas pouvoir faire cohabiter. » C’est encore le fait de Louis d’avoir eu cette intuition de rafraîchir un peu les arts numériques en montrant qu’ils peuvent être appliqués de plein de façons différentes. C’est vrai que dans le « Conte d’un futur commun », on est dans une tension, parce qu’on veut raconter une histoire, et en même temps on veut faire participer les gens. Donc l’équilibre à trouver est très délicat. On a trouvé un équilibre où peut-être on pourrait ouvrir encore plus à la participation du public, et en même temps, à partir du moment où on s’est fixé un récit, on va forcément plus ou moins d’un point A à un point B, où en tout cas on n’a pas 10.000 entrées. Cela referme un peu la question de la participation.

 

33. La résidence d’éducation artistique et culturelle à Hennebont.
Louis, Delphine et Maxime

Louis :
Une autre forme de participation a été expérimentée dans la résidence dans les écoles d’Hennebont (Bretagne), c’était une résidence EAC (Éducation artistique et culturelle – Affaires Culturelles) [32] qui a duré 10 jours dans le cadre collège-lycée-primaire avec Delphine et moi. Nous avons travaillé tous les deux quasiment huit heures par jour pendant cette période dans plein de classes différentes. La participation du public s’est inscrite dans une autre forme de temporalité : avec le « Conte d’un futur commun », le public n’est là que pendant une heure, c’est sûr que le spectateur d’une heure va potentiellement moins réfléchir que les élèves des écoles primaires et secondaires qui travaillent à ce projet artistique pendant toute l’année et qui est en plus encadré par les professeurs qui en parlent avant notre arrivée. Cela veut dire que quand c’est bien fait, comme à Hennebont, ils ont déjà passés quatre mois à réfléchir à ça dans différents cours, en tout cas en arts plastiques. Et après, j’en remets une couche, je demande aux élèves : « Qu’est-ce que vous aimeriez dans le futur concernant votre habitat, qu’est-ce que vous aimeriez comme moyen pour vous déplacer ? » Et je leur montre les éléments du spectacle : « Nous, on a pensé que ça serait comme ci ou comme ça, mais vous, comment vous le voyez ? » Et généralement, si on montre aux gens quelque chose sur laquelle ils peuvent réfléchir, le niveau de réflexion remonte à l’évidence. Les deux situations de participation, se produire devant un public et enseigner dans les écoles, sont tout aussi importantes pour moi. Peut-être que les élèves ont plus de temps pour y penser.

Delphine :
Il y a eu cette résidence à Hennebont dans les écoles primaire et secondaires. Ils ont dessiné des choses qui ont ensuite été projetées pendant le spectacle. Pour lier tout cela à notre spectacle, je résume brièvement l’histoire du spectacle qu’on va présenter. De toute façon, au départ, on fait toujours une présentation générale avec Louis.

 

Scène 1 : Delphine et Louis. Introduction devant les élèves.

Louis : Voilà, on a un spectacle qui s’appelle « Conte d’un futur commun ».

Delphine : On imagine un futur qui soit désirable, na-na-na-na…

Louis : Vous allez travailler sur du conte avec Delphine, puis vous allez faire du numérique avec moi.

 

Delphine :
Du coup, après, on se retrouve et puis, selon les situations et les classes, on décide de notre ligne, de notre objectif, qu’est-ce qu’on attend d’eux à la fin de la journée : est-ce qu’on veut qu’ils racontent quelque chose, qu’ils produisent des choses ?

Louis :
Avec les classes de SES [Sciences Économiques et Sociales] j’ai travaillé sur les modes d’organisation de la planète pour la prise de positions collectives dans le futur, quels modèles économiques, quels types d’échanges commerciaux et diplomatiques entre les communautés, quels types de travail et d’emploi. Dans toutes mes interventions généralement, je parle de comment on va habiter dans le futur (surtout avec les petites classes), et comment on va se déplacer, se transporter entre les endroits. Je m’intéresse à l’Intelligence Artificielle et j’ai donc pas mal parlé de la génération d’images par l’IA qui n’était pas très en rapport avec le projet du Conte, mais qui m’intéressait à ce moment-là.

Delphine :
Avec une classe, on avait produit des procès. Ils travaillaient en petits groupes, ils avaient le droit de prendre leur téléphone, mais pas pour aller là où ils vont d’habitude, mais pour aller sur des moteurs de recherche, à la recherche de procès. Donc il fallait une victime, un coupable et un procès, une cause. Et il y a des filles très bien fringuées, qui sont venues pour faire le procès de Zara, H&M et ASOS, génial ! Et je leur disais, « Vous le direz à vos copines ». Elles ont découvert (et je l’ai appris d’elles) que ce sont les Ouïgours de Chine qui font toutes ces fringues dans une pauvreté extrême et tout le monde ici les achète. « Moi, tu vois, j’achète les fringues sur Vinted et il y a plein de fringues à acheter, c’est dingue ! [Murmuré :] Et en fait tout le monde achète ses fringues là-dessus quoi. [Voix forte :] Ç’est à très bas prix. » Donc elles ont découvert ça, et je trouve ça chouette aussi que les gosses se mettent en petits groupes et cherchent sur leur téléphone, parce que c’est un outil qu’ils ont tout le temps. Tout le monde a un téléphone, quand on dit « Prenez votre téléphone », il n’y a pas un qui dit, « Mais moi, je n’ai pas de téléphone ». Par contre ils ne sont jamais allés chercher ce genre de choses, ils sont juste sur les réseaux sociaux, ils ne vont pas s’en servir pour autre chose.

Louis :
A certains moments, Delphine et moi étions ensemble devant une classe, mais la plupart du temps en solo avec les classes. Et c’étaient des interventions très courtes, les plus longues duraient trois heures. Donc j’ai fait un aller-et-retour : je suis resté une semaine, et je suis retourné à Lyon, six heures de train, puis je suis retourné là-bas pour deux jours pendant lesquels on a fait cinq représentations, un marathon de fous. Yovan nous a rejoints à ce moment-là. Lors des performances, j’ai intégré tous les dessins que les élèves avaient faits.

Delphine :
L’éducation artistique m’intéresse beaucoup. Avec les enfants du primaire, je n’ai fait que de leur raconter des histoires, parce que c’est qu’ils voulaient. J’ai essayé de reprendre les bases du spectacle. Ils ont fait quand même du dessin, ils adorent les dessins, les gamins. En fait, on ne leur raconte pas tant que ça. J’ai commencé par leur demander : « Si vous deviez faire de grands procès pour que le monde soit meilleur demain, qu’est-ce que ça serait ? Qu’est-ce qu’on peut imaginer ? »

Louis :
Les élèves avaient essentiellement à dessiner des choses. En amont, les professeurs avaient travaillé sur le projet, sur les avatars du futur, leur habitat, les élèves avaient déjà commencé à décrire ces choses, ils ont dessiné leur habitat du futur, leurs personnages du futur (etc.) et je les ai intégrés dans les dessins de Maxime. Ça m’a donné énormément de travail ! Je ne le referai plus jamais ! Ça m’a pris dix heures de détourage, je ne sais pas combien de milliers de dessins, c’était insupportable. Enfin « insupportable », ce n’était pas insupportable, mais ça m’a vraiment fatigué. Après, ça m’a permis de recalibrer mes interventions, en me disant : « Ah ! Un seul dessin par classe ! »

Delphine :
Alors, on a eu toute cette discussion sur la peine de mort, ça a été terrible ! Ils étaient tous pour la peine de mort. C’est compliqué, hein ! Du coup on a passé une séance entière à discuter de ça. En fait, aujourd’hui on ne parle plus de la peine de mort dans les écoles, les profs m’ont dit qu’ils ne le faisaient plus. Moi à l’école, on m’a bassiné sur la peine de mort. On en parlait beaucoup, on a lu des textes, “na-na-na na-na-na”, Victor Hugo, “ta-ta-ti ta-ta-ta”. Aujourd’hui on n’en parle plus, donc les gamins, ils écoutent des émissions à la télé.

 

Scène 2 : dans une classe avec Delphine

Une élève : J’ai vu à la télé un gars qui racontait qu’une fille avait été violentée, et que le coupable, on ferait mieux de le pendre.

Une élève : Il a raison.

Un autre élève : Oui, il a raison.

D’autres élèves : Il a raison !

Une autre élève : Il y en a qui font de la prison, ça ne sert à rien, ils sont trop heureux en prison.

Delphine : Ah ! oui comment tu sais qu’il est bien en prison ? T’es déjà allé en prison ?

L’élève : Non mais je veux dire, en prison il a à manger, il a à boire, il a un toit.

Delphine : Et toi si tu étais accusé d’avoir violenté quelqu’un mais que ce n’était pas toi, mais que tout le monde dit que c’est toi, et que t’allais en prison ?

Un élève : Ah ben non ! mais pas moi, ça ne peut pas m’arriver !

Delphine : Ah oui ?

L’élève : Non.

Delphine : Ça ne peut pas arriver à toi, hein, ça n’arrive qu’aux autres !

Une élève : Les autres, ce n’est pas grave si ça arrive aux autres.

 

Delphine :
Les professeurs m’ont dit par la suite qu’en fait, ça a fait du bien d’en parler parce que ce sont des choses qu’ils gardent pour eux. Donc ils ne disent rien à personne, ils sont sûrs d’eux, ils sont sûrs de leurs petites conceptions. Et du coup, d’en discuter, ça bouge les choses. Mais du coup c’est difficile à amener parce qu’il ne faut pas non plus juger ce qu’ils disent, justement un espace de parole c’est un espace où on laisse parler. Et il y a des perles dans ce qui est dit comme : « Non, mais ils devraient s’arrêter à l’iPhone X et après ça ils devraient arrêter d’en faire. » J’ai dit : « Oui d’accord. »

Le fait que je n’ai pas aimé le lycée, d’avoir été en marge, est la cause que je n’ai pas d’a priori sur les élèves. À la limite, parfois je trouve ceux qui sont en marge les plus intéressants, pourtant ce sont tous les élèves qui m’intéressent. Comme je n’ai pas une grande estime de moi, je n’ai pas de préjugements comme en ont parfois les intellectuels face à ceux qui n’arrivent pas. Et à cela, j’y tiens beaucoup. Ce que je retiens du cirque, c’est la position du corps : c’est que déjà, on s’assied, on met les pieds sur le sol, on a tous le dos droit et puis on est là tous ensemble. On n’est pas comme ça [elle montre une position avachie], s’il y en a qui veulent vraiment rester comme ça, ce n’est pas grave. Mais, je veux dire qu’on est là, présent, avec son corps et puis il y’a le travail de respiration, le travail de rester le dos droit, de lancer ce qu’on veut dire là où on veut le dire – [murmuré] parce que si on parle comme ça, personne ne comprend rien – [voix normale] et du coup, ça leur sert aussi à l’école après, parce que quand ils passeront l’oral, le grand oral, ils sauront parler. Au départ, on va juste dire leur prénom et puis leur demander s’il y en a qui sont gênés pour parler en public, parce qu’il y en a qui le sont et d’autres qui ne le sont pas du tout. Il ne faut pas laisser parler tout le temps ces derniers alors que ceux qui ne parlent pas restent silencieux, donc il faut gérer cet aspect et puis fixer des règles. Je mets des règles dès le départ : on ne se moque de personne ici, on a le droit de dire ce qu’on veut, ça ne sort pas de cette salle, ça reste entre nous. On peut discuter, mais on n’est pas là pour dire n’importe quoi, c’est un espace de liberté, on respecte les autres, pas de moquerie, je ne le supporte pas. C’est plutôt le cirque qui m’a apporté cette posture qui implique beaucoup le travail du corps, et c’est aussi le conte où le travail du corps est lié à la parole. Et puis, je leur raconte des histoires et je leur demande ce qu’ils en pensent. Évidemment, je ne vais pas raconter les mêmes histoires aux ados et aux primaires.

On a travaillé avec les partenaires, les instits. Par exemple, on a bossé avec une professeure d’espagnol. Donc je les ai mis en cercle et puis on a cherché des mots pour imaginer en espagnol, par exemple, le Propel Stretch. Je leur ai expliqué ce que c’était et puis ils ont commencé à chercher dans le dictionnaire, ils se sont éclatés. Moi je ne sais pas du tout parler espagnol, donc ils essayaient de prononcer des choses, et je leur disais : « Comment ça se dit ? Ça je ne connais pas ». Donc les gosses essayaient de le dire. Et là, la prof m’a dit : « Les cours d’espagnol n’ont jamais été aussi bénéfiques que celui d’aujourd’hui ». Parce que c’est une autre approche, on a cherché un vocabulaire pour des habitats du futur en espagnol. Tout est possible en fait.

Maxime :
Il y a eu une résidence à Hennebont avec des lycéens, je n’y étais pas, et je pense que ça a dû avoir une influence sur l’écriture, parce que Louis en est revenu en me disant : « Ils ont lâché des idées incroyables, ça nous a donné plein de pistes ». Donc, ça a peut-être orienté un petit peu l’histoire, mais ils ont aussi beaucoup dessiné. Et cela ne correspondait pas complètement à ma pratique, parce qu’il ne faut quand même pas oublier que le dessin est une pratique solitaire qui se fait avant de pouvoir se retrouver en collectif. Je pense que les musiciens ne sont pas aussi solitaires, parce qu’il y a des temps de répétitions, il y a effectivement des temps de pratique personnelle, mais je pense que le collectif intervient plus souvent. Je travaille en solitaire avant d’apporter de nouvelles briques au travail collectif de l’équipe.

 

34. Les résidences (suite) : Paris, Nantes.

Louis :
La prochaine résidence a eu lieu à Paris, à la Cité des Sciences. C’était une résidence de cinq jours et je n’avais fait un planning que pour le premier jour :

 

9h. : Installation
10h.: Internet test
11h.: Video test
12h. : Lighting test
13h. : Pause déjeuner

 

Ah ! oui et là, il y avait Émilie Baillard qui est une metteuse en scène, je lui ai demandé d’avoir un regard extérieur sur les déplacements de Delphine sur scène. Elle est venue, et ça nous aurait demandé une résidence entière alors qu’elle n’est restée qu’une journée et on avait plein d’autres trucs à faire. À Paris on n’arrive à montrer que trois minutes ou quatre minutes de plus.

 

Scène 1 : Delphine et Louis

Louis : Bon ! Il va falloir qu’on avance, hop !

Delphine : Oui, allons-y.

Louis : Il va falloir qu’on avance un peu, parce que c’est chaud là, on n’a pas réussi trop à avancer depuis la dernière fois, il faut qu’on finisse l’histoire pour Nantes. C’est notre dernière résidence dans le cadre de l’Appel à projets immersifs de l’AADN.

Delphine : On peut se revoir avant d’aller à Nantes.

Louis : Il faudrait envisager deux résidences d’écriture de deux jours à Lyon.

Delphine : Je peux venir à Lyon parce que je prends des cours. On peut essayer d’arriver à la fin de l’histoire.

 

Louis :
À Nantes, Yovan, Delphine et moi sommes présents tout le temps. Et là, les journées n’étaient pas organisées très précisément, comme d’habitude je crois que j’avais fait un planning un peu complet. Et là on enchaîne bien le conte de bout en bout, parce qu’on arrive à la fin. Les deux derniers jours on fait deux restitutions publiques le jeudi soir et le vendredi soir, avec la totalité du spectacle, même s’il nous manque encore des dessins, même si Delphine lit son texte. Peut-être que je ne l’ai pas mentionné jusqu’à présent, mais il faut souligner le travail énorme qu’a fait Delphine. À Nantes, les journées de travail ne se terminaient pas à 18 h. mais bien plus tard dans la soirée. Il y a beaucoup de moments où Delphine et Yovan ont travaillé ensemble, pendant que je suis en galère avec mes dessins, et du coup je n’ai pas le temps de faire des choses avec eux. Ce qui est super avec Yovan, en tant que musicien, c’est qu’il a un sens du rythme, et du coup, il peut dire à Delphine :

Yovan :
Là, tu vois, quand je joue ça, toi il faut que tu dises ça.

Louis :
Et il fait beaucoup d’allers-et-retours avec Delphine là-dessus. Il y a beaucoup de moment où il doit caler des trucs.

Yovan :
Ah ! non, c’est là ! exactement !

Louis :
Ils se font des enchaînements de la pièce tous les deux. Pendant les répétitions, je travaille souvent sur des dessins qui n’ont rien à voir avec ce qu’ils sont en train de faire. Souvent, je travaille beaucoup tout seul, j’ai beaucoup de moments où je dois caler des choses qui ne marchent pas, je refais, ça ne marche pas, je refais… ça ne marche pas ! Au bout d’un moment, ça finit par marcher.

 

Louis Clément, poste de travil en résidence (Conte d'un futur commun)  
Louis Clément, poste de travil en performance (Conte d'un futur commun)
Le poste de travail de Louis, résidence (3 mai 2023), performance (31 mai 2024)
(photos Nicolas Sidoroff).

Louis :
De temps en temps j’appelle Maxime. Et je dois m’occuper de tout le reste aussi : l’animation des dessins, la vidéo, tout ce qui fait partie de la participation du public, je cale à chaque fois ce qui va apparaître sur les téléphones portables, ce qui va apparaître sur l’écran, tous les changements que cela implique, parce que ça change tout le temps au fur et à mesure, il faut changer les questions adressées au public, il faut changer l’interface, etc. Il y a plein de choses à changer avec le Live Drawing que je connais maintenant très bien. Et je fais aussi la lumière. Ça fait beaucoup de choses à faire, et c’est moi qui gère la technique, par exemple c’est moi qui gère le son de Yovan quand ça ne marche pas. Enfin lui, il regarde, il fait des choses, mais généralement c’est moi qui vais mettre les mains dedans.

Yovan :
Louis met aussi la main à la pâte, sinon ça ne marcherait pas. On le sait maintenant que pour un spectacle comme ça, il faut quelqu’un qui soit un permanent pour s’occuper des aspects techniques du son et de la musique, au fond ce n’est pas trop demander. Ce projet m’a permis d’apprendre beaucoup de choses à la fois et franchement, c’est ce qui pour moi était intéressant. Tout l’enjeu à chaque fois c’était de se dire : « Ah ! là, ça n’a pas marché ! » Ça prend une journée de préparation et puis le lendemain, on se remet dans le rythme du spectacle. En fait, à chaque fois, il faut se familiariser avec le lieu, une fois qu’on est bien dans le lieu, qu’on a nos équilibres sonores, tout va bien se passer.

Louis :
Puis voilà, à la fin, je me retrouve souvent tout seul à désinstaller. C’est à moi de remettre les choses en ordre, mais j’ai un peu l’habitude, ça fait partie du rôle du régisseur au début et à la fin après que tout le monde est parti.

Yovan :
On a fait vraiment le truc à trois, parce que le spectacle était toujours en cours d’écriture, enfin, il s’écrivait au fur et à mesure, ce n’était pas une situation genre « bon voilà j’ai écrit ça, maintenant débrouille toi ». Au départ c’est comme ça que j’ai vraiment fait avec le texte de Delphine en composant la musique dessus. C’était une bonne façon de faire mais au bout d’un moment, il devenait urgent de se rencontrer. Les résidences ont été l’occasion de travailler ensemble, notamment à Nantes où le texte n’était pas encore complètement écrit. Delphine ne m’avait rien envoyé avant la résidence, parce que Louis avait l’idée mais il fallait qu’ils se mettent encore d’accord sur ce qui allait vraiment se passer. Louis n’est pas écrivain, il n’est pas auteur, mais il est le responsable du concept du spectacle et il avait besoin de Delphine pour mettre l’histoire en mots. Et vu que je n’avais pas non plus décidé de la musique, j’ai dit : « Je préfère composer avec vous ». Donc, pour la fin du spectacle à Nantes, j’ai travaillé avec eux, je faisais les bruitages avec eux. Et quand ils me demandaient : « Tiens là, par contre, ce serait vraiment bien qu’il y ait un moment de musique », je savais très vite comment produire quelque chose que je réécrirai plus tard à la maison. On a ainsi appris à mieux se connaître. Le projet de Louis, dès le départ, était quand même très ambitieux, parce qu’il avait beaucoup d’idées qu’il a fallu démêler. Et je pense que maintenant qu’on se connaît, on sait ce qui a bien fonctionné et pour un éventuel prochain projet, on saura ce qu’il ne faut pas faire en tout cas, pour gagner du temps.

Louis :
Donc, à la fin de la résidence à Nantes, on est extrêmement contents, parce qu’on a réussi à présenter le spectacle complet au public, avec des retours très positifs.

 

Scène 2 : après le spectacle, Delphine, Louis, l’amie d’Amandine, une personne du public

Une personne du public : Je suis super contente d’être venue parce qu’on voit que c’est possible de changer les choses et ça nous donne envie de faire.

Louis : C’est exactement ce que je voulais. Je suis très content.

L’amie d’Amandine : J’ai trouvé ça super. Mais j’ai voulu inviter plein de collègues, mais ils n’ont pas voulu venir, ils ont dit que c’étaient des trucs écolo.

Delphine : Ah ! bon, comment savent-ils que c’est un truc écolo ?

L’amie d’Amandine : Ben tu as vu la présentation du spectacle ?

Delphine : C’est moi qui ai écrit la présentation.

Louis : Voici le texte : « Ce spectacle est un voyage participatif dans un futur désirable, c’est un conte immersif interprété par une conteuse, le public contribue au déroulement de l’histoire avec les outils numériques, des discussions, des réflexions. Cette œuvre crée des espaces propices pour aborder des thématiques sociétales qui aujourd’hui nous préoccupent : l’injustice, l’écologie et la guerre. »

Delphine : S’il n’y avait eu que la guerre ils seraient venus ! Bon, je ne trouve pas que le texte de présentation soit si évident.

L’amie d’Amandine : Pour quelqu’un qui est écolo, oui ça ne paraît pas écolo, mais pour quelqu’un qui ne l’est pas…

Delphine : D’accord. Et en même temps, je ne comprends pas comment aujourd’hui, à notre époque, on ne peut pas être touché par l’écologie. Je ne comprends pas comment tu peux dire qu’on n’en a rien à foutre. Je suis atterrée par les gens qui disent « Oh ! encore un truc écolo ». Oh je veux dire, t’as vu comment on vit ? T’as vu ce qui risque de nous tomber sur le coin de la figure ? Enfin t’as des enfants ? Même sans avoir d’enfant ? T’aimes les animaux ? T’aimes les fleurs ? Comment peux-tu être aussi indifférent à ça ? Ça me semble vraiment compliqué, ça me semble fou. Après, gauchiste, moi je suis anarchiste depuis longtemps, je fais un spectacle de gauche, bon. Ben c’est vrai que ce sont les riches qui polluent le plus, hein ! Des délires de luxe, là ! Et plus tu grattes, et plus tu… Pour les abeilles, les lobbyistes viennent faire des faux dossiers pour dire « Non, non, non, les pesticides c’est pas du tout mauvais pour les abeilles, il n’y a aucun souci ». Tout le monde sait que c’est faux, que c’est juste une question de pognon et en fait ils continuent avec leurs pesticides contre les abeilles, ils défoncent trop, ils tuent tout.

 

35. Écologie. Delphine.

Delphine :
Aujourd’hui, finalement, je suis peut-être une bourgeoise par rapport à ce que j’étais avant et peut-être que je ne suis pas « tout écolo ». C’est clair. Mais j’essaye de faire le plus que je peux. Mais c’est vrai que je pense que les très riches, c’est à un autre niveau : ce sont des concours de fusée, des bateaux énormes, des avions tous les jours, enfin c’est puant, quoi. Je pense que déjà on pourrait arrêter un peu d’utiliser les pesticides. On ferait juste un peu, déjà ça serait déjà pas mal. Je dénonce Total dans le spectacle. En Ouganda et en Tanzanie, là, c’est terrible, ils défoncent tout. C’est un paradis terrestre la Tanzanie. Il y a des girafes, des éléphants, « prrrrrou gré grog trac troc pèl ». Il y en a qui se rebellent, ils les enferment dans le noir pendant six mois. Et Macron soutient. Et tout le monde soutient, BNP Paribas finance, non mais où est le problème les gars ? C’est affreux. C’est affreux, mais bon ça continue. Après il y a des gens qui dénoncent, moi, j’ai appris ça en regardant l’émission Investigation machin : une fille blonde, les cheveux très courts qui fait des investigations à la Tintin, je ne sais pas comment on dit ça, ce n’est pas écrit quelque part ? [Bruits de pages qui tournent] Bref, du coup, il y a quand même des journalistes qui dénoncent, il y a quand même des choses qui se passent. Je pense que ça va bouger, enfin j’espère.
Le problème c’est que les riches n’en ont justement rien à faire. Étonnamment, ils veulent rester dans leur luxe et ont tellement peur de perdre leur argent. Pourquoi ? C’est dingue. On ne leur demande pas de se retrouver au RSA, hein ! et d’aller balayer le trottoir, comme on demande aux gens au RSA aujourd’hui. Ouais, c’est vrai que moi je viens de très bas, Je viens de pas-de-thune, et peut-être que j’ai cette empathie ou cette compréhension que d’autres n’ont pas parce qu’ils sont nés dans le luxe et qu’ils ne comprennent pas qu’un jour, s’ils n’ont plus ça, ça peut quand même aller, ça peut être une très belle vie sans tout ça. On a presque envie de leur faire des câlins à ces gens : « Ça va bien aller, t’inquiètes pas ! »
J’ai découvert des architectes qui sont incroyables, comme Ferdinand Ludwig. On a cherché des exemples d’architecture, comme l’architecture végétale, c’est-à-dire tous les bâtiments qui sont construits avec des arbres et des plantes. Je n’étais pas trop d’accord avec ça. On en a beaucoup parlé avec Maxime parce que, pour moi, si tu fais des bâtiments avec des arbres, il faut qu’ils soient enracinés dans la terre et souvent dans les bâtiments qu’on voit, les arbres sont dans des pots. Moi qui aime les arbres, qui ai beaucoup lu, je sais que les arbres communiquent par les racines, du coup c’est raté si tu fais ça : ils ne peuvent pas communiquer. Les arbres se protègent de certaines maladies par les racines, par le mycélium, ils s’envoient des informations, s’il y a une bête qui attaque. Un arbre envoie le message : « Vite, protège-toi ! », du coup il meurt, mais pas les autres à côté. Je trouve donc dommage de les mettre dans des pots. Mais de toute façon, ils vont être obligés de mettre des plantes, de la végétation dans les villes, sinon trop de gens vont mourir. C’est clair.

 

Début du conte, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Milieu du conte, 4 mai 2023 (photo Valentin Bisschop).

 

36. Conclusion

Louis :
J’ai monté une équipe de gens qui font bien ce qu’ils font, sinon je n’aurais pas travaillé avec eux. Donc, à partir de là, quand ils proposent quelque chose, je pars du principe qu’ils savent mieux que moi ce qui est bien, parce que c’est leur job. Yovan pareil, je ne l’embête pas sur la musique, je ne vais pas lui dire ce qu’il doit faire… Oh ! si d’ailleurs, je le fais un peu !

Yovan :
Dans ce projet, les personnes n’avaient pas d’exigences particulières, elles me faisaient confiance et m’ont laissé libre de développer mes propres choses. Ça m’a permis de m’exprimer et de continuer à évoluer. J’ai pu adapter la musique à différentes situations, si c’était trop long ou trop court, de décider de ce qui marche et de ce qui marche moins bien. Et après, parfois, Louis et moi, on n’était pas d’accord, il me disait : « Tiens ! là j’aimerais qu’il y ait plus de ça, j’aimerais bien que ça tu le joues en live » ou des choses comme ça. Mais c’était toujours en vue de trouver un terrain d’entente entre nous.

Louis :
Je les titille tous un peu, c’est tout de même un peu mon rôle. Je donne mon avis, puis ils le suivent ou ne le suivent pas. À la base, je donne de grandes directions. Mais globalement je leur laisse 100% de liberté.

 

Saluts et mercis, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Saluts et mercis, 4 mai 2023 (photo Valentin Bisschop).

Maxime :
Quand je dessine, j’ai cette idée toujours d’aller un peu contre ma pratique de l’architecture, il y a vraiment peut-être un, deux ou trois croquis en noir et blanc qui me prennent je dirais deux minutes et après, quand j’en tiens un, j’en fais un croquis en couleur en peut-être cinq minutes et puis, en général, je ne reviens pas trop en arrière. Comme je sais que j’ai un temps limité, je ne fais pas trop de recherche. Assez vite, je me dis : « Là, j’ai vraiment beaucoup de dessins à faire, il faut avancer » et j’aime bien ce côté instinctif. Pas trop de tergiversations, mais aller comme ça, à l’instinct.

Yovan :
Ce que je retiens du travail collectif, c’est que même le négatif nous apprend des choses. À certains moments on se tire les cheveux, mais c’était intéressant en tout cas de travailler dans un planétarium et tout ce que cela implique. J’ai rarement visité ce genre d’endroits, ce ne sont pas des lieux qu’on fréquente tous les jours, je parle pour moi, mais c’était intéressant de voir que ce sont des lieux qui sont très équipés pour le son et la musique (mais aussi du côté du visuel). Et du coup, il y a beaucoup de choses à faire, notamment avec les arts numériques qui est quand même une pratique assez nouvelle. J’ai pas mal d’amis qui se mettent aux arts numériques, il y a tellement de choses qui sont en train de se passer avec ça. Le phénomène va au-delà des performances des artistes numériques, ce sont des choses qui se développent aujourd’hui aussi dans les concerts, dans les concerts de musique électronique, même dans les concerts de rock et de rap, on est dans les textures, dans les lumières, etc. J’ai appris que pour caler à un spectacle qui va peut-être ne durer qu’un quart d’heure, ça va être beaucoup de travail et encore heureux, on n’était que sur des dessins fixes et pas sur des dessins animés. J’ai bien apprécié de découvrir ce genre de travail très minutieux et qui prend un temps très long. Par contre, je pense que l’idéal aurait été d’avoir un maximum de choses déjà posées avant la première résidence, notamment dans l’écriture du conte, pour qu’ensuite, une fois qu’on est dans la phase de création, on puisse aller un maximum dans le détail pendant les répétitions et d’élaguer les choses. On n’a pas eu assez de temps pour faire cela par rapport à ce qui n’allait pas, pour aérer le spectacle. Mais cela va nous servir pour la prochaine fois, c’était plein de découvertes et puis à la fois aussi, de ce qui peut aller mieux, mais c’est le cas dans tous les projets de toute façon. Donc, franchement, il y a en majorité des aspects positifs dans tous les sens, maintenant, et maintenant voilà le spectacle, en espérant que ça tourne un petit peu et qu’on puisse continuer à le peaufiner.

Delphine :
Ce sont de belles rencontres, je suis contente de les avoir rencontrés tous les trois. C’est vraiment chouette d’être avec eux, c’est une équipe qui fonctionne vraiment bien. C’est d’autant plus chouette que ce n’est pas évident de pouvoir travailler avec tout le monde, c’est vrai, ce n’est pas toujours aussi simple. Et là, on s’entend tous très bien, même au niveau de la créativité.
Je relis maintenant mes notes, ça me fait rire. Ce n’est plus du tout ce que je dirais aujourd’hui. C’est drôle.

 

 


Le « Conte d’un futur commun » a été présenté pour la première fois le 18 juin 2023 au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains.

Le Conte d’un futur commun choisit d’explorer de manière collective un futur désirable et les manières d’y parvenir. Spectacle participatif, c’est à l’aide de son smartphone et de sa voix que le public va participer à l’histoire à la manière d’un jeu vidéo. Cette histoire se construit comme une improvisation collective, où chaque participant peut à tout moment la faire dévier ou bifurquer, la bousculer, l’augmenter, la détourner.

Co-production : AADN – Arts & Cultures Numériques à Lyon, Planétarium de Vaulx-en-Velin, Planétarium de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, Stereolux, Planétarium de Nantes, association Antipodes, Pays d’Art et d’Histoire entre Cluny et Tournus.

Avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l’image animée et de la SACEM.

 


1. Marie-France Marbach est une conteuse, directrice artistique du festival Contes Givrés et glotte-trotteuse. Geo Jourdain est le président fondateur de l’association Antipodes et un agitateur d’idées. L’association Antipodes, menée par Geo Jourdain et Marie-France Marbach se trouve à Saint-Marcelin-de-Cray (Bourgogne). https://www.association-antipodes.fr

2. « On retrouve François Pin dans son habit de président de l’association La Carrière de Normandoux, où tout a commencé, sur le lieu qu’il a acquis sur un coup de cœur en 2004 à Tercé, à 20 km de Poitiers ». lejdd.fr/Culture/L-etonnante-carriere-de-Monsieur-Pin-

3. IRFA-Bourgogne is a Training organisation in the Region Bourgogne Franche-Comté since 35 years.

4. L’Atelier du Coin, à Montceau-les-Mines, est un atelier chantier d’insertion. atelierducoin.org

5. Gus Circus de Saint Vallier, Fjep, école de cirque. koifaire.com

6. BIAC : Brevet d’Initiation aux Arts du Cirque, un diplôme pour enseigner les arts du cirque. Voir ffec.asso.fr

7. Nicole Durot. Voir « La Bulle verte » : En 2005, Nicole Durot crée La Bulle verte, une école de cirque réunissant jeunes et adultes valides et handicapés.labulleverte.com

8. Il s’agit de Laurent Fréchuret. Les paroles qui lui sont attribuées ici sont une fiction. Voir Laurent Fréchuret

9. Minuit : Passionné d’architecture, Dorian aka Minuit Digital est un artiste lumière et numérique qui aime entremêler structures physiques et digitales. Minuitt

10. Les Contes Givrés est un festival organisé par l’association Antipodes. association-antipodes.fr

11. Les architectes qui exercent la maîtrise d’œuvre sont tenus responsables des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination pendant les dix années qui suivent la réception des travaux. architectes.org

12. L’Ensemble Aleph est un groupe de musique contemporaine basé à Paris qui a existé de 1983 à 2022. ensemblealeph.com

13. Mapping : « le mapping vidéo est une animation visuelle projetée sur des structures en relief ». fr.wikipedia.org

14. Maxime Touroute : maximetouroute.github.io

15. Théâtre C2 à Torcy en Saône-et-Loire. 71210torcy.fr

16. Jacques Prévert, « L’Autruche », Contes pour enfants pas sages, Illustrations de Laurent Moreau, Paris : Gallimard-jeunesse – Folio Cadet, les classiques N°8, 2018. artpoetique.fr

17. Débruit ((Xavier Thomas) : limitrophe-production.fr

18. « KoKoKo! est un projet né à la faveur d’un tournage documentant la scène contemporaine du Kinshasa underground ». limitrophe-production.fr

19. Julien Lagrange, guitariste, enseigne à l’École de Musique (EMDT) du Clunisois (Saône-et-Loire) la guitare et les ateliers handicap. enclunisois.fr

20. Google : « Avec le format sonore 7.1, un canal central arrière est généré en plus de ces canaux et réparti sur deux autres enceintes (appelées centres arrière). Ce canal, codé dans les canaux d’effets stéréo, permet de mieux localiser les effets et les signaux musicaux directement derrière la position assise. » google.com

21. Laboratoire artistique, le LabLab offre un espace de recherche et de création intégralement équipé pour de nouvelles expériences audiovisuelles, immersives et interactives. polepixel.fr

22. AADN (Arts & Culture Numériques) est une association créée en 2004, elle porte des projets artistiques et culturels qui bousculent les imaginaires et suscitent le désir de fonder une société post-numérique sensible, solidaire et responsable. aadn.org

23. Métavers : « par définition un métavers est un monde virtuel. Le terme est régulièrement utilisé pour décrire une version futuriste d’Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés sont accessibles allant au-delà du monde réel. » wikipedia.org

24. Baptiste Morizot est un philosophe français qui enseigne à l’université d’Aix-Marseille. Ses recherches portent principalement sur les relations entre l’humain et le reste du vivant. wikipedia.org

25. Camille de Toledo est un essayiste et écrivain français vivant à Berlin. Il est aussi plasticien, vidéaste et enseignant à l’ENSAV (La Cambre) à Bruxelles. wikipedia.org

26. Medlay est un concept de média hybride permettant de créer un artefact multimédia pour raconter une histoire et/ou communiquer une idée sur le Web. ranbureand.github.io

27. Resolume Wire est un environnement de patch modulaire basé sur des nœuds pour créer des effets, des mixeurs et des générateurs vidéo. resolume.com

28. Jacques Puech est un chanteur et joueur de cabrette de la musique traditionnelle du Massif Central en France, voir la Novia : la-novia.fr

29. Stems : « Ce qu’on appelle les «Stems», ce sont les différentes pistes sources dans votre projet de production, mais regroupées par section. » loreille.com

30. Notion est une application de prise de notes, de gestion de projet et de collaboration développée par Notion Labs Inc. Wikipédia fr.wikipedia.org

31. Chevagny-Passions est un festival des arts qui a lieu une fois par an à Chevagny-sur-Guye (Saône et Loire). fr.wikipedia.org

32. EAC, Ministère de la Culture : « L’éducation artistique et culturelle (EAC) a pour objectif d’encourager la participation de tous les enfants et les jeunes à la vie artistique et culturelle, par l’acquisition de connaissances, un rapport direct aux œuvres, la rencontre avec des artistes et professionnels de la culture, une pratique artistique ou culturelle. » culture.gouv.fr

On Notational Spaces in Interactive Music

Access to the French translation “Espaces notationnels et œuvres interactives”
 
Go to the English version of the Encounter with Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy:
 
Go to the French version of the « Rencontre avec Vincent-Raphaël Carinola et Jean Geoffroy »:
 


 

On Notational Spaces in Interactive Music

Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy

 

The article “On Notational Spaces in Interactive Music”, by Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy, is available on the International Conference on Technologies for Music Notation & Representation (TENOR) website (see the link bellow). It follows on from the conference organized by PRISM-CNRS in Marseille in May 2022, which published the proceedings, edited by Vincent Tiffon, Jonathan Bell and Charles de Paiva Santana.

 

Abstract

This article presents a reflection on the nature of notational spaces in interactive musical works using digital devices. It builds on the author’s experiences in Toucher (2009) for theremin and computer and Virtual Rhizome (2018) for Smart Hand Computers. In interactive music, notational spaces are correlated to the spatial structure of the dispositif, a notion that must be understood in the sense of an extension of the traditional instrument. That’s why composing a work is equivalent, at least in part, to composing the instrument. The notational spaces — in other words: the places making possible a writing, and thus a musical interpretation — are distributed among the different components of the dispositif. The way in which its digital devices are interconnected (the mapping), the algorithmic logic of the “if-then-else” and the notion of openness play a fundamental role for the composer and the performer. However, in the case of miniaturized (or embedded, or embodied) dispositifs, this spatial structuring of its components seems to be absent and, consequently, questions the existence of a place for composition and interpretation. One of the solutions explored here is to conceive the work as a virtual architecture that recalls a “world” in the field of video games. This architecture, open to a plurality of courses, then assumes the function of a notational space by calling, paradoxically, on techniques of memory specific to orality.

 

Link to the original English text of the article
published by the International Conference on Technologies
for Music Notation & Representation (TENOR)

 

 

Encounter with Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy

Vincent-Raphaël Carinola and Jean-Geoffroy’s contribution is in two parts. On the one hand, a research article, “Espaces notationnels et œuvres interactives”, originally published in English under the title “On Notational Spaces in Interactive Music”, by Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy, in the proceedings of the conference organized by PRISM-CNRS in Marseille (May 2022).
On the other hand, the transcript of a meeting between Vincent-Raphaël Carinola, Jean Geoffroy, Jean-Charles François and Nicolas Sidoroff in Lyon in February 2023.

 

Access to the two parts and their French versions

First part

Access to the article “On Notational Spaces in Interactive Music”
Access to the French translation “Espaces notationnels et œuvres interactives”
 

Second part

Encounter with Carinola, Geoffroy, François, Sidoroff
Access to the French original version of « Rencontre avec Carinola, Geoffroy, François, Sidoroff »

 


 

Encounter with
Jean Geoffroy, Vincent-Raphaël Carinola
and
Jean-Charles François, Nicolas Sidoroff

1erFebruary 2023

Translation from French by
Jean-Charles François

(with the help of Deepl.com)

 

Summary :

1. Origin of the Collaboration
2.1 Toucher Theremin and Agencement
2.2 Toucher, Hands/Ears Correlation
2.3 Toucher, Notation
2.4 Toucher, Form
2.5 Toucher, Process for Appropriating the Piece
3.1 Virtual Rhizome, Smartphones, Primitive Rattle, Virtual Spaces
3.2 Virtual Rhizome, the Path to Virtuosity, Listening
3.3 Virtual Rhizome, a Collaboration Composer/Performer/Computer Music Programmer
3.4 Virtual Rhizome, the “Score”
3.5 To conclude: References to André Boucourechliev and John Cage
 


 

1. Origin of the Collaboration

Jean-Charles François

Could you retrace the story of how you met, how did your collaboration come about, and what was its context?

Vincent-Raphaël Carinola

We already worked with Christophe Lebreton[1] on different projects and although Jean and I had often crossed paths, and I knew and admired his work and his various collaborations with composers, I was looking forward to the opportunity to work with him. The point of departure was all the work they had done, Christophe and Jean, on new electronic interfaces and the role of the performer in relationships to them, Jean will be able to tell you more about these projects in detail.

Jean Geoffroy
The work with smartphones started for me thanks to Christophe, and to a first deviation from the usual applications I had created for Xavier Garcia’s pieces.[2] In 2018, Christophe and I created a structure called LiSiLoG in which we develop all kinds of projects around artistic innovation and transmission, which could be summed up in a phrase by Bram van Velde, a painter in an interview with Charles Juliet: « You have to give an image never seen before ».[3] It’s quite a simple phrase, and yet so difficult to grasp!

For a concert in Seoul, I had selected some applications taking account for their framework, sound possibilities, possible developments and I had written a short text as an introduction to the concert, in which we also played other pieces by Xavier.
What I realized almost immediately was the possibility of recreating spaces that were different from those imagined by Xavier, and it was equally possible to work on a kind of “sound intimacy”, because in fact, there’s nothing “demonstrative” about playing with a smartphone, you have to lead the audience to enter in the space you’re proposing, and thanks to the different applications deviating from usual utilization and used in different ways, it was as if I had in front of me a new instrument.
In this case, everything stems from the sound and the space it suggests, and then you need a narrative that will enable you to keep a relatively clear framework, since without this framework you run the risk of going round in circles, and playing the smartphones like a child with a rattle…
As with the Light Wall System[4] also designed by Christophe, the most interesting thing, besides music itself, is the absolute necessity of working on a narration, on a form. This should be obvious to any performer, but which is sometimes forgotten it in favor of the instrument, its virtuosity, its placement on stage…
With the SmartFaust applications,[5] the main aim was to return to a sound devoid of « artifice », that would enable us to invite the audience into a totally revisited sound universe.

After this concert, Christophe had the idea of taking his work with smartphones a step further, and then he proposed to Vincent to imagine a piece for “Smart-Hand-Computers – SHC”, a term that better represents this interface than the word “smartphone” which is primarily used to designate a telephone.

From the outset, however, the process was different than with Xavier, if only in terms of creating the sounds. The fact of having two SHCs totally independent of each other with the possibility to include aleatoric elements in the piece and above all, work on the writing of the piece itself made it a totally different project from anything I had done before. Moreover, this piece is an opportunity for us (Christophe and I) to imagine other performing frameworks: we developed a solo version with a set-up similar to that of the Light Wall System, and we’re working on a project for two dancers. Virtual Rhizome by Vincent-Raphaël Carinola really functions as a permanent laboratory, which incites us to constantly revisit the work, which is essential for a performer. These three proposals around the same piece raise the question of our relationships with the audience: from a) the intimacy of a solo with two SHC, b) to a form of address to the public within the Light Wall System framework, and c) to a choreographic piece in which dancers are at the same time performing the music with their body movements.
This piece enables us to re-examine the act of interpretation, which in itself is an exciting question that performers I think don’t often enough consider.

 

2.1 Toucher, Theremin and Agencement

Jean-Charles
We can separate the two pieces Toucher and Virtual Rhizome. Toucher involves the theremin, but as I understand it, it’s not at all the traditional theremin where you’re constantly controlling pitch in order to produce melodies with very precise intonation. It’s consequently a very different situation, and I was wondering in what way it involves a fundamental change in comparison to percussion playing, and if there were any particular problems induced with this change of media, this change of instrument?

Vincent-
Raphaël
Toucher is another story. Here too, the initial idea was the relationship with the performer, in this case Claudio Bettinelli.[6] He owned a theremin that we used in a performance piece called Typhon.[7] He suggested to use the theremin by connecting it to a computer, using it as an interface to control image and sound.

Following this first experience we wondered whether it would be interesting to write a work for this “instrument”, bearing in mind that from the moment the theremin is connected to a computer, the instrument is definitively no longer a theremin (the more so since its original sound is never heard). The instrument is the theremin connected to a computer, to sounds and sound processing modules distributed around the audience. This is partly the subject matter of the article « On Notational Spaces in Interactive Music »:[8] here the instrument becomes a playing system. What we consider to be the instrument, the theremin, is just one part of the system, which is in fact the “true” instrument. The theremin is equipped with antennas that capture the performer’s gestures, lamps or electronic circuitry that generate a sound that varies according to the distance of the hands from the antennas and, sometimes, in the same cabinet, a loudspeaker is included. This is like electric guitars, there is a kind of amplifier that can be more or less close to the musician. What interests me here is the possibility to dissociate the organological elements of the instrument and turn each component into a writing support. The performer is then confronted with a sort of fragmented object within a system. On the one hand, the performer has to deal with an instrument very different from the traditional one, since he/she doesn’t control everything because part of the sounds are generated by the computer – so, he/she is playing an instrument that has the ability to function on its own – and, on the other hand, the performer has to follow a score which is not entirely constituted by notation on staves. The score also includes the computer program, which contains the sounds I have generated, integrated into the computer’s memory. So, the score itself is scattered across the whole range of media supports: the graphic score of the gestures, that of sounds, the computer program, the interactive programs, and even the “mapping”, that is, the way in which the interface is correlated with the sounds and with the unfolding of the piece in time.

This is why the performer’s work is quite different from that of a performer who is playing an instrument with which he forms a single body, since with this new instrument – as a system – the body tends to be separated from the direct sound production. One part of the way the instrument functions escapes him/her. The performer doesn’t always control the totality of the sounds (since I am the one who generated them as well as the sound processing modules). Moreover, the computer can also function automatically. That’s what’s so interesting, because it means that the way the performer can adapt to the system becomes in itself an object of creation, the object of the composition, and that’s what’s so beautiful. The performer cannot be considered as someone who appropriates a piece fixed on a support, external to her/him, and which she/he then comes to interpret: he/she is part of the work, one component of this “composed” ensemble of interfaces, the computer, the fixed sounds, him, her, the musician, her/his corporeal presence on stage, etc. We face the same type of problem with Virtual Rhizome but addressed in a very different and very strange way.

Here is the video of the version of Toucher by Claudio Bettinelli :
 

 

Jean
With Toucher, Vincent is right, it’s a question of building the space and consequently becoming part of a system, which itself partly escapes you. This is a really fascinating situation that forces you to be at the same time interpreter and “learner” all at once in real time. You have above all to develop a certain quality of listening, which is not based on expectation but on surprise. That’s what I’ve learned with these two pieces, even if I started by Virtual Rhizomes and then turned to Toucher.
The fact that the situation in which you find yourself partly escapes us could mean some sort of comfort for the performer, but on the contrary, it really disturbed me. This project allowed me to find myself really at the center, first and foremost as a “listener” before being a performer. This requires concentration, to pay attention to all the sound events that you generate, as well as those that you don’t necessarily control and that you need to appropriate and integrate into your “narrative”.
What makes this attitude more sensitive is the fact that, with these instruments, everything seems simple, because just in relation with a movement. Even though the theremin is extremely technical, each person develops his/her own technique, an attitude linked to a form of inner listening to sound, listening that does not pass exclusively through your ears but also through the body.

Vincent-
Raphaël

In fact, what’s very complicated for me with interactive systems in general is that, if everything is determined, that is if the performer can control each sound produced by the machine, she/he becomes some sort of “operator”. The computer takes no initiative, everything must be determined by conditional logic: if-then-else. The computer is incapable of reacting or adapting to the situation, it only does what it’s asked to do, with a very… binary logic. Everything it does, the way it reacts, is limited by the instructions specified in the software program. That’s why you never have the same relationship with the digital instrument as you do with an acoustic one, in which there is a resistance, a physical constraint, linked to the nature of the instrument, which structures gestures and allows the emergence of expression. That’s why the idea of simulating an instrument that escapes the musician’s control, forces the performer to be in a very attentive listening, to be literally on the look-out, to strain the ear, to charge listening with tension. I think that if you want – I don’t know if it’s possible – to be able to find something equivalent to an expression – when I say “expression”, I don’t mean romantic expression or anything like that, it’s something proper to the musician on stage, to the performer, something that belongs only to him or her – you have to find new ways of making it emerge in interaction with the systems, that’s somewhat the idea of inviting the performer to “stretch the ear”.

Jean
I’d like to add one little thing: when you speak of tension, it’s for the performer and it’s also the case for the audience. Because ultimately, there are no predicable gestures in the sense that when a violinist takes her/his bow, moving it towards the strings, everyone expects to hear a violin sound, whereas with the theremin, even if one gets nearer to the antenna, you never know when or what sort of sound will be produced. In addition, before the actual beginning the piece, I proposed an introduction in silence, precisely so that the attention of the audience would be drawn to this silent gesture which would then reveal an unexpected sound. The idea to put the public in this state of listening/searching/waiting… ultimately making them “actors” of this shared artistic moment. Effectively, something is at stake, raising tension, something is at play, at that very moment.

 

2.2 Toucher, Hand/Ear Correlations

Jean-Charles
In the article “On Notational Spaces in Interactive Music”, you mention “a hand/ear correlation of great requirement”.[8] What do you mean by requirement concerning the hand?

Vincent-
Raphaël
You could say that it is the requirement of the meaning you give to the sound and therefore to the expressive movement of the hand that produces it, but it’s also the structurating of a space that is drawn around the theremin, making possible gestures that have meaning in themselves, a choreography you could say.
Then there’s also the process of interaction, on what actual parameters is it possible to act, a volume, a sound form? From there on, you have your “playground” where the hand can develop its movements, intuitively at first, then by exploring the relationship between sound and gesture to give it a singular form of coherence.

Jean
First and foremost, there is a sound, and the “response” you have to propose; how spontaneously, intuitively, my body or my hands will interpret that sound, shaping it in a physical form. All this provides a consistency, an expression, a projection, which without the gesture would not at all be the same. It’s quite simple to do this experiment: take a mechanical sound made of “beep, beep, beep, beep”, nobody will listen to it and it’s uninteresting, but if we start to incarnate it, to give it a temporality, a form, a space, it changes everything. That’s exactly what’s at stake in the piece Silence Must Be by Thierry de Mey.[9] At this point, the hand, the gesture, the presence, will give a direction to the sound, will give it a meaning that a priori it doesn’t have. In Toucher, the relationship to sound is far more complex: the gesture must produce the sound while drawing it in space. Claudio’s version is brilliant from this point of view, there’s a real choreography of sound, which results in a sort of totally insane form in terms of space, and relationships to the instrument. Ultimately, it’s all about presence of the sound, and of the performer. Each performer playing the piece will have re-imagine a form that has nevertheless already been written, but that has to be inscribed in a space that needs to be each time reinvented. And it’s the performer’s task to reveal this through a gesture, a movement, a pause, a suspension, something that belongs to the performer. At that precise moment, the gesture embodies that, or at any rate gives an incarnation to an immanent sound, which is not produced in any case by blowing or striking in a way that could be predictable.

Vincent-
Raphaël
That’s really the most appropriate term in my opinion: “immanent”. Unlike acoustic instruments when to produce a sound you need to apply a more or less strong force according to the desired result, with Toucher — but it’s also the case with Virtual Rhizome — you have instruments where it’s as if the music was playing in the background. This bring us back to what I was saying earlier concerning the “automatic” aspect of the instrument. The sound materials are there, the musician doesn’t produce them in the strict sense of the term: the sounds are recorded, the modules are fabricated or programmed, and so on. It’s as if the role of the hand were to dig into the matter and to extract it from a kind of magma. That’s why this reference to immanent music appeals so much to me. The musician searches inside something that’s already there, to make certain points of view emerge. This is evident in certain passages of Toucher with its many layers, and the fact that you might be here or there in relation to the antennae, or that you move the hand in one direction or another, or from one point to another, etc. It’s in some ways as if you were working with a material, as if you were in the process of sculpting it. As you said, Jean, with Claudio, there’s something that pertains to a construction, to the evolution of things: he seeks out one element, then another, and thus shapes the discourse. What was fairly new for me and very surprising in the version Jean played, was that he juggled with all these materials. You got the impression of an erupting volcano, from which emerged a completely splintered universe of magma, lava, basalt fragments… I mean, it was all over the place. And that’s also another way of working the material that I really like. The work of interpretation also consists in becoming one with this apparatus system [dispositif] in a certain way, but in a manner that is completely different from a traditional instrument where everything is determined by the movement of the body. Here, there is a kind of encounter between two logics, the logic of the machine and the logic of the performer, and from this encounter emerges something very interesting..

 

2.3 Toucher, Notation

Jean-Charles
How does the relation to notation function?

Jean
This is a fundamental issue in this type of adventure! And I learned a lot about this question of writing while working on Virtual Rhizome. As performer, you are constantly looking for a framework, for an artistic writing that allows you to enter into the composer’s approach and give concrete substance to a written work. In relation to scores, I’ve often been frustrated. Either it’s too directive (too many injunctions, signs, notes that don’t allow a singular reading, as you are too busy doing what’s written down…) and in that case, you’re looking for some space of interpretation, you say: “But how am I going to breathe?” Or it’s extremely open with all kinds of possibilities of interpretation and approach. I’m not speaking of mf, ralentis, accel. etc., but of words that would enable us to really contextualize a form, a phrasing. Sometimes, the role of the performer is reduced to a minimum, even, from time to time, not really considered by the composer. Or on the contrary, you are into something very (overtly) open which leaves a lot to improvisation and less to form, in any case less in terms of storytelling, of narrative. It’s the in-between that is interesting, having something that’s absolutely written down, absolutely thought out – and we will talk further about this for Virtual Rhizome, but it’s the same for Toucher – but which leaves room for the performer to interact.
Ultimately, the question is: should we play what’s written or what we read?
This approach changes things considerably. In many pieces you have introductory notes that resemble more instruction manuals, sometimes they are needed, but they become a problem when there is nothing else besides!
When You read Stockhausen’s Kontakte, even without having read the introductory notice, you’re capable to hear the energies that he wrote in the electroacoustic part. In Toucher, as in Virtual Rhizome, we have a very precise structure, and at the same time sufficient indications to leave the performer free to listen and make the piece his or her own, keeping with the limits set by the composer. It’s really this alloy between a predicted sound and a gesture, an unstable equilibrium… but it’s the same thing with Bach.
With pieces like Vincent’s, it’s essential to have this intimate perception: what do I really want to sing, ultimately, what do I want to be heard, what pleases me about it? If you adopt exactly the same attitude behind a marimba or a violin or a piano, you will really achieve as performer something that will be singular, corresponding to a true appropriation of the text you are reading. The idea is to make people hear and think, just as they do when a poem is read: what will be interesting will be the multiplication of the poem’s interpretations, each one allowing the poem to be always in the making, very much alive. It’s exactly the same with music.

Vincent-
Raphaël
Here, unlike in classical notation, not all the information is on the score. I know that this has never been the case, that there are historical codes, such as ornamentation, which were not always notated. With these works, it’s even more the case since, as mentioned earlier, there’s one part of the instrument that functions autonomously. The instrument is fragmented into its different components (gesture sensors, sound generators, loudspeakers, etc.) and each component of the instrument is subjected to a writing process. As a result, the score itself is broken down into the different components of the system, such as the computer program, the recorded sounds in the computer memory. If you follow the score and do the gestures exactly as notated, you get nowhere. In fact, in a piece like Toucher – we’ve got enough hindsight now to be able to say this, since it has been played by quite different performers – you have to understand technically how it works, that is, to know what a Max patch is, how the machine functions in interaction, what is a granulator (etc.), in order to play it with ease. By understanding what’s happening, you can better control the instrument, follow the score, and grasp more precisely what is graphically notated. It’s not possible to keep up a traditional attitude of reproducing a certain type of gestures as they are notated by the composer and therefore have to be respected. It doesn’t work like that, it cannot work like that, it’s impossible for the reasons given earlier, because the relationship to the instrument is not at all the same. In Toucher, there is a representation of the gestures and also a notation of what should be heard, indicated with the name of the sounds. But there’s a third notation at the very end of the score: it’s a script that describes what’s happening in each part of the piece. There are 19 parts, it’s relatively easy to memorize and ultimately this is what the performer memorizes most of all. The performer keeps two different things in mind: a) how the instrument works, i.e. how it responds to the musician’s action, how the space around the antennas is organized, what the patch does, the different samples used, etc.; and b) the script, i.e. the successive activation of the instrument’s various components over time.

 

2.4 Toucher, Form

Jean-Charles
Because the 19 situations can occur in different orders?

Vincent-
Raphaël
No, not in Toucher, unlike Virtual Rhizome. In Toucher, the form has a very directional layout. It’s structured in two parts that follow the same outline: it’s as if you were drawing something, first by making dots, then lines, then ornaments within the lines, and then, there is moment when it becomes so complex that you lose the link between the gesture and what you’re hearing. It’s at that moment that appears the “true” sound of the theremin, as if it was saying: “Ah! but here I am, I’m the real instrument.” So, there is a formal order: it begins with number one, then at number two there’s a new element, at three a third one, at four you come back to three, and so on. Therefore, you cannot play it in any order.

Jean
As for me, after having assimilated the different parts, I try to highlight some “pivotal states”, some kind of punctuations that enable me to build my interpretation and therefore my reading of the form of the piece. It’s not a question of telling a story but to convey a sort of narrative in the sense of a trajectory, an inner journey that unfold like the threads between the sounds you reveal, or that you are going to hide. It’s this relationship with sound that we have over time that in the end shapes the narrative. To start with little things, with scraps of sound, and then begin to construct by paying attention to never “losing the audience”, by providing some listening clues. If the performer is really involved in this dynamic of listening to time and space, there will necessarily be something that the public will grasp. It’s clear that in this context, members of the public must also be curious about what is or isn’t going to happen; as the piece progresses, a kind of “co-listening” can be perceived, and from that moment, the sounds become definitively shared by all present. The issue is to get in the same “fragile listening”, between a sort of communicative tension and intense listening, audience, and performer here and now.

Vincent-
Raphaël
In the case of Toucher, you cannot modify the order of the sections, however, each section leaves enough leeway to develop its own particular discourse. This said, all this should flow in a continuity, you cannot stay in one spot for half an hour, because then the whole continuity would disappear. But this possibility to take your time is important in order to rediscover this manner of seeking out the music in the instrument, and letting it emerge. So, it’s important that there’s a certain temporal freedom to be able to do this. Some modules contain a small amount of randomness, sometimes resulting in unpredictable results. Consequently, while the musician is shaping the sound material with the hand, if he/she hears something interesting, unexpected, she/he can repeat it because it’s good and makes him/her happy. In concert, something unexpected might happen: “Ah! well! that’s amazing, I’ve never heard this before, I’ll do it again”. And so, there’s also this kind of opening in the piece that allows to have these pleasant, surprising moments. All the while trying not to succumb to the machine’s charm!

Jean-Charles
To pass from one section to the next, for example from 1. to 2., the timing is controlled by the performer?

Vincent-
Raphaël
Yes. For example, in number 1, in Toucher, you never know precisely what sound is going to appear. You know that there’s a reservoir of vocal sounds, of sighs, there are some that make “pook, bong, zoom” [sons vocaux très courts], and then others much longer that make “paaaaaah” [whispered]. So, if you hear one that’s longer, you have to wait to avoid it being too busy… You could trigger a lot of them, it’s not prohibited to do it, but it wouldn’t make sense. Sometimes it happens that you would add one or two more, or that, I don’t know why, you would want to hold on a little longer, and then, when things are settled down, when they are well in place, you’ll move to number 2, which retains the elements of 1 with an additional variation.

 

2.5 Toucher, Process for Appropriating the Piece

Nicolas
Sidoroff
I was listening to you, but I was also looking at you, because you were making all kinds of interesting gestures. Concerning the way Jean appropriated this score, or this notation, or this work – I don’t know what is the best term to use – how did it start, what did you do and in what order? You said that you’d discussed it a lot with Vincent, so when and how this happened? Was it before, during or after? Or maybe all three? What is the temporal process of appropriating the score?

Jean
As with any piece involving electroacoustics, as far as I am concerned, everything starts with the sound. It’s the composer’s “signature” and that’s what guides me. From there, you start to understand the composer’s space, universe, and it’s a question of finding your place in it, your reading of it, your response to it. For these two pieces, it’s not just a question of playing the sound, but to making it your own. Once you have the idea of the sound space of each one of the parts, you can begin to inhabit these different spaces by giving them your own perception through gesture.

For me, there’s one thing that’s really incredible, it’s the prescience that you can have of a sound, a prescience that is revealed through an attitude, a gesture, a listening. For Virtual Rhizomes, we don’t always know which texture is going to be played, what impact it will have, and the listening and attention that result from this open up incredible horizons because potentially, it compels us to be even more intuitively aware of our own sound sensations. It’s this balance between the attitude of anticipating integral listening, and the notion of form we’ve been working on, that you need to keep in mind, so as not to get into that famous « rattle » Vincent talks about. It’s interesting to think that a texture played that you don’t know a priori will determine the development of this particular sequence, but you still have to give it a particular meaning in terms of space.

During my last years as percussion professor in Lyon, in order to ensure that this particular attention to sound was an essential part in the work on a piece, I wanted no dynamics to appear on the scores I gave to the students, so that they would just relate to the structure, and that the dynamics (their voice) would be completely free during these first readings. At that point, the question of sound and its projection becomes obvious, whereas if you read a written dynamic sign in absolute terms and therefore decontextualized from a global movement, you don’t even think about it, you just repeat a gesture often without paying sufficient attention to the resulting sound.

On the contrary, Toucher and Virtual Rhizome (like other pieces) force us to question these different parameters. For me, Toucher as Virtual Rhizome, are fundamentally methods of music: there are no prerequisites, except to be curious, interested, aware of possibilities, and present! Such freedom offered by these pieces is first and foremost a way of questioning ourselves at all levels: our relationship to form, sound and space, this is why they are true methods of Music. These pieces are proposing a real adventure and an encounter with oneself. On stage, you know pretty much where you want to go, and at the same time everything remains possible, it’s totally exhilarating and at the same time totally stressful.

Nicolas
I have the impression that to work on it, you « squatted » each of the 19 situations, as if they were « houses ». Did you stay in the first house, to use that image, to see what was going on in its corpus, what it was all about, before moving on to the second?

Jean
Exactly.

Nicolas
Or instead, did you do a global reading, saying to yourself: “Ah! there’s a journey to the next house”?

Jean
No, I really proceeded part by part, in any case this is my way of doing things, to manage to find yourself in the best possible way in one space before going on to explore the next. This is what I call “presence”, you must be present, firmly anchored in the ground. With new technologies, we could remain in a form of superficiality, totally focused on representation and the use of effects. That’s precisely what is at issue with these electroacoustic systems, which function somewhat like Pandora’s boxes, with all the dangers this represents in terms of interpretation: do we decide for the instrument or does the instrument decide for us…?

Nicolas
You said a moment ago that you’d seen Claudio’s version? At what moment in the process?

Jean
Afterwards, always after I’ve got a pretty clear idea of what I want to do. I know Claudio well, he was one of my students at the CNSMDL [Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon], he is a very talented musician, with a very Italian, magnificent presence. His version sounds like an evidence. I would be incapable to reproduce what he does, his version being so totally singular and corresponding so perfectly to his personality. If I decided to reproduce what he does, it would be a disaster, it would be ridiculous. And that’s precisely what’s so strong about this piece, there is no right or wrong version, just an exactitude of interpretation. To be exact is something that’s both simple and terribly complicated, as it’s a matter of finding yourself.

Nicolas
The silent gesture that you make before starting the piece, that you mention several times, at what moment in the process of learning the piece does it appears? And do you always keep it, because it’s now part of your interpretation? How does it come about?

Jean
To play in silence just a few gestures is something that’s touched me greatly, ever since I started to play the piece by Thierry de Mey,Silence must Be many years ago. I became aware that creating a gestural space in silence enabled me to concentrate on presence, and presence alone, because there’s no artifice, no virtuosity, only presence. The idea is for the audience, surprised at first, even incredulous, to gradually enter into your discourse, and in the case of Silence Must Be, the clues are given later when I play again the same silent sequence accompanied by a recorded soundtrack. For Toucher, I really like to start in this way, with the difference here that I build a gesture that increases more and more, giving the public a key to reading. The idea behind this is to really “make silence” which is the best way to work on sound, since playing more doesn’t make you hear. On the contrary, it sometimes knocks you down, and very often the more you boost the sound, the more you crush it. Here, the idea is to ensure that the first sound produced by the theremin should be extremely thin, almost at the limit of the audible, and in order to achieve this, a real silence is needed. Once the piece begins, it’s from this dynamic level and initial listening that you are able to develop it further.

Jean-Charles
Apparently, in all this, the notion of recording a given performance raises some questions. Often, for example, in improvisation, you don’t use recording for public release, but as a mirror to listen to what really happened, because there is a difference between listening afterwards and listening while playing. What is the status of recordings in this context?

Vincent-
Raphaël
There is the possibility of video capture, which is part of the working tools, but it’s not simply a sound recording. It is, of course, the trace of an experience, but for those playing the piece, it can also be a working tool, helping to understand how it works. There is also the audio recording itself: it’s pretty funny, because I remember when the piece was broadcasted on the radio, listening to it, I wondered if it was really the piece? What we hear is only one part of the piece. This is why I promote the idea that the works are very particular agency systems, it’s not simply the sound, it is a combination set up between sound, the performer who plays, and the gestures he or she makes. All this carries some sense in Toucher. If you listen to it on a recording, it’s as if you would listen simply to an acousmatic piece. Personally, I was quite satisfied because it sounded good as an acousmatic piece. Except that this piece isn’t based on a fixed support, even so there exists a fixed system, since the computer is there, and the program is fixed on a memory. But each time, it gives rise to a different interpretation, to a new unique projection in time. The video capture makes sense in terms of trace of an event, as with any recording of any work.

Right now, one of my students is practicing the piece. He worked on the available online videos to understand it, to understand its notation, etc., which saves time. But that wasn’t the approach used by Jean, who had another kind of experience. I think that each person deals with it in a certain way. But it’s fair to say that, generally speaking, video has become an accessory to the score.

 
 

 


 

3.1 Virtual Rhizome, Smartphones, Primitive Rattle, Virtual Spaces

Jean-Charles
We can now move on to Virtual Rhizome. In this piece, the interface between the performer and the system set up is achieved through the manipulation of smartphones. To begin with, we’ll go back a little to what has already been discussed: in the article already mentioned, you speak concerning this subject of « hochet primitif » [primitive rattle].[10]

Vincent-R.
[laugh] I like it.

Jean-Charles
It seems to me that this idea is connected in some way to video games, where there are beginners and then virtuosos…

Vincent-R.
… those who win and those who lose…

Jean-Charles
But in video games, it seems that beginners are somehow recognized as respectable in the same way as virtuosos. Is this the case, that is, is the piece still the piece, no matter who plays it, even someone who’s never studied music before?

Vincent-
Raphaël
I don’t know. About this idea of rattle, it’s linked to the issues of interfaces. In Toucher, the link between gesture and sound is completely arbitrary, I chose it myself, it’s a purely contingent relationship. The same gesture, used elsewhere in the piece can produce very different sounds. But the object-theremin is there, with the space around the antennas. There’s everything we were talking about earlier, which structures the musician’s gesture, enabling to play in an expressive way. With smartphones, for me, it was a problem, because in this case, space is no longer an issue, it’s an object reduced to the minimum movement. From the gestural point of view, you can make all the gestures you want, but it’s an object that you’re holding in your hand and with one and the same hand movement you can produce a billion different sounds. So, there was a problem concerning the construction of a discourse, due to the absence of a structured space that would allow you to say: “Well! first I’m here, then I’ll play there, then I’ll move away, I’ll go to…”. In Toucher, , this structured space exists around the antennas. In Light Music by Thierry de Mey,[11] that Jean premiered, there is a light surface, also virtual, you don’t see it, but when he places his hand somewhere, it’s not just anywhere, he places his hand according to the structure of the space. With the smartphone, there’s no structure. It’s a punctual object, almost “incorporated” that can only be shaken. It reminded me of a maracas. Really, all this technology for making the gesture of a maracas, it wasn’t worth doing all that [laugh] This was a big problem for me. I had to think hard to find a solution that seemed appropriate. The solution to the problem was not in any way to try to turn the smartphone into an instrument. That object in itself, isn’t that important – although obviously it is, I’m caricaturing a little – but what’s important is: what is the performer playing? Where is the piece really located?

When you’re playing a video game, you might find yourself in a room or on the street, and then at some point you take a turn, you go to another room or to another street, and then you’re attacked by some aliens, you’ve to react, and then you move on to the next stage. It’s a sort of virtual architecture in which you can move in many different ways. This was precisely the idea in Virtual Rhizome, to depart from the traditional instrumental model, which still exists in Toucher, but which is no longer appropriate here because there’s no space to explore with this object that is the smartphone. And from this came the idea of building a virtual space and using the smartphone as an interface, almost like a compass, enabling you find your way around this architecture. That’s how the two things, the rattle, and the video game, are linked together.

 

3.2 Virtual Rhizome, the Path to Virtuosity: Listening

Jean-Charles
And so, where can we find the path to virtuosity in this piece?

Jean
Listening. Being able not just to listen, but somehow to be the sound…
When I recorded with Vincent the percussion sounds used in Virtual Rhizome, I played almost everything with the fingers, the hands, and that allowed for much more color, dynamics, than if I’d played with sticks. When you’re playing with the hands, there is a particular relationship with the material, especially when you’ve spent your entire life playing with sticks, and in fact, when you’re playing with the hands and fingers your listening is even more “curious”.
Then, in this piece, you need to thoroughly understand the interface and play with it, especially with the possibility of superimposing states that can change with each interpretation. But once again, this is only possible with a clear vision of the overall form, if you don’t want to be overwhelmed by the interface.
Whoever the performer is, there is one common thing, which is this necessity to listen: you hear a sound if you go to the bottom of what it has to say. This means writing an electroacoustic piece in real time, with what you hear inside the sound.

It’s the idea of this interiority that helped develop the interpretation, because at the beginning I was moving a lot on stage, and the more I evolved with the piece, the more intimate, singular and secret this approach became. That’s why on stage there is a counter-light (red if possible) so that the public can only see a shadow, and ideally closes the eyes from time to time…

What’s interesting with the versions with dance is that, ultimately, even if the movements are richer and more diversified, there is really this inner listening that predominates, and forces a certain purity, a choice of intention before the choice of movement, that gives rise with the dancers to totally peculiar listening and embodiment movements.

Vincent-
Raphaël
This version with dance was very impressive, because the three dancers were perfectly in place. I said to myself: “But how could you be in place in something that’s never in place, that’s never the same?” You really had the impression that they were perfectly synchronized with the music. How did they do that? It was touching, yes. Very moving.

Jean
And it was brilliant because the accumulation of possibilities, that is roughly, the layers they had encountered, the sound they knew, or at least they heard. They made up a kind of narrative (it’s exactly the same thing in Toucher), they knew, there was a story in the making, with emphasis on certain things, they had to be in a certain place at a given moment. Their sensibility was extraordinary and above all their intelligence. Really, when you’ve worked in a setting like that, with pieces with such intensity in terms of interpretation, I think there is veritably a huge difference between before and after. Because the usual situation of the choreographs is to dance to music that has already been definitively fixed. Most of the time, during rehearsals, they roughly only repeat things that have already been more or less decided. On the contrary, you have here the idea of a flexible framework that enables you to know where you are situated among an infinity of possibilities. And the three dancers benefitted from it, because we performed it three times and each time it was great.

 

3.3 Virtual Rhizome, a Collaboration Composer/Performer/Computer Music Programmer

Jean-Charles
During the elaboration of the piece, you worked together on recording sessions of voice and percussion sounds. What was the nature of the collaboration between the two of you?

Jean
In any case, it’s Vincent who is the composer. It’s a collaboration, of course, but the distinctive feature of the composer in relation to the performer is to be “ahead of time”, which forces you to move toward what is proposed. The collaboration between composer and performer has always existed, even if it can take different forms depending on the encounters.
With Vincent, everything seemed coherent and flowing, even when we were recording many sounds over the course of a day. Everything was clear to me, and I quickly understood in what sound universe I was going to evolve in, even though I had no idea of the form of the piece, but just knowing the landscape is an essential thing for the performer.

Vincent-
Raphaël
Regarding collaboration, it’s true that I really enjoy writing solo pieces, because it implies a very strong bond with the person playing them. The piece arises from this kind of relationship. In Virtual Rhizome, there was something a little special about the fact that the instruments didn’t exist yet, everything had to be developed. Effectively we had the smartphone, but I spent a lot of time first imagining how to deal with the piece, before working on the sound processing modules, which I did with Christophe Lebreton, bearing in mind that I never work with computer music designers. I had worked with Christophe before, but on projects in which he played an artistic role. In Virtual Rhizome it was the first time he really had the role of computer music programmer. I would make the patches in Max and Christophe encoded them in Faust and then compiled them for iApp. As the tool wasn’t ready, it was difficult to be able to work directly on the piece. And at the same time, with such a piece, a relationship with Jean had to be established. I remember suggesting to Jean something like this: “I don’t know where we’re going, but we need to have some sounds. I would love that the work be a sort of portrait of yourself, and so to start with the instruments you like, the way you approach them, and also for you to play with the hands, without sticks.” Conceptually, in a piece like this, where precisely there is no contact with the instrument, it was interesting that the sounds possess in their deepest being this direct contact with the performer’s body. Lastly, the most personal sound imaginable is the voice. Thus, I asked Jean to come up with a text. In fact, there were two texts: Jean proposed extracts from Proust’s Recherche du temps perdu, and I proposed a text (read in French by Jean) by Jorge Luis Borges taken from « Jardin aux sentiers qui bifurquent » [in Fictions][12]. It’s another Borges-style labyrinthic story that fitted the project very well. And both texts say something of the sensual work of listening, the work on sound matter, the labyrinthic structure of the work. They are there as signatures from which we can sometimes hear a word, a barely audible fragment of Jean’s voice.

You raised the question of virtuosity earlier, Jean-Charles. Speaking then of virtuality or virtuosity, I liked the link you made between the two. The virtuosity here resides in the fact that there are two smartphones, behaving in complete isolation from each other. They don’t communicate with each other. You could play the piece with only one smartphone, in a way. You could switch from one situation to another, forwards and backwards, using a gestural control. With both of them, you can combine any situation with any other one. This means that you have to work extremely hard at listening, precisely because, on the one hand you don’t always know what automatized sequences will appear, the textures, the layers mentioned by Jean, and on the other hand, you have also controlled sounds, played, each of which can be very rich in itself. The use of two smartphones implies a great deal of complexity because of the multitude of possible combinations. This requires working intensely on an inner concentrated listening, to orient yourself in this virtual universe, which precisely has no physical consistency. There’s no score anymore, the score is in the head, it’s like the Palace of Memory in the Middle-Ages, a purely virtual architecture that you have to explore. That’s why I like the way you link these terms of virtuosity and of virtuality, because each depends on the other, in a way.

Jean-Charles
About this collaboration, Jean, do you like to add something?

Jean
I already knew Xavier Garcia’s pieces, so working with smartphones wasn’t a problem for me, on the other hand it was when I started subverting Xavier’s applications that I really realized their potential. It’s essential to know at a minimum how it functions, otherwise you cannot really play it without being overwhelmed by the tool… For there is the risk that the tool could ultimately take up all the space.

Nicolas
What I find interesting is that the question of the PaaLabRes fourth edition is centered on how to report on practices and especially the complex ones that have just been described here. In the case of Virtual Rhizome perhaps more than in Toucher, there are three poles that are fairly well defined in terms of the classical division of labor of the 19th century, when the computer didn’t exist. There is the person who composes, the person who performs, who transforms the composition into actual sounds, and Christophe who is the luthier, who would be a kind of computer technician, I don’t know how to call it. So, the composer provides a piece to be played, something to make music in terms of action verbs, Jean, as a performer learns it and creates something with it, and Christophe’s role is to deliver the computer software with the system included to make it work. And it’s this kind of combination, which is not at all as simple as what I’ve just described. It’s nevertheless a first representation, and if you go a bit to the floor below to see the relationships that are woven between each other, how the fact of having said something at a given moment, of having used this very word, for this precise use, that comes out at a given moment, because we have perhaps heard it pronounced as you got off a bus, might create the conditions of a real collaboration. How can you describe this form of complicity between these three positions which, in a bit simplistic and bestial vision, might seem as extremely separated. We tend to look at things too quickly, but in fact there is an enormous amount of subtleties. At what points does this sort of cooperation between at least the three of you come into play? It’s not IRCAM with the Max MSP and this kind of wider community. I don’t know how to make this clear. I’ve got a few ideas, but I submit this question to you to help us do that.

Jean
I think that it’s a modern version of what existed with Mozart and the basset-horn, Bartok with the pedal timpani, Wagner with the saxhorn… I think these relationships have always existed, and they’re extremely closely interwoven. The luthier, Christophe, takes part in the creation of the piece, he is a structuring factor in the creative process. It’s clear that today we’re no longer in the situation of previous times when the composer completely mastered the tool and was often performing his or her own works, keeping control over the three thirds of the creative process: intuition, writing, realization.
Nowadays, with the presence of set-ups, “agencies” [dispositifs], the notion of writing has completely changed its framework, you have to describe the music and at the same time to develop the electroacoustic set-up process of captation, in real time, that is, building an instrument.
The composer can only partly cover the second third, bearing in mind that lutherie also evolves in the writing process… The only obvious thing is that from beginning to end, there is a spoken word, that of the composer, in terms of: “This I want, that I don’t want”. And for me, this is the alpha and omega of creation, that is, its requirement. The composer provides us, performers, with a material, a discourse, a narrative, a vision, a relevance. It’s not a question of hierarchy, but this kind of spoken word is at the heart of the whole process of encounter and creation.

 

3.4 Virtual Rhizome, the « Score »

Nicolas
In the article (already quoted), there’s figure 3, which is a graphic representation with smartphone 1 and smartphone 2 going from 7 to 8 and coming back to 7, and so on. We wondered if this was a notation of one of the possibilities? Is it in fact something that perhaps Jean never did, that Jean never needed to look at to realize the piece? This figure seems to me a little incompatible with the idea that what is represented here is actually the score indicating what there is to do. So, what exactly does this figure 3 represent?
 
Extract from the score of Virtual Rhizome (example 3 of the article)

Extract from the score of Virtual Rhizome (example 3 of the article).

 

Vincent-
Raphaël
In fact, this is an extract from the score. The score also provides a text of presentation that explains the precise meaning of this notation, which corresponds to a transcription of Jean’s first interpretation. Actually, it’s a possible pathway, but based on the fact that it had already been done. Jean’s interpretation was very good indeed! The recording respects the score absolutely, as it’s been done in other way round… A fair number of things come from his interpretation. At some point, Jean was going back and forth between the two situations… I transcribed this extract you mentioned, which I think corresponds to situations 7 and 8. It makes it explicit that it’s possible to linger in one area of this architecture to explore it, to look at what’s going on around it, and to play with the complexity resulting from combination of the two smartphones. But there are many more ways of exploring it than what’s indicated in the score.

At the top of Figure 3, there’s also a word: “ineluctable”. These terms have been added to produce intentionality. The performer doesn’t just generate sounds, she/he animates them, gives them a soul, literally, and to give them a soul requires an intention, a meaning. It might be a concept, I don’t know, a geometric figure, something that generates intentionality. This is important in the score, but what is notated is actually a possible pathway, and this is the result therefore of the performer’s work, it’s a pathway followed by the performer during the collaboration, and which becomes a possible model for the piece’s realization. It’s interesting to note that it is this pathway that was followed by other performers who played it, as if the form was definitively fixed.

Jean-Charles
Vincent mentioned above that there is no longer a score and that « the score is in your head ». How does this work from your point of view, Jean?

Jean
That’s related to what Vincent said, in a piece like this, the idea of having an infinite number of interpretations is an incredible richness, it’s a bit like analyzing a poem, there will be as many different approaches as there are people reading the poem, which is nevertheless the same for everybody, I love that.

Jean-Charles
This is what Vincent calls “images”? In the text of the article, you can read this: “images totally internalized by the musician”.[13] Are these the words you just mentioned?

Vincent-
Raphaël
Not just these words, but all the sounds and the pathway, everything. An image in the “imaginary” sense, you see, it’s something internalized…

Jean-Charles
It’s not just something visual?

Vincent-
Raphaël
No, it’s internal. But you always have to build an image, so that things can have some consistency and be externalized.

Nicolas
My hypothesis would be that people respect the score, which is given as impossible to respect. In fact, I shouldn’t ask both of you at the same time [laugh]. If someone contacts you, Vincent, who would like to play the piece, what do you begin to tell her or him, what do you send, and so on? Conversely, if a performer comes to see Jean and says: “Ah! I thought it’s great, what do I have to do to be able to play the piece?” What do you give, and what don’t you give, or don’t give right away?

Vincent-
Raphaël
Yes. But there’s included in the score an introductory text, which guides a great deal the work to be done. That’s written down. If someone comes to ask me how to practice the piece, the first thing to say is that you have to work on each situation separately, to understand how it works, because the score isn’t just the notation. The score is also the instrument, the sound processing modules, the choices of recorded sounds, Jean’s voice, it’s the way certain types of controllers were configurated to certain types of parameters, it’s all part of the score. You have to know all that in order to navigate inside it, and, once you know that, then I think you can work on the construction and on the musical aspects. Jean knew all about it because he participated to the creation of the instrument with Christophe, so for him, it was completely obvious. But for someone else, it’s not at all obvious. This was already the case with Toucher, but here perhaps even less so. It’s not easy, because of the conception you have of an instrument on which you act physically, and your gestures produce expected results, and of a score where the intentions are transcribed.

 

3.5 Conclusion: References to André Boucourechliev and John Cage

Jean-Charles
At the end of the article “On Notational spaces and interactive works”, in the conclusion, there are references to Boucourechliev and Cage. Now, listening to what you said, it occurs to me that it’s precisely here a little different because, notably with Cage, there is a fundamental separation between the composer and the performer. The composer defines processes and then passes the relay to the performer to realize the piece without the need for any contact between them. It’s a bit the same with Boucourechliev: the performer can elaborate his or her part of the creative process in with complete independence. Consequently, it seems to me very interesting to refer to this origin of graphic scores from the period 1950-60 (more or less) and compare them with what’s happening today. But at the same time, what you are talking about today seems to me completely different from what happened then.

Vincent-
Raphaël
That’s for sure. But before talking about that, I’d just like to respond to what Nicolas was saying about Christophe’s role in this matter. He’s the designer of the system. His idea of doing something with smartphones was already an important starting point. As is usual when you start something new, at first the ideas tend to be rather vague, you don’t quite know what you can do with them, so you tend to refer to known models. In this case, Christophe’s experience is based on the model of the instrument, among other things. I was a little hasty in talking about his artistic work. He is not only a computer music programmer, but also a creator of interactive systems. And for me, the conception of interactive systems is part of the writing process. I might be the only one to say this, but I think that, fundamentally interactive system design is an integral part of the writing process. There’s a keyword that I like a lot, as it translates quite well this type of experiences: it’s the term of “agencement”. For each new piece, we find ourselves agencing musical functions – performer, composer, luthier – with technical tools, creating each time original agencing. Thus, the difference between Toucher, Bach’s Chaconne and Virtual Rhizome, Rhizome is that each time, there are different agencing between what we consider to be a score, a notation, an instrument, the performer, the composer, the role of each one, the way in which the piece is elaborated, and each time there’s a work, and therefore there’s effectively a composer. The very idea of the work of art, its configuration, the relationships between the composer and the performer, all that, gives way to particular agencements. And for me, the composer who most experimented this during the 20th century was Cage. With Cage, the works – he fabricates works, so he’s effectively a composer, he has that function – are very often particular agencing involving situations, the performer is also a theatre actor, the instruments that have to be chosen, or technical tools, installations, and so on. Obviously, for me, there’s a direct link between Cage’s work and pieces like Virtual Rhizome, in that Cage’s scores often don’t represent a finished work, they are open forms. Above all, the score is a generator of works. If you consider Cage’s Variations, it’s an object designed to produce works, in short, it’s as if you were given a model, an instruction manual designed to fabricate your own, by determining the evolution of parameters and the relationships between them. In fact, Cage proposes technical tools and supports that enable the performer to construct her or his own work. In so doing, he emancipates the performer from the traditional role of interpreter, creating a particular agencing between the performer and the score. And regarding Boucourechliev, there is definitively a link between him and Virtual Rhizome: the score is a sort of navigation map. What I said earlier about virtual architecture applies here, smartphones are like helms that enable you to navigate inside the work. Boucourechliev ‘s Archipels de Boucourechliev is a little like that, appropriately named, it’s a navigation map.

Jean-Charles
We tend to use the word dispositif instead of agencement.

Vincent-
Raphaël
Dispositif”, I used it too, you find it written in the article. Dispositif suits me fine. To dispose, layout, arrange, compose, it speaks, it’s logical. But dispositif has a double meaning. Philosophically, it’s also one of those double-edged terms: Foucault speaks of dispositifs, of imprisonment, of surveillance. And it’s true, one feels it, there’s something about the technical dispositifs which imprisons us. The Deleuzian terms of “agencement” has for me a more open meaning. There is something about agencement compared to dispositif that makes it more open, less oriented. The dispositif has a purpose. The agencement, I don’t really know what it’s for, it remains open to exploration. These are nuances, two complementary points of view of the same process.[14]

Jean-Charles
Thank you to both of you for a very rich encounter. Thank you also to Nicolas.

 


1.Christophe Lebreton : « Musicien et scientifique de formation, il collabore avec Grame depuis 1989. » Musician and educated as a scientist, he collaborates with Grame since 1989.
See: Grame

2. Xavier Garcia, musician, Lyon : Xavier Garcia

3. Charles Juliet, Rencontres avec Bram Van Velde, P.O.L., 1998.

4. « Light Wall System was developed in LiSiLoG by Christophe Lebreton and Jean Geoffroy. See LiSiLoG, Light Wall System

5. SmartFaust is both the title of a participatory concert and the name of a set of applications for smartphones (Android and Iphone) developed by Grame using the Faust language. See Grame, Smart Faust.

6. Claudio Bettinelli, percussionist, Saint-Etienne. See Claudio Bettinelli.

7. Vincent-Raphaël Carinola, Typhon, the work is inspired by Joseph Conrad’s story Typhon. See Grame, Typhon.

8. “On Notational Spaces and Interactive Works”, 2.3, 2nd paragraph.

9. Thierry De Mey, Silence Must Be: “In this piece for solo conductor, Thierry De Mey continues his research into movement at the heart of the musical ‘fact’… The conductor turns towards the audience, takes the beat of his/her heart as pulsation and begins to perform increasingly complex polyrhythms, …3 on 5, 5 on 8, getting close to the golden ratio, she/he traces the contours of a silent, indescribable music…”. Grame

10. “On Notational Spaces and Interactive Works”, op. cit. 3.1.

11. Thierry de Mey, Light music: “musical piece for a ‘solo conductor’, projections and interactive device (first performance March 2004 – Biennale Musiques en Scène/Lyon), performed by Jean Geoffroy, was produced in the Grame studios in Lyon and at the Gmem in Marseille, where Thierry De Mey was in residence.” Grame

12. Jorge Luis Borges, Fictions, trad. P. Verdevoye et N. Ibarra, Paris : Gallimard, 1951, 2014.

13. “On Notational Spaces and Interactive Works”, op. cit. 3.2.

14. See Monique David-Ménard, « Agencements déleuziens, dispositifs foucaldiens », in Rue Descartes 2008/1 (N°59), pp. 43-55 : Rue Descartes

Espaces notationnels et œuvres interactives

Accès à la version originale en anglais: “On Notaional Spaces”
 
Accès à la version en français ; « Rencontre avec Vincent-Raphaël Carinola et Jean Geoffroy »:
 
Accès à la version en anglais : « Encounter with Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy »
 


 

Espaces notationnels et œuvres interactives


Vincent-Raphaël Carinola et Jean Geoffroy

 

Résumé

Cet article présente une réflexion sur la nature des espaces notationnels dans les œuvres musicales interactives faisant appel à des dispositifs numériques. Il prend appui sur les expériences menées par les auteurs dans Toucher (2009) pour thérémine et ordinateur et Virtual Rhizome (2018) pour Smart Hand Computers[1].

Dans les musiques interactives les espaces notationnels sont corrélés à la structuration spatiale du dispositif, notion qu’il faut entendre dans le sens d’une extension de l’instrument traditionnel. C’est pourquoi composer une œuvre équivaut, du moins en partie, à composer l’instrument. Les espaces notationnels, autrement dit, les lieux rendant possible une écriture — et donc une interprétation — sont distribués parmi les différentes composantes du dispositif. La façon dont ses éléments constituant les dispositifs numériques sont interconnectés (le mapping), la logique algorithmique du «if-then-else» et la notion d’ouverture jouent un rôle fondamental pour le compositeur et pour l’interprète.

Or, dans le cas des dispositifs miniaturisés (ou embarqués, ou incorporés), cette structuration spatiale des composantes du dispositif semble absente et, par conséquent, questionne l’existence d’un espace pour la composition et pour l’interprétation. Une des solutions explorée ici consiste à concevoir l’œuvre comme une architecture virtuelle qui rappelle un « monde » dans le domaine des jeux vidéo. Cette architecture, ouverte à une pluralité de parcours, assume alors la fonction d’un espace notationnel en faisant appel, paradoxalement, à des techniques de la mémoire propres à l’oralité.

 

Le texte en version pdf  :

 


1.La notion de Smart Hand Computer est due a Christophe Lebreton. Elle décrit et généralise une des caractéristiques importantes d’outils du quotidien, tels les smartphones, qui regroupent une seul objet une inter- face de captation de geste et un ordinateur. .lisilog.com

Démocratisation de l’informatique musicale

Retour au texte original anglais : Democratisation of Computer Music

 


 

Comment le passé a le don de vous rattraper, ou
La démocratisation de l’informatique musicale,
10 ans après.

Warren Burt

Traduction de l’anglais: Jean-Charles François[1]

 

Warren Burt est compositeur, performeur, fabricant d’instruments, poète sonore, cinéaste, artiste multimédia, écrivain et créateur d’œuvres visuelles et sonores…

 

Sommaire :

1. Introduction – La Conférence internationale 2013 Computer Music
2. 1967-1975 : SUNY Albany et UCSD
3. 1975-1981 : Australie, Plastic Platypus
4. 1981-75 : Micro-ordinateur monocarte à petit budget
5. 1985-2000 : Accessibilité accrue
6. Période post-2000 : L’informalité des trains de banlieue et l’informatique en train sans lieu
7. Aujourd’hui : L’utopie des technologies musicales et les musiciens impertinents
8. Conclusion


 

1. Introduction – Computer Music, La Conférence internationale 2013

En 2013, l’International Computer Music Conference s’est tenue à Perth en Australie. Le comité d’organisation était présidé par Cat Hope[2], qui a eu la gentillesse de m’inviter à prononcer l’un des discours d’ouverture. Le sujet de mon exposé était la « démocratisation » de « l’informatique musicale ». Je mets ces termes entre guillemets, parce que les deux termes faisaient l’objet de controverses (ils le sont toujours), même si leur signification a peut-être changé, voire beaucoup changé, au cours des dix ans qui viennent de s’écouler. Mon exposé s’est situé dans des perspectives australiennes, parce que c’est là que j’ai vécu la plupart du temps pendant les 47 dernières années. Il s’agissait pour moi de faire comprendre au public de ce colloque international, dans quel contexte particulier celui-ci se déroulait. Le contexte culturel de l’Australie est à certains égards très différent et en même temps très proche de ce qui se passe en l’Europe, en Amérique du Nord, ou dans d’autres parties du monde. Je me souviens de Chris Mann, un poète et compositeur, qui, en 1975, en m’accueillant à l’aéroport lors de ma première visite en Australie, m’a dit, « OK, voici ce qu’il faut savoir : on parle la même langue, mais ce n’est pas la même langue ». Les expériences que j’ai vécues au cours des années suivantes m’ont permis de découvrir, dans les détails les plus exquis, les nombreuses nuances qui différencient l’anglais australien des autres versions de la langue anglaise dans le reste du monde. Et en fait, l’anglais parlé par les Australiens il y a cinquante ans n’est pas celui utilisé aujourd’hui. Je me suis probablement trop habitué à la langue au fil du temps, mais beaucoup des caractéristiques uniques de l’anglais-australien que j’avais remarquées à l’époque ont à présent disparues.

Ce que j’ai voulu montrer à l’époque avait un double objectif : premièrement, que les progrès des technologies rendaient les outils de « l’informatique musicale » plus accessibles à un grand nombre de personnes, et deuxièmement, que la définition de ce qu’on considérait alors comme « informatique musicale » était en train de changer. En 2013, Susan Frykberg[3] m’avait posé la question de savoir si je parlais de « démocratisation » ou bien de « commercialisation » ? Cette question m’avait paru pertinente à l’époque. Depuis lors, la prolifération des téléphones portables et autres objets des technologies numériques qu’on peut tenir dans sa main ont rendu son argument initial moins convaincant qu’hier, même s’il garde aujourd’hui son mordant. Avec « le monde » maintenant complètement unifié par des outils de communication miniaturisés, il semble que les technologies ne sont devenues ni démocratisées, ni commercialisées (ou à la fois démocratisées et complètement commercialisées) mais simplement omniprésentes dans notre environnement culturel continu. Richard Letts, le rédacteur en chef de Loudmouth, un magazine électronique consacré à la musique, vient de me demander d’écrire un article sur l’état actuel des technologies musicales. Pour montrer à quel point le secteur des technologies musicales de pointe était partout répandu, j’ai axé mon article sur les technologies musicales disponibles sur l’iPhone, en montrant que la plupart des applications technologiques musicales sophistiquées du passé étaient désormais disponibles, dans une certaine mesure, sur le plus répandu des appareils électroniques grand public.

Le terme « Informatique musicale » a suivi la même voie. En 2013 il faisait référence à la musique expérimentale utilisant des ordinateurs et aux musiques électroniques populaires [dance musics] fabriquée avec des technologies numériques. Il est clair que le nombre de musiques produites à l’aide des technologies musicales s’est encore élargi. Avec humour, j’ai souligné que le périodique mensuel britannique « Computer Music » publiait surtout des articles de type « mode d’emploi » (« tutoriels ») – pour des personnes produisant de la musique de danse « électro » numérique dans leur chambre à coucher plutôt que des articles traitant des aspects les plus subtiles de la synthèse de pointe. Il y a quelques années, Future Music, l’éditeur britannique de « Computer Music », a racheté le magazine américain « Keyboard » et « Electronic Musician », qui de temps en temps publiait des articles sur des sujets intéressant le monde de « l’avant-garde », et aujourd’hui, les deux publications appartenant à « Future Music » ont non seulement des sphères d’intérêt qui se chevauchent, mais certains articles publiés dans l’un apparaissent également dans l’autre. L’accent continue d’être mis sur la musique de pop/dance réalisée à l’aide des technologies commercialement disponibles, mais au fur et à mesure que le temps passe, certains sujets considérés comme marginaux, tels que la synthèse granulaire, sont désormais abordés dans leurs pages, sans que soit généralement mentionnée les personnes qui ont été les pionniers de ces techniques.

Pour montrer combien le terme « informatique musicale » a changé au cours des ans, j’avais inclus dans mon texte original un bref aperçu de ce que j’avais réalisé au cours du temps en expliquant en quoi ces activités s’inscrivaient ou non, aux différentes époques, dans le cadre de « l’informatique musicale ». Ma démarche se voulait humoristique et en grande partie ironique.

 

2. 1967-1975: SUNY Albany et UCSD

Il est temps évoquer un peu mon autobiographie. J’ai pu observer combien le terme d’informatique musicale a changé sans arrêt de sens depuis les années 1960. Pour commencer, selon quelle série télévisée on regardait dans notre enfance, on peut aller voir nos chères machines Waybac ou Tardis. En 1967, j’ai commencé mes études à l’Université d’État de New York à Albany [State University of New York at Albany]. Peu de temps après, le département de musique a installé un système Moog de très grande taille conçu par Joel Chadabe[4], sur lequel un dispositif numérique avait été construit par Bob Moog. Ce système permettait divers types de synchronisations et de déclenchements rythmiques. L’Université avait aussi un centre informatique, où l’on pouvait développer des projets impliquant des piles de cartes perforées traitées en temps différé. Je n’étais pas attiré par les cours d’informatique, mais j’ai été immédiatement attiré par le Moog. Au contraire, deux de mes amis étudiants, Randy Cohen et Rich Gold, ont commencé immédiatement à travailler au centre informatique, en déposant leurs piles de cartes perforées et en attendant très longtemps leurs résultats. Si je me souviens bien, Randy avait écrit un programme pour produire de la poésie expérimentale. J’ai été très enthousiasmé par les résultats de sa démarche qui manipulait le sens et le non-sens des mots d’une manière que je trouvais très habile. Randy, qui s’est lancé peu de temps après dans une carrière d’auteur de comédie, pensait au contraire que la quantité de travail nécessaire pour arriver à un résultat que seuls quelques cinglés comme moi pourraient apprécier, n’en valait pas la chandelle. Ainsi, dès le début de mes études, j’ai eu le pressentiment qu’une division existait entre les « musiciens électroniques » et les « artistes de l’informatique » et tout au moins pour le moment, je me plaçais du côté des « musiciens électroniques ».

En 1967, je suis allé faire des études à l’Université de Californie San Diego, et j’ai très vite été impliqué dans les activités du Center for Music Experiment (CME)[5]. Cette structure incluait en son sein des studios de musique analogique et numérique, ainsi que des projets de danse, de multimédia, de vidéo et de performance art. Il y avait un énorme ordinateur[6] tendrement entretenu par plusieurs de mes amis. Ed Kobrin[7] était alors présent avec son système hybride qui comportait un petit ordinateur qui produisait des contrôles de tension pour des modules analogiques. J’étais responsable d’un petit studio qui avait un synthétiseur Serge[8], un système appelé « Daisy », construit par John Roy et Joel Chadabe (un générateur d’information aléatoire très intéressant) et des modules analogiques construits par un autre de mes collègues, Bruce Rittenbach. On pouvait aussi utiliser des tensions de contrôle issus de la sortie de l’ordinateur principal. Mon propre travail consistait pour l’instant à utiliser des « appareils à commandes manuelles », le monde des « lignes de code » étant pour moi encore trop opaque, même si j’avais travaillé sur plusieurs projets où d’autres personnes généraient des signaux de contrôle avec des « lignes de code » pendant que je manipulais les boutons des « appareils à commandes ». J’ai pu aussi faire le constat de la présence d’une division sociale : alors que moi-même et mes amis chanteur et violoncelliste attendions avec impatience la fin de la journée pour nous rendre à la plage Black’s Beach[9], nos amis informaticiens continuaient à travailler sur leur code, généralement tard dans la nuit. À l’époque, le travail sur ordinateur impliquait nécessairement une certaine obsession qui distinguait les « vrais musiciens informaticiens » du reste « d’entre nous ».

En fait, cette distinction s’avère être un peu ridicule, elle rappelle les sempiternels débats sur les « vrais hommes » ou son alternative non sexiste, la « personne authentique ».

Déjà à l’époque, mon intérêt portait sur l’idée de rendre les technologies plus accessibles. Mes amis de SUNY Albany, Rich Gold et Randy Cohen, qui étaient inscrits dans des études postdoctorales au California Institute of the Arts, m’ont fait connaître les travaux de Serge Tcherepnin et son « People’s Synthesizer Project ». L’idée était de pouvoir disposer d’un kit de synthétiseur pour à peu près 700$ qu’un groupe de personnes pouvait assembler. Le faible coût, l’accessibilité et le fait de faire partie d’un collectif étaient des éléments très attractifs. Par ailleurs, le synthétiseur était conçu par et pour des musiciens évoluant dans le cadre de la musique expérimentale. Le projet comportait également une part importante de ce qui allait être connu sous le nom d’autonomisation [empowerment], c’est-à-dire la possibilité de faire les choses par soi-même en complète autonomie. Au même moment, pour mon projet de maîtrise, j’avais commencé à construire un module de circuits électroniques connu sous le nom d’Aardvarks IV. Constitué de circuits numériques, avec des Convertisseurs Numérique à Analogique [DACs, Digital to Analog Converters] que j’avais moi-même bricolés, je l’ai décrit comme « un modèle intégré d’un programme particulier de composition sur ordinateur ». Mon besoin d’avoir des boutons à tourner – c’est-à-dire, d’avoir un dispositif capable d’être contrôlé physiquement en temps réel – restait une préoccupation majeure. Mon approche de la précision numérique était légèrement idiosyncratique. La singularité et le funk faisaient partie de mon esthétique.

Une illustration de ce qu’est le funk dans la conception de circuits électroniques peut s’observer dans la construction des DACs de Aardvarks IV. En suivant les suggestions de Kenneth Gaburo[10] j’ai utilisé des résistances de très basse qualité dans la fabrication des Convertisseurs Numérique à Analogique.

  plus d’informations sur Aardvarks IV

Au moment où les Convertisseurs Numérique à Analogique étaient considérés comme des dispositifs utilitaires qui devaient être le plus précis possible, dans la conception de ce module, j’ai essayé de traiter un dispositif utilitaire comme une source de variations et d’imprévisibilité créative. Cet intérêt pour l’imprévisibilité créative probablement me différenciait du reste des copains qui travaillaient dans l’arrière-salle du CME. Et en plus, je préférais aller à la plage Black’s Beach plutôt que de me trouver dans l’arrière-salle.

Les ordinateurs de cette époque étaient des monstres très avides, dévorant toutes les ressources se trouvant à proximité. Maintenant qu’ils ont totalement pris le pouvoir sur nos vies, ils peuvent se permettre d’être plus tolérants, mais en ce temps-là, il s’agissait de la survie du plus fort. Quand j’étais à UCSD, CME ne se limitait pas à la recherche sur l’informatique musicale. Le Centre hébergeait en son sein des projets se situant dans beaucoup de domaines différents. Lorsque ma partenaire, Catherine Schieve[11] est arrivée à UCSD au début des années 1980, le CME multidisciplinaire était en passe de devenir exclusivement un centre des arts informatiques, et elle aussi se souvient d’un fossé social entre les personnes travaillant dans l’informatique et le reste des musiciens et musiciennes. Ce qui différenciait aussi les « types de l’informatique » des autres, c’était la quantité de leur production. C’était encore normal pour une personne travaillant sur ordinateur de travailler de longs mois pour produire une pièce courte. Pour ceux et celles parmi nous qui voulaient produire beaucoup, rapidement, travailler uniquement avec des ordinateurs n’était pas la solution. Éventuellement, l’institution du CME a évoluée pour devenir le CRCA, le « Centre for Research into Computers and the Arts ». En 2013, je suis allé visiter le site internet du CRCA, et je me suis aperçu qu’il avait maintenant de nouveau mis l’accent sur la recherche multidisciplinaire, avec des projets assez passionnants. Cependant, j’ai appris par des personnes travaillant à UCSD en 2013 que depuis, le CRCA avait malheureusement fermé ses portes. Encore une institution qui mord la poussière !

 

3. 1975-1981 : Australie, Plastic Platypus

Entre à peu près les années 1980 et aujourd’hui, « l’informatique musicale » est devenue un domaine qui regroupe un très large éventail de points de vue esthétiques. Aujourd’hui, pratiquement le seul facteur commun qui unit ce champ d’activité est l’utilisation de l’électricité et, généralement, d’une sorte d’ordinateur (ou circuit numérique). Mais concernant les styles de musique, nous sommes entrés dans une période où « tout est possible ».

À la fin des années 1970 et au début des années 1980 les choses ont changé. De nouveaux ordinateurs de petite taille ont commencé à apparaître et ont été appliqués aux tâches de production musicale. Plusieurs systèmes très prometteurs ont été construits[12] qui ont consisté à fondamentalement dissimuler l’ordinateur derrière une sorte d’interface musicale conviviale. Au même moment, toute une série de micro-ordinateurs ont fait leur apparition, habituellement sous la forme de kits à construire soi-même. Un fossé s’est rapidement creusé dans le monde de l’informatique musicale entre les « personnes de l’ordinateur central » qui préféraient travailler sur les ordinateurs très onéreux qui existaient dans des institutions et les « adeptes de la performance en temps réel » qui préféraient travailler avec leurs propres petits systèmes, microprocesseurs portables, à la portée de leurs moyens financiers. L’ouvrage de Georgina Born, Rationalizing Culture[13], une étude sur la sociologie de l’IRCAM dans les années 1980, a permis de voir comment George Lewis[14], avec son travail sur micro-ordinateur, a réussi à s’insérer dans le monde de l’IRCAM basé sur l’utilisation d’ordinateurs centraux et la présence de structures hiérarchiques.

En 1975, je suis arrivé en Australie. J’ai mis en place un studio de synthèse analogique et de synthèse vidéo à l’Université La Trobe à Melbourne. Dans cette université, Graham Hair[15] a commencé à travailler sur l’informatique musicale sur un ordinateur PDP-11. En poursuivant mes travaux sur « Aardvarks IV » réalisés à UCSD, je me suis remis à travailler avec des puces numériques. Inspiré par ce qu’avait réalisé Stanley Lunetta[16], j’ai conçu un module, « Aardvarks VII » en utilisant exclusivement des puces compteur/diviseur 4017 et gate puces 4016. Il s’agissait de la forme de conception numérique la plus rudimentaire. Les puces étaient simplement soudées sur des cartes de circuits imprimées. En d’autres termes, la façade en plastique du synthétiseur comportait les connexions de circuit imprimées à l’arrière, et les puces étaient directement soudées sur ces connecteurs imprimés. Pas de mise en mémoire tampon, rien d’autre. Juste des puces. Il était principalement conçu pour travailler avec des fréquences accordées en intonation juste et il m’a permis de jouer avec beaucoup plus de modules. Tout cela en temps réel. L’esthétique du patching restait pour moi le paradigme, basé sur la manipulation physique en temps réel et sur des modules combinatoires. À cette époque, en 1978-79, j’avais l’impression d’être devenu un musicien électronique qui travaillait avec des circuits numériques, mais je n’étais pas encore cette bête rarissime qu’est le « musicien informaticien ».

Simultanément, j’ai été amené à utiliser la technologie la plus rudimentaire – c’est-à-dire l’électronique grand public la moins chère, au bas de l’échelle économique – pour faire de la musique. Ron Nagorcka[17] (que j’avais rencontré pour la première fois à UCSD) et moi-même nous avons formé un groupe nommé Plastic Platypus qui faisait de la musique électronique vivante avec des magnétophones à cassette, des jouets et de la camelote électronique [electronic junk]. Certaines de nos installations étaient très sophistiquées, la nature low-tech et low-fi de nos outils dissimulant une pensée systémique très complexe, mais notre travail est né d’un questionnement idéologique sur la nature de la haute-fidélité. Alors qu’à l’occasion, il était pour nous très agréable de travailler dans des institutions qui pouvaient se payer des haut-parleurs de qualité (etc.), nous étions aussi conscients que les coûts des systèmes audiophiles étaient hors de la portée de beaucoup de gens. Étant donné que l’une des principales raisons pour lesquelles nous avons créé le groupe était de travailler sur les types d’équipement les plus courants afin de montrer que la musique électronique pouvait être accessible au plus grand nombre, nous avons adopté la qualité sonore du magnétophone à cassette, du minuscule haut-parleur suspendu à un fil se balançant, celle du piano jouet ou du xylophone jouet. Comme le disait Ron avec éloquence, « l’essence-même des médias électroniques c’est la distorsion ». La technologie, bien sûr, à la longue allait nous rattraper et l’accès des « masses » à une bonne qualité sonore est devenue une question sans objet vers la fin des années 1980, mais notre travail sérieux avec les problèmes et joies de la technologie de basse qualité entre temps nous a beaucoup amusé.

Ron et moi (et plusieurs autres personnes qui travaillaient alors avec la technologie des cassettes, comme par exemple Ernie Althoff[18] et Graeme Davis[19]) on était généralement d’accord sur la manière d’envisager l’utilisation de cette technologie. Un processus de feedback multigénérationnel, tel que celui illustré dans l’œuvre d’Alvin Luciers, « I Am Sitting in a Room »[20], était à la base d’une grande partie de nos productions. Dans ce processus, un son est produit sur une machine et enregistré simultanément sur une deuxième machine. La seconde machine est ensuite rembobinée et la lecture de cette machine est enregistrée sur la première machine. En répétant plusieurs fois ce processus, il en résulte d’épaisses textures sonores, entourées d’une rétroaction acoustique qui s’accumule progressivement. Dans la pièce de Ron « Atom Bomb », pour deux interprètes et quatre magnétophones à cassette, il a eu l’idée d’ajouter l’action d’avance et de retour rapides des cassettes en cours de lecture pour créer une distribution aléatoire dans le temps des sources sonores au fur et à mesure qu’on les enregistrait. A la fin de cette section, les quatre cassettes étaient rembobinées et rediffusée aux quatre coins de la salle, créant ainsi une « pièce pour bande électroacoustique » quadriphonique que le public avait vu assemblée devant lui. Dans ma pièce « Hebraic Variations », pour alto, deux magnétophones à cassette et haut-parleur portable attaché à une très longue corde, je jouais (ou essayait de jouer) la mélodie de « Summertime » de George Gershwin (je suis un altiste de niveau très insuffisant). Pendant que je jouais la mélodie en boucle sans fin, Ron enregistrait à peu près 30 secondes de mon jeu sur un magnétophone à cassette (« l’enregistreur »), puis il transférait cette bande sur une deuxième machine (le « lecteur »), recommençait à enregistrer sur la première machine, et puis faisait tourner en cercle au-dessus de sa tête le haut-parleur de la seconde machine pendant à peu près une minute. Cela créait des décalages Doppler et une texture plus épaisse par rapport à mon jeu sur l’alto. Après 5 ou 6 cycles de ce procédé, un paysage sonore d’une très grande densité était assemblé, constitué par des glissandi, des notes pas très justes et de nombreux types de clusters sonores. La médiocrité de la technologie liée à celle de ma production se multipliaient mutuellement, créant un monde sonore micro-tonal épais.

L’entente entre Ron et moi dans l’élaboration du répertoire de Plastic Platypus a été presque unanimement parfaite. La composition des pièces a été laissée à la responsabilité de chacun, et ensuite les désirs de chaque compositeur ont été pris en compte du mieux possible. Le niveau de confiance et d’accord entre nous était très élevé. Il y deux ans, Ron a retrouvé des cassettes des performances de Plastic Platypus, il les a copiées et me les a envoyées. Beaucoup de nos anciens moments favoris étaient présents et étaient instantanément reconnaissables. Mais de temps en temps, nous avons été désarçonnés tous les deux à l’écoute d’une pièce – on n’arrivait pas à déterminer qui avait composé la pièce ou à quelle occasion elle avait été enregistrée. Ces pièces étaient peut-être des improvisations qui, par les processus utilisés, obscurcissaient l’identité de qui en était l’auteur.

 
Nogorcka

Ron Nagorcka au Clifton Hill Community Music Centre, 1978

 

En plus de mes travaux sur les synthétiseurs analogues, de la fabrication de mes propres circuits numériques et de mes travaux avec la low-tech, j’ai alors commencé à m’impliquer sérieusement dans l’informatique[21]. Lors de mes séjours aux Etats-Unis, Joel Chadabe m’a permis de travailler gracieusement dans son studio et pour la première fois, j’ai effectivement utilisé un code pour déterminer des évènements musicaux. Les résultats étaient produits presque en temps réel, ce qui donnait satisfaction au « tourneur de boutons » que j’étais. Plus tard, de retour en Australie, en 1979, j’ai travaillé sur le Synclavier à l’Université d’Adélaïde à l’invitation de Tristam Cary[22] et en 1980, à Melbourne, j’ai demandé à avoir accès au Fairlight CMI au Victorian College of the Arts et j’ai appris tous les tenants et les aboutissants de cette machine. J’ai contracté le virus de posséder mon propre système informatique[23]. Mon choix s’est porté sur un micro-ordinateur Rockwell AIM-65. Je me suis donc plongé dans l’apprentissage de cette machine et j’ai construit pour cela ma propre interface de manière extrêmement idiosyncratique. Ensuite, ayant élargi la mémoire du AIM à 32k, j’étais super excité [I was hot]. Il était maintenant possible de réaliser de la synthèse des sons en temps réel (en utilisant des formes d’ondes dérivées du code dans la mémoire). En utilisant le AIM-65 de cette façon et en traitant sa sortie avec le Serge, je pense que j’étais finalement devenu un « musicien informaticien », mais je ne sais pas si j’en étais un « véritable ». Plus précisément, mon approche restait toujours idiosyncratique, et mon penchant pour rendre l’équipement plus accessible à tous en donnant en exemple ma propre démarche (un marxiste aurait un mouvement de répulsion à cette idée) semblait, au moins dans ma tête, me distinguer encore de mon homme de paille mythique, l’élitiste, obsédé par la perfection et la répétabilité, opérateur d’ordinateurs institutionnels qui ne veut toujours pas aller à la plage.

 

4. 1981-75 : Micro-ordinateur monocarte à petit budget

Mes aventures avec le micro-ordinateur mono-carte pas cher m’ont occupé par intermittence pendant les années 1981-85[24]. Les travaux réalisés avec ce système entre 1982 et 1984 ont été regroupés sous le titre d’Aardvarks IX. Un des mouvements a été nommé « Three Part Inventions (1984) ». Il s’agissait d’une pièce semi-improvisée dans laquelle j’utilisais le clavier de mon ordinateur comme un clavier musical. Programmé en FORTH, j’étais capable de réaccorder le clavier sur n’importe quelle gamme micro-tonale en appuyant sur une touche[25]. Dans cette pièce, je combinais mes capacités de « musicien informaticien » avec mon intérêt pour la technologie démocratisée grâce à des coûts abordables et mon intérêt pour les formes de diffusions musicales non publiques. Chaque matin (je pense que c’était en juin 1984) je m’asseyais et j’improvisais une version de la pièce, en enregistrant cette improvisation du matin sur une cassette de haute qualité. Je pense que j’ai réalisé 12 versions uniques de la pièce de cette manière. J’ai aussi réalisé encore une autre version de la pièce, que j’ai enregistrée sur un magnétophone à bobines et je l’ai gardée pour l’utiliser dans la version enregistrée de l’ensemble du cycle. Chacune des 12 versions uniques de la pièce a été envoyée en cadeau à une de mes connaissances. Bien sûr, je n’ai pas gardé trace de quelles versions j’avais amicalement envoyé aux 12 personnes. C’est ainsi que dans cette pièce, j’ai pu combiner mon intérêt pour les systèmes d’intonation micro-tonale, l’improvisation, les processus électroniques en temps réel, l’utilisation des technologies bon marché (ou moins chères) (l’ordinateur AIM et le magnétophone à cassettes), l’art par courrier postal personnel, et les réseaux non publics de distribution de la musique, tout ceci intégré dans une seule pièce. J’ai voulu tout avoir – une recherche sérieuse high-tech et des réseaux d’édition et de distribution prolétaires, réalisés avec des circuits électroniques fabriqués à la maison et une informatique de niveau amateur. Il n’a pas été surprenant de constater que certains de mes amis se situant dans la « sphère haute » de « l’informatique musicale » aient exprimé un certain nombre de points de divergence concernant mes choix dans cette pièce d’instrument, de performance et de diffusion.

Quelques questions à l’époque semblaient pertinentes et, dans une certaine mesure, elles le sont encore aujourd’hui. Une des questions est : « À quel point est-on prêt à construire la totalité des choses par soi-même de la cave au grenier ? » Je pense que la raison pour laquelle on voulait effectuer ce travail de construction était que les équipements étaient onéreux et surtout confinés dans les institutions. Aujourd’hui, on dispose d’un éventail de possibilités allant d’applications limitées ne faisant qu’une seule chose correctement (avec un peu de chance) à des projets dans lesquels on construit soi-même ses propres puces et leur mise en œuvre. Même si les exemples que j’ai donnés sont un peu extrêmes, il s’agit là de l’éventail des choix qui s’offraient à nous à l’époque : le bricolage artisanal ou bien le prêt-à-porter sur catalogue, et dans quelle proportion ?

Une autre question concernait la notion de propriété. Était-on dans la situation d’utiliser les outils de quelqu’un d’autre, que ce soit ceux d’une institution à laquelle on était associé ou l’équipement d’un ami lors d’une visite chez lui ? Ou bien était-ce la situation d’utiliser ses propres outils qu’on avait été capable de développer dans une relation de longue durée ? À ce stade de ma vie, je faisais les deux à la fois. Encouragé par l’exemple de Harry Partch[26],qui pendant mes années à UCSD (1971-75) était encore en vie et installé à San Diego et directement encouragé par mon professeur Kenneth Gaburo, j’ai pris la décision que, même s’il était possible de prendre avantage des facilités offertes par les institutions si elles étaient disponibles, je préférais posséder mon propre équipement. Ce qui voulait dire que j’étais disposé à ce que l’ensemble de mes activités soit déterminé par mon pouvoir d’achat. Ainsi, une exploration intense de la micro-tonalité était rendue possible par les outils disponibles à bas prix (ou que j’avais la capacité de construire), mais une exploration sérieuse du son multicanal n’était pas à l’ordre du jour, parce que je ne pouvais me payer ni l’espace ni les haut-parleurs qu’on pouvait trouver pour cet usage. Pourtant, j’ai pu réaliser des projets utilisant à la fois des haut-parleurs peu orthodoxes et de la spatialisation sonore. Voici deux photos du Grand Ni, une installation à l’Experimental Foundation, Adelaïde (Australie).

 
Grand Ni 1

Warren Burt : Le Grand Ni, Experimental Art Foundation, Adelaïde, 1978, Aardvarks IV (la boîte argentée verticale).
Aardvarks VII (le panneau plat placé devant Aardvarks IV), transducteurs attachés à des panneaux publicitaires en métal utilisés comme haut-parleurs.
Photo : Warren Burt.

 
Grand Ni 2

Le Grand Ni, 1978 – vue sur les panneaux en métal utilisés comme haut-parleurs.
Photo : Warren Burt.

 

Voici un extrait du 5ème mouvement du Grand Ni. Ce mouvement est diffusé par des haut-parleurs normaux, pas par les haut-parleurs en sculpture métallique :

 

Warren Burt, « Le Grand Ni », extrait du 5ème mouvement.

 

Plus récemment, j’ai eu peu d’opportunité de réaliser des travaux impliquant des systèmes de son multicanaux, car je n’ai pas été en situation d’avoir accès à des espaces et du temps pour le faire, mais il y a peu, j’ai reçu une commission du MESS, le Melbourne Electronic Sound Studio, pour composer une pièce pour leur système de son à 8 canaux. Cela a eu lieu en septembre-octobre 2022 et le 8 octobre 2022 à la SubStation, à Newport dans l’Etat de Victoria, j’ai présenté la nouvelle œuvre pour 8 canaux en concert. (Merci beaucoup à MESS pour m’avoir donné l’opportunité de réaliser ce projet et pour l’assistance fournie).

Une autre raison pour disposer de son propre équipement a été – au moins en ce qui me concerne – la nature fragile des relations que j’ai pu avoir avec les institutions. Comme beaucoup d’entre nous, nous avons été mis dans la situation de consacrer plusieurs années à développer des équipements institutionnels, pour ensuite perdre notre emploi dans cette institution. Cette situation en Australie est de plus en plus grave. La plupart des personnes que je connais qui travaillent dans les institutions universitaires ne sont plus que des vacataires avec des contrats renouvelables à l’année. Même le statut « d’employé permanent », déjà fort éloigné des positions avec garantie d’emploi à vie, mais qui est au moins quelque chose, semble être de moins en moins offert. Quant aux Teaching Assistants [étudiants de troisième cycle servant d’assistants à un membre de la faculté] ce n’est plus la peine de les mentionner – ils n’existent plus. En 2012, dans le cadre de mon emploi, j’ai dû faire de la recherche concernant l’état de l’enseignement des technologies musicales en Australie. J’ai découvert qu’à l’échelle nationale, dans la période 1999-2012, 19 institutions avaient soit supprimé leur programme de technologies musicales ou en avaient sévèrement réduit leur budget. Cela ne s’est pas seulement produit dans les petites institutions, mais les grands établissements ont été aussi partout impactés. Par exemple, quatre des principaux chercheurs en informatique musicale travaillant en Australie, David Worrall, Greg Schiemer, Peter McIlwain, et Garth Paine ont tous été licenciés des institutions qu’ils avaient contribué à développer pendant de nombreuses années. Notons qu’il ne s’agit pas de personnes ayant quitté volontairement leur poste universitaire avec un remplacement par une autre personne dans la foulée, mais ce sont les postes eux-mêmes qui ont été supprimés. Étant donné cette situation, ma décision prise il y a plusieurs dizaines d’années de « posséder mon propre studio » est aujourd’hui plus sage que jamais.

Voici une photo qui donne un exemple des résultats de mon « adresse au citoyen » au début des années 1980. Les sons produits lors de la performance incluaient : 1) Cliquetis de crevettes ; 2) Sons électroniques (à hauteurs déterminées) en réponse aux crevettes ; 3) Sizzzz de sons sous-marins de bateaux à moteurs ; 4) Vagues ; 5) Un gong trempé dans de l’eau ; 6) Tortillements d’oscillateurs retraçant l’amplitude de la production sonore d’un hydrophone ; 7) « La Mer » de Debussy jouée sous l’eau et traitée par les vagues ; 8) Les sons produits par le public ; 9) Mes paroles s’adressant au public ; 10) Mouettes. Cette performance qui a duré toute la journée a eu lieu au Festival de St Kilda[27], évènement orienté vers la large participation du public, sur la jetée de St Kilda en 1983.

 
StKilda

Adresse aux « citoyens » : Warren Burt: Natural Rhythm 1983. Hydrophone, water gongs,
Serge, Driscoll et modules bricolés à la maison, Gentle Electric Pitch to Voltage, haut-parleurs Auratone.
St. Kilda Festival, St. Kilda Pier, Melbourne.
Photo : Trevor Dunn.

Au milieu des années 1980, j’ai changé : j’ai commencé à utiliser des ordinateurs commerciaux. J’avais démissionné de l’université à la fin de 1981, et en tant que musicien indépendant, j’avais besoin d’un ordinateur moins onéreux. Le AIM-65 single-board micro-ordinateur que j’ai utilisé de 1981 à 1985, s’est éventuellement avéré ne pas être assez puissant, ni assez fiable, pour ce dont j’avais besoin. Une série de machines basées sur PC-Dos a alors suivi. Pendant tout ce temps-là, j’ai continué à m’intéresser à composer et à utiliser des systèmes de synthèse de manière non conventionnelle. Je me suis beaucoup amusé pendant un certain temps sur US, développé par les Universités d’Iowa et d’Illinois. Wigout de Arun Chandra[28] – une reconstitution de « Sawdust » d’Herbert Brün[29] – s’est avéré également une précieuse ressource. J’ai observé avec enthousiasme mes amies et amis en Angleterre, motivées par la même « éthique de la pauvreté et de l’enthousiasme-pour-l’accessibilité » à laquelle j’adhérais, développer le Composers’ Desktop Project, même si je n’ai pas réellement utilisé le CDP système avant un certain temps. J’ai étudié des programmes plus anciens quand ils étaient disponibles, tels que le PR1 de Gottfried-Michael Koenig [30] qui s’est avéré fertile pour quelques pièces de la fin des années 1990. Et je me suis trouvé dans la situation de m’impliquer avec des développeurs de logiciel et j’ai commencé à faire des tests bêta pour les aider. John Dunn (1943-2018) d’Algorithmic Arts a été l’un de mes plus constants collègues de travail pendant à peu près 23 ans, et j’ai créé un certain nombre d’outils disponibles sur ses programmes SoftStep, ArtWork et Music Wonk.

 

5. 1985-2000 : Technologies plus accessibles<

William Burroughs raconte une anecdote très amusante dans une de ses histoires au sujet d’un voyageur malheureux qui est invité par la Green Nun[31] à « voir le merveilleux travail effectué avec mes patients dans le service psychiatrique ». En entrant dans l’institution son comportement change. « À tout moment, vous devez obtenir la permission pour quitter la pièce ». Etc. Et donc les années ont passé. En ayant conscience du temps qui passe, on arrive maintenant au présent et ce qu’on voit c’est une corne d’abondance de dispositifs pour faire de la musique, de programmes (etc.), tous disponibles à bas coûts, etc.

À un certain moment dans les années 1980, les ordinateurs sont devenus plus petits et ils ont été dotés d’une foison de boutons et de capacités en temps réel, et ont cessé d’être le domaine exclusif de quelques personnes ayant accès à des studios bien dotés pour devenir accessible à pratiquement toutes les personnes intéressées. À condition évidemment d’avoir les connaissances adéquates, le statut social, etc. Et dans cette idée d’un ordinateur avec une pléthore de boutons de contrôle, j’aime bien la conception de l’interface du GRM [Groupe de Recherche Musicale] Tools en France. « Tools » en France. En suivant les idées de Pierre Schaeffer, ce qui a primé dans la conception de ce logiciel, c’est le fait de pouvoir contrôler tous les paramètres de l’extérieur, d’avoir beaucoup de possibilités de passer en douceur d’un réglage à un autre, et d’éviter d’avoir à manipuler une grande quantité de nombres dans le feu de l’action.

À un certain moment, vers (peut-être) la fin des années 1990, le nombre d’oscillateurs mis à disposition n’était plus un problème. La question de l’accessibilité s’est concentrée dès lors sur les moyens de contrôler un grand nombre d’oscillateurs. Je me souviens qu’Andy Hunt à l’Université de York travaillait sur Midigrid, un système mis à la disposition des personnes handicapées pour contrôler les systèmes de musique électronique par rapport à leur mobilité réduite. Le développement de ce système s’est arrêté en 2003. Il se trouve que cette année, une entreprise anglaise, ADSR Systems, a mis sur le marché un produit appelé Midgrid. Au vu de leur vidéo YouTube, je ne pense pas que les deux logiciels ont quoi que ce soit en commun. Et ces deux dernières années, l’équipe du AUMI – Adaptive Use Musical Instruments [Instruments de musique à utilisation adaptée][32] ont fait des avancées considérables pour développer des systèmes de contrôle de la musique pour les tablettes et ordinateurs portables qui rendent l’accès aux contrôles encore plus facile.

De plus, au cours des années 1990, l’accès à la qualité de la diffusion sonore (l’économie de la haute-fidélité) a cessé d’être un problème. C’est-à-dire, la question du désir et du confort est devenue plus importante que les aspects économiques. Les prix des équipements se sont écroulés, pour moins cher, on peut avoir de plus en plus de puissance. De nouveaux paradigmes d’interaction ont fait leur apparition, tels que l’écran tactile et d’autres nouveaux dispositifs de performance, et à peu près tout ce qu’on peut espérer avoir est maintenant disponible à un prix relativement bas. En face de cette abondance, on peut être déconcerté, accablé ou enchanté et se plonger dans l’utilisation de tous ces nouveaux outils, jouets et paradigmes mis à disposition.

Voici quelques photos qui illustrent certains des changements qui ont eu lieu pendant la brève histoire de « l’informatique musicale » :

 
Hrpsch

John Cage, Lejaren Hiller et Illiac 2, University od Illinois, 1968, en train de travailler sur HPSCHD.

 
Android

Les coulisses d’un salon professionnel, Melbourne 2013.
Chacune des tablettes Android travaillant à la sortie de l’ordinateur portable est plus puissante qu’Illiac 2
et coûte infiniment moins cher.
Photo : Catherine Schieve.

 
Mafra

Dispositif informatique par Warren Burt pour « Experience of Marfa » de Catherine Schieve.
Concerts Astra, Melbourne, 1-2 juin 2013.
Deux ordinateurs portables et deux netbooks contrôlés par des unités de contrôles Korg.
Photo: Warren Burt.

 
Marfa2 - Grande

Une autre vue du dispositif informatique de « Experience of Marfa ».
Notez le gong et l’orchestre artisanal de Surti Box derrières les ordinateurs.
Photo : Warren Burt.

 
RandCorp

Cette photo est pour rire.
Il s’agit d’une photo de 1954 de la RAND Corporation montrant comment on pouvait imaginer
à quoi ressemblerait l’ordinateur domestique standard en 2004.

 

6. Période post-2000 : L’informalité des trains de banlieue et l’informatique en train sans lieu

Il y a une ressource néanmoins qui déjà coûtait cher à l’époque, et qui l’est encore plus aujourd’hui. Cette ressource, c’est le temps. Le temps d’apprendre les nouveaux outils/jouets, le temps pour composer des pièces avec les jouets, le temps pour écouter les travaux des autres personnes et que les autres puissent écouter nos œuvres. En Australie, les conditions de travail se sont détériorées et les dépenses ont augmenté, de sorte qu’il faut maintenant travailler plus longtemps pour disposer de moins de ressources. L’époque semble révolue, du moins pour le moment, où l’on pouvait travailler trois jours de la semaine pour gagner assez d’argent pour exister et pouvoir disposer de quelques jours pour travailler sur sa production artistique. Dans notre société complètement dominée par l’économie, le temps consacré à des activités non économiques devient un véritable luxe. Ou bien, comme Kyle Gann l’a exprimé avec éloquence dans son blog Arts.Journal.com Post Classic, blog du 24 août 2013 :

En bref, nous sommes tous, chacun d’entre nous, en train d’essayer de discerner quel genre de musique il est possible de produire de manière satisfaisante, signifiante et/ou utile socialement dans le contexte d’une oligarchie contrôlée par le monde de l’entreprise. Il y a une myriade de réponses possibles, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients sans qu’il y ait pour le moment de preuves d’un côté comme de l’autre. Nous conservons notre idéalisme et faisons le mieux que nous pouvons.

Un autre facteur de l’érosion de notre temps disponible est l’expansion des médias de communication. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais sauf si j’éteins mon portable et mon courrier électronique, il est très rare qu’il y ait une période de plus d’une demi-heure où quelque chose ne réclame pas mon attention urgente, que ce soit sous la forme d’un texte, d’un coup de téléphone, ou d’un courriel. Cet état d’interruption constante du temps de travail, qui ne cesse de diminuer, est la situation dans laquelle beaucoup d’entre nous se trouvent.

Ma propre solution a été d’investir dans l’achat d’un casque supprimant les bruits et d’ordinateurs portables petits mais assez puissants, et après 2016, dans des tablettes, telles que l’iPad Pro, pour pouvoir travailler dans les excellents trains de banlieue de l’État de Victoria. Quand on est entouré de 400 personnes, que le modem est éteint, et que le casque nous empêche d’entendre le téléphone portable, alors on peut disposer d’au moins une heure, à l’aller comme au retour, pour se consacrer de manière ininterrompue à la composition. Cependant, je me demande bien quel est l’effet sur ma musique lorsqu’elle est composée dans un environnement aussi confiné, étroit et hermétique. Je continue à composer de cette manière et j’ai écrit beaucoup de pièces dans cet environnement. Dans cette pièce, « A Bureaucrat Tells the Truth » [Un bureaucrate dit la vérité] tirée des « Cellular Etudes » (2012-13) je combine des échantillons sophistiqués avec des sons bruts à 8 bits reconstruits avec amour dans le softsynth Plogue, Chipsounds :

 

Warren Burt, « A Bureaucrat Tells the Truth »

 

J’ai envoyé cette pièce à David Dunn et voici ses observations :

Une des questions formelles qui m’est venue à l’esprit a été l’idée que les échantillons sonores pour le contrôle midi sont des objets trouvés (de la même manière que tout instrument musical est un objet trouvé) qui portent en eux des constructions culturelles particulières (la tradition). La plupart des compositeurs veulent habituellement qu’une pièce se situe dans une ces traditions (bourges vs. Stanford vs. cage vs. orchestre occidental vs. musiques du monde vs. musiques bruitistes vs. jazz vs. musique spectrale vs. rinky-dink lo-fi diy etc.). C’est le cas généralement de compositeurs qui essaient de limiter leurs choix de timbres de manière à définir un contexte d’association particulier (genre). Dans ces pièces on laisse les cultures divergentes se frotter le nez jusqu’à ce qu’elles saignent. Et c’est vrai. Je veux jouer sur les deux tableaux, ou peut-être sur tous les tableaux. Je ne vois rien de mal à être à la fois hi-tech et lo-tech, à être à la fois complexe et élitiste, ET prolétaire.[33]

Peut-être que ma méthode de composition dans le confinement et l’isolement du train me fait accumuler côte à côte de plus en plus de cultures, tout comme ces personnes dans ce train, issues de tant de cultures, qui se serrent les unes à côté des autres.

La question du temps est donc plus que jamais un problème. L’une des raisons en est l’accélération sur le marché de la mise à disposition de matériels, qui dépasse de beaucoup ma capacité à les interroger sérieusement. L’une de mes stratégies pour composer consiste à étudier un appareil ou un logiciel et de me demander, « Quels en sont les potentiels pour la composition ? » Pas tellement « pour quel usage a-t-il été conçu », mais plutôt « comment peut-il être subverti ? » Ou bien si cela paraît trop romantique, peut-être de se demander, « Qu’est-ce que je peux faire avec cet outil que je n’ai pas déjà fait ? » Et « Quelle est la Structure Profonde contenue dans cet outil ? » En me souvenant des premières années de la musique électroacoustique, quand des gens comme Cage, Grainger et Schaeffer ont utilisé des équipements clairement conçus pour d’autres usages que celui de produire de la musique, je me trouve dans une situation similaire aujourd’hui. Le meilleur magasin de nouvel équipement musical que j’ai trouvé à Melbourne est StoreDJ, qui propose une bonne sélection, des prix modiques et un personnel connaisseur. Alors que Cage et ses amis se procuraient leur équipent dans le monde de la science et de l’armée, je trouve maintenant que je peux me procurer certaines de mes ressources dans l’industrie de la dance-music. Dans une période très récente (2020-22) je me suis impliqué dans la communauté VCV-Rack. Il s’agit d’un groupe de programmeurs, sous la direction d’Andrew Belt (voir aussi Rack 2) qui a construit des modules virtuels qui peuvent être assemblés ensemble, comme les modules analogues étaient utilisés (ils le sont encore aujourd’hui) pour créer des systèmes de composition complexes. J’ai contribué au projet NYSTHI d’Antonio Tuzzi qui fait partie du projet VCV, avec certaines de mes conceptions de circuits. On peut avoir accès à 2500 modules, certains d’entre eux étant des copies de logiciels de modules physiques existants, et d’autres sont des créations originales et uniques qui ouvrent la voie à l’exploration de nouveaux potentiels compositionnels. La distinction évoquée ci-dessus, entre l’industrie de la dance-music et les ressources mises à la disposition du monde de la « musique contemporaine » ou de la « musique expérimentale » a maintenant largement disparue. Il y a tant de nouvelles ressources disponibles, provenant de toutes sortes de concepteurs, avec toutes sortes d’orientations esthétiques, qu’on est submergé par la diversité des choix à faire.

Il y a deux ans j’ai dit en plaisantant qu’il y avait beaucoup trop de post-doctorants japonais dans les écoles d’ingénieurs du son avec beaucoup trop de temps libre pour créer de nombreux plug-ins gratuits intéressants, si bien qu’ils ne me laissaient que peu de possibilités d’être capable de tous les suivre. Maintenant, bien sûr, la situation s’est empirée considérablement, est-ce une bonne chose ? La quantité de ressources disponibles gratuitement, ou à très bas prix, dans le projet VCV Rack ou dans l’écosystème de l’iPad, est telle que je pourrais y passer plusieurs de mes prochaines vies. Et aussi longtemps que je serais capable d’avoir une ouverture d’esprit et une attitude expérimentale, ce sera probablement le cas.

Voici des liens pour regarder deux vidéos, montrant des travaux réalisés il y a une dizaine d’années. La première, « Launching Piece » utilise 5 tablettes numériques[34]. À l’époque, je venais juste de commencer à travailler avec cette installation, et c’était très agréable de sortir de la situation d’être « derrière l’écran de l’ordinateur », et de pouvoir d’avantage s’engager physiquement pendant la performance. Je suis très attaché à ce que Harry Partch appelait la « nature spirituelle et corporelle de l’être humain »[35] fasse intégralement partie de la pratique musicale. La seconde, « Morning at Princess Pier » utilise un iPad dont le son est traité par un vénérable Alesis AirFX pour produire une série d’accords microtonaux ayant une fluidité de timbre. Et en guise de choc du futur (parlons-en !), quand j’ai acheté le AirFX en 2000, je me souviens de m’être moqué de leurs slogans publicitaires – « Le premier instrument de musique du 21e siècle ! » et « parce que maintenant, tout le reste est tellement 20e siècle ! ». Dans les deux pièces, les nouvelles ressources m’ont enfin permis de retrouver une implication plus physique dans ma prestation musicale..

 

Vidéo
Warren Burt “Launching Piece”

 

Vidéo
Warren Burt,
“Morning at Princes Pier”

 

7. Aujourd’hui, qu’en est-il de l’utopie des technologies musicales et des musiciens impertinents ?

J’ai un ami qui est aussi audiophile. Il a un merveilleux système de diffusion sonore avec lequel il passe beaucoup de temps d’écoute. Je lui ai proposé l’idée qu’être audiophile était une activité élitiste, à la fois par rapport au coût des équipements et du fait qu’il pouvait se permettre de prendre le temps d’écouter attentivement les choses. Je lui ai demandé s’il était capable de concevoir un système sonore audiophile que la classe ouvrière pourrait se payer – autrement dit, s’il pouvait concevoir un système sonore audiophile prolétarien. Sa réponse a été grandiose : « Pour qui ? Pour les gens qui dépensent 2000$ pour une télévision à écran plat ? » J’ai dû admettre qu’il avait raison. Les « classes populaires » peuvent dépenser beaucoup d’argent pour se procurer les équipements nécessaires aux divertissements qu’elles souhaitent. Et j’ai décidé que tout comme André Malraux quand il disait qu’il pensait que le marxisme était une volonté de ressentir, de se sentir prolétarien, être un audiophile était aussi une volonté de ressentir, une volonté de ressentir que cela valait la peine d’avoir accès à une haute qualité sonore et à la possibilité de mettre du temps de côté pour l’utilisation de cet équipement.

 
Doonesbury Malraux


– Pardon, mec, est-ce que je peux te poser une question ?
– Ben oui.
– Pourquoi vous, les ouvriers du bâtiment, êtes si ignorants ? Êtes-vous au courant des doctrines marxistes ?
– Oh ! ouais, un peu. Mais je pense qu’elles sont très anachroniques. Je préfère l’affirmation d’André Malraux selon laquelle le marxisme n’est pas une doctrine, mais une volonté, la volonté de ressentir le prolétariat. Passe-moi une autre brique.

 

C’est ainsi que nous avons atteint une sorte d’utopie technologique en matière de musique, et nous sommes entourés quotidiennement d’idées, de matériels qui impliquent des idées, et de matériels qui peuvent réaliser des idées – tout cela à des prix accessibles aux pauvres – ou tout au moins à un enseignant de la classe moyenne inférieure, même si sa situation économique va à reculons. C’est formidable. Ce qui n’est pas formidable, c’est que nous n’avons pas réalisé que dans le futur, il y aurait si peu de place pour nous qui travaillons dans le secteur des musiques expérimentales. Car ce qui n’a pas changé pour nous, depuis les années 1960, c’est la place que nous occupons – notre position par rapport au monde musical dans son ensemble. Comme l’a dit si éloquemment Ben Boretz[36] nous sommes à la « fine pointe d’un acte en voie de disparition »[37]. Nous sommes l’activité marginale d’un mastodonte économique. Et le mastodonte utilise nos découvertes, la plupart du temps sans les reconnaître.

Les mots que nous-mêmes utilisons ont continuellement été repris par différents styles. J’ai vu les termes de « new music », « musique expérimentale », « musique électronique », « musique minimaliste », et la liste est sans fin, utilisés par un genre pop ou par un autre au cours des dernières décennies sans qu’aucune reconnaissance concernant l’origine de ces termes ne soit exprimée. En fait, de nos jours, lorsque mes étudiants parlent de « musique contemporaine », ils ne font pas référence à nous. Ils pensent à la musique pop à laquelle ils s’intéressent actuellement. Nous, et nos travaux, avons été constamment « non définis » par l’industrie, la culture populaire et les médias.

« Soundbytes Magazine »[38] a été une petite publication web à laquelle j’ai contribué de 2008 à 2021 environ, avec des critiques de logiciels ou de livres. Le rédacteur en chef, Dave Baer, était impliqué dans l’informatique depuis les années 1960. Il a été technicien sur l’Illiac IV, puis il a rejoint le centre informatique de l’Université de Californie à San Diego. Il se souvient d’avoir été présent au concert à l’Université d’Illinois de HPSCHD de Cage et Hiller. C’est aussi un très bon vocaliste, qui a chanté dans les chœurs de productions d’opéra amateur. Nos démarches ne lui sont donc pas étrangères. En 2013, pour un numéro de Soundbytes, je lui ai proposé de réaliser une interview avec moi, puisque j’utilisais les ordinateurs d’une manière que je pensais être assez intéressante. Sa réponse m’a sidéré – il serait content de le faire, mais il faudrait probablement y inclure une introduction substantielle pour situer mon œuvre dans son contexte, puisque, ce que je faisais était si éloigné des intérêts grand public des concepteurs de l’informatique musicale ! En disant cela, il ne voulait pas dire, par exemple, que mon travail sur la micro-tonalité était très éloigné, disons, des démarches spectromorphologiques acousmatiques. Non, il voulait dire que mon travail, et toutes les autres choses que nous faisons, étaient très éloignés des compositeurs de dance-music amateurs travaillant dans leur chambre à coucher. C’est ainsi que, selon sa conception de la conscience populaire en 2013, même le terme qu’on utilisait pour nous décrire – « musicien informaticien » – ne s’appliquait plus à nous-même. Une fois de plus, la conscience populaire nous avait volé notre identité. C’est sans doute le prix à payer pour se situer aux confins des lisières sanglantes.

Bien évidemment, si l’on rend un outil accessible à « tout le monde », il est plus que probable qu’il va être utilisé pour faire quelque chose que les gens veulent faire, et pas nécessairement ce pour quoi on a envisagé l’utilisation de l’outil. Cela fait longtemps que ce phénomène existe. Je peux raconter une drôle d’histoire qui m’est arrivée à ce sujet. Au début des années 1970, à San Diego, je faisais partie d’un groupe appelé « Fatty Acid » qui jouait mal les pièces populaires de la musique classique. (Le groupe était dirigé par le violoncelliste et musicologue Ronald Al Robboy ; l’autre membre régulier du groupe était le compositeur, écrivain et interprète David Dunn). Il s’agissait d’un acte de comédie d’art conceptuel musicologique, avec de sérieuses connotations stravinskiennes néo classiques – ou peut-être de sérieuses prétentions spectromorphologiques stravinskiennes. Il faut imaginer quel impact fondamental Fatty Acid a eu sur mes démarches de compositeur et de performer. Par la suite, en 1980, j’ai découvert le Fairlight CMI. C’était le paradis. À partir de ce moment, j’étais capable de produire ma « musique incompétente » tout seul, sans avoir à retourner à San Diego de Melbourne pour jouer avec mes potes. Mon enthousiasme était total. Quand j’ai rencontré Peter Vogel et Kim Ryrie, les développeurs de Fairlight, je n’ai pas pu m’empêcher de leur jouer ma musique « de mauvais ensemble de blues amateur ». Ils n’ont pas été, c’est assez naturel, très impressionnés. Ce que je pensais être une utilisation naturelle et excitante de leur machine, était pour eux, bizarre, c’est tout. Je n’étais pas Stevie Wonder. Je me souviens d’Alvin Curran il y a bien longtemps, me disant que je devais faire attention à qui je faisais écouter certaines de mes productions les plus extravagantes. Pour mon plus grand malheur, ils ne faisaient pas partie de mon public cible idéal.

Ainsi, la pression exercée sur nous les gens bizarres, pour qu’on se conforme est toujours là, avec la même intensité. Il convient de remonter le temps et d’écouter ce que disait Mao Zedong en 1942, au Forum sur la littérature et l’art de Yenan. La langue est ici celle du marxisme doctrinaire, mais en substituant les termes, elle pourra paraître extrêmement contemporaine, bien qu’elle soit née à une autre époque et dans un monde idéologique très différent :

[Le premier problème est le suivant] : qui la littérature et l’art doivent-ils servir ? À vrai dire, ce problème a été depuis longtemps résolu par les marxistes, et en particulier par Lénine. Dès 1905, Lénine soulignait que notre art et notre littérature doivent « servir… les millions et les dizaines de millions de travailleurs » (…) Le problème : qui servir ? étant résolu, nous abordons maintenant le problème : comment servir ? Ou, comme le posent nos camarades, devons-nous consacrer nos efforts à élever le niveau de la littérature et de l’art ou bien à les populariser ? (…) Dans le passé, des camarades ont sous-estimé ou négligé dans une certaine mesure, et parfois dans une mesure importante, la popularisation de la littérature et de l’art. (…) Nous devons populariser seulement ce dont ont besoin les ouvriers, paysans et soldats et qu’ils sont prêts à accueillir.[39]

Si l’on substitue « public cible » à « ouvriers, paysans et soldats » et « produire quelque chose qu’on peut vendre » à « popularisation », il devient assez clair, peu importe que le système soit capitaliste ou communiste, qu’ils veulent tous que nous dansions à leur guise.

En 1970, Cornelius Cardew dans des perspectives marxistes-léninistes, nous a exhortés à « mettre nos pas du côté du peuple, et à produire de la musique qui serve à ses luttes »[40].

Aujourd’hui, la scène de la dance-music nous exhorte (à Melbourne) à mettre nos pas du côté du peuple et à produire de la musique qui serve ses luttes pour le groove.

Today, the film-music industry exhorts us to shuffle our feet over to the side of the industry and provide music which serves their narratives.

Aujourd’hui l’industrie de la musique de film nous exhorte à mettre nos pas du côté de l’industrie, et à produire de la musique qui serve à leurs narrations.

Eh bien, peut-être que nous n’avons pas envie de mettre nos pas dans ces engrenages. Peut-être que nous voulons rester ce que Kenneth Gaburo a appelé des « musiciens impertinents » [Irrelevant Musicians][41]. Peut-être que nous voulons être assez arrogants pour faire une musique qui exige ses propres offres et offre ses propres demandes. Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec Gaburo lorsqu’il dit : « Si le monde entier va un jour se réveiller, il aura besoin de trouver quelque chose pour s’éveiller ». Je pense qu’un jour le monde entier fournira probablement les choses dont il a besoin pour son propre éveil. Mais je comprends où Gaburo veut en venir. Car en opposition à toute pensée orientée vers le marché, certains parmi nous considèrent la musique comme un cadeau, et non pas comme un prix de vente. Pendant les dernières années, Bandcamp a semblé être un lieu où les gens pouvaient créer une communauté qui s’intéressait en premier lieu à la musique comme moyens d’échange esthétique ou informationnel, et seulement accessoirement comme un produit du marché.

 

8. Conclusion

Ainsi, depuis longtemps nous étions dans l’opposition et nous le sommes toujours aujourd’hui. J’ai lu quelque part il y a peu une assertion qui m’a consterné. C’était quelque chose comme : « Toute position esthétique profondément ancrée n’est devenue aujourd’hui qu’un élément prédéfini de plus dans l’arsenal de possibilités utilisé pour la composition ». Quand dans le passé j’avais énoncé une réflexion un peu ironique sur le fait que, par exemple, la FM et l’algorithme Karplus-Strong, des choses auxquelles des forcenés du travail avaient consacré une partie substantielle de leur vie, étaient maintenant devenues juste des options de timbre dans le cadre du softsynth, ou bien des options dans un module de logiciel de synthèse, je m’attendais en quelque sorte à ce que les nouvelles idées technologiques soient absorbées dans le contexte plus large des techniques contemporaines. Mais cette remarque impliquait que les idées compositionnelles n’étaient que des ressources recyclables parmi d’autres, du grain à moudre pour la grande fabrique de saucisses post-moderne (ou de l’alter-moderne pour citer les critiques britanniques). C’est peut-être un peu vrai, mais c’est tout de même dérangeant.

Est-on alors réellement arrivé à une situation de démocratisation de nos outils par le biais de leur omniprésence ? Ou bien est-on en présence d’une quantité limitée de ressources, celles offertes par « l’industrie » qui ne vont pas faire dérailler le système 4/4 ? Je pense que la réponse est les deux à la fois. Les ressources sont là pour que les gens les utilisent. C’est à nous de continuer à rappeler aux gens quelles autres utilisations potentielles il y a à explorer et comment la nouvelle utopie technologique peut leur procurer les moyens d’exploration et même de transformation de soi. Pour réaliser cela, il faut probablement se battre (toi et moi, mon frère!) contre les médias qui veulent désavouer nos existences qui les dérangent. Mais cette lutte en vaut la peine, si l’on est capable de constituer l’un des nombreux groupes de personnes qui vont maintenir en vie les modes de pensée alternatives et transformationnelles, accessibles à ceux et celles qui ont la curiosité et le désir d’explorer.

Que nous reste-t-il ? Ce qui nous reste, c’est le travail. Le travail qui élargit notre conscience ; le travail qui offre les opportunités de changement de perception ; le travail qui tente de provoquer des changements dans la société ou qui met à disposition un modèle du type de société dans laquelle on veut vivre ; le travail qui réaffirme notre identité comme faisant partie de notre société de manière unique et utile. Le travail qu’on a besoin de retrouver de manière ininterrompue. Comme l’ont dit les Teen Age Mutant Ninja Turtles, ou était-ce Maxwell Smart ou bien Arnold Schoenberg ? – « C’est un sale boulot, mais quelqu’un doit le faire ».

 
 

Warren Burt, Nightshade Etudes 2012-2013 #19 – [Steinway à sourdine tomate]

Gamme micro-tonale basée sur l’œuvre d’Ery Wilson, « Moment of Symmetry »
Timbre – piano en sourdine de la synthé Pianoteq Physical Modeling
Modèles de protéines d’ADN de la banque de données génétiques du NIH
Logiciel de composition ADN – ArtWork par Algorithmic Arts
Studio de composition : trains de banlieue régionaux de la ligne V/Line, Victoria
Les motifs de protéine de l’ADN de tomates sont appliqués aux hauteurs, intensités, rythmes
et sont joués comme canon polyrythmique sur un Steinway virtuel en sourdine.

 


1.Merci à Guillaume Dussably et Gilles Laval pour leur relecture de la traduction française.

2. Cat Hope, compositrice, flûtiste et bassiste, crée des musiques conceptuelles, sous formes de partitions graphiques animées pour des combinaisons acoustiques et électroniques et pour des improvisations. Voir Cat Hope

3. Susan Frykberg (1954-2023) est une compositrice (Nouvelle Zélande) qui a vécu au Canada de 1979 à 1998. Voir wikipedia, Susan Frykberg

4. Joel Chadabe (1938-2021), compositeur (Etats-Unis), auteur et pionnier du développement des systèmes interactifs électroacoustiques. Voir wikipedia, Joel Chadabe

5. Le Center for Music Experiment était de 1972 à 1983 le centre de recherche attaché au département de musique de l’Université de Californie San Diego.

6. Un PDP-11, voir wikipedia PDP-11.

7. Ed Kobrin, un pionnier de la musique électronique (Etats-Unis). Il avait créé un système hybride très sophistiqué : Hybrid I-V. openlibrary Ed Kobrin.

8. Les synthétiseurs Serge ont été créés par Serge Tcherepnine, un compositeur et fabricant d’instruments de musique électronique : wikipedia Serge Tcherepnine. Voir aussi : radiofrance: Archéologie du synthétiseur Serge Modular

9. Célèbre plage nudiste à proximité de UCSD. Voir wikipedia

10. Kenneth Gaburo (1926-1993), compositeur (Etats-Unis). A l’époque mentionnée dans cet article, il était professeur au département de musique à UCSD. Voir wikipedia Kenneth Gaburo

11. Catherine Schieve est une artiste intermédia, compositrice et autrice. Elle vit près d’Ararat, dans le centre de l’État de Victoria (Australie). Voir astramusic.org; et rainerlinz.net

12. Il s’agit du New England Digital Synthesizer – une première version de ce qui deviendra le Synclavier, et le Quasar M-8 – qui deviendra le Fairlight CMI

13. Georgina Born, Rationalizing Culture, IRCAM, Boulez and the Institutionalization of the Musical Avant-Garde, Berkley – Los Angeles – London : University of California Press, 1995.

14. George Lewis, compositeur, performer, et chercheur en musique expérimentale, professeur à l’Université Columbia, New York. wikipedia George Lewis

15. Graham Hair, compositeur et chercheur (Australie). Voir wikipedia Graham Hair

16. Stanley Lunetta (1937-2016), percussionniste, compositeur, et sculpteur (Californie).

17. Ron Nagorcka, compositeur, il joue du didgeridoo and des claviers (Australie). Voir wikipedia Ron Nagorcka

18. Ernie Althoff, musicien, compositeur, constructeur d’instruments et artiste plasticien (Australie). Voir wikipedia Ernie Althoff

19. Graeme Davis, musicien, et performance artiste. daao.org.au Graeme Davis

20. Alvin Lucier (1931-2021), compositeur (Etats-Unis). Voir wikipedia Alvin Lucier et pour I am sitting in a room: youtube

21. Joel Chadabe avait commencé à travailler avec le New England Digital Synthesizer, et avec Roger Meyers, il avait développé un logiciel appelé Play2D pour le contrôler.

22. Tristam Cary ‘1925-2008), compositeur, pionnier de la musique électronique et musique concrète en Angleterre, puis en Australie. Voir wikipedia Tristam Cary

23. George Lewis à New York m’avait montré ses travaux avec le AIM-65de Rockwell et il m’avait parlé du langage FORTH. Un peu plus tard Serge Tcherepnin m’a donné la puce qui faisait tourner FORTH. Cela m’a amené à me lancer sérieusement, peut-être la première fois, dans la programmation informatique .

24. Mon ordinateur était un Rockwell AIM-65 qui comportait trois horloges, toutes décomptées à partir d’une source commune. On pouvait entrer des nombres dans chaque horloge et cela produisait des sous-harmoniques (diviseurs) de l’horloge principale qui fonctionnait à approximativement 1 MHZ. Ce système pouvait être facilement mis en interface avec mon synthétiseur Serge./p>

25. Les trois horloges/oscillateurs du AIM étaient alors traités par les circuits analogiques du Serge.

26. Harry Partch (1901-1974), compositeur et constructeur d’instruments (Etats-Unis). Voir wikipedia Harry Partch

27. St Kilda est un quartier de Melbourne (Australie).

28. Arun Chandra, compositeur et chef d’orchestre. Voir evergreen.edu Arun Chandra

29. Herbert Brün: wikipedia Herbert Brün.

30. Gottfried Michael Koenig (1926-2021), compositeur germano-néerlandais. Voir wikipedia Gottfried Michael Koenig

31. William Burroughs, The Green Nun : youtube The Green Nun

32. Le système AUMI est conçu pour être utilisé par n’importe qui à n’importe quel niveau de compétence – en fonction de la manière de programmer ce système, l’utilisateur peut le jouer à n’importe quel niveau de sa capacité physique. Voir AUMI

33. David Dunn, courriel à Warren Burt, à la fin de 2014.

34. Deux tablettes basées sur Android, deux basées sur iOS, et une tablette Windows 8 en mode Bureau.

35. Harry Partch: “The Spiritual Corporeal nature of man” tiré de “Harry Partch in Prologue” sur le disque bonus de la “Delusion of the Fury”, Columbia Masterworks – M2 30576 · 3 x Vinyl, LP. Box Set · US · 1971.

36. Ben Boretz, compositeur et théoricien de la musique (Etats-Unis). Voir paalabres.org Ben Boretz

37. Ben Boretz, If I am a Musical Thinker, Station Hill Press, 2010.

38. Soundbytes Magazine et Dave Baer (rédacteur en chef) : Depuis que cet article a été écrit et révisé, toutes les références au magazine Soundbytes ont disparu du web. J’espère publier une compilation des critiques que j’ai écrites pour ce magazine sur mon site www.warrenburt.com à la fin de l’année 2024.

39. Mao Zedong : Interventions sur l’art et la littérature. Mai 1942. materialisme-dialectique

40. Cornelius Cardew, Stockhausen Serves Imperialism, Londres: Latimer New Dimension, 1974.

41. Kenneth Gaburo, The Beauty of Irrelevant Music, La Jolla: Lingua Press, 1974; Frog Peak Music, 1995.

 

Democratisation of Computer Music

Accès à la traduction en français : Démocratisation de l’informatique musicale

 


 

The Past Has a Way of Catching up with You, or
The Democratisation of Computer Music,
10 Years On.

Warren Burt

 

 

Summary :

1. Introduction – The 2013 International Computer Music Conference
2. 1967-1975: SUNY Albany and UCSD
3. 1975-1981: Moving to Australia, Plastic Platypus
4. 1981-75: Low cost Single-board Microcomputer
5. 1985-2000: Incresed Accessibility
6. Post-2000 Period: Commuter Train Work and Brain Work on Computer
7. Today: Technological Music Uptopia and Irrelevant Musicians
8. Conclusion


 

1. Introduction – The 2013 International Computer Music Conference

Back in 2013, the International Computer Music Conference was held in Perth Australia. It was organised by a team led by Cat Hope,[1] and they kindly invited me to give one of the keynote addresses. My topic was the “democratisation” of “computer music.” I put the words in inverted commas because both terms were, and are, points of contention, although perhaps the meanings of those terms have changed, maybe quite a lot, in the past decade. My talk was given from an Australian perspective because that’s where I’ve mostly lived for the past 47 years. With an international audience at the conference, I wanted to give them a quick introduction to the somewhat unique context the conference was occurring in. Australia has, in some ways, a very different cultural context than Europe, or North America, among other places, and in some ways a context that is very similar to those places. I remember Chris Mann, poet and composer, back in 1975, picking me up at the airport on my first arrival in Australia saying, “OK, ground rules: We speak the same language, but it’s not the same language.” My experiences over the next few years were to show me, in exquisite detail, the many nuances of difference that existed between Australian English and the Englishes from the rest of the world. And in the way of things, the Australian English of a half-century ago is not the Australian English of today. I’ve probably become too acclimatised to the language after all that time, but many of the unique characteristics of Australian English I noticed back then have disappeared with the passing of time.

My point back then was two-fold: first, that advances in technology were making the tools of what we called “computer music” more accessible to lots of people, and that second, the definition of what was considered “computer music” was itself changing. In 2013, I mentioned Susan Frykberg’s,[2] asking me if I was talking about “democratisation” or “commercialisation?” This seemed like a relevant point to bring up at the time. Since then, the proliferation of cell phones and other hand-held digital technology has made her original point, if not moot, at least less keen than it was. With “the world” now thoroughly united by miniature communications hardware, it seems that the technology has become neither democratised nor commercialised, (or both democratised and thoroughly commercialised) but simply ubiquitous, our continuous cultural environment. I was just asked by Richard Letts, the editor of Loudmouth, a music ezine, to write an article about the current state of music technology. To show how advanced music technology had spread everywhere, I focused my article on what music technology was available for the iPhone, showing that most of the sophisticated music technology applications of the past were now available, to some extent, on that most widespread of consumer electronic devices.

Similarly with the term “Computer Music.” In 2013 it denoted both experimental music using computers and popular and dance musics made with digital technology. If anything, the range of musics made using music technology has gotten even wider. I pointed out, humorously, that the British magazine called “Computer Music” was devoted to “how to” articles for those making digital dance music in their bedrooms, and not to articles dealing with the finer points of advanced synthesis. In the past few years, Future Music, the British publisher behind “Computer Music” acquired the American magazines “Keyboard,” and « Electronic Musician, » which occasionally covered topics of interest to the more “avant-garde” side of things, and these days, the magazines owned by “Future Music” not only have overlapping spheres of interest, but some articles that appear in one also appear in the other. The focus still remains on pop/dance music made with commercially available technology, but with the passing of time, some topics which were formerly considered obscure, such as granular synthesis, are now covered in their pages, albeit usually without acknowledging the people who pioneered those techniques.

As a means of showing how the term “computer music” had changed over the years, in my original essay I included a brief survey of things I had done over the years and how those activities fitted or did not fit, at the time, under the umbrella of “computer music.” My approach was humorous, and more than slightly ironic.

 

2. 1967-1975: SUNY Albany and UCSD

Here’s where we get into a bit of autobiography. I’ve watched the term change meanings ever since the 1960s. Let’s go into our Waybac machine, or Tardis, depending on which TV shows you watched as a kid. In 1967, I entered the State University of New York at Albany. They soon acquired a very large Moog system designed by Joel Chadabe,[3] which had a digital device in it, made by Bob Moog, which allowed various kinds of synchronizations and rhythmic triggerings of things. The university also had a computer centre, where people did projects involving piles of punchcards processed in batch mode. I wasn’t attracted to the computer courses but was immediately attracted to the Moog. On the other hand, two of my fellow students, Randy Cohen and Rich Gold, immediately began working at the computer centre, submitting their piles of punchcards, and waiting long periods for their results. I remember in particular, Randy wrote a program to produce experimental poetry. I was absolutely thrilled with his results, playing with sense and nonsense in a way that I thought was very clever. Randy, on the other hand, who was soon to embark on a career as a comedy writer, thought that the amount of labour required to get results that only a few weirdos like me would dig, was too great. So, for my earliest work, I felt there was a divide between “electronic musicians” and “computer artists,” and I was, for the moment at least, on the “electronic musician” side of things. In 1971, I went to the University of California, San Diego, and soon became involved with the Centre for Music Experiment (CME).[4] This was a facility which had both analogue and digital music labs, as well as projects involving dance, multimedia, video, and performance art. There was a huge computer[5] lovingly tended over by several of my friends. Ed Kobrin[6] was there at the time with his hybrid system, which had a small computer generating control voltages for analogue modules. I ran a small lab which had a Serge synthesizer,[7] a John Roy/Joel Chadabe designed system called Daisy (a very interesting random information generator), and some analogue modules designed by another of the fellows Bruce Rittenbach. As well, we could take control voltages from the output of the central computer. My own work still involved using “devices with knobs,” the world of “lines of code” was still opaque to me, although I did work on several projects where other people generated control signals with “lines of code” while I adjusted the “devices with knobs.” There was also a social divide I noticed. While I and my singer and cellist friends could hardly wait for the day to be over to head down to Black’s Beach,[8] our computer friends would be continuing to work, usually far into the night, on their code. There was a certain necessary obsessiveness involved with working with computers at that time which distinguished “real computer musicians” from the rest of “us.”

Of course, we acknowledge that the distinction is also faintly ridiculous, smacking as it does of those old silly arguments about “real men” or its non-sexist alternative, the “authentically self-realised person.”

My interests in making technology more accessible were already active at this time. From SUNY Albany friends Rich Gold and Randy Cohen, then doing post-graduate studies at California Institute of the Arts, I learned about Serge Tcherepnin and his “People’s Synthesizer Project.” The idea was to have a synthesizer kit for about $700 that people could assemble as a collective. Affordability, accessibility, and being part of a community were all very appealing things. And, the synthesizer was designed by experimental musicians for experimental musicians. There was a fair amount of what would become known as empowerment in the project as well. Simultaneous with that, for my Masters’ project, I began to design a box of electronics that became known as Aardvarks IV. Made of digital circuitry, with hand-made DACS, I described it as “a hard-wired model of a particular computer composing program.” My need for knobs – that is, for a device I could physically perform with- was still paramount. My approach to digital accuracy was a bit idiosyncratic. Uniqueness and funk were part of my aesthetic.

An illustration of what “funk” in electronic circuit design consisted of is seen in the design of the DACs on Aardvarks IV. Following Kenneth Gaburo’s[9] suggestion, I used very low quality resistors in the making of the Digital to Analog Converters.

  more information on Aardvarks IV (Click again to hide)

At a time when DACs were viewed as utilitarian devices to be made as precise as possible, in the design of this box, I was trying to treat a utilitarian device as a source of variation, of creative unpredictability. This interest in creative unpredictability probably distinguished me from the rest of the guys in the back room at CME. That and the fact that I would rather be at Black’s Beach than in the back room.

Computers at the time were very hungry beasts, devouring resources around them. Now that they’ve totally taken over, they can afford to be more benign, but in those early days, it was a survival of the fittest situation. For example, when I was at UCSD, CME had projects in many different fields. By the time my wife, Catherine Schieve,[10] arrived there in the early 1980s, the multidisciplinary CME was well on the way to becoming exclusively a computer arts centre, and she too, remembers a social divide between the computer people and the rest of the musicians. What also distinguished the “computer guys” from others was the amount of their output. It was still the norm for a computer person to work for months to produce one short piece. For those of us who wanted a lot of output, fast, working exclusively with computers still wasn’t the way to go. Eventually, the organization evolved into CRCA, the Centre for Research into Computers and the Arts. In 2013, I looked at the CRCA website, and I saw that it now had a focus on multidisciplinary research, with some quite fascinating projects. However, visitors from UCSD to the 2013 conference told me that the CRCA had since been shut down. Another one bites the dust!

 

3. 1975-1981: Moving to Australia, Plastic Platypus

Somewhere between the 80s and today, “computer music” became a field that embraced the widest range of aesthetic positions. Today, just about the only common factor across the field is the use of electricity, and usually, a computer (or digital circuit) of some kind. But stylistically, we’re in a period of “anything goes.”

In the late 70s and early 80s, things changed. New, tiny computers began appearing and were applied to music making tasks. Several systems that promised much were designed,[11] which basically hid the computer behind a sort of musician-friendly interface. Simultaneously with that, a whole series of microcomputers, usually in build your own kit form, began to appear. There soon developed a divide in the computer music world between the “mainframe guys” – those who preferred to work on large expensive institutionally-based computers – and the “perform it in real-time folks” – those who preferred to work on small, portable microprocessor-based systems that they could afford to own themselves. Georgina Born’s Rationalizing Culture,[12] her study on the sociology of IRCAM in the 1980s, featured a look at how George Lewis,[13] with his microcomputer-based work, fared in the mainframe-and-hierarchy-based world of IRCAM.

In 1975, I arrived in Australia. I set up an analogue synthesis and video synthesis studio at La Trobe University in Melbourne. Graham Hair,[14] installed a PDP-11 computer and began some computer work with that. Following on from my work on “Aardvarks IV” at UCSD, I began once again working with digital chips. Inspired by Stanley Lunetta’s[15] example, I made a box, “Aardvarks VII,” exclusively out of 4017 counter/divider chips and 4016 gate chips. This was the rawest kind of digital design. The chips were simply soldered into printed back-plane boards. That is, the plastic faceplate of the synthesizer had the circuit connections printed on the back, and the chips were directly soldered onto these printed connectors. No buffering, no nothing. Just the chips. It was mainly designed to work with just intonation frequencies, and it gave me many more modules to play with. All in real-time. The physical-performance, combinational-module based patching aesthetic was still the paradigm for me. So, by this time, 1978-79, I felt I was an electronic musician who was working with digital circuitry, but I still wasn’t that rarest of beasts, the “computer musician.”

Simultaneously with this, I became involved with using the lowest of low technology – that is, the cheapest kind of consumer electronics, at the bottom of the economic scale – to make music. Ron Nagorcka[16] (who I had first met at UCSD) and I formed a group called Plastic Platypus, which made live electronic music with cassette recorders, toys, and electronic junk. Some of our setups were very sophisticated, the low-tech and low-fi nature of our tools concealing some very complex systems thinking, but our work came out of an ideological questioning of the nature of high fidelity. While we were also happy to work in institutions which could afford good loudspeakers, etc. we were also aware that the cost of audiophile systems was prohibitive for many people. Since one of our chief reasons for the group was to make work on the most common types of equipment to show that electronic music could be accessible to many, we embraced the sonic quality of the cassette recorder, the tiny loudspeaker swung on a cord, the toy piano or xylophone. As Ron put it eloquently, “the very essence of electronic media is distortion.” Technology, of course, would overtake us in the long run, and availability of sound quality to “the masses” became a non-issue by the late 1980s, but our serious working with the problems and joys of low technology was fun while it lasted.

Ron and I (and various other people who were working with cassette technology at the time, such as Ernie Althoff[17] and Graeme Davis[18]) were in agreement as to the basic structure of our work with this technology. A many generational feedback process, such as shown in Alvin Lucier’s “I Am Sitting in a Room,”[19] formed the basis for much of our work. In this process, a sound is made on one machine, and simultaneously recorded on a second machine. The second machine is then rewound and the playback from that machine is recorded on the first machine. Over the course of several generations of this, thick textures of sound, surrounded by gradually accumulating acoustic feedback, result. In Ron’s “Atom Bomb,” for two performers and four cassette recorders, he added the idea of fast forwarding and rewinding cassettes in progress to create a random distribution in time of the source sounds as we recorded them. At the end of this section, the four cassettes were rewound and played from the four corners of the room, creating a four channel “tape piece” which the audience had seen assembled in front of them. In my piece “Hebraic Variations,” for viola, two cassette recorders and portable speaker on a very long cord, I played (or attempted to play) the melody of “Summertime” by George Gershwin (I’m a very inadequate viola player). While I was playing this melody as an endless loop, Ron was recording about 30 seconds of my playing on one cassette recorder (the “recorder”) and then moving that tape to a second machine (the “player”), starting another cassette recording in the first machine, and then swinging the loudspeaker of the second machine in a circle around his head for about a minute. This created doppler shifts and made a thicker texture out of my viola playing. After 5 or 6 generations of this, a very thick soundscape of glissandi, out of tune playing and many kinds of tone clusters was assembled. The inadequate technology, and my inadequate playing multiplied each other creating a thick microtonal sound world.

There was pretty much complete unanimity between Ron and myself in making Plastic Platypus repertoire. We mostly left the composing of pieces to each other, and then learned the other composer’s desires as best as we could. The level of trust, and agreement between us was very high. A couple of years ago, Ron found some cassettes of Plastic Platypus performances and dubbed them and sent them to me. A lot of our old favorites were there and were immediately recognizable. But occasionally there was a piece that bewildered both of us – we couldn’t figure out who had composed the piece, or in what circumstances it was recorded. Maybe these pieces were improvisations where our authorship was obscured by the processes we used.

 
Nogorcka

Ron Nagorcka at Clifton Hill Community Music Centre, 1978

 

In addition to my work with analogue synthesizers, with making my own digital circuits and with my work with low-tech, my own involvement with computers now began in earnest.[20] On trips back to the US, Joel Chadabe kindly lent me his studio, and for the first time, I actually used code to determine musical events. The results occurred in almost real time, so the “knob twiddler” in me was satisfied. Later, back in Australia, in 1979, I worked with the Synclavier at Adelaide University, with an invitation from Tristram Cary,[21] and in 1980 in Melbourne, I asked for access to the Fairlight CMI at the Victorian College of the Arts and learned the ins and outs of that machine. I’d contracted the virus of owning my own computer system.[22] A Rockwell AIM-65 microcomputer was my choice. So, I immersed myself in learning this machine and built my own interface for it in an extremely idiosyncratic way. Then, when I expanded the AIM’s memory to 32k, I was hot. Real time sound synthesis (using waveforms derived from the code in memory) was now possible. Using the AIM-65 like this, and processing its output with the Serge, I guess I was finally a “computer-musician,” but I don’t know if I was a “real” one. That is, my approach was still idiosyncratic, and my impulses towards making the equipment more accessible to all, using myself as an example (something a Marxist might cringe at), still seemed, in my own mind at least, to distinguish me from my mythical straw-dog of the elitist, obsessed with perfection and repeatability, mainframe computer operator who still didn’t want to go to the beach.

 

4. 1981-85: Low-cost Single-board Microcomputer

My adventures in the low-cost single-board microcomputer world occupied me, on and off from about 1981-85.[23] The overarching title for the work I did with this system between 1982 and 1984 was Aardvarks IX. One of the movements was called “Three Part Inventions (1984).” This was a semi-improvised piece in which I used the typewriter keyboard of the AIM-65 as a musical keyboard. Programmed in FORTH, I could retune the keyboard to any microtonal scale at the touch of a button.[24] In this piece, I combined my “computer-musician” chops with my interest in democratised cheap technology, and an interest in non-public distributed forms of music distribution. Each morning (in June 1984, I believe it was), I would sit down and improvise a version of the piece, recording that morning’s improvisation to a high-quality cassette. I believe I made 12 unique versions of the piece like this. I also made one more version of the piece, recorded to a reel-to-reel recorder and kept that to use in the recorded version of the whole cycle. Each of the 12 unique versions of the piece were each mailed to a different friend as a gift. Of course, I didn’t keep a record of which 12 friends I sent the cassettes to. So, in this piece, I combined my interest in microtonal tuning systems, improvisation, real-time electronic processes, the use of cheap(er) technology (the AIM computer, and the cassette recorder), mail art, and distributed music networks in one piece. I wanted to have it all – serious high-tech research and proletarian publishing and distribution networks, being done with homemade electronic circuitry and hobbyist level computing. Not surprisingly, some of my friends who lived in the “high end” of the “computer music” world found a number of points of contention with my choices of instrument and performance and distribution in this piece.

A couple of issues seemed relevant then, and to a degree, still are. One is the question: “How much building from the ground up do you want to do?” I mean, the reason we were doing this building was because the equipment was expensive, and mostly confined to institutions. Today, we have a spectrum which ranges from closed apps which do only one thing well (hopefully) to projects where you basically design your own chips and their implementation. Although these are slightly more extreme examples, that was the spectrum of choice that was available to us back then, as well: home-brew versus off-the shelf, and to what degree?

Another issue was that of ownership. Was one using someone else’s tools, whether that was an institution that you were associated with, or a friend’s gear that you used while visiting them; or were you using your own tools that you could develop an ongoing relationship with. At this point in my life, I was doing both. Although, encouraged by the example of Harry Partch,[25] who during my years at UCSD (1971-75) was still alive and living in San Diego, and directly encouraged by my teacher, Kenneth Gaburo, I made the decision that although I would work in institutional facilities if they were available, I would prefer to own my own equipment. Here are 2 pictures of Le Grand Ni, a 1978 installation at the Experimental Arts Foundation, Adelaide.

Grand Ni 1

Warren Burt: Le Grand Ni, Experimental Art Foundation Adelaide, 1978. Aardvarks IV (Silver Upright Box),
Aardvarks VII (flat panel in front of Aardvarks IV),
transducers on metal advertising signs used as loudspeakers.
Photo by Warren Burt.

 
Grand Ni 2

Le Grand Ni, 1978 – view of metal sign loudspeakers.
Photo by Warren Burt

 

Here’s a link to an excerpt from the 5th movement. This movement is played through regular loudspeakers, not the metal sculpture speakers:

 

Warren Burt, « Le Grand Ni », exerpt of 5th movement.

 

In more recent years, I’ve done very little work with multi-channel sound systems, because I haven’t been in a situation where either the space or the time to do so was available, although just recently, I received a commission from MESS, the Melbourne Electronic Sound Studio, to compose a piece for their 8-channel sound system. I did this in September-October 2022 and on October 8, 2022, at the SubStation, in Newport, Vic. I presented the new 8 channel work in concert. (Many thanks to MESS for this opportunity and for assistance in realising the piece.)

Another reason for owning one’s own was the – in my experience at least – tenuous nature of connections with institutions that I’ve experienced. For many of us, we’ve devoted several years of development to an institutional-based system, only to then lose our job at that institution. This situation in Australia is getting even worse. Most of the people I know in academia are now only on year-to-year contracts. Even the status of “ongoing staff,” a far cry from tenure, but at least something, seems to be less and less available. And as for Teaching Assistants, forget it – they don’t exist anymore. In 2012, as part of my employment, I had to do some research as to the state of music technology education in Australia. I found that nationwide, in the period from 1999-2012, 19 institutions had either terminated, or radically cut back, their music technology programs. This did not only occur in small institutions, but across the board in major institutions as well. For example, 4 of Australia’s leading computer music researchers, David Worrall, Greg Schiemer, Peter McIlwain, and Garth Paine all lost their positions at the institutions which they helped build over a series of many years. Note that we’re not talking about people leaving their jobs and another person replacing them, but the positions themselves being eliminated. Given a situation like that, my decades ago decision to “own my own” seems wiser than ever.

Here’s a picture which gives an example of the results of my “taking it to the people” in the early 1980s. Sounds made in the performance include: 1) Clicking of shrimp 2) Electronic pitches in reply to shrimp 3) Sizzzz of motorboats underwater sound 4) Waves 5) A water gong 6) Random pitch glissandi of oscillators responding to the changing amplitude of the hydrophone output 7) Debussy’s « La Mer » played under water and processed by waves 8) General public sounds 9) me talking to the public 10) seagulls. This all-day performance was given at the community-oriented St Kilda Festival,[26] on St Kilda Pier, in 1983.

 
StKilda

Taking it to “the people”: Warren Burt: Natural Rhythm 1983. Hydrophone, water gongs,
Serge, Driscoll and home-brew modules, Gentle Electric Pitch to Voltage, Auratone Loudspeakers.
St. Kilda Festival, St. Kilda Pier, Melbourne.
Photo by Trevor Dunn.

 

In the mid-80s, I switched over to using commercial computers. I had left academia at the end of 1981, so as a freelancer, I needed a cheaper computer. The AIM-65 single-board micro, which I used from 1981-85, eventually proved not powerful enough, or reliable enough, for my needs. A series of PC-Dos based machines then followed. Along the way, I continued my interest in unusual composing and synthesis systems. US, developed at the Universities of Iowa and Illinois provided a lot of fun for a while. Arun Chandra’s Wigout[27] – his reconstruction of Herbert Brün’s “Sawdust”[28] also proved a rich resource. I enthusiastically watched my friends in England, motivated by the same “poverty and enthusiasm-for-accessibility ethic” that I had, develop the Composers’ Desktop Project, although I didn’t actually start working with the CDP for quite a while. I looked up older programs when they were available, such as Gottfried-Michael Koenig’s PR1,[29] which proved fruitful for a few pieces in the late 90s. And I found that I soon became involved with software developers and began beta-testing things for them. John Dunn (1943-2018) of Algorithmic Arts was one of my most constant co-workers for about 23 years, and I created a number of the tools available in his SoftStep, ArtWonk and MusicWonk programs.

 

5. 1985-2000: Increased Accessibility

William Burroughs has a very funny anecdote in one of his stories which involves the unfortunate traveller being invited by the Green Nun[30] to “see the wonderful work being done with my patients in the mental ward.” On entering the institution, her demeanour changes. “You must have permission to leave the room at any time.” Etc. And so the years passed. With that knowledge of time passing, we now come to the present, and what we see is a cornucopia of music making devices, programs etc all available at modest cost etc.

At a certain point in the 1980s, computers got smaller, and sprouted knobs and real time abilities, and stopped being the domain of a few people with mainframes and became the domain of just about anyone interested. With the requisite education, social status, etc, of course. And on that idea of the computer sprouting knobs, I like the interface design of the GRM [Groupe de Recherche Musicale] Tools in France. Following Pierre Schaeffer’s ideas, they insist that all controls can be externally controlled, there are many possibilities to move smoothly between different settings, and you don’t need to deal with a lot of numbers to use them.

At a certain point in (maybe) the late 90s, the number of oscillators available also became not an issue. The issue of accessibility was now focused on ways of controlling lots of oscillators. I remember Andy Hunt at York University worked on Midigrid, a system for disabled people to control electronic music systems with the limited mobility they had. Development largely stopped by 2003. Just this year, an English company, ADSR systems, has released a product called MidiGrid. From the YouTube video, I don’t think the two programs have anything to do with each other. And in the past couple of years, the AUMI team – Adaptive Use Musical Instruments[31] – have made marvellous strides in developing music control systems for tablet and desktop computers that make access to control even easier.

Also, at a certain point in the 1990s, access to sound quality (the economics of hi-fi) ceased to be an issue. That is, desire and convenience became more of an issue than economics. Prices on equipment have plummeted, more and more power is available for less money. New paradigms of interaction have occurred, such as the touch-screen, and other new performance devices, and just about anything one could want is now available fairly inexpensively. Faced with this abundance, one can be bewildered, or overwhelmed, or delighted and plunge into working with all the new tools, toys and paradigms that are here.

Here are some pictures that illustrate some of the changes that have occurred in the brief history of “computer music.”

 
Hrpsch

John Cage, Lejaren Hiller and Illiac 2, University of Illinois, 1968 working on HPSCHD.

 
Android

Backstage at a Trade Fair, Melbourne 2013.
Each of the Android tablet machines working off the laptop is more powerful than the Illiac 2,
and costs many times less.
Photo : Catherine Schieve.

 
Mafra

Computer setup by Warren Burt for Catherine Schieve’s « Experience of Marfa. »
Astra Concerts, Melbourne June 1-2, 2013.
Two laptops and two netbooks controlled by Korg control boxes.
Photo: Warren Burt

 
Marfa2 - Grande

Another view of the computer setup for Experience of Marfa.
Note the gong and custom made Sruti Box orchestra beyond the computers. Photo: Warren Burt.

 
RandCorp

This one’s for laughs.
This is a picture from 1954 of what the RAND Corporation thought
that the average home computer would look like in 2004.

 
 

6. Post-2000 Period: Commuter Train Work and Computer Brain Work

There is one resource, however, which was expensive way back then, and has become even more expensive now. That resource is time. Time to learn the new tools/toys, time to make pieces with the toys, and time to hear other people’s work and for others to listen to our work. In Australia, working conditions have deteriorated, and expenses have risen, so that now one works longer hours to have less resources. The days of working 3 days a week to get just enough money to get by, and still have a couple of days to work on one’s art, seem to be gone, at least for now. In our totally economics-dominated society, time to do non-economically oriented activities becomes a real luxury. Or, as Kyle Gann expressed it eloquently in his ArtsJournal.com Post Classic blog for August 24, 2013:

In short, we are all, every one of us, trying to discern what kind of music it might be satisfying, meaningful, and/or socially useful to make in a corporate-controlled oligarchy. The answers are myriad, the pros and cons of each still unproven. We maintain our idealism and do the best we can.

Another factor in the erosion of our time is the expansion of communications media. I don’t know about you, but unless I turn off the mobile phone and the email, there is very seldom a period of more than a half-hour where something is not calling for my urgent attention, be it in text, telephone, or email form. This state of constant interruption of the ever-decreasing amount of time one has to work is the situation many of us find ourselves in.

My own solution was to invest in a pair of noise-cancelling headphones, and small, but kind of powerful netbook computers, and after 2016, increasingly powerful tablet computers, such as the iPad Pro, so that I could work on Victoria’s excellent commuter trains. When one is surrounded by 400 other people, and the modem is switched off, and the headphones prevented one from hearing the mobile, then one could get at least an hour, each way, of uninterrupted compositional concentration time. Yet still, I wonder what has been the effect on my music when made in such a contained, tight, hermetic environment. I continue to compose in this manner and have written many pieces in this environment. In this piece, “A Bureaucrat Tells the Truth” from “Cellular Etudes (2012-2013)” I combine sophisticated samples and 8-bit crude sounds lovingly reconstructed in the Plogue softsynth, Chipsounds:

 

Warren Burt, « A Bureaucrat Tells the Truth »

 

I sent the piece to David Dunn and his observation was:

One of the formal issues that came up for me was the idea of sound samples for midi control as found objects (in the same way that any musical instrument is a found object) that carry with them definite cultural constructs (tradition). Most composers usually want a piece to be located within one of these (bourges vs. Stanford vs. cage vs. western orchestra vs. world musics vs. noise music vs. jazz vs. spectral music vs. rinky-dink lo fi diy, etc.). This usually plays out with composers trying to constrain their timbral choices so as to define a singular associative context (genre). In these pieces you let the divergent cultures rub noses until they bleed.” And it’s true. I want to have it both ways, or perhaps all ways. I see nothing wrong with being both high-tech and low-tech, with being both complex and elitist, AND proletarian.[32]

Perhaps my isolation-booth composing environment on the train makes me cram more and more cultures side by side, just as all of us on that train, from so many cultures, are jammed in there side-by-side.

So, the time issue is more of a problem than ever. One of the reasons for that is the accelerating amount of gear that is being released, which far outstrips my ability to seriously interrogate it. One of my strategies for composing involves looking at a piece of gear or software and asking, “What are the compositional potentials of this?” Not so much “what was it designed for,” but more “how can it be subverted?” Or if that seems too Romantic, maybe asking “What can I do with this that I haven’t done before?” And “What does the Deep Structure of this tool imply?” Remembering the early days of electronic music where people like Cage, Grainger and Schaeffer would use equipment clearly designed for other purposes in order to make their music, I find myself in a similar position today. The best new music equipment store I’ve found in Melbourne is StoreDJ, which has a good selection, good prices and a knowledgeable staff. Where Cage and friends appropriated their gear from science and the military, I now find I’m appropriating some of my resources from the dance-music industry. Most recently (2020-22) I’ve been involved with the VCV-Rack community. This is a group of programmers, led by Andrew Belt (see also Rack 2), who have been designing virtual modules which can be patched together, like analog hardware modules used to be (and still are), to make complex composing systems. I’ve contributed some of my circuit designs to Antonio Tuzzi’s NYSTHI project, which is a part of the larger VCV project. There are over 2500 modules now available, some of which are duplicates in software of earlier types of modules, and some of which are unique and original designs which point the way to exploring new compositional potentials. The distinction, raised above, between the dance-music industry and resources for the “new music” or “experimental music” scenes, has now largely disappeared. There are so many new resources out there, from all sorts of designers, with all sorts of aesthetic orientations, that one has an almost overwhelming variety of choices to select among.

A couple of years ago I quipped that there were far too many Japanese post-graduate audio engineering students with far too much time on their hands making far too many interesting free plugins for me to keep up with them all. Now of course, the situation is far worse, or is that better? The amount of resources available for free, or very cheaply, in the VCV Rack project, or in the iPad eco-system, is enough to keep me occupied for the next several lifetimes. And as long as I maintain an open-minded and exploratory attitude, they probably will.

Here are links to two videos, showing work from about 10 years ago. The first, “Launching Piece” uses 5 tablet computers.[33] At the time, I had just started working with this setup, and it was very nice to get out of the “behind the laptop” mode, and into a greater physical engagement while performing. I’m very involved in having what Harry Partch called “the spiritual, corporeal nature of man”[34] being an integral part of my music making. The second “Morning at Princes Pier” uses an iPad processed through a venerable Alesis AirFX to make a series of timbrally-fluid microtonal chords. And speaking of future shock, when I first bought the AirFX in 2000, I remember laughing at its advertising slogans – “The first musical instrument of the 21st century!” and “because now, everything else is just so 20th century!” In both these pieces, the new resources allowed me to finally get more physical, once again, in my performing.

 

Video
Warren Burt, “Launching Piece”

 

Video
Warren Burt,
“Morning at Princes Pier”

 

7. Today: Technological Music Utopia and Irrelevant Musicians

I have a friend who is an audiophile. He has a wonderful sound system that he spends a lot of time listening to. I proposed to him the idea that being an audiophile was an elitist activity, both in terms of the money his equipment cost, and in terms of the fact that he actually could afford the time to listen to things in that careful manner. I asked him if he could design an audiophile sound system that the working class could afford – that is, could he design a proletarian audiophile sound system. His reply was great: “For who? The people who spend $2000 on flat screen TVs?” I had to admit that he was right. The “working class” will spend a lot of money on equipment that will provide entertainment they want. And I decided that just as Andre Malraux had said that he thought that Marxism was a will to feel, to feel proletarian, so too being an audiophile was also a will to feel, a will to feel that high sound quality and the ability to put time aside to use that equipment, was worth it.

 
Doonesbury Malraux
 

SO: We’ve reached a kind of technological music utopia, and we’re daily surrounded by ideas, gear that implies ideas, and gear that can realise ideas – all at prices that a poor person – or at least lower-middle class teacher even one who is going backwards economically – can afford. That’s lovely. What is not lovely is that we didn’t realise that when we reached the future, there would be so little place in it for us. For what hasn’t changed for us, since the 60s, is where we are – what our position is in relation to the larger world of music. As Ben Boretz[35] phrased it, so eloquently, we’re “the leading edge of a vanishing act.”[36] We’re a fringe activity to an economic juggernaut. And the juggernaut uses our findings, and usually doesn’t acknowledge them.

Continually, the words we use to describe ourselves have been taken up by different styles. I’ve seen “new music,” “experimental music,” “electronic music” “minimal music” and the list goes on and on, used by one pop genre or another over the past decades with no acknowledgement of where those terms came from. In fact, these days, when my students talk about “contemporary music” they don’t mean us. They mean the pop music they are currently interested in. We, and our work, have continually been “undefined” by industry, popular culture and the media.

“Soundbytes Magazine”[37] was a little web publication that I contributed to from about 2008 to 2021, with reviews of software or books. The editor, Dave Baer, was involved in computers since the 60s. He was a technician on the Illiac IV, then moved to the UCSD computer centre. He remembers attending the performance at Illinois of Cage and Hiller’s HPSCHD. He’s also a very good singer, appearing in the chorus of amateur opera productions. So, he’s not a stranger to our work. For a 2013 issue of Soundbytes, I suggested that he do an interview with me, since I was using computers in what I thought were some pretty interesting ways. His reply floored me – he’d be happy to do that, but we’d probably have to do a substantial introduction to place my work in context, since what I was doing was so far removed from the interests of the mainstream computer music maker! By this he didn’t mean, for example, that my note-oriented microtonal work was far removed from, let’s say, spectromorphological acousmatic work. No, he meant that my work, and all the other things we do, was far removed from the amateur dance music composer in their bedroom. So, in his view of popular consciousness in 2013, even the term we used to describe ourselves – “computer musician” – didn’t apply to us anymore. Once again, popular consciousness had robbed us of our identity. Maybe that’s the price you pay for being on the bleeding edge.

Of course, when you make a tool available to “everyone,” it’s more than likely that they’ll use it to make something they want to make, and not necessarily what you envisioned the tool would be used for. This has been around for a long time. I can tell a funny story on myself in this regard. In the early 70s in San Diego, I was a member of a group called “Fatty Acid” which played the popular classics badly. (The group was led by cellist and musicologist Ronald Al Robboy. The other regular member of the group was composer, writer, and performer David Dunn.) Sort of a conceptual art musicological comedy schtick, with serious Stravinskyan neo-classical overtones – or maybe serious Stravinskyan spectromorphological pretentions. I can’t even begin to describe the profound impact being in Fatty Acid had on my composing and performing outlook. Then, in 1980 I encountered the Fairlight CMI. This was heaven. Now I could make my “incompetence music” by myself, without having to return to San Diego from Melbourne to play with my buddies. I was completely thrilled by this. When I met Peter Vogel and Kim Ryrie, the developers of the Fairlight, I couldn’t wait to play them my “bad amateur blues ensemble” music. They were, quite naturally, less than impressed. What I thought was a natural, and exciting use of their machine, was for them, just plain weird. Stevie Wonder I was not. I remember Alvin Curran way back when, telling me that I had to be careful who I played some of my more off-the-wall stuff to. Alvin, you were right. They were not, to my chagrin, my ideal target audience.

So, the pressure on us weirdos to conform is still there, and still intense. Let’s go back in time and listen to Mao Zedong, in 1942, at the Yan’an Forum on Literature and Art. The language here is doctrinaire Marxism, but substituting terms will make it seem extremely contemporary, despite its origins in another time and in a vastly different ideological world:

The first problem is: literature and art for whom? This problem was solved long ago by Marxists, especially by Lenin. As far back as 1905 Lenin pointed out emphatically that our literature and art should “serve…..the millions and tens of millions of working people”….. Having settled the problem of whom to serve, we come to the next problem, how to serve. To put it in the words of some of our comrades: should we devote ourselves to raising standards, or should we devote ourselves to popularization? In the past, some comrades, to a certain or even serious extent, belittled and neglected popularization…We must popularize only what is needed and can be readily accepted by the workers, peasants and soldiers themselves.[38]

Substitute “target audience” for “the workers, peasants and soldiers” and “making a saleable product” for “popularization” and it becomes pretty clear that whether the system is capitalist or communist, they want us all to dance to their tune.

In the 1970s, Cornelius Cardew, from his Marxist-Leninist perspective, exhorted us to “shuffle our feet over to the side of the people, and provide music which serves their struggle.”[39]

Today, the dance-music scene exhorts us to (Melbourne) shuffle our feet over to the side of the people and provide music which serves their struggle to groove.

Today, the film-music industry exhorts us to shuffle our feet over to the side of the industry and provide music which serves their narratives.

Today, the game-music industry exhorts us to shuffle our feet over to the side of the industry and provide music and algorithms which serves as a target for their target audience.

Well, maybe we don’t want to shuffle. Maybe we want to remain what Kenneth Gaburo called “Irrelevant Musicians.”[40] Maybe we want to be arrogant enough to make a music which demands its own supply and supplies its own demands. I’m not sure I agree with Gaburo when he said, “If the world at large will one day awaken, it will need something to awaken to.” I think the world at large will probably one day provide the things it needs for its own awakening. But I understand where Gaburo is coming from. For in opposition to all the commodity-oriented thinking, some of us think of music as a gift, not a sales price-point. In recent years, Bandcamp has seemed to be a place where people can create a community which is interested first in music as a means of aesthetic or informational exchange, and only secondarily as a market item.

 

8. Conclusion

So, we were an opposition years ago, and we’re still an opposition now. Somewhere in the past few months I read a statement which appalled me. It was something like, “Every deeply held aesthetic position now becomes a just another preset in the composing arsenal.” While I had, in the past, reflected a bit ironically on the fact that, for example, FM and the Karplus-Strong algorithm, things which hard working people had devoted a substantial part of their lives to, were now just timbral options in a softsynth, or options in a software synthesis module, I had sort of expected that new technological ideas would be absorbed into the larger vocabulary of contemporary techniques. But this statement was implying that compositional ideas were now just so many recyclable resources, more grist for the great post-modern (or alter-modern to quote British critics) sausage machine. True enough maybe, but disturbing, nonetheless.

Have we really arrived at a situation where our ubiquitous tools are democratized then? Or have only a limited amount of resources, those which won’t rock the 4/4 boat, been offered by “the industry” to us. I think the answer is both. The resources are there for people to use. It’s up to us to keep reminding people of what other potentials there are to be explored, and how the new technological utopia can provide them with the means for exploration and even self-transformation. To do that, we (that’s you and me, brother) probably have to struggle against the media which wants to disavow our inconvenient existences, but that struggle is worth it, in that we will be one of several groups of people who will keep alternative and transformational modes of thought alive, and available to those with curiosity and the desire to explore.

What’s left to us? What’s left is work. Work which expands consciousness; work which provides the opportunity for changes in perception; work which attempts to bring about changes in society or provides a model for the kind of society we want to live in; work which re-affirms our identity as a unique and valuable part of our society. Work which we need to get back to, in an uninterrupted manner. As the Teen Age Mutant Ninja Turtles said, or was it Maxwell Smart, or Arnold Schoenberg? – “It’s a dirty job, but someone has to do it.”

 

Warren Burt, Nightshade Etudes 2012-2013 #19 – Tomato Muted Steinway

Microtonal scale based on Erv Wilson’s “Moment of Symmetry” work
Timbre – muted piano from Pianoteq Physical Modeling synth
DNA protein patterns from NIH gene data bank
DNA composing software – ArtWonk by Algorithmic Arts
Composing studio: V/Line regional commuter trains, Victoria
Protein patterns from tomato DNA are applied to pitch, dynamics, rhythm and played as a polyrhythmic canon on a virtual Steinway piano with mutes.)

 


1. Cat Hope, composer, flute and bass performer “who creates music that is conceptually driven, in animated formats for acoustic / electronic combinations as well as improvisations.” Cat Hope

2. Susan Frykberg (1954-2023) was a composer (New Zealand) who lived in Canada from 1979 to 1998. See wikipedia, Susan Frykberg

3. Joel Chadabe (1938-2021), composer (United States), “author, and internationally recognized pioneer in the development of interactive music systems.” wikipedia, Joel Chadabe

4. The Center for Music Experiment was between 1972 and 1983 a research center attached to the music department of the University of California San Diego.

5. A PDP-11 computer. See wikipedia PDP-11.

6. Ed Kobrin, a pioneer of electronic music (United States). He created a very sophisticated hybrid system: Hybrid 1-V. openlibrary Ed Kobrin.

7. The Serge synthesizers were created by Serge Tcherepnin, a composer and electronic music instruments builder: wikipedia Serge Tcherepnine. See also: radiofrance: Archéologie du synthétiseur Serge Modular

8. Famous nudist beach near UCSD. See wikipedia

9. Kenneth Gaburo (1926-1993), composer (United States). At the time mentioned in this article, he was professor at the Music Department at UCSD. See wikipedia Kenneth Gaburo

10. Catherine Schieve is an intermedia artist, composer, and writer – and lecturer in Performance Studies. She lives in Ararat, in central Victoria (Australia). See astramusic.org; and rainerlinz.net

11. For example, the New England Digital Synthesizer (not yet evolved into the Synclavier) wikipedia, and the Quasar M-8 (not yet evolved into the Fairlight CMI) artsandculture

12. Georgina Born, Rationalizing Culture, IRCAM, Boulez and the Institutionalization of the Musical Avant-Garde, Berkley – Los Angeles – London : University of California Press, 1995.

13. George Lewis, composer, performer, and scholar of experimental music, professor at Columbia University, New York. wikipedia George Lewis

14. Graham Hair, composer and scholar (Australia). See wikipedia Graham Hair

15. Stanley Lunetta (1937-2016), percussionist, composer, and sculptor (California).

16. Ron Nagorcka, composer, didgeridoo and keyboards player (Australia). See wikipedia Ron Nagorcka

17. Ernie Althoff, musician, composer, instrument builder and visual artist (Australia). See wikipedia Ernie Althoff

18. Graeme Davis, musician, and performance artist. daao.org.au Graeme Davis

19. Alvin Lucier (1931-2021), composer (United States). See wikipedia Alvin Lucier and for I am sitting in a room: youtube

20. Joel Chadabe had begun to work with the New England Digital Synthesizer, and with Roger Meyers had developed a program called Play2D to control it.

21. Tristam Cary ‘1925-2008), composer, pioneer of electronic and concrete music in England and then in Australia. See wikipedia Tristam Cary

22. George Lewis in New York showed me his work with the Rockwell AIM-65, and he mentioned to me the language FORTH. A little later, Serge Tcherepnin gave me a chip that made FORTH run on the AIM. This plunged me into serious computer programming for what might be the first time.

23. My Rockwell AIM-65 computer had three clocks on it, all of which counted down from a common source. You could feed numbers into each clock, and it would play subharmonics (divide-downs) of the master clock, which was working at about 1 MHZ. This system could easily be interfaced with my Serge synthesizer.

24. The three clock/oscillators of the AIM were then processed through the analogue circuitry of the Serge.

25. Harry Partch (1901-1974), composer and instrument builder (United States). See wikipedia Harry Partch

26. St Kilda is a Melbourne suburb (Australia).

27. Arun Chandra, composer et conductor. See evergreen.edu Arun Chandra

28. Herbert Brün: wikipedia Herbert Brün and « Sawdust »: evergreen.edu.au Sawdust

29. Gottfried Michael Koenig (1926-2021), German-Dutch composer. See wikipedia Gottfried Michael Koenig

30. William Burroughs, The Green Nun, from The Wild Boys: youtube The Green Nun

31. The AUMI system is designed to be used by anyone at any level of ability – depending on how its programmed, the user can perform it at any level of physical ability. See AUMI

32. David Dunn, email to Warren Burt, late 2014.

33. Two Android based tablets, two iOS based, and a Windows 8 tablet in Desktop mode.

34. Harry Partch: “The Spiritual Corporeal nature of man” from “Harry Partch in Prologue” on bonus record for “Delusion of the Fury”, Columbia Masterworks – M2 30576 · 3 x Vinyl, LP. Box Set · US · 1971.

35. Ben Boretz, composer and music theorist (United States). See wikipedia Ben Boretz

36. Ben Boretz, If I am a Musical Thinker, Station Hill Press, 2010.

37. Soundbytes Magazine and Dave Baer (editor): Since this article was written, and revised, all references to Soundbytes magazine have disappeared from the web. I hope to release a compilation of reviews I wrote for it on my www.warrenburt.com webside sometime in late 2024.

38. Mao Zedong : Interventions sur l’art et la littérature. Mai 1942. materialisme-dialectique

39. Cornelius Cardew, Stockhausen Serves Imperialism, London: Latimer New Dimension, 1974.

40. Kenneth Gaburo, The Beauty of Irrelevant Music, La Jolla: Lingua Press, 1974; Frog Peak Music, 1995.

 


 

The Tale of the « Tale »

Return to the French original text: Le Conte du « Conte »

 


 

The Tale of the « Tale »

Louis Clément, Delphine Descombin, Yovan Girard, Maxime Hurdequint

Edition and page lay-out: Jean-Charles François

March 2024

 

The four protagonists have collaborated to a spectacle entitled “Le Conte d’un future commun” [The Tale of a Common Future] with:

Louis Clément, project instigator, public participation and drawing animation.
Delphine Descombin, storyteller.
Maxime Hurdequint, drawings.
Yovan Girard, music.

The texts are the result of four separate interviews with each artist during 2023, by Nicolas Sidoroff and Jean-Charles François.

Summary :

1. Delphine’s story
2. Architecture’s studies, Louis and Maxime
3. Delphine’s journey to Africa
4. Yovan Girard, the musician.
5. Delphine’s return to France
6. Maxime’s hesitations between architecture and drawing.
7. Yovan ‘s Story (continued)
8. Delphine’s story (continued). Trapeze and storytelling.
9. Louis and Maxime’s stories (continued)
10. Yovan’s Story (continued), the project « A Violin for my School ».
11. Delphine, the Tale of the Skull and the Fisherman.
12. The little notebook with trees. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute and Louis Clément.
13. Delphine’s story (continued). The Tale of Tom Thumb.
14. Delphine and storytelling. Maxime and architecture and drawings. Yovan and composition.
15. The Live Drawing Project
16. Delphine : Two tales.
17. Origin of the “Tale of a Common Future”.
18. The AADN immersive project.
19. The “Tale of a Common Future”.
20. Louis, One Year to Reflect.
21. The writing of the Tale. Louis and Delphine..
22. The drawings and their animation, Louis and Maxime..
23. A traditional music of the future?
24. Music elaboration: pre-recorded or live music. Louis and Yovan.
25. Music and storytelling, Delphine et Yovan.
26. Music and storytelling. Louis et Yovan
27. Yovan’s ideas on music and Maxime’s ideas on drawings.
28. The Tale and drawings. Delphine, Maxime et Louis.
29. Sonorization
30. Communication with Notion.
31. Residencies: LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains.
32. Public participation.
33. The artistic and cultural education residency at Hennebont. Louis, Delphine and Yovan.
34. The residencies (continued): Paris, Nantes.
35. Ecology. Delphine.
36. Conclusion


 

1. Delphine’s Story

Delphine:
Where does the Tale come from? It’s by telling the Tale that we’ll arrive at the Tale… The Tale comes from when I was in high school and I met Marie Jourdain, the daughter of Marie-France Marbach.[1]
 
During high school, I was at boarding school, she was telling me stories all the time. I met her mother and Geo Jourdain. And I loved these people who were completely different from what I had as reference in my family. They woulod take me to school, to the boarding school on Sunday evenings and would bring me back on Friday evenings. I spent a lot of time with Marie, who talked to me about Africa, who told me a lot of stories. After that, I left high school and went to Africa. There, I heard lots of stories, lots of tales. And then, when I came back from Africa, Marie-France absolutely wanted me to tell the story of my trip. And I didn’t want to, I didn’t want to talk, I wasn’t at all ready to talk in front of people. She took me by surprise, and I often attended her performances. She gave me the opportunity to go to workshops, she really believed in me, when I really didn’t. So, I stayed in close contact with Marie-France.

The boarding school was in Louhans, it was a visual arts school. It was the only high school that accepted me because I had very bad marks, and I wasn’t following school at all. It was my aunt who found this high school that was willing to accept me. I stayed outside. I didn’t go to classes. I was under the trees listening to the birds, I wasn’t in the mood to be locked in a class. Often, the director summoned me, and we had some very interesting philosophical discussions. So, it was as if he had me join the 12th grade philosophy course. Then, he’d ask me what I wanted to do later in life, and I’d say: “I don’t know, maybe take care of goats, perhaps…” I didn’t know what I wanted to do, but it’s true, these were important questions that nobody had ever asked me before. It’s true that I had the chance to meet some special people. And I really liked the visual arts courses. There were two visual arts teachers who were amazing, they took us to Lyon to see exhibitions, we even went to Strasbourg to see museums, it was great, so these were the courses I attended, I was allowed to create things. As for the rest of the courses, I really rejected them, yeah, they bored me a lot. That’s why afterward I took my backpack and I got the desire to go to Africa. The journey lasted quite a long time because I stopped along the way, I didn’t have any money. I worked as a seasonal worker, in hotels-restaurants, I was doing services and they provided lodging at the same time. I sold croissants, I worked in bakeries, I did all sorts of jobs. And then, I met someone in the street who was spitting fire, who taught me how to do it. This was my first real job: we’d spit fire, I’d spit fire and then I’d beg. In fact, I’d blow bubbles in front of a bakery, telling poetry. I hated all this, I found it unbearable, but I always managed to do something.

 

2. Architecture Studies, Louis and Maxime

Louis:
My background story starts on December 23, 1986. I don’t know how far back I can go, but I think my parents are no strangers to what shaped me. So, I think that if we go back very far, one could say that what shaped me was the discovery of reading, and then above all the reading of what we call imaginary fiction, anything related to science fiction, fantasy, etc. And then, from a more professional point of view, or in any case in terms of my studies, I passed a scientific baccalaureate, then I studied architecture at the Paris-Val de Seine architectural school and graduated from it. At the end of my Licence, I started to realize that architecture wasn’t really for me. In fact, I already had the somewhat utopian idea that becoming an architect would enable me to conceive of spaces in which people would feel good and above all that it would help them to think, to change the world.

Maxime:
My cousin Louis Clément also studied architecture. We’re a year apart, and we didn’t do that in concert, we went our separate ways. I was at the INSA in Strasbourg and he was at the Val de Seine in Paris, we followed our own path. This was a period in our lives when we saw each other less often, but we talked a little about architecture.

Louis:
And then I was confronted with the Master and with the realities of construction, the fact that, if you become an architect, you become a builder. You work in more or less big firms, and ultimately your work is extremely determined by budgetary considerations. And so, I thought that it would not interest so much. Even so, I did my Master’s first year in Antwerp (Belgium), it went fairly well, and I was already starting to think a little that I was going towards performing arts, scenography, etc. And then, in my Master’s second year I sort of eeked by, but I got the diploma all the same. Then I had the chance to work for an architect, I did my Master’s internship at “Scène scénographie”, which is a very good enterprise. We worked on the scenography of the “Musée d’Alésia”, the “Grotte Chauvet II”, so I had the chance to count the stalactites for many hours, this was enormously interesting! Interesting but… It was fun in any case, to work on beautiful projects.

Maxime:
During the last year of high school, I applied to an architecture school, it might have been in Lyon or Grenoble, I went there with my hands in my pockets, thinking: “To be an architect is a trade that you learn, so I’m not going to learn it beforehand!” I crashed, and my only solution was to go to a preparatory school. So then I was in the first year of a preparatory school.

Louis:
And then, when I started to work as an architect, I got a job with François Pin who is an architect who also run a music festival in quarries, in the “Carrières de Normandoux[2], and he created the Marbrerie in Montreuil (a suburb of Paris). I worked on the Marbrerie project, which was one of the biggest projects, the most interesting that I could do as an architect: it was a multi-programmatic project, with an artist’s residency, a swimming pool, a restaurant, an architecture agency, a performance hall, and furthermore I was in charge of sketching it. So, I could have really been very happy, and I stayed almost six months. In fact, it didn’t make me happy at all, so I thought that, if I was not happy there, then I didn’t see what I was still doing in architecture, because, I thought I wasn’t going to find a more interesting job.

Maxime:
With Louis, my cousin, we influence each other, maybe because we know each other very well. That is to say that when we grew up, we saw each other on a regular basis, we never really lost touch. So, this is the reason that it’s always a fluid relationship between us, we never yell at each other, in fact we don’t really need to. I think we adjust one another perfectly, that’s how we influence each other. I imagine that, as we both studied architecture, we speak the same language, it helps us to communicate of certain concepts, I don’t need to explain to him such and such architectural project.

 

3. Delphine’s journey to Africa

Delphine:
It took me a year, from the age of 17 to 18, to collect enough money for my trip to Africa. I worked during the summer and winter seasons. In any case my mother wouldn’t allow me to cross the border. So, when I turned 18, I immediately crossed the Spanish border. At 18 I no longer feared being prevented from doing so by send police. In fact, I’d already been arrested at police stations, and they were tracking me, they track street people, they have their photos, and they know where they are. They knew I lived on the street, that’s funny, because they didn’t know this until they arrested me.

I went all the way down to Spain. I took the boat in Gibraltar, I arrived in Morocco, and then I went down to Mauritania, and on to Dakar in Senegal. After that, I really wanted to go to Burkina Faso, because I’d met some Burkinabe in France and I wanted to go and visit them, they were dancers and percussionists. So, I took the train to Bamako, Mali, where I took another train to go to Ouagadougou in Burkina Faso, it took 48 hours by train to get there, it’s very long. Then I went to Koudougou, they lived there. I stayed there for a while, I was there for a year and a half.

At one point in Africa, I asked myself what exactly I was doing there? What’s the purpose for me to be there? I was white, so, in a subtle way, I didn’t seem to be living there, – look, I wasn’t a tourist! – but I was there, and I didn’t have much to do there, I could simply let myself live, live with the people, but I had the impression of having a real dilemma in my head. We had great discussions, it was super cool what I went through intellectually. For example, in Burkina Faso, we were there drinking tea and talking. They’re really very interesting intellectuals, but it’s not the same kind of intellectuals as in France, we don’t come from the same thing. And in fact, I really missed Western intellectual thinking. It was also lack of books too, of this kind of nourishment, I missed that a lot. And what’s more, it also didn’t make sense for me: there were a lot of problems over there, they couldn’t sell their wheat because there was so much competition, there were societal problems.

I remember once, I was in the desert, and I heard a guy with his tiny radio, and he said to me: “Yes, I think that in your country, things aren’t going very well, there’s a man who might be elected.” In fact, it was Le Pen, against Chirac at the time. And I remember that I said to myself: “What am I doing here, when it’s over there perhaps, that the root of the problem lies?” Everything was beautiful, the landscapes were magnificent, the weather was fine, there was a very cool way of life compared to here. And at the same time, I thought: “I don’t belong here, what am I doing here?” It was a bit of a dilemma. That’s why I came back, it no longer made sense for me to be there.

Going over there saved my life, it saved my ass. When I was in France, people said that I was crazy, my family said that I was crazy, well, I was a bit lost. And when I arrived in Africa, there was that family spirit, something completely natural, I found it super sane, hyper normal. I had lots of difficulties in France, and it was not the case in Africa. When I came back to France, I was part of a bunch of friends, we were a real gang, it was a family for me, something I didn’t have before. All this bunch, they are still my friends.

 

4. Yovan Girard, the Musician

Yovan:
I’ve been a musician for a long time. I’m basically a violinist, so, I studied classical music and jazz. I am issued from a family of musicians, my father, Jean-Luc Girard, is a composer, he wrote a fair number of pieces, that are, let’s say, classical, but always a bit hybrid. I have the impression I am also following this pathway, in the sense that he also listened to a lot of rock, and he listened to what we played. He liked composers who were a little extraterrestrial, like Frank Zappa (I don’t particularly like Zappa), he always made us listen to plenty of different kinds of music, he wasn’t an ayatollah of jazz or rock, he was quite open-minded. My brother, Simon Girard, is a trombonist, and we’ve always played together. Simon and I had a band, and we played together in a fair number of groups. Simon’s very much into jazz, even if he’s played in popular music groups. At the beginning the connection between us was jazz. I’ve known Louis Clément since early childhood. Louis’ parents, Sylvie Drouin and Dominique Clément, and my parents knew each other very well for a long time.

 

5. Delphine’s return to France

Delphine:
I went back to France, and I landed in Montceau-les-Mines and there I stayed for a long while. Well, already I’d fallen in love with a boy who was a stone carver and a painter, and I lived there with a bunch of friends in a house with mattresses on the floor. The problem is, when you’re settling down and become sedentary, that’s when you really become poor, because you have to pay the rent, the electricity, the water. Before that I never felt that I was poor. But there, it was really the case, I had no dough and I had to live.

 

Scene 1: Delphine with the woman social worker

A social worker: I suggest you attend a training program called IRFA-Bourgogne.[3]

Delphine: What’s it all about?

Social worker: It’s a training organization that helps you to try several jobs, several trades of your choice, you approach companies, and then you go. There are about twenty people in this training program, some working in funeral parlors, others in shelving, in a telephone call center, some doing housework, laundry…

Delphine: … all sorts of things that didn’t suit me, I couldn’t see myself doing that.

Social worker: You know, there might be other things outside that, you could go and see, I don’t know if they’ll hire you, but you can go and see…

Delphine: I will try the Atelier du Coin [4] in Montceau and the Gus Circus in Saint-Vallier [5].

 

Scene 2: At the Gus Circus.

A guy from the Gus Circus: Hello Delphine.

Delphine: Would you like to be my friend?

A guy from the Gus Circus: Yes. Come, you do tight rope, you do juggling, you can come here every day, whenever you want, the door is always open.

Delphine: I like it, I’ll be able to train like that.

A guy from the Gus Circus: You know, the Gus Circus basically doesn’t want to hire anyone.

Delphine: It doesn’t matter, I am going to stay there, it’ll work, it suits me. I have already the fiber to do that, because when I was on the street, I’ve already spat fire and juggled with balls.

 

Delphine:
So, they offered me a job on a subsidized contract, it was my first job, my first long term contract, for six months. Then I stayed to teach children for maybe three years, I don’t remember exactly. I think they renewed the contract once, these were subsidized contracts for non-profit organizations (associations), something not very expensive that was 80% reimbursed by the State, so they were able to do it. An after that, they actually hired me, they figured out that having one more person brought them more children to teach, so it worked for them. So, I worked for the Gus Circus of Saint-Vallier for a certain time, I don’t even know how long…

I worked in all the disciplines: clown, tightrope, trapeze, juggling. I got the BIAC diploma [6] [Brevet d’initiation aux arts du cirqueto teach circus arts. And then, the association imploded from the inside. In fact, it was the students’ parents who were the bosses, and it went very badly, there were conflicts of interest, conflicts of power. As we were just employees, we couldn’t have a say in the matter, it was their decision, and as a result, things exploded, so my friend and me both left. And I went on a professional trapeze training with a trapezist in Moux-en-Morvan, a completely crazy trapezist, Nicole Durot [7], who did performances under a helicopter, under a Montgolfier, in a word, trapeze without security. She’s 60 years old! When she took me on in training, she was still doing that kind of things, she was a warrior. I stayed for six months with her in intensive training.

 

6. Maxime’s Hesitations between Architecture and Drawing

Scene: Maxime’s meeting with the Venerable Member of the Grand Council.

The Venerable Member of the Grand Council: Maxime, after this year in a preparatory program, how do you see your future?

Maxime: I followed the program very seriously, and I came out of it honorably, but now I’m beginning to wonder.

The Venerable: What interests you? Becoming an engineer?

Maxime: No, I don’t want to be an engineer, that doesn’t really interest me, in fact I think that I want really to be an architect.

The Venerable: Did you do any drawing?

Maxime: Like all children, I used to draw, and I think I was encouraged a little.

The Venerable: Can you show me your drawings?

Maxime: Yes, here they are.

The Venerable: Your drawings are good.

Maxime: Drawing motivated me to continue. I know that my brothers were very good at drawing, but I don’t know why, it encouraged me to persist. And it’s true that as a child, my parents sent me to an art school, and I think that it does in fact eventually opens doors. I would go to that school every Wednesday for one hour, and the teacher would provide ideas for drawing, what I liked, it’s that he said:

The ghost of the drawing teacher: Here we are, I don’t know, you are going to draw figures, and you are going to do it in such a way so that the feet touch the bottom of the sheet, the head the top of the sheet.

Maxime: In fact, it reminded me of the Greek or Egyptian friezes, and so, I liked this idea of setting the rules of a fairly simple game, and then we would do it, and we could see that the results were all different. That’s pretty much what I retained, you fix a totally arbitrary rule for yourself, and it brings about all kinds of possible results. I would have liked to go to an art design school, there were illustration programs.

The Venerable: It’s a possible alternative. Yes, it would be good for you to go into architecture.

Someone passing by: Yes, it would be good for you to go into architecture..

A lady: Yes, it would be good for you to go into architecture.

Maxime: Effectively I could go this way.

The Venerable: It would be good for you. You can continue to draw during your architecture studies.

Maxime: I’ll never give up drawing, but I don’t take it too seriously, I never thought that I would make a career of it. It’s a thing that I liked doing, and I liked seeing myself progressing, I liked looking at it, I liked sharing it. I think I was not serious about it, so that’s why I didn’t choose to study it, even though architecture is indeed quite close to it.

The Venerable: In fact, you can be an excellent architect without knowing how to draw. Then, it’s interesting to know how to draw to communicate your ideas. You can end up drawing badly, but be good at drawing your ideas. Then, to be good at drawing can be useful in architecture.

Maxime: Yes, I think this is going to help me, I might not be the best, but it’s a good thing that I know drawing, it will be a plus for architecture.

The Venerable: Don’t be under any illusions: in the end, it won’t be long before you’re on the computer. and it’s no longer necessary to know how to draw.

Maxime: Ah?

The Venerable: Well, there’s a way around it: At the Strasbourg INSA you can be recruited as a student after only one year in preparatory school and they have a program of studies in architecture. I have a colleague whose son is in that school, call him!

Maxime: Bingo! I’m going to do it, if I’m accepted in that school, then I won’t have lost a year and I might be with people like me who have chosen this path.

The Venerable: The INSA in Strasbourg was founded during the German period (1870-1918), and at that time, the Germans didn’t distinguish between engineers and architects. So, this school has a tradition of being an engineering school, but it also trains architects, and this is something that has been kept. About 50 architects graduate every year, I think there are a little less nowadays. During the first years the courses are focused on engineering, civil engineering, and then thermic engineering.

Maxime: I have no particular desire to move in this direction.

The Venerable: It’s an opportunity to be seized.

Maxime: It’ll enable me to be outside the classical schools.

Maxime:
After my architecture studies at INSA, I worked in Strasbourg, I moved then to Paris where I worked for eight years. In the meantime, I had several experiences in foreign countries, I had an internship in Denmark, and one in Mexico. Then I worked for two months in Tokyo, because it was a culture I really wanted to discover, I dared to send my CV, and they told me: “Let’s do it, come if you like.” I already had maybe two or three years’ experience, so, they took me on for a two-month trial, and then there was no job available to stay. So, I came back, but it was a beautiful experience.

 

7. Yovan ‘s Story (continued)

Yovan:
At the beginning the connection between my brother and me was jazz. After jazz, I went a lot towards popular music, because I really enjoy composing. I’m in a rap group called Kunta, rap and Ethiopian music, with several instrumentalists. In Kunta, I play keyboard and I rap in English. In fact, I’d been doing a bit of rap on my own for a long time, and it was hard for me to imagine that you could do both playing keyboard and rap. Now I do it from time to time in certain projects, but at first, I didn’t want to mix the two, because it was a bit like two different personalities. So, I played keyboard because it was needed in the group. I simply got into playing Ethiopian scales, what you played on the piano wasn’t too complicated. Now I do both equally, keyboard and voice.

I like making different types of music, in fact I’m not locked in. I’ve already done quite a bit of music with images, notably I did music for a short film by a friend, Pierre Raphaël, and so that’s how I started. Then, I composed music for a theatre play, a modernized version of Cartouche. I’ve always been composing for a long time, doing what you might call “prod” at home on my sequencer with keyboard, plugins, it’s what my “generation” in quote does in the home studio, making the instrumentals to rap on top, but also some couplets, sometimes singing more, trying things out, in short, making music at home. That’s what we call bedroom music. I’ve always done a little of that, whether it’s rap or pop, I enjoyed experimenting because I listen to a fairly big number of different things.

 

Yovan Girard, workstation 1/2 (Conte d'un futur commun)

Yovan’s workstation,
(photos Nicolas Sidoroff).

 
 
Yovan Girard, workstation 2/2 (Conte d'un futur commun)

 

Scene 1, Yovan with a stage director [8]

Stage director: I propose you make the music for a collection of poems by Arthur Rimbaud. You could play violin.

Yovan: I propose that it be a solo violin without effects, because I liked the idea that it be as simple as possible.

Stage director: I insist that there be perhaps effects on certain passages where I hear different colors.

Yovan: I’ll do what you ask me to do. I like to start with a simple idea, for example just to compose for a project, but without worrying about the live music, because if you have to do live what you composed at home, it’s always complicated, unless you compose for a group.

Stage director: Even so, I would like you to do straight away the multi-instrument (violin and electronic effects) live on stage.

Yovan: It stresses me a bit. No, I’d rather just play the violin. I’m going to write a piece for solo violin, without anything else, rather than to have to engage myself straight away with the Swiss knife.

Stage director: I nevertheless need these changes of color at certain moments.

Yovan: OK, I accept, but I’ll just take a delay and a distort, because these I know them well, they do different things and can be useful.

Yovan:
I also composed music for digital arts, for example for an artist called Minuit, Dorian Rigal [9], he makes wall projections and quite a lot of immersive things, he is invited everywhere now, in particular at the “Fêtes des Lumières” in Lyon. I’d already done illustrative music for his scenography. So, the project with the “Tale of the Common Future” is like continuing all this, to compose music with images, for a spectacle, or a show.

Scene 2, at the start of the project of the “Tale for a Common Future”. Louis and Yovan.

Louis: Hello. Today, we start a first two-day residency to work on the music of the “Tale for a Common Future”.

Yovan: It’s not what I’d understood since the text od the tale isn’t written down yet. I prefer to compose at home beforehand.

Louis: No, but anyway bring something to play with.

Yovan: Listen, if you like, but it’s not exactly what’s going to happen. I have my analogue keyboard with me. I can start to play textures. Hey, here I’ve chosen one of them, this could be a starting point for the intro.

Louis: We’ll talk together a lot on how we’ll proceed from there.

 

8. Delphine’s Story (continued). Trapeze and Storytelling.

Delphine:
To make a living as a trapeze artist, the problem is hanging up a trapeze. I wanted to be autonomous, so I built a yurt (I have still it in my garden), in which I hang a trapeze. Then inside, I could give performances and lead workshops, it allowed me to have an autonomous job. I did this in the Morvan (because I was living in Morvan quite a lot), at La Tagnière in Saint-Eugène. The yurt, it’s something that can be dismantled and reassembled, I’ve never stopped dismantling and reassembling it for 4 or 5 years. I didn’t do performances with words, just with trapeze, impromptu performances with musicians I’d meet.

Scene between the Venerable Storyteller and Delphine.

The Venerable: You hang out a lot with punks. I don’t like it.

Delphine: I came to see your performance with them. They like it.

The Venerable: You are in a bad way!

Delphine: I know it’s not the kind of crowd you would approve, but I love punks, they’re my family.

The Venerable: You hang out in bars.

Delphine: For me there is a very strong bond there.

The Venerable: I will never abandon you.

Delphine: Thank you.

The Venerable: You should become a storyteller and tell the stories related to your African trip.

Delphine: I am incapable of telling what I lived through.

The Venerable: I propose to you to take part to the Contes Givrés Festival [10] under the yurt.

Delphine: I am not at all ready to talk in front of people. I could maybe do a performance without words.

Delphine:
It was my first performance for the Contes Givrés, it was called “Liberté”. It was a 20-minute performance on a trapeze with a guitar, under the yurt. For the first time it was really a spectacle that we’d designed, sold and performed. And that’s something that has been touring quite a lot at festivals. This brought me closer to Marie-France Marbach, so, I came back around here, I put up the yurt at la Fabrique, a place of residencies for creation in Savigny-sur-Grosne, in Messeugne. I found Marie-France there, and I lived at Pauline’s, who works with Contes Givrés. As she was going on a world tour, to spend a year in Asia, and she left me her flat, because I had nothing, I settled in there.

 

9. Louis and Maxime’s Stories (continued)

Scene between Maxime and Louis. Architecture and scenography, architecture and drawing.

Maxime: I never gave up drawing because as I progressed, even when I was working as an employee in an architecture firm, I found that projects took a long time, so you do some drawing, at the beginning you present sketches, 3D images, drawings, lots of elements like that, very beautiful that make you want to get at a result. So, this part is super, but then, for myself, I want to arrive more quickly at a result, I don’t want to make only beautiful images. And to get to a result, it takes a long time, and there are really too many obstacles that can make you fall into something different from what you want to do.

Louis: For me, it was important to be my own boss, so, I said to myself that scenography for events was more indicated than working for an architect’s office, because to be one’s own boss as an architect implies lots of problems, the décennale [11], and above all I was facing the temporal unfolding of a single project which in architecture can easily take ten years. This was more what I had in mind in terms of temporality, even though now it’s really a little more than that.

Maxime: I still like architecture, so I continue practicing this way, because it takes two years to realize a project, and then it’s very gratifying to go there, to make it alive and all that, but I needed to create things over a much shorter period of time.

Louis: With scenography for events, I was a self-employed entrepreneur, small task person in event organizing firms. Two years later, I started to be stage manager for the Ensemble Aleph [12] and other organizations. I also discovered video projection and mapping. It appealed to me a lot and I started to do that. Then, the fact of meeting people involved in video-projection led me towards digital arts and led me specifically to the tours guided by smartphones. You have in your pocket a fairly powerful tool, which people use to do very little. I thought that it could be interesting to see what could be done with this.

Maxime: I remember that during the evenings at home, on weekends, I was spending two hours to make at least one drawing that would make me happy. And my little ritual was: I would do it in the evening, and in the next morning I would put it on the floor near the window, and it was then that I had the validation, it was then that I would know if it was successful or not. So, I would get up the next morning and say to myself: “Ah! frankly not bad.” Or “No, no, I didn’t go through with it.” Or else “OK, it’s not as it should be, but on the other hand, the next time I’ll change the color, I’ll do it again differently.” And this was the big difference with architecture where in the end, if you do many tests, you never consider the final result. You work by approximation of the result and once it’s there, frankly, it’s too late. You can no longer break the walls, you can repaint things very little, so it’s pretty frustrating because you say to yourself that you were close, but that you could have changed this or that if you would have been aware of it beforehand. However, there, with drawing at home, what I like is that you are like the chefs: they have a dish, and if they want to change a flavor, an ingredient, they start the dish again and they come up with a result again. I like the fact that in my everyday life I can do the two activities, the very long work in architecture to achieve a result, and the fairly short work time an artist needs to achieve a result that itself leads to the following search.

Louis: The first encounter with mapping [13], came through YouTube, with a collective called 1024 Architecture. They are behind one of the software programs called MadMapper. I discovered mapping at a Christmas tree gathering, they had basically stretched some tulle fabric on tour Layher, some construction site scaffolding. It’s amazing what you can do with just tulle fabric and video projection. In fact, what really appealed to me about mapping in the first place, it was its holograph, hologram, holographic aspect. It would take form somehow, and as such it spoke to me well with my architecture background, and the fact that it was contextual.

 

Yovan’s Story (continued), the Project « A Violin for my School »

Yovan :
I’m currently teaching two days a week for a project called “A violin for my school”. Basically, it’s a social project that aims at reducing school failure through music learning, they called in neurosciences researchers to conduct a 10-year study to see how students behave. It’s an interesting project that concerns students up to age 16 taking violin lessons, sponsored by a Swiss foundation, the Fondation Vareille. In this program, there are a lot of teachers, but certainly not enough, otherwise it’s very good, the students like making music, the violin, they only play violin. The foundation bought a lot of violins for all the students. It’s good for the students do this, they are all in ZEP+ [Priority Education Zone+], which means that certain of them have complicated profiles.

 

11. Delphine, the Tale of the Skull and the Fisherman

Delphine:
The first story I told was one I heard from Marie-France and loved. It’s the story of the skull and the fisherman:

 

The Tale of the Skull and the Fisherman

A fisherman finds a skull there.

Fisherman: Skull, what are you doing here? What brought you here?

Skull: The word.

The fisherman is very astonished that the skull speaks.

Fisherman: Skull, you have spoken, what brought you here?

The skull unlocks his big jaw:

Skull: The word.

The fisherman runs to the king.

Fisherman: Wow! there is a skull speaking over there.

The King: Wait a minute, you’re bothering me with your stories of a skull speaking there, do you think I‘ll believe you? It’s not possible. Anyway, I’ll come, but if it’s not true, I’ll chop your head off.

The fisherman, he is sure of himself, he takes the king, the ministers, everyone.

Fisherman: Skull, skull! Tell the king what brought you here?

Skull: …

Fisherman: Come on skull, please speak, what brought you here?

Skull: …

So, the king chops the fisherman’s head off, the head falls on the floor, it rolls and rolls, and rolls, it comes right next to the skull.

Skull: Head, hey, head! what brought you here?

Head: The word.

 

Delphine:
And I liked this story because precisely of this fear of speaking: what is speaking? What should be said? What shouldn’t be said? Do you have the right to say anything? Are you going to have your head chopped off if you say something that you shouldn’t? Perhaps it was my fear of speaking that made me to tell that story, it was one of the first ones I used. And then, after that, what tales did I tell? I found stories, I looked for them in books, my bookshelves are full of books, I read, read, read, a lot of stories. And then, I chose the ones that touched me.

 

12. The little notebook with trees. Maxime Hurdequint, Maxime Touroute [14] and Louis Clément.

Scene 1: All three of them drink coffee at Louis’ home.

Maxime T. : I am a computer expert and I do also artistic photography projects. Here are several ones of them. And some software I have encoded.

Maxime H. : Ah!

Louis : Ah!… I am interested in mapping. I do it on masks. I build African mask out of papers, fairly simple things, which I then map with a video projector, adding colors.

Maxime T. : Ah!

Maxime H. : Ah!… Here are my drawings.

Louis : Ah!

Maxime T. : Ah! OK, super, but we don’t know what we could do with them.

Louis : Why not tell a story?

Maxime T. : Yeah…

Maxime H. : Yeah…

Louis : No, it won’t do.

Maxime H. : I’ve also this, that’s cool and funny..
(He takes out a small notebook measuring 10 cm by 10 cm)
In this little notebook, I asked people to draw a tree.

 
 

Maxime Hurdequint, trees' notebook 1/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, trees' notebook 2/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, trees' notebook 3/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, trees' notebook 4/5 (Conte d'un futur commun) Maxime Hurdequint, trees' notebook 5/5 (Conte d'un futur commun)
Maxime’s little notebook with trees (photos Nicolas Sidoroff).

 

Scene 2, sometimes before, Maxime H. and another person.

Maxime H.: Draw me a tree on this notebook.

The other person: Hell no, I don’t know how to draw and all that, and then, frankly, a tree, no, that’s not possible.

Maxime H.: Surely you can do it, and then, if it’s ugly, in any case it will remain anonymous. As soon as you’ve finished your tree, you can look at all the other trees that have been drawn before, frankly, there are some cool ones.

The other person: OK, I’ll draw a tree.

Maxime H.: I find it funny to see the richness of the different trees.

Scene 3: During Maxime’s architectural studies.

Maxime H.: Here we are, guys, I’ll ask you to draw a tree, and then we will hang all your drawings on the class wall with a little text I’ve written on the meaning of drawing trees.

Each student draws his/her tree.

Maxime H.:
Now look at them and you can find out what you’re like, knowing that it’s not serious.

A student: What should we look for?

Maxime H.: If there are roots going into the ground, if there are leaves or not (because many people draw trees without leaves), if the branches are going down, if the trunk is thin, if there is a hole in the trunk – it’s a great classic – and finally, there are absurd things : if there is a bird on the left branch, but looks to the right, that means something. But it’s impossible, it would never happen,

A student: But it’s exactly what I’ve drawn, this thing! [General laughter]

 

Scene 4: in 2015

A Japanese friend: Here is a present for you: a little notebook.

Maxime H.: Thank you. I don’t ‘know what I am going to do with this notebook. The notebook I had before was nearly full when I lost it in the Paris metro. I’m going to do it again with this new notebook. I tried to do it with other things, like doing it with fishes, anyone can draw a fish, but the results were not very interesting. Someone suggested to draw a teapot, or a window, I tried but frankly, I never came up with anything other than a tree. Yes, it’s true, the fishes are less interesting!

 

Scene 5: return to the first scene with Louis Clément, Maxime H. et Maxime T.

Maxime H.: It clicks!

Louis: It’s great, we could do that, but we could get people to draw the tree on their smartphone with their fingers, and then we’d send it, and you could do an arboretum, where everybody can see everyone else’s trees.

Maxime T.: We will call it the Live Drawing Project.

 

13. Delphine’s story (continued). The Tale of Tom Thumb.

Delphine:
A friend of mine, Florent Fichot, who is an actor, suggested to me that I do something where I would tell things on the trapeze, and so, I was reciting some passages, from Peter Pan for example; it was called “Souffle court” (short breath). We played it at the Théâtre du C2 [15] (in Torcy, in Saône-et-Loire).
 
Then, there was the story of Tom Thumb on the trapeze. Not the story of the real Tom Thumb, right? But Jacques Prévert’s “Petit Poucet” (“The Ostrich”) [16].
 

The Tale of Tom Thumb

When Tom Thumb, abandoned in the forest, sowed pebbles behind him to find his way home, he had no idea that an ostrich was following him to eat all the pebbles one by one, “ram, ram, ram”. Tom Thumb looks back, no more pebbles! It’s a sorry state, no pebbles no house; no house no returning home; no home no daddy-mummy. Then he hears a noise, he hears music, a racket. He pokes his head through the leaves, and he sees the ostrich dancing and singing, and she looks at him.

Ostrich: It’s me who make all this noise, I’m happy, I’ve eaten…

Tom Thumb: You have a magnificent stomach.

Ostrich: Yes, I ate lots of stuff. Come on! Get on my back, I go very fast, I’m going to take you far away.

Tom Thumb: But my mother and my father, won’t I ever see them again?

Ostrich: Did your mother beat you sometimes?

Tom Thumb: My father used to beat me too.

Ostrich: Ah! he used to beat you! Wait a minute! Kids don’t beat their parents, why should parents beat their kids? I can’t stand violence against children. Did he ever beat you?

Tom Thumb: Yes, Father Thumb also beat me.

Ostrich: You know what? Father Thumb is no good. And your mother, instead of buying big hats with ostrich feathers, she’d better be taking care of you. And your father, he is not very smart, do you know what he said to your mother the first time he saw her? He said: ‘she looks like a big pond, it’s a shame there is no bridge.’ Everybody laughed!

Tom Thumb: I laughed, but my mother slapped my face: ‘you can’t laugh when your father says that’.

Ostrich: The thing, boo!!

 

Delphine:
At this point, I fell off the trapeze and broke my hand.
 
I think that I was taken by emotion looking at the audience. I fell off the trapeze and broke my hand, as a result I couldn’t speak anymore. The problem with working the trapeze, and telling a story at the same time, is that you have to be there with each part of the body, in the hands, in the legs, with each support point, you have to be concentrated. Except that I was telling a story at the same time, I lost focus and I fell.

 

14. Delphine and Storytelling, Maxime, Architecture and Drawings, Yovan and Composition.

Delphine:
My wrist was broken, I was operated on in Montceau, and they failed – you should never go to Montceau, you’ll know now – they failed me, I had to have another operation, so that lasted a year. As a result, I’d to earn a living.

 

Scene: Telephone call with the Venerable stroryteller

The Venerable: What do you intend to do?

Delphine: I’m banking on storytelling. I’m going to tell stories, I’m capable of it, since I did it on the trapeze..

The Venerable: You know, it’s a sign, if these things happen to you, it might be because you have got something else to do besides trapeze.

Maxime:
Visual arts are hyper wide in range. I don’t know if it’s a rule I’ve set up for myself, but I hadn’t explore that much outside drawing, so some of my friends told me: “Well, try to open up your practice a little.” I think it was good for me to gain confidence little by little with small formats, and gradually, I’ve become more at ease with large formats. As I’ve been doing a lot of skateboarding, and my brother makes skate art, he sculpts on skateboards, he introduced me to that, so, I did some skateboard art, I must have produced about ten of them, and then, recently, I was commissioned to do one on a big surfboard. I think it’s a question of feeling at ease, and after that, you can move on to bigger formats. What’s also amazing about skateboards is having the object in your hands, and being obliged to move with it, to move around it, whereas with the sheet of paper, it’s really only the wrist that’s moving. Here, there’s a relationship with the object, even if you’re not producing the form… I’m discovering all this gradually, bit by bit, as I become more comfortable with my artistic or illustrative approach.

Yovan:
When I compose, I often use a sound that develops in a given time. Sometimes I have to stretch it out a bit, make things longer, and sometimes a bit shorter, that’s why the repetitive side is convenient, and it’s also what you want, an electronic dimension. Normally, when I compose pieces, I have a beginning and an ending, I know where I’m going, and I like to have a little constraint especially for the music I compose for other’s projects or collaborative projects.

Delphine:
So, gently, I started telling stories and, in so doing, also becoming more self-confident. I think that you are completely naked when telling a story: slips of the tongue, tone of voice, all this tells things about yourself. I felt that it was for me a very delicate issue: being in front of an audience, being afraid of their judgment, of judging yourself. I’m very demanding, I’m very critical of myself, so I was very afraid of what I was going to experience with myself. Speaking in front of others, you’re committing yourself, committing a part yourself. I find that very risky, in fact.

Yovan:
And among the sources that have influenced me, there is a musician, actually not quite a DJ, called Débruit [17], who in particular did a project – KoKoKo! [18] – with percussionists from Kinshasa. It’s really interesting, precisely because he respects their work, he uses their music and just adds small electro touches, but doesn’t deform their music. What Débruit does inspired me well before that KoKoKo! project, but it is one of his most accomplished projects, because it really respects traditional music, and then goes for electronic touches to modernize it a bit.

Delphine:
With the trapeze, I gesticulate a lot, and as time goes by less and less, but it’s true that I move a lot, I engage my body a lot, and I work a lot with a double, often a musician. At the start, the guitarist Julien Lagrange [19] was the guy with whom I formed a trapeze-guitar duo, and he’s still participating in tale-guitar performances. That helps me a lot because we work things together, we set-up rhythm, it pushes me to work too, because when you are alone in your kitchen, you do it, but it’s less easy than when you meet someone to work with, so it helps me to be two. Often, after working on the stories with Julien, I also do them without the guitar. It’s reassuring not to be on my own, and that’s how you build things up.

Maxime:
My main activity is as an architect, but I don’t consider that drawing is just a hobby. There are times during the week which are reserved for drawing, so these two activities coexist. One is more important than the other, but as I’ve participated in exhibitions and I sometimes had commissions, I’ve also been able to sell certain works. Of course, the artistic part of my life is not the one that feeds me, but at the same time, I’ve been able to go further with it. I began by having an exhibition in a café in 2020, where I showed several drawings I’d made during and after my trip to Asia. I also made some drawings on skateboards, I’d done one tryptic and one diptych of skateboards, again in that style. In 2021, I’d an exhibition in a restaurant shared with another artist, I used the theme of the Mayas, because I’d been to Mexico. I had done for this exhibition a triptych of 3 skateboards, and a diptych of 2 skateboards with another artist working in a completely different universe. The same year I participated in a skate art exhibition in Roubaix, I sent in a diptych on the theme of Japan, some people got interested and bought it. It was very funny: a lady offered it to her husband, a former skateboarder and she said: “He is a fan of Japan, he loves skateboarding, I felt it was his style. We’ve put it in good place in our living room.” I was delighted.

Delphine:
I turned primarily to young audiences, I thought it was less judgmental. In a way, it’s harder, because if it doesn’t work, it doesn’t work, that is they’re not going to pretend that it’s good. There is something about children, where if it doesn’t work, you know it straight away, there’s no two ways about it. And at the same time, there’s less judgment in relation to references, to labels, to what already exists.

Maxime :
Then we did a group exhibition in 2022 with my brother and another artist, where this time it was only skateboards that we sculpted. We decided that for each of us, there would be one skateboard we would do entirely ourselves, another that we would share with one of the other two artists, and the third would be shared with the other artist.

Yovan :
I work with Cubase. It’s not obvious, people don’t understand why. Everyone’s on Live. When I am on my computer, I don’t use Live often, in fact I never use it. It was always a bit of a struggle to say: “Well, I am on Cubase”. And during the first residency we had in Lyon, the sound engineer told me: “Ah! but I’m working on Live, you have to learn Live”, and finally he was a bit at a loss and so was I. We found a common ground and he saw that I had the latest Cubase version with the same functionalities, he understood quickly, and he showed me how to adapt the pieces in 7.1 [20] for a spatialization. I’d never done that, it stressed me a bit at first, so I said: “Well, that was an interesting thing to do.”

Delphine:
You have to be very demanding about what is told and by whom: if you tell a story that has been already told by such-and-such a person, or that comes from such-and-such a place, it might be poorly seen. For example, to tell a story that has been written by Henri Gougaud, because he’s a guy who takes up traditional tales, and puts them in his own name, you can’t do that. Or take up a story told someone else, you can’t copy-and-paste. You have to be careful with what you do, in fact, you can’t tell just anything. You have to respect everyone’s work, always say what’s the origin of your stories, from where it comes, from what country, from what culture. And as with any work, I think that as soon as you put your foot in it, the more you realize that there is work to do, it’s without end.

Maxime:
And last year (2022) we had a collective exhibition of surfboards at the Lyon City Surf Park near the Décines football ground. It was the opening vernissage of this sports facility, and they had asked 20 artists to draw on surfboards. I produced this work on Moroccan theme, because it’s quite well-known in the world of surf, I was inspired by Moroccan arts and I added the sea at the end.

Delphine:
When I speak of rhythm, it’s the rhythm of narration. Because often, there are moments when it’s almost singing, there are refrains that are repeated, and an ending. It has to grow in intensity, it has to decrease. There’s a real rhythm to the creation of a story. What is hard with the “Tale for a Common Future” is that it’s a very long story, so it’s more difficult to get into a rhythm.

 

15. The Live Drawing Project

Louis:
And then, I switched to video projection, and I started to design this first project that worked correctly, it was the “Live Drawing Project”, which was clearly the result of a meeting with Maxime Touroute, Maxime Hurdequin, and me. I met Maxime Touroute at a mapping workshop, he had just arrived in Lyon, and each one of us had in turn to present ourselves, and he said that he was working as a developer for Millumin. Maxime Hurdequin is my cousin, so, we’ve known each other since early childhood.

Maxime:
With the three of us, we organized a lot of working time together. At many times, even though we were working side by side, each one of us would work on our own. But there wasn’t this feeling of distance between us. With the Live Drawing Project, the heart of the matter remained the computer, it was really Maxime Touroute who coded, and then there were a lot of tasks that came into play: the communication part, the project management, preparation, set-up.

Louis:
In fact, there are three software programs that exist to do « mapping » and work very well, Resolume that I use, Madmapper which was designed by Swiss people and well known in the trade, and Millumin that tried to find a place in the performing arts.

Maxime:
It will be quite different with the “Tale of the Common Future” where the branches join together at the end during the residencies, and the rest of the time there is not much need to communicate with each other.

Louis:
And we thought that it might be to have people draw in order for their drawings to appear on a screen in real time.

Maxime:
For the Live Drawing you need to know what you are capable of doing and whether you can really encode as you go. OK, there, Louis, do you think that we will get there doing this on this interface?

Louis:
Well, no, it’s impossible, we cannot do it.

Maxime:
Hop ! So, you must have a lot more exchanges, because, the skills are much more linked together, it’s a constant ping-pong.

Louis:
And one month later we participated to the “Fête des Lumières” in Lyon.

Maxime:
During the “Fêtes des Lumières” in Lyon, it was in a bar, the Club des Lumières. The bar tender had stated: “I’ll give you 150 bucks for three days and you make me an event ‘Fêtes des Lumières’.” So we showed him our idea, I had made three drawings to explain it, and Maxime Touroute, did the coding every night for ten days, and it works very well. And what’s more, people would have enough to do, and only make one or two drawings and that’s it. We thought that when we proposed a little theme, draw a flower, draw a tree, we thought that people will have their own task at hand, and only make a small drawing, and that’s it. In fact, not at all, people get really interested, they stay for an hour drawing next to each other, saying: “Look at mine, look at mine!” And in the end, we realize that the more drawing themes we gave, the more people ideas people had, or they wouldn’t follow the proposed theme at all. I think we had found a really open tool. It’s true, we can’t deny this, that people had the tendency to look at their own phones in an individualist way, but because they were drawing right next to one another, they were also exchanging words with one another. And then there were those who didn’t draw, they looked at the big screen where the drawings were projected. We realize that when we passed between the people, things happened, people chatted, they showed each other things, it gave them ideas. We thought: “Yeah, that’s cool, we have got something there that’s rich”. That’s what we developed with Maxime Touroute and Louis, this tool, the Live Drawing Project, a project of participatory drawings that we enriched as we went along.

Louis:
And after that, it got rolling, we are now at our 140th projection.

Maxime:
With the Live Drawing project, when we use it, it’s really a big remote control. Maxime Touroute provided lots of keys: there is a key to change the color of the drawings, one to make them bigger, one to make them smaller, etc. And you can make crossfades, and things like that, but we are not really telling a story; we simply animate the images to avoid always having the same visuals, but it’s not narrative. By contrast, the “Tale of the Common Future”, with the Resolute software, and the fact that there is a storyteller, is really very narrative.

Louis:
We have been touring about everywhere in the world, it has worked super well.

Maxime:
This has been going on since 2018 until now. We had other gigs in 2019 and 2020. It became gradually better remunerated; we were able to buy a video projector, get an association to take care of the administrative side. So, little by little we became more professional. We travelled to Canada, to Denmark. Then there was the Covid confinement, so we developed tools specially for the confinement, by organizing remote communication events. This was for us a good source of revenue, we did it again with Denmark, this time in tele-conference. We are present in many countries, lately in Burma for example.

Louis:
And I told myself at some point that I would like to tell stories with this interface, to be able to do something participatory, and also tell a story so that the spectator would play an active role in shaping the narrative. As it happened, we did our first residency four years ago at LabLab in Villeurbanne [21] (a suburb of Lyon). That’s when we started to use this tool to tell a very short story: the coming to life of a digital anomaly. It was a very short 15 minutes tale, maybe even shorter. It took us four or five days to put it together. At that time, there was no tale yet. There was just a text projected on the screen, as with subtitles for a moving image. The public would draw things before entering the performance space, for example stars. In fact, what we wanted to test was the different types of interaction with the public, how we could get them to participate beforehand, during the projection, while looking, how to make them stop, etc. This residency helped me a lot afterwards in writing, and particularly interacting with the public. Maxime Hurdequint participated in the creation of the basic concept and after that he was doing the management of the project, publicity, looking for places to do it, he did quite a number of budgets templates, when we had to get people to sign, etc.

 

16. Delphine: Two Tales

Delphine:
With Julien, now, we present the tale of “Peter and the Witch”, it’s a traditional children’s story. I mention this one because it’s very rhythmic, between what I say and what he plays.

 

The Tale of Peter and the Witch

In a village, there is a witch.
(Julien plays, he doesn’t look at me, he listens to what I say, and he plays accordingly.)
Then all of a sudden, the witch starts to sing to Pierre, a small boy: [she sings]
“Crac, it’s me the most cunning, and cric, crac, I’m going to eat you up, ah! ah! ah! ah! ah!”
(Julien plays as soon as she sings, he finds the melody to accompany her.))
Hop !
She puts him in the bag.
Hop ! She closes the bag, ah! ah! ah! ah!
She walks, she goes up the path, she arrives to her manor, she puts the bag in the kitchen, she opens it. In fact, what’s inside?
Well, the kid escaped, and then put a stone in the bag, aaaaaaaaaah!”
(When the witch opens the bag, Julien stops playing, there should be a silence at that moment)
She opens it and what’s there inside?
« Aaaah aah ! »
A stone.
« You little brat!”
(This must be in silence. Then the guitar starts again on:)
Peter, the next morning, he doesn’t go to school, he goes on the path, he finds a pear… Hop! He wanders about.
(Julien plays according to what the storyteller is saying, for him there is a logic at work.)

 

Delphine :
There is also

The Tale of the Gingerbread Man

It’s the story of a gingerbread man made by a woman, she puts him in the oven, and he escapes through the window, runs away, runs, runs, and everybody is running after him, and he runs, runs, runs. And the fox, he is waiting for him at the other end, he entices him with big praises, so evidently, he trusts the fox. He gets on his back, and the fox, “crrrr”, eats him. (At this moment, we have to be together, when he devours him.) “Crrrr, hop!… He’s eaten him!!

 

Delphine:
So, Julien and me, we have some very well synchronized cues between us. He performs very near me, we know each other very well, he knows how I tell the story, so, we can improvise things together. We work a lot together face-to-face, even though we also do a lot of work on our own. I can give him the story that I want to tell on paper, or in a book. He brings his own stories too, and he says: “Ah! I’d like to hear that story, I think it’s cool, and plus I’ve got a musical universe for it”. I work a bit on my own, and he work a bit on his own, about roughly what we want to do. And then, we work on getting things in place. And we say: “Let’s do it!”

 

17. Origin of the “Tale of a Common Future”

Scene 1: The telephone rings at Delphine’s home. It’s Louis Clément

Louis: My name is Louis Clément. The association Antipode gave me your name. I would like to do a spectacle in which you imagine how it would be in 100 years, but in an ideal world.

Delphine: Ah yes! No doubt about it, we are in this ideal world…

Louis: 100 years from now, it’s been done!

Delphine: OK, and how did we get here?

Louis: I often tell stories, I’ve got the knack for it, I’ve done it with lots of students, because I participate a lot in artistic and cultural education residencies, and what I often talk about is trying to change the world on my own scale: again, it’s utopic on my part, but then it’s something which carries me along. How can I change the world? I can’t invent very cheap renewable energies, I can’t invent a totally carbon-free means of transport of the future, as for example the cargo-bike. So, I thought that I would just like to get people to reflect on their future and above all to try to go in the opposite direction to everything that’s a dystopia, to try to start with something where, basically, you think about a future in which everything goes well, and how is it possible to achieve this..

Delphine: What you say does me good. Because at the moment I’m in the dark, immersed in punks’ stuff, in things where the world is… Sometimes I think I’m going to throw a bomb on this world, I mean, we’re going to blow up things, when you realize what’s happening in the world, it’s just “aaaah!…” Sometimes, it seems that there are people to kill, there are things to blast, anyway it’s got to stop, period. I hang out with the world of punks, no future.

Louis : Through my reading, I got a lot of inspiration from stories telling us that basically it’s thanks to thinking that you achieve to do things. In particular Neal Stephenson, who is science-fiction author I quite like, who developed a theory called hieroglyph theory: it has to do with technological innovations, and thanks to science-fiction you are able to make major technological advances. His favorite example is the fuel for rockets, he explains that it’s a science-fiction novelist who said that it would work in such and such a way, and then afterwards, a researcher started to work on this idea using this writer’s intuitions and succeeded in creating the first rocket fuel. I like to tell this story to the students I work with or to the public, I like to stress the fact that, basically, if you want to move towards a desirable future, you need to think about it first. So, the first stage to having a world you want is just to reflect on it.

Delphine: In fact, it’s cool to imagine this, it counterbalances the dark ideas. OK say that in 100 years we will be in an ideal world, and you do everything possible to get there. It’s not a question of criticizing everything that’s wrong, of pointing the finger at what doesn’t work, even though you know so many things that are wrong. No, we’re going to say, OK, in 100 years’ time we’re in a cool place. So, OK. I don’t know what I’m getting myself into. Well, yes, I’m interested.

Louis: Well, you’re interested, go on, let’s do it..

Delphine: But you don’t want to see what I am doing beforehand? I play at the media library in Mâcon, on such a date, for children and in the evening for the general public.

Louis: Ah! I cannot in the evening, I will come at the performance for the kids.

 

Delphine:
So, Louis came to see my Jabuti performance at the Mâcon multimedia library: a trapeze performance, actually. We put the trapeze back on, because I’ve got a friend who is also trapezist. I’ve got a circus network around me. Jabuti was a spectacle of storytelling-trapeze-flute. It was a stroll: we went strolling with the public around the media library and led them to the trapeze. So, he came to see the performance, and that’s how we met for the first time.

Louis:
So, that’s how we crossed paths. Anyway, I arrived a little early before the performance, we had a chat, I explained the project, how it will happen, etc. After that, she presented her project, I had to go back to Lyon before the end of the performance, so I didn’t have time to debrief at the end.

 

Scene 2: New telephone call from Louis to Delphine.

Louis: Hello, hi..

Delphine: Hi.

Louis: I saw your performance, which I thought was very good. So yes, it’s fine with me, if you are still willing to do it, OK, let’s do it.

Delphine: OK, let’s do it.

Louis : Let’s go.

 

18. The AADN Immersive Project

Yovan :
The project of the Tale for a Common Future was initiated by Louis. It was his first real spectacle, he had at first few ideas that were still brewing, he knew what he wanted to do but he had difficulties putting his ideas into concrete form. So, when we started talking about it, he had in mind a first team and above all he was looking for funding, in any case, so that we could get places to enable us to create the immersive aspect of the spectacle. A first proposal was put forward, it came close, but it didn’t work. Then, once we got the funding from AADN for this immersive project in planetariums, let’s say in certain towns in France, we started to talk about writing the spectacle, because it was about one year before the first performance.

Maxime:
It started that way. Louis had the intuition to bring us together. In 2019, we organized a residency to try to tell a story using Live Drawing. We made a 5-minute piece, with very, very simple graphics, frankly, it was great. Telling stories became a possibility, but at this point we didn’t go any further. It gradually germinated along the way.

Louis :
And then there was the call for proposals by AADN (Arts & Cultures Numériques) [22] – I was a benevolent member of its Executive Board. They launched a call for immersive creation. It interested me a lot because I started going to see immersive full dome spectacles, and I thought it was pretty crazy, well, it was rather amazing! The immersion that was felt in front of these images aroused my interest. The AADN point of view was to bet on collective immersion, that is to get many spectators to participate in an experience, rather than to have an individual immersion as in virtual reality (with headsets). I liked the idea of going against individual forms of immersion. We’re talking today of the « Metaverse » [23] it means that it’s either about immersing yourself individually in a collective thing or it’s about collectively immersing yourself in a work: you’re all together.

Maxime:
So, it’s Louis who really comes up with the concept, he knows already what he wants to do, and who he wants to work with. We found a first storyteller, but in the end, we didn’t necessarily get the grants we wanted, so we ended up finding a second storyteller, Delphine, and Louis had already found Yovan for the music, who he knew very well. And we got the immersive grant in 2021.

Louis :
We answered the AADN call for projects, I don’t remember the exact date. I took a certain number of decisions: I started by telling this story, I came up with the name of “A Tale of a Common Future”, in retrospect, I think that it speaks to a lot of people. After a first refusal to our proposal for the AADN Call for immersive projects, we resubmitted a project. And this time we got it and the AADN agreed to take us on as a delegated production, which meant that they’d help us raise money and to get performances. And from that moment we have to produce written proposals and start the residencies. I’d been working with Maxime Hurdequint with the Live Drawing, we couldn’t do without his drawing skills, I asked him to make the sets. I thought that a musician was needed, so obviously I asked Yovan Girard, whom I admire a lot, he made a lot of music with a sensibility that I like. He usually composes strictly musical pieces, but he had already done a theater piece with someone. I know he can do it too. We’ve known each other since early childhood, my parents and his parents are very close friends, my mother and his father went to high school together, I think.

 

19. The “Tale of a Common Future”

Louis :
So, I set up a calendar for creative actions, we decide on dates, we start doing things together, etc. I continue in parallel to seek more fundings on my own. While this Call to immersive projects grant brings us some money, it’s not enough to pay everybody all the time, and what’s more, I ask people to work outside the residency periods. We’ve submitted I don’t know how many applications to various organizations. For example, we submitted three times a proposal to the Hybrid Creation in Auvergne-Rhône-Alpes before getting something from them, and also we applied to the CNC (Centre National du Cinéma) and we were successful, as a result we obtained a substantial amount of money. Thanks to that I can breathe a little easier, because I’ll be able to pay people properly for their creation, this is for us a great chance.. And then, we also got some funding from SACEM (music author’s right society). And we were able to do another residency, at the LabLab, and to pay the Enghien-les-Bains Centre des Arts residency, that was not otherwise renumerated. This residency lasted two weeks, because the place by chance was available. They would provide the place, but that’s all, they didn’t do any co-production, they didn’t give us any money for that.

Before finding the title of the “Tale of a Common Future” (Conte d’un futur commun), I was thinking that the reactions of the public should be able to inflect the story’s unfolding. If it was written, we would have arborescent scenarios, with multiple choice trees, this was going to be potentially very complex. And then, there was that idea of a story told around a fire, with people participating, that kind of thing. What pleased me was the opposition between the tale as one of the oldest forms of “art” with its manner of telling stories, and the participatory side, the smartphones, the projection, you had to find a balance between the two. So, I decided that it could be a tale.

Delphine, Maxime, Yovan and I started to work together on this project. I really had already the whole universe of the tale in my head. The first time Delphine and I met, I had the whole unfolding of the story. I knew where it starts, what you are going to see, and how it all ends. In fact, I didn’t really know the storyline, but the places where it happens.

 

20. Louis, One Year to Reflect

Louis :
For a year, practically nothing happened, there were no meetings or anything else. I was thinking on my own, in a rather introspective way. Nothing specific was emerging, but I read an enormous number of books, no longer just for “pleasure”. I made a huge list of works to read. These are all references to concepts, people, thinkers, projects that inspire me, from people who would talk about how they were writing about this topic.

During this year of thinking about the project, when decisions had to be made, it was all in my head, at no time had I written down anything. I formalize things in my head, I just say to myself: this is going to be like that, we’ll start there. And then there was this idea of going to visit places where there are communities living in harmony with their environment, and that, in fact, cannot be done in a hurry: one would do a complete tour of the environment, in the forest, the mountain, through the airs, under the water… And then, I thought, on account of their importance, the city should be a big thing, which will not disappear, so we needed to find an interesting way to inhabit this town. I read a lot of stuff on re-wilding in fashion, like Baptiste Morizot [24], all those people speaking about how to give back a place to nature in the city.

 

21. The writing of the Tale, Louis and Delphine

Louis :
With Delphine, we meet a first time for two days. At the beginning, I come with my story, but in fact I really have only the places of action, and Delphine is the one who’s going to knit everything together, the relationships between the characters, how they are going to be, how they’ll talk to each other, and that helps me a lot. I present my ideas to her and how they might be developed: I want the heroine to go there, and there, and there…

Delphine:
I draw, I write, and then, on my own I go over it again, I reimagine what it looks like, and I find a way to say it. And then, when I’ve found it, I can fix it on paper, and I put the texts on my computer. But after that, I keep modifying them a lot.

 

Delphine Descombin, notes 1/3 (Conte d'un futur commun)
Delphine’s notes (photo Nicolas Sidoroff).

 

Delphine :
That’s why I have lots and lots of texts on my computer. When I am working in the residencies, I need to have written papers that I cross out, that I correct directly, you see, for example here, it’s all corrected. I am lost if it’s too much a shambles. It also has to be clear in my head, that’s why I write a lot of texts. Writing the tale starts always with paper, because I’m in the habit of writing by hand. Louis is on the sofa and says to me: “OK.”

 

Scene 1: the first working session between Delphine and Louis.

Louis: OK. Let’s start with the arboreals.

Delphine: We need a heroine.

Louis: There’s the question of whether it should be a girl or a guy.

Delphine: Neither, as far as I’m concerned.

Louis: Should we use the principle of saying “iel” [he and she at the same time in French.]

Delphine: For me, it’s a little complicated to put in place, because of the conjugations behind it and the understanding by the audience is a bit tricky. I read books which use “iel”, which means “he and she”, in order to avoid having a feminine or masculine character. Many feminists use this formulation. It’s complicated when you have a public that doesn’t know, children, for example, you say “iel” and they are not going to understand.

Louis: We can decide that it will be a girl.

Delphine: Yes, but with a name that can be applied to both genders. Instead of using he and she in the text, you could use the first name of the person.

Louis: I propose Camille. [25]

Delphine: I agree.

Louis: I’ve got all the places we’re going to visit: arboreal, after that the city, after that the coral, … I’d like Camille to go over there, over there, and over there and I don’t know where Camille’s going to go in the end.

Delphine: We could add the idea of « magnets » (compasses) that people go to see to determine who are the ones who heal. And also, prairies, plants, and it could end up underwater.

Louis: There’s this idea of the Great Council that’s probably located in the city

Delphine: I’m noting everything you say spontaneously on paper and keeping it in a file. I keep everything in bulk, even the things we’re going to reject in the show. This is the pile of the entire « Tale of a Common Future ». You see, it’s a mess! Some of the sentences are very clear, I write them down because they seem right to me, I sometimes found them orally.

Louis: I describe where it will take place, what we want to happen, where it’s going, and what can be found each time, and you, you’ll transform it all into a story. It’s you who will write the text, the major part of the story.

Delphine: I note : “Forest, going through the forest. The train station. The village. The city. The grassland.” I propose to have the grassland before the sea. And then, at the end, that Camille doesn’t return home. We have to find something that involves the audience, that make them evolve throughout the performance, so that they come away from it as though they’d been on a journey. I want people to come away shaken up, that they could say “we went on a journey to a world unknown to us”, a world that brought back some memories, that made us ask questions about ourselves.

Louis: What I like is this idea of an initiation rite, it’s an initiation journey.

Delphine: You see that I’ve even annotated the body positions: am I facing the public? Do I turn around? We can also work on the stage directions, it’s also an important dimension.

 

Delphine Descombin, notes 2/3 (Conte d'un futur commun)
Delphine’s notes (photo Nicolas Sidoroff).

 

Scene 2: the same, a little later.

Delphine: In this scene, Camille goes down into the submarine city.

Louis: Yeah, you see, we could have bubbles floating outside and then there could be cables falling into the water.

Delphine: I’m drawing it.

 

Delphine Descombin, notes 3/3 (Conte d'un futur commun)
Delphine’s notes (photo Nicolas Sidoroff).

 

Scene 3: the same, biocracy.

Louis: Concerning climate control, it’s the idea of piercing the clouds to make them rain.

Delphine: You see, “technological solutionism”, I know I have to put it somewhere, but I don’t know where. They are like that: biocracy.

Louis: Somebody who really inspired me about biocracy was Camille de Toledo [26]. I went to one of his lectures, “The Witnesses of the Future” as part of the European Lab. In fact, what I really liked in this, was that he was talking about a future where people were going to ameliorate the world all the while changing it. I was really touched by the emotional side of this. Additionally, it was something easily feasible in the world we live in, that is, it was to decide to give nature the rights to be represented as a legal entity in the same way as a corporation. Basically, this gives to nature the right to sue people who destroy it. I found that very clever because it’s something that rests on something really quite minimal. We always tend to think that you need to make enormous changes in making the world move. And in fact, no, it’s really only the small details that count, thanks to a system that already exists, you can change the world.

Delphine: Camille de Toledo, here he is, he imagined that in the future, there would be houses that would have been destroyed in order to make zones of carbon rain. Then, the people who were not happy with this would take it to court. This story is very moving to me. There is a kid who says: “My father came back crying, he had tears in his eyes, and I wondered why he was crying like that, why he was so sad, what happened?” In fact, he was crying from joy, and he said: “The bees are no longer dying, if the bees stopped dying, it means that we are on the brink of achieving what we want.” He imagines that there’s been a real change, about women too. Camille de Toledo is the one who gave us the idea to launch all these lawsuits: lake Annecy against the owners of the lake, the Danube against the Vienna town hall, the North Sea against the Russian tankers, the Upper Mediterranean against the Suez Canal, the Primary Forests Association against the coal producers. It was also important to me to speak out, even if it got me back into the not-so-cool stuff. It’s true, when you get back into it, ouch! you say to yourself, that just isn’t acceptable!

Louis: Well then, I find that perhaps what you said is a little too negative, it implies that there’s something negative in this world, in this perfect world. “Perfect” here is in quotation marks, it’s not perfect but it’s a desirable world.

 

Scene 4: the mudslide

Delphine: Then, what is our heroine doing there? What’s happening to her? Above all, what is the basis of the technique?

Louis: You write, you use up a lot of paper, you’ll write a lot of things that in the end will not be included.

Delphine: We don’t have an ending, we’ve got nothing, we’re off on something whose beginning we know, but without knowing where we are going. What causes Camille to leave in the end?

Louis: A mudslide.

Delphine: A mudslide isn’t obvious to me as a resolution to the problem of the end.

Louis : Well, we’ll chose that anyway, because it seems to be most fitting.

 

Scene 5: the propel stretch.

Delphine: There is the whole propel stretch story. Listen, what do you mean exactly by your “propel stretches”?

Louis: The propel stretch is an elastic fabric that stretches.

Delphine: Where do you hang them? You know, what do you hang them on? It stretches, OK, but after that, how do you let it go?

Louis: She hangs it on a branch, she stretches it herself, and she lets go and it propels her in the sky, and like that, she can even travel 50 km!

Delphine: She’s got to have a helmet, she’s got to have a mask!

Louis: Perhaps you don’t have to say anything, you just leave the audience to imagine things.

Delphine: Yes, all right, you just imagine it, and it doesn’t shock people too much. We don’t want it to be too incongruous. We want things that were really possible to imagine. So, there’s none of the magic you find in fairy tales. For example, there are no animals that speak, whereas in tales, frequently, a bird talks, a deer talks, in this case no, the animals don’t speak. In any case, you don’t understand their language.

 

Scene 6: The abandoned zone.

Louis: There is an abandoned zone.

Delphine: I write “abandoned zone” with a color pencil.

Louis: It’s not necessarily written there, projected on the wall. In fact, it’s part of the journey: here it’s the city, the grassland, and there is an abandoned zone, you know, where there are factories in ruins that are being reconverted, it’s everything you find in a city. At the top of the city in fact, it’s full of recycled oil platforms.

Delphine: I write: “Animals, monkey bridges, insect hotel.” Everything you’d like to see in this place in your imagination. Generally speaking, we have to touch on a bit of everything, without going each time for the same things, because it can quickly be too repetitive.

Louis: It’s a real headache.

Delphine: For example, I would still like to speak about women, about a place where old people are taken care of, where children are born, there should be a place for this. It’s not easy to speak of all that and at the same time continue the story of Camille’s quest. It’s dense, you have to make choices, it’s sometimes not obvious to combine everything, not to make it heavy, and at the same time say everything you want to say. I would like to speak of water, of all the scarcity of lands. “Pfff” I would like to speak of money “lalala”, there are so many topics, it’s a problem.

Louis: We start by saying “let’s keep everything, more or less everything that we want to convey,” and then, we’ve got to take out quite a lot.

Delphine: But there’s no point in saying that, we will not talk about money.

Louis: Well, yes, let’s get rid of it.

Delphine: Yes, because this story is so dense!

 

Louis:
It’s Delphine who writes the text since she is the one speaking. I say, “you have to say that”, and she writes it. She takes notes, I give her the places and the humans, she writes and then she starts to tell it. When she has the time to do it, she makes a recording of herself and sends it to us, and then she reworks this until it helps her to make its way to her head, she has a storyline, and so she is able to take away some bits and pieces and add other ones. She sends audio files or some text, it depends, and often the big jobs are done during the residencies.

Delphine:
Louis on the sofa doesn’t write, I’m the one who does that. He’s more on his phone, searching things. For example, recently we were looking for submarine cities, he’s going to search to see what it looks like, what really exists, so that you can draw inspiration from this. Or when I said to him: “Ah! give me a synonym for this or that, because I am in the process of writing, and I don’t find the word.” Snap, he looks for it. I ask him questions: “Ah! what do you think she will do if she did that? Is it possible that she would rather do that?” – “Ah! yes, wait a minute, no, but that’s because she just does it that way!”. And me: “OK, yes, you’re right.” That’s it.

Louis:
After it’s a matter of details, I correct very little of what she’s done, I give my opinion, but I don’t say: “Tell it this way, tell it that way.” I know that she is the one who is going to speak the text. Delphine doesn’t think to consider herself as improvising, there is always a text, but she modifies the text as she speaks, for her it’s a question of memorization, the way in which her brain memorizes what will come out of her mouth, but she modifies the text a little. She listens to her recorded voice reading the text, and she changes things accordingly. When she learns it by heart, it modifies all by itself in her head. She has a mental map she’s made of where it goes, a pathway that unfolds.

Delphine:
I don’t have any memorization problems because once I take this path, I know it’s going straight and it’s rolling on. Usually, I take a text, a story, that already exists, that I’ve heard, or I’ve read, so I have a text, something like a basic traditional story. Then, I put my own chosen words, but the story still exists. Sometimes I improvise around the text. I often work on improvisation at home, but I keep the thread of the story, I don’t betray it. Even if the texts are sometimes completely written, if the text is effectively well written, and you have a refrain, this kind of little fredaine, it’s good to respect it, because it gives rhythm to your story. Often even when the stories are well written, you can really transform the way the story is written, and to tell it in a different manner, but most of the time, you keep the story line. When it’s me who writes the text, I can do what I want, if not, I have to respect it. When I’m working on a text, I search for my words by saying them loud as if I had an audience in front of me, and when I find a sentence that clicks, paf! I write it down quickly, hop! OK! I repeat it out loud and then I continue. Fixing what I say in writing means I don’t forget it, it would be a shame to when you find a sentence that has a beautiful music. It’s when I find my words, my music, that it immediately takes hold, I can recall it because it fits well. It’s when I find the right words that I can remember them better.

 

22. The Drawings and their Animation, Louis and Maxime H.

Scene 1: Telephone call between Maxime H. and Louis.

Louis: Hello, Maxime? We got the AADN Call for Immersive Projects grant. Well, that’s it, we’re going for it.

Maxime: So, this time, that’s it, we go for it, But I don’t know how to do comics, I don’t know how to do motion design, I absolutely don’t have the skills to do that. Frankly, I don’t know where I was going at all. Ah! Louis, eventually someone got to help me, because I don’t really draw characters, at least not animated ones, I’m more used to making background sets. How are we going to do it? What’s more, we were successful in getting a grant to be immersive, therefore, under a dome, so there are a certain number of challenges. But well, we will just have to see, let’s go for it!

Louis: In my opinion, in order to adapt the dome to the frontal, I’m going to need some time at the lab, or we should have another residency together. I don’t intend to include you at all in most of the residencies, because you’ve just become a father, and I know what it means. There’s no need for you to come, given that you don’t play any role “live” during the performance, there is no obligation to have you present, even though, for the cohesion of the piece, it’s always more interesting to have you there.

Maxime: Concerning the residencies, in theory – there is theory and then there is practice – everything is already done, since all my drawings should be ready. Except that if it’s the first time that they are projected, I realize that the tree I’ve drawn is too small, or it doesn’t appear with enough contrasts, so there are a lot of back-and-forths with Louis.

Louis: In fact, I integrate the images into my software, which then projects them.

Maxime: And as you project them to me, I often say to myself: “Oh! no, I’m not going to leave this drawing, it’s not suitable.” Or I make modifications. That’s what the residencies are for. I have to be there right from the start to go back-and-forth with Louis when he’s setting up the story to see if it’s appropriate to the place. So, how are we going to work together?

Louis: First, we both work separately. You will have to draw a factory for the end of the Tale.

Maxime: Ah, no, I don’t like it that way!

Louis: Where are your drawings for the two big projects for the “Nuit Blanche” in Paris? Did you do them? Can I drop by your home to see them?

Maxime: I’ll put them in the Dropbox, so you can check on them regularly. There are some new ones.

Louis: Here we are, I need you to draw me a town in which buildings and nature are intermingled. They are intertwined, but still in a distinct manner, that is, you need to have passages for the animals, and then, there are other passages for humans. So, go ahead.

Maxime: Well, I have no idea… I will make 3 or 4 sketches, but frankly, I have no idea. We’ll have to drink a fair number of coffees together.

Louis: I’ve never bothered you, you do what you want. But yeah, I do bother you! It’s good what you did with drawing the city but just here, I see that you drew the city from above. But it should be seen from underneath, like this, it would be better, you see. You need to redo the city.

Maxime: That’s it, I’m off again for 20 hours of drawing to remake the town.

Louis: You see this image for only three seconds at a given moment, while this drawing takes an enormous amount of time for you to produce.

Maxime: It’s a bit frustrating.

Louis: If you don’t do it, it wouldn’t bother me, you don’t need to follow my advice.

 

Maxime :
Concerning the ways to adapt the drawings to the situation under a dome, at the beginning I had no idea what size, what level of precision I needed to make the drawing. I didn’t know, when I put my drawing in the dome, if it was going to be too small or too big, so in fact, I made it so that the drawing could be repeated laterally. That is, when you have a drawing, if you make a photocopy, for example, and place it to the left side of the initial drawing, then it connects perfectly, and so it’s infinite. I thought that if I had to draw a forest, I would start by drawing four trees, and after that I could reproduce the pattern ad infinitum. So, I could adjust according to the situation, if I realized that I needed to reproduce four times the drawing to go around you, or if it took eight times, I could in this way adjust my production, knowing that you have to be aware that if it’s too out of sync, I could stretch my drawing a bit to be at the right height. In any case, I bet on the idea of reproducing the pattern.

 

Scene 2: Maxime and a member of the technical team

A member of the technical team: Hello Maxime. Do you have a question?

Maxime: How can I adapt the image to project under the dome?

The member of the technical team: Well, it should be a circle, so the image that’s video-projected has to be a circle.

Maxime: OK, but my drawings are squares! And above all I am incapable of predicting the deformation that I need to apply when drawing in a circle.

The member of the technical team: You have to draw without any deformation, and to find on your computer which command, which tool to use in Photoshop for making the deformation.

Maxime:
I searched on the web, right? I tested, I didn’t succeed! It would only make weird deformations, and I finally found that actually I could twist it into a semi-circle, and in that case, I could do a symmetrical copy-and-paste, and this would produce a full circle to be video-projected. After that, once this worked, it was really like a machine, when I make a new drawing, I prompt the same command, and it does the job automatically. Once I have a new drawing, it’s processed by the machine, and it comes out with the right size and the right deformation, then, if necessary, I can eventually make small adjustments. Once under the dome, it’s the moment of truth, and I say to myself: “I’ve anticipated in relation to what I did last time, but perhaps with this particular dome, it will need a little rescaling.” So, with each residency, there is with Louis a time of setting up where I have to give him back often almost all the contents, often one by one, and this forces him to rescale them.

 

Louis :
Concerning the animation of the drawings, I get one of Maxime’s drawings with inverted color, with black background instead of white. When we work under a dome, he has already processed the image to fit the dome. And then, from there, I combine them together to make it the way I want, given that the aim of animation was really to make something very simple at the beginning, and after to complexify it as the story unfolds. I enter an image into the software, and thanks to this I can animate it, displace it, and add effects, stylistic effects, on top of it. And then, to animate the images I have to launch something, so that it moves in a certain way, at a certain speed, so that it goes up or down, etc. Basically, the software is not designed to do that, but I use it that way. Then, I make some cross-fades, be it a cross-fade to black then another image, or one with another image appearing on top, or other options. And I make things move inside the image, or I add a transparency, that is, I add another image on top of the first one and I make it move over it. For example, I make the masks of the Great Council go up, fairly simple things like that. During all the first residencies, I struggle to work the control buttons, to make the image go up. Then afterwards, I have to go back to previous states of things, and once we’ve finished, the loop is ready to go, I have to go back to the beginning and remember where things are located, so as to be able to reset them to zero, and then to relaunch them, so that when I click on the thing again, it restarts the animation at the right place.

I’d done a clip for Kunta, which is Yovan’s group, I participated in a residency with them at the LabLab, where I was doing the video projection part for them (there was a guy filming), and we’re having a hell of a time, because I was on Resolume, and they had a thing where it’s precisely timed on their Medlay [27] to the second. And so, the videographer redid exactly the same shot seven times, so he could do the editing inside. It meant that all my video clips had to be timed to the nearest thousandth. Well, it was a struggle, it took us two days to do it, it was endless. Then I thought: “Never this again! It’s really too horrible.”

Scene 3: Louis, a colleague, and the software Chataigne.

A colleague: Have you heard of another software that could control this, called « Chataigne« , which has been designed by someone from Lyon, Ben Kuperberg? With Chataigne, you could have triggered your things clip by clip, and you could have been in a timeline really down to the second. Chataigne is a sort of dashboard that establishes communication between different software programs.

 

Louis :
So, I start working on Chataigne, I’m relying on simple tutorials, there’s documentation, etc. I’m more or less able to launch my first clip on my own: if I press such and such a letter, it triggers the clip. But I found out that it’s better to put it on a timeline, because if I have to use all the keyboard keys, I might hit the wrong key and it wouldn’t work anymore. With the timeline, each time I press the space bar I launch something, and I can press it a second time to stop it.

 

Scene 4: the same, later.

A colleague: I’m going to show you how to use cues, so that the thing would stop automatically at the right moment.

Louis: But when I use the cues, several times it happens that when I press the space bar two things are triggered: Ah! No! not that!

The colleague: Ah! yes, it’s true, not stupid!

Louis: Can we use the portable phone to do it?

The colleague: You can try it, it also works.

 

Louis :
So, I tried it and it worked, however, I can’t do everything, because Chataigne works well with Resolume, but I can’t retrieve the drawings, I can’t adapt Live Drawing with Chataigne. Precisely. To be exact, I can’t do it all the time, I still have to be behind my computer at certain times, especially when there’s the public participating, if only to see what they are writing. So, when it’s running, if I encounter some troubles, I have to phone friends to know how to do things. As with all the projects, it’s always happening that way.

 

Scene 5: Louis and the software Chataigne.

Louis: Thanks to you, Chataigne, I’m now able to create a timeline.

Chataigne: Yes, you give me some elements.

Louis: Here is an element, you launch this thing, you make it go up to there.

Chataigne: Everything that you were doing practically by hand, I do it all by myself automatically. Here are five images I’ve done.

Louis: And then, you reset the first image to zero, well, for example, such and such coordinates at 5000 pixels you reset to zero, and you put it back to a 100% opacity.

Chataigne: Yes, Louis, with great pleasure. Thanks to me, you can top all your things now, you don’t need to click anymore, to search, to move things.

Louis: Thanks to you, I just have to press the space bar, it unfolds the things, that’s all.

 

Scene 6: Louis and Maxime. Projection under the dome.

Louis: Thanks to another software, I was able to overcome the constraints that I had in the beginning. On the other hand, when we changed to being under a dome, there really was a tricky transition, because all my things that were travelling from left to right, from top to bottom, diagonally, and when you’re under a dome, this doesn’t work. Because if you move from left to right, then you get nothing, there’s no image, and it looks a bit weird, it moves. Because under the dome you have a square image, 7000 by 7000 or 8000 by 8000, where the top is now basically at the center of the image.

Maxime: I make the drawings with a format of a square of 4000 by 4000 pixels, and then I process them to make a circle. To make a semi-circle I’m obliged to copy a second drawing to produce a rectangle of 4000 by 8000 pixels. I then multiply the semi-circle by 2 to produce symmetrically a full circle. So, in general, I make a square drawing that will appear 4 times under the dome. The center of the circle is the highest point of the image in a dome, and that’s where the deformation is strongest. So, I don’t have any interest in getting too close to the center, because otherwise my drawings are really crushed. Since we have many outdoor scenes, my drawings are often rectangular. And when I process them with the computer, I “hop”, increase the page surface at the top and it produces a square format. And there are other elements that forced me to change strategy: for example, there is a library, with books all the way up to the ceiling, so I made a really small drawing, in a pattern that I multiplied maybe 50 times, like a wallpaper, and then, there, I was able to put it all the way to the top. The pattern is multiplied in width and height, so the drawing has to be able to be superimposed on itself both vertically and horizontally.

Louis: In fact, it took me a while to figure out how to do it, and then to understand that if I wanted to animate an image, you had to zoom inside this 7000 by 7000 square so as to see a movement either like this or like that. So, I zoomed in and rotated. I took a series of plug-in effects on Resolume [28] that are specially adapted for the dome and enable you to do what we call “Fisheyes rotations”.

 

Maxime:
I could have chosen a much simpler way of drawing to fit the diverse projection formats. I could have, I think, drawn directly on an iPad, and done everything with a computer. But I work with computers all day long when I’m an architect, I really wanted to go through the felt-tip pen. It’s a rather archaic choice, everything starts with a sheet of paper sheet and a felt-tip pen. In order for my drawings to follow each other, I make my first drawing, then I place something like a bookmark with the same height as the drawings on the right-hand side of the drawing and so I extend it. Then I take this bookmark and put it on the other side of the sheet, and I extend it again in a way that it will fit. It’s this little bookmark that I can slide to the right or on the left, which will ensure the continuity of the juxtaposed drawings. It’s true that that’s very simple to show, but rather difficult to explain.

Sometimes, I worked with tracing paper: at the beginning of the piece, there’s a forest and then, there’s a city in the forest. So, I had two solutions: either I stayed archaic, and drew the forest a second time, adding the city, or I would use a old-fashioned tracing paper and would draw the city on top. That’s what I did, so I saved a lot of time, and was able to concentrate more on other things. That way, sometimes, the final drawing doesn’t really exist, it’s not completely on a single paper. It’s not as such usable for an exposition. At another moment, there is a flying vessel, I drew the vessel empty first, because we didn’t have much time. I thought it’s no big deal, I’ll just put a piece of paper on top and draw all the characters, and so if I mess up on a character, it’s all right, I am not going to lose my vessel, I will have a second chance. When I am not completely confident, I have this possibility to superpose several layers of drawings that can then function together with the computer. This is a freedom that’s quite pleasant, when you draw, everything comes from the hand, but afterwards, you can reassemble, you can correct, you can also erase things.

Using the computer, it can happen that little jointures are not always perfect, given my famous archaic technique of a bookmark, then I need to make adjustments. Consequently, I’ve found I’ve erased more when making adjustments than when reworking a drawing because of blemishes on it, like an accidental drop of coffee on my completed drawing. The computer can save me from time wasting mistakes.

 

Scene 7: Louis and Maxime.

Maxime: That one’s too small, that one’s is crooked, that one’s not right.

Louis: Here this drawing doesn’t come out right, there’s not enough contrast, or it’s too small.

Maxime: I’m going to work on it.

Louis: No, it’s not right, it’s too small, it’s ugly. I need to change it.

Maxime: But I didn’t think you’d be able to come up with so many different effects so as not to make it boring and so as to make it fit the story line.

 

Maxime:
The sketches are made in black and white in a very loose manner, that is I let the wrist to guide me, and then, when the sketch begins to take shape, I add colors to distinguish a little the different elements.

 

Maxime Hurdequint, sketches 1/3 (Conte d'un futur commun)
Maxime’s sketches (photo Nicolas Sidoroff).

 

Maxime :
The way in which I draw is based on patterns that repeat themselves. At first, I try to find in the sketch the recipe ingredients, so from there I’m cooking things. For example, there are many trees in the drawings, so, I find the good form of a tree.

 

Maxime Hurdequint, sketches 2/3 (Conte d'un futur commun)
Maxime’s sketches (photo Nicolas Sidoroff).

 

Maxime :
Then, if it’s a city, I find the pattern of a facade, and in the case of the city, there are passageways for the animals, I’ve found a solution for this by suspending the passageways on balloons. After that, everything is assembled, I make sure that it’s always intermingled, you can see that it’s intermingled, but it doesn’t clash together. This is more or less the way I make my drawings, to have a sort of harmony between many ingredients.

 

Maxime Hurdequint, sketches 3/3 (Conte d'un futur commun)
Maxime’s sketches (photo Nicolas Sidoroff).

 

Maxime:
I draw my first sketches with a pen, not a pencil. When I get down to the final drawing, I use a pencil to outline the main axes, that is the drawing will not be entirely made with pencil, but you’ll have the silhouette of the main elements. Then I draw them immediately with a felt-tip pen. At the end, I erase the small silhouettes I made at the beginning. Thus there are quite a few lines structuring the drawing.

I usually do my drawings with a pencil and erase this at the end, I rarely need to go back to it. I’ve done a few drawings where I try to ignore the rules of perspective, I respect them a little, but I’m quite free. Some scenes are indoor, and I wanted to do something with the right proportions, so here, it takes a much longer time: I spent maybe 2 or 3 hours just on the pencil drawing, erasing, drawing, erasing until I’ve really found the drawing, and in this case, I entirely redraw with a felt-tip pen, but it’s almost more a coloring work. Then, there are a lot of drawings where it’s a very loose outline, and straight away a completed drawing. In my drawings I use different approaches.

There is a part during the piece where the animation of the images is predominant and at the start, I don’t know how we’re going to do it. I make lots of drawings, but I don’t know how we’re going to animate them. I trust Louis, thinking he’ll know how to make the transition from, let’s say, the forest to the city, he might do a fade in black, or he will make the image appear gradually, so he is the one who is doing the true artistic creation by linking things together. So, there are characters, there are elements to integrate into the image, it’s him who will position them, and make them move (because we have some objects that move).

 

Projection 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Projection, 2023, May 4th (photo AADN).

 

23. A traditional music of the future?

Scene 1: Louis et Yovan.

Louis: I want you to make me some traditional music of the future.

Yovan: It’s a complicated thing, because a traditional music is already full of codes, it’s not the way I work.

Louis: I say that because I am under the influence of Super Parquet, a group that mix electronic music with traditional music from Central France, which I heard in concert and I liked a lot, I like this type of traditional music of the future.

Yovan: The idea is rather to make an electronic music that wouldn’t only be synthetic, and above all, I’m not acquainted with the practice of a traditional music. Let’s let the audience imagine things. We can be inspired by a lot of different sources, this corresponds better to my way of thinking.

Louis: If I mentioned the idea of traditional music of the future, it was just to give you a little orientation.

Yovan: Traditional music might be more reassuring to me if I approached it with the idea of modernizing it; this could really become a base for my work, since I don’t have too many rules, and I don’t know where to start. I prefer to say that I start with an electronic music that’s also somewhat organic.

Louis: Concerning traditional music, I’d spoken with Jacques Puech [29], thanks to the Aleph ensemble, and he told me that traditional music is in fact much more alive than any written music, because it continuously evolves as it goes along. So, I thought it would be interesting to effectively go and see this side of things.

Yovan: Yeah, I like it, I’m going to use some loops of African traditional music, loops of I-don’t-know-what.

Louis: We are not really talking about the social functions of traditional music, nor about how it’s written, or how it reaches definitive form.

Yovan: It’s more something like: “I’m going to take bits and pieces and I am going to adapt them to my own brew”.

Louis: In any case, knowing your music, I’m not expecting for you to have a traditional music approach.

 

24. Music Elaboration. Pre-recorded or Live Music. Louis and Yovan.

Scene 1: Louis and Yovan.

Louis: It’s a matter of creating an immersive spectacle with a musician on stage.

Yovan: I like to have a well-defined framework to understand what you want.

Louis: I would like you to improvise while doing your own music.

Yovan: I don’t want to do that, for me it means everything and nothing. If you want me to compose musical productions such as electronic music pieces or anything else I can do, it would have to be defined in our grant applications, because we have to put it into precise words. You have to explain things and give references to traditional music.

Louis: It’s a tale about ecology, about the planet, about nature.

Yovan: Then, maybe we need something more than just electronics, with organic instruments as well. But if you want, I can do some live music with the violin and effects.

Louis: No, I’d like you to compose music because you are usually composing for other projects, either electro, pop or other things.

Yovan: In that case, I might as well try to time what’s happening with Delphine so that the music corresponds, with noise effects, and all that. It’s simpler to put only a little bit of live music, but to give priority to a musical writing where I have more freedom to compose, and not just play violin.

Louis: It would be good to have several instruments.

Yovan: I will try to do something that follows Delphine and what she’s telling, and then I’ll see what I can play live as we go along. Since I’m always on my mouse to be certain to trigger some noise effect at the right time with Delphine, then I’m not going to play everything live, I’ve got to make choices. Consequently, there are lots of things that will be pre-written, with this idea of having electronic pieces, and at some point, as you want violin, yes, I can stand up. But at the beginning I have to be in darkness.

Louis: No, you have to be seen.

Yovan: It’s true that it’s important for people to see me, so I ask you, is it also important to have drawings of me? You have to choose.

Louis: Good question, let’s have violin playing at some point, it’d be a good thing.

Yovan: OK, certainly to have a violin on stage add something to the performance.

Louis: You have to assume this fact.

Yovan: Here, we are on something different, you’re taken in by the images, there’s live music, now, these moments of violin playing works well, they provide some breathing space. Then, it’s always good for the audience to see an instrumentalist playing on stage, it’s more pleasant than to have him in the dark. It’s little by little as you go along that you realize what’s needed in the performance.

 

Yovan:
We wrote the funding proposal based on these ideas, and afterwards obviously it was realized a bit differently. Before submitting the proposal to AADN, Louis had asked me to compose a piece – given that it was just a project of which I knew a little the concept, but I didn’t really know much more – in relation to the specifications we’d set for the music on the proposal, I tried to create a piece a bit like that. I had started on an “instrument” based on some sample of African drumming, and it had at the end created a little piece. It was just a question of having a little bit of music, and after that it completely changed. This sample of African drumming was reused in the spectacle – it was the first segment I did – just when she flies over the forest at the beginning. After that I composed the intro piece with the sounds of birds and of the forest, because it’s when Delphine presents the forest.

Louis:
To be honest, I was not expecting that he would use his voice. You should know that Yovan is currently a singer: it’s practically all that what he does now. Yovan plays the violin live, but his voice is recorded, because he used it by superposition of his own voice to produce a choir effect, he records himself on a fair number of things. When I heard what he first sent me, I thought that it was not at all what I wanted, but in the end, I love it. In effect, this has nothing to do with the traditional music of the future, that’s not what he does.

 

Yovan Girard, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Yovan, 2023, May 4th (photo Valentin Bisschop).

 

25. Music and Storytelling, Delphine and Yovan

Yovan:
Then Delphine came along, and once she had put the story into words, it was a matter of finding the moments where I would have space for music. I asked Delphine to record her voice, so that I could listen to what she was telling.

Delphine:
So, I sent a recording to everyone, and they listened to it at home over and over again. With Yovan, we created things together, and we were lucky because we got on really well straight away. He pre-recorded music on what he’d heard from me, and we both tried things out together to see how it fit. There were things he’d done that didn’t fit. Because once I was telling the story for real, it didn’t work. I had sent him the text, but when it came to telling the story, it was another matter. He had to change, and to do a lot of work in adapting the music to a storyteller.

Yovan:
Delphine is the one who influenced the most the final sound result, because I listen to the way she tells the story.

 

Scene: Delphine and Yovan.

Yovan: Hey! there, it would be good to cut a little. There, I suggest cutting the narration and putting some music there instead. Here, during your talking, it would be good to have a little music behind it to provide some rhythm.

Delphine: I like the fact that you bring a music that also gives me a rhythm. It helps me, it creates a mood, and a rhythm too.

Yovan: The easiest thing for me to do is to find the rhythm as a function of your text. Often you and Louis are really focused on writing the tale, while I am more concerned with the rhythm [he knocks regular strokes on the table with his hand], like that… like that… The rhythm of the performance: when telling the story, doesn’t matter how long it takes, is there any rhythm?

Delphine: You have to wonder if it isn’t a bit boring at certain moments?

Yovan: Yes. In two of the compositions, I play violin. It’s really a question of two moments: one is improvised during the walking sequence [la balade], I wrote something simple, something that I determined by playing, that I’ve developed by improvising and that now I try to keep all the time. It’s all to do with the rhythm of the performance.

Delphine: I think you agree with our taking into account together the variations that we might make.

Yovan: Yes, I agree completely.

Delphine: If you hear me say something which has the same meaning as what I usually say, but not with the same words, there’s always a silence indicating that I’ve finished, then you throw on the music.

Yovan: I will try to do something that follows what you’re telling, and then I’ll see what I can play live as we go along.

Delphine: Yeah, I try to respect what you do, we juggle together in reciprocity. It’s mutual, but it’s more me adapting to you, but it’s still you who has also to do it with me.

Yovan: Right on cue, when you say that, paf! I throw on the music, paf! you say that.

Delphine: Except that I don’t know the text by heart.

Yovan: At exactly that moment, when you say that, a silence follows, we have to frame that.

Delphine: I am a storyteller! How do you expect me to remember that?

Yovan: We also have to find noise effects because they are needed at certain points.

Delphine: They must be in synchrony between you and me. For example, at one point, there’s a talisman that falls to the ground, it tumbles down 4 or 5 steps, then it stops magnetized on a book. We must be exactly together, it’s really a precise sound effect. But then, it’s easy to achieve in the sense that I know that from the moment I start unwrapping what I say about the talisman that she has in her pocket, that she feels in her pocket, it falls to the ground, here we go! you trigger it. She searches with her hand in her pocket, and you know that you have to send the noise effect..

Yovan: The noise effects are sometimes fabricated: for example, at one point there’s an electronic firefly, it’s necessarily a cliché. I had in mind a sound in Star Wars where you had a sort of butterfly on Tatooine, a sort of flying character. I remember the noise of the wings, so I tried to retrieve it – as Louis loves Star Wars, he might know the reference – it was not obvious to achieve a good result.

 

26. Music and Storytelling, Louis and Yovan

Louis:
It’s not because the music is written that it’s completely fixed, there are many moments when he plays loops, and he produces a certain amount of noises to correspond to the action on stage.

Yovan:
Later, we found other solutions: for example, against a wall, an acoustic wall with holes (there are plenty of little squares in the walls), so we put our fingers in them, “Brrrrrrrrrrr”, it sounded a bit like wing noises, a sort of electronic firefly noise. I made this sort of sounds. Otherwise, I went on Spice where there are sound samples, the Sonotec, and interesting stuff like that. The sounds that we used were often nature sounds, and then it depended on the situations. At some point, there is a story of a snap hook, when she hooks herself on a cable, you have to find a snap hook sound. When you can’t find this online, you have to fabricate it, it’s another type of work. At another moment in the piece, there are the lightning hunters who start to sing, it’s really what the text says, so I wrote a song a bit like a pseudo-Gregorian chant, it’s not really that, but it’s something kind of epic.

 

Scene 1: Delphine, Louis and Yovan.

Yovan: Well, there, that lacks noise effects, you’ve got to hear the lightning.

Louis: You need to have noise effects, but you should have them before the lighting.

Yovan: As Delphine sees the lightning hunters, they are already behind her, they are coming. Hey! It would be good if, on the lightning hunters for example, as she tells something, not to have any music, and while she is speaking, the music will come back little by little.

Delphine: In fact, shortly after, I stop talking for two minutes and let the music play on.

Yovan: The music continues while the hunt is going on. You have to find ways to divide her text in sections to insert musical pieces in between or to treat the text as a musical element. That way, we are in complete agreement, and it works well.

 

Yovan:
I also sing a little, I use it for having choirs in my compositions (by re-recording my voice) or just a single voice, but I don’t pretend to be a singer.

 

Scene 2: Delphine, Louis and Yovan

Louis: Why not having the audience sing along?

Yovan: Yeah, but at that point, aren’t we going to lose something? In fact, you will look up and see the hunters rushing off, and I find that this part is good as it is.

Delphine: Louis and I, we would like to have the audience sing along.

Yovan: Come on! You’ll have to find another way to do it, at another time in the spectacle.

 

Yovan:
For me it was far too many ideas, this is what was difficult, in any case at the beginning, to figure out what to do with them. It was because Louis’ role was to imagine things, it was really a good thing, because the universe he wanted to develop is very interesting, but then, he brings along so many things in addition to the scenario, the idea of talking about ecology, the drawings, the storyteller, the music, the live music, several instruments (etc.), that you have simply to make some choices at a certain point.

 

Scene 3: Louis and Yovan.

Yovan: Well, here, it might be interesting that for a given time she tells the story, and there it might be interesting to have a musical interlude while she is walking.

Louis: We can try to imagine those moments.

Yovan: So that I could have at least something on which I could rely.

 

Yovan:
So, things are coming together little by little because we had to think about everything, it was for all of us our first spectacle, we hadn’t given it much thought. Louis had the concepts, but he didn’t have all the keys of this ambitious project. But it’s a good thing, because we learned lots of things along the way, we discovered the world of noise effects, and so on.

 

27. Yovan’s Ideas on Music and Maxime’s Ideas on Drawings

Yovan:
I knew Maxime a little before. I’d not seen much of his drawings, but I knew he was working in architecture. I also knew him through Louis’ Live Drawing Project. Maxime’s drawings straight away create an atmosphere, a little like a giant graphic novel, that’s what I appreciate a lot. The question is then to decide how much storytelling, how much music, how many drawings to put in. Because once you’ve put the drawings in, some say: “Well, there should be more of that” and others say: “There should be less of that, because you’re not looking at the storyteller.” It was very ambitious, because there is so much stuff, that’s the normal way of making a spectacle. I didn’t see the drawings until the residencies because Louis receives the drawings, and he has to adapt their format for projecting them in the specific space. Then, sometimes I thought: “Hey, it would be nice to have something like you have in the scenography of an electro concert where such and such an image appears during the music, that is in some particular timing.” In the end, it turned into “cues”: “There, I throw this music when a drawing appears, it would be nice if we were immediately in a new atmosphere.” There are few “beeps” like that. Personally, I’d have liked to have more communication, but well, it does communicate a little anyway, but I think we could go even further with it in the future.

Maxime:
What I like in the “Tale of a Common Future”, and what I find extremely astonishing, it’s really the hybrid construction of the project. In fact, we never intrude on each other’s work, and that’s the way Louis built the team. It’s him who comes up with a story that he builds up as he goes along, with enough information to enable us to invent things. Sometimes, when he gives us information, I have the impression that he hasn’t really the image in his head. So, I say to myself: “OK, I don’t know where I am going, but I’ll show you something and we’ll see.” So, I think it’s the same with Yovan and Delphine, where we bring our ideas, and then, in the exchange, the things evolve slightly, and Louis is still very flexible about what he wants. In other words, he knows the essence of what he wants, but he doesn’t need to control the form of what he wants. At times, I took him where he hadn’t planned to go, but he said: “OK, it’s in line with my story.” I think he did a good job of linking us up, and we were each able to have our own “corridor” (in quotation marks) of expression, which added up without being in each other’s way, going from strength to strength. That’s what I like in this project, we each work a bit in our own corner, me at my desk, Yovan, I don’t know where, Delphine, I imagine, on her computer to write texts, and at the end, we add up, and this makes the thing even better.

Yovan:
The format of the composition was a bit like electronic music, with the repetitive aspect that can be found in techno, in electro music, but with a musical idea, and so, there is often a repetitive beat. The direction I took was to start with something based on an organic instrument or something like that, for example a Chinese instrument that resembles a banjo. In short, it was starting off with a traditional music instrument and then having at the same time that electronic aspect. I knew in any case that the pieces couldn’t be too long because we soon realized that when Delphine was telling the story, and in relation to all the worlds that Louis wanted to explore, it would be impossible to linger. During the week I was composing on my own, I thought: “Hey, it would be good to have these three pieces, simply because afterwards I won’t have the time to do the rest before the first residency when I am supposed to have written it all. I’m not going to linger on each composition, and eventually as there’s a very repetitive side to it, it’s something that I can develop along the way.”

Maxime:
For me, Louis is at the center of the project, therefore I had fewer interactions with the others, but that wasn’t necessarily a problem. I think that the music fits in very well with the drawings and I think Louis gave good indications. I didn’t get the sounds much in advance, so I can’t say that the sounds have influenced my way of drawing, and I don’t know to what extent Yovan was influenced by the drawings that I sent to the group.

Yovan:
With Maxime’s drawings, at some point in the performance there is question of velocity, there was a bicycle ride. I looked at Maxime’s images and said: “There, it would be good if we could create an electro night ambiance, where the sound system gradually builds up: at the beginning there is the kick drum and the bass, and then little by little things are added. I saw in these images something of this kind, and it influenced me to propose this idea.

Maxime:
I think that certain drawings imply that the music is very present at certain characteristic moments: at some point, the story takes place in the clouds, it was quite clear what you had to represent for the audience. So, I drew clouds and lightning, and Yovan made sounds of lightning and after that, he added a melody, I did it in my graphic manner and he did it with sounds and we ended up at the same place. Then, there is a walk in the forest, and it’s the same thing: I can see what I have to draw as a forest, and he can see also what we expect from a forest. The question that we both have to answer is the same, and we come up with a result that’s more or less in good synchrony.

Yovan:
I try to introduce musical elements, samples, or songs: at one point there’s a Greek song, at another one there is a kind of Chinese cithara, for each segment of music I try to think this way, mixing acoustic instruments with electronics. It’s fairly free anyway, my basic premise quickly turned into something else, as I really think in terms of sound illustration of what Delphine is saying. When she presents a specific universe, I try to stick to it, as in theatre or film music, to illustrate the storytelling. The music shouldn’t in this case take over, and at the same time you can have moments of music without narration, so that you feel like: “Well, here we have a moment when you can listen to the music with drawings, that’s nice”, something like that. It’s a question really of not just considering the coherence of using a scale or a concept, but of saying to yourself: “Well, we have to find a balance between these different moments of narration and music.”

Maxime:
I had very few direct exchanges with Yovan, we didn’t need to. I could call him, no worries, but we didn’t need to do it. While with Delphine, there were more exchanges.

Yovan:
Basically, I’ve got my frame, a Cubase session. I have the impression that somehow it’s my performance frame. I write down the performance frame on paper, it’s really like a setlist, it’s written in big letters to be able to see it on stage. It’s written on a discreet piece of paper, I’ve got all the main features in this setlist. It’s an automatization of events, but the problem is that each time we change location, sometimes we are in 7.1 and sometimes in 4.1, I have to change things. With my automations, you’ll have, for example, the sound in the middle, here you’ll be on the far right, there at the middle, at the left middle side, there on the far left, and so on. With the rain for example, there are other noise effects, I put them on the left… All this introduction, here [he plays a short extract], I double it on Sequential OB-6 (an analogue synthesizer), because once it’s in the loudspeakers, it lacks analog presence. There are things that I only do on the keyboard, where you have only noise effects [he plays another extract]. I touch the diverse keys to trigger different segments or sound effects, it’s really a mess, I know more or less how to find my way around: I am going there, then I know that I have to go down to trigger the noise effects..

 

28. The Tale and Drawings, Delphine, Maxime and Louis

Scene 1: Delphine, Louis and Maxime.

Louis: Listen, Maxime, you’ve got to draw me a forest, let’s go, with animals in the forest, and then you’ve got to draw me clouds, you’ve got to draw…”

Maxime: Oh! yes, there, when Delphine says that, I need to add this. Then there, I must absolutely draw the machine at the end. And I must do a control panel.

Louis: There, you should have bubbles to aggregate to an underwater cable.

Delphine: I think of these bubbles as living spaces.

Maxime: I drew bubbles with coral around them.

Delphine: But I don’t understand, why is there coral around them? Then what did you put inside them? The bubbles are the workplaces for the coral, we have to agree on what we’re saying, we have to tell the same thing, you with the drawings, and me with the text.

Maxime: It doesn’t mean that we have to say and show the same things at the same time.

Delphine: Yes. If you draw that, well then, I won’t tell it, we won’t do twice the same thing. And that makes it easier for me because I already say a lot. Draw the hunters, the lightning, you have to do it, we have to see them, even if I mention them in the text.

Maxime: We are all the time debating: what should be illustrated, and what shouldn’t?

Delphine: In storytelling, usually, nothing is visually illustrated, there are no drawings, what I’m telling is left to the imagination of the audience.

Louis: I want people to retain a measure of imagination, I don’t want them to be given everything, The tale should still be based on imagination.

Delphine: If we start by throwing everything at them in the drawings, then I don’t serve any purpose, I won’t speak anymore, it’s a story in drawings. People still need to be able to imagine things. So, we’re always trying to reach a compromise on what we should illustrate.

Maxime: Sometimes I wonder: “Oh! I didn’t draw that, it’s a shame, I would have like to do it.”

Delphine: Yeah!

Louis: Yeah! but the more you present drawings, the more people want them.

Delphine: You see, it’s not easy to reach a compromise. What should be in drawings? What should be left to the audience’s imagination?

Maxime: So, there are a lot of things that are not in the drawings.

 

Delphine Descombin, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Delphine, 2023, May 4th (photo Valentin Bisschop).

 

Scene 2: Delphine and Maxime. During a residency.

Delphine: Louis asked me to say at this precise moment: “Big white bubbles”.

Maxime: We decide on a signal, “beep”, so that the drawing appears when you say that. Beep!

Delphine:
[She turns her back to the screen]
“Big white bubbles floating on water and in the air”
[She turns around and see that the bubbles are black!]

Maxime: OK, you are sticking to the text!

Delphine: Not at all! I have to respect what was agreed with Louis, I’m not going to come to the performance and say something completely different from what we decided. And sometimes I have to stick to the music, because sometimes Yovan is waiting for me, he knows there is a beep, I know there’s a beep, I’ve got to go there. So yes, I still have to respect a text, but sometimes I can vary, I don’t have to use the same words all the time, I can add things, I can modulate. But there are things that I absolutely have to respect because I’m not on my own. We are three in the story, in fact four.

 

Projection 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Projection, 2023, May 4th (photo AADN).

 

Scene 3: Delphine and Maxime

Maxime: Delphine, at the start, you sent me five minutes of the text of the piece, and I made drawings based on this. But there were other parts for which you hadn’t really written anything, and I was ahead with my drawings.

Delphine: In this case, I was inspired by the drawings for small details in the narration as a hook, that sort of thing.

Maxime: At some point there is a town, and it’s not easy to describe a town if you can’t visualize it, so I think it helped you to see my drawing.

Delphine: That way I was able to add little details to the story.

Maxime: I have to draw a road, Camille is coming on that road on a bicycle, and she says that she has to avoid the roots. No luck I have no narrative roots! I can’t draw your roots, instead I’ll draw a hen. You will have to change your text a little. At another moment, there is a ship with barrels, with baskets, moving down, things like that, and I think that as you haven’t yet written the text and as I’ve done the drawing, you can directly base your descriptions on it.

Delphine: For the city, you must have patios.

Maxime: It’s better to talk about passageways or things like that. There is the need to readapt the vocabulary in this way.

 

Maxime:
My drawings are part of the background sets, they often support the narrative, but often the narration and the drawings don’t say the same thing. So, Delphine will spend a lot of time describing the actions that are going to happen and finally, she will not need to describe the sets since it would be redundant. So, when you arrive at an amphitheater, she will say “Here we are, we are in an amphitheater.” But finally, it didn’t really constrain me in what I should draw. And then, since the amphitheater appears, people see it, and she does not need to describe it precisely anymore, she will immediately tell what’s happening in this amphitheater. Because we also chose not to visually represent the heroine of the spectacle and to represent only very few characters, except when it was visually pretty strong or if it helped to take away certain ambiguities. At the beginning, we almost wanted to have none of the characters represented, but we realize that it was too strict a rule, that there was no reason to be so hard on ourselves in imposing it, and that wasn’t that important, you could have drawings of characters. So really, Delphine and I, we work side by side, and the result is an amplification that adds without ever lowering the quality, we are in our own rails without impeding each other.
 
For example, at some point a giant woman appears, so I made a giant drawing. It’s visually quite beautiful because when we’re under a dome, I can really make a very tall character. And it works very well because in this case, the storyteller ends up personifying the heroine who is small. I like this ambiguity, I don’t know to what extent it was basically intended, as the storyteller is supposed to be the narrator. But inevitably there are times when I think that the public perceives her as the main character, as she sometimes speaks on behalf of the heroine. I think that’s also the role of a storyteller: personifying all the characters and being at the same time the narrator. The fact that there are not many characters, the fact of not representing the main character, creates a situation where the audience doesn’t know whether the storyteller is the main character or the narrator, when in fact she is both at the same time, playing with this ambiguity. I don’t know to what extent it’s assumed by Louis, but it’s fine with me.
 
We discussed the idea whether or not we should show the characters. We tested the giant figure with the audience, and we got good feedback. At one point we removed it, and we thought it was less effective, we liked it when she appeared.

 

29. Sonorization

Yovan:
Usually, we play with a sound engineer, and we work on this aspect of sonorization. In Nantes, for example, we had an excellent sound engineer, the balance was made over one week, we worked every day on it. When in certain residencies, we are told at the last minute, “you may use this space, but there is no sound engineer.” Delphine can be tense because we are running out of time before the premiere, then the sound is not very good. The balance between Delphine’s voice and the music is essential; if it’s not right, it can bring prejudice to the performance. So, we worked a lot on that.

Delphine:
Before the Tale of the Common Future, my voice had never been amplified. The guitarist I performed with had an acoustic guitar. Amplification has a very odd and surprising effect on me, and it changed my relationship with the public: I can speak very softly, I can whisper, it depends also on the quality of the amplification, which was very good when we had a good sound engineer, and very bad at other times.

Yovan :
The problem is that every time we change space and equipment, and we don’t have a sound engineer attached to the group who knows in two minutes what to do, we have to adapt. But when there is a good sound engineer, I have been helped a lot, particularly in learning to use Dante for mixing in 7.1, it’s a digital sound card, which is generally integrated on the mixing boards of the sound engineers nowadays, and which means you don’t need to have a sound card in your computer, but you can go through an ethernet wire, and have your balance done directly according to the place. With Dante, you can communicate with the mixing board. So, I come with my 7.1 configuration, and I just trigger it, and if I come to a new place which has also Dante but is in 4, because there are only 4 loudspeakers, then, I just have to change my configuration, I don’t even need to do a balance. So, it’s very useful, but in all the residencies, we had this system only twice, unfortunately, there are lot of places that don’t have Dante. I have my digital sound card installed in my computer in order to be able to do the balance when they don’t have Dante. In any case, every time, you have to pull your hair out for at least one day of technical sound preparation, and also the night, before you can start working on the spectacle.

Delphine :
It can be a real pain if the amplification is not good, because I think that there’s something intimate about this spectacle. If my microphone works well, I don’t need to speak loudly, which is for me an effort because I tend to have a lot of energy.

Louis:
She isn’t yet used to speaking in a microphone, it’s often a technical problem of audio return, she doesn’t hear herself well, it’s a problem of sonorization, she has to hear herself as well as the audience does. Clearly, it’s not exactly the same situation as in tradition of storytelling. If people from the tale-telling world come to see the performance, they might think it’s not a tale at all, because in a tale you never show any images, there’s rarely any music, and generally it’s one person alone telling a story to a public. There is no distancing between the storyteller and the audience, so, the microphone creates a distance, but it’s not the same situation. I think that there’s a certain distance that takes place, but it operates in two ways: on the one hand, when she tells the story, she distances herself from the public, on the other hand, after that, she comes back very strongly towards them when she comes to ask them questions.

Yovan:
With each residency you have to adapt your system, with electronics there’s always issues. Often, you don’t know why, only two loudspeakers worked out of four, then finally we have them, OK. You have to take care of the image and the sound. When there’s no sound engineer and there are all these noise effects that usually go through 8 loudspeakers, but suddenly you have only four of them, it’s not the same settings. So, I have three configurations, I have 5 points, 4 points and 7 points, and each time I have to readjust. With respect to noise effects, there are two or three pieces where I made what we call Stems, [30] that is I separated the bass from the drums, the chords, and the voices, to mix them a little together. You can have the bass located here, and the drum set there, to make it more immersive. In fact, it didn’t like it on all the pieces, because sometimes it was not easy to understand, I preferred having a source coming out in stereo, with the noise effects behind, otherwise I thought it was too scattered. It’s the sound engineer who initiated me to Dante who knew all about that. He tried to remix my pieces, I sent him the Stems of my pieces.

Delphine:
When we played the piece in Paris, Marie-France Marbach came to see me at the end and said: “Listen, you have to get some voice training, you can’t go on like this.” Since then, I’ve been doing a training course in Lyon with a lady, Mireille Antoine, qui est extra. Une dame avec un charisme incroyable et en même temps une grande humilité. Ellwho is extra. A lady with incredible charisma and at the same time a great humility. She makes me work on my voice which tends to be too forceful. The voice is actually a very intimate thing, so she immediately sees a bit of what I told you before about myself. She says to me: “Well, you do everything forcefully, you’re a warrior, you’ve built everything up, your identity is your strength, you’ve put in so much support, you’ve put up a shield, to make sure that you’ll never be vulnerable again. So, we will have to break down the walls, so that your voice comes from the belly so as not to block emotion.” Because you your own emotions are not what matter, it’s the audience that you want to get carried away. And it’s also dangerous for me to give it all, I’m hurting myself. And it might be unpleasant for the audience too because it’s not on them to carry this burden. So, it takes some work to place your voice and also to put some distance from what you’re saying, to let the voice resonate and not to get carried away. It’s an intense work, but very interesting.

Yovan:
For example, once, a sound engineer said to Delphine: “You’re speaking far too loud in your mike, you don’t need to do that.” She is used to speaking acoustically, so, he turned her mike down and she was more careful. When she is stressed, she tends to speak louder, and then, sometimes the music is too loud in relation to the voice, that’s something I can control. In Nantes, everything went well, we had a good rhythm, a full week to rehearse each scene, so, we found a balance that worked better. Sometimes you realize that in such and such place you are less at ease, that’s the nature of live performance. That’s the way it is.

Delphine:
I tend to speak loudly, so I really have to make an effort to keeping my voice down. It’s true that with the presence of a sound engineer, you give up part of the responsibility, in the sense that if my voice sounds through amplification like a carpet dealer, it might quickly be perceived as someone selling detergents on the market. In this case, there is nothing I can do about it, no matter how softly I speak, or try to put more music in my voice, this type of sound will remain. If the sound is rotten, however you may try to “na na na,” nothing can be done.

 

30. Communication with Notion [31]

Maxime:
We use Notion, a software that shares things between several participants. For example, Louis tells me: “Well, there, with Delphine, we have written a text. She has to clean up a text and she puts it on Notion, that’s the link.” So, I click on it, and I see that, effectively, she’s updated it a day before and that’s the last version of the text. If a week later I have to take up the text, it’s possible that she’s changed it. In this way, I have the updated version, it allows me to be always working on the last version.

Delphine:
With Louis, the good thing is that we communicate with Notion software, I can write on it, and he can have immediate access to it. Sometimes when I have questions, I write and then call him, saying: “Look at what I have done. What do you think of it?”

Yovan:
Louis uses Notion to communicate a series of resources, texts that inspired me, particularly about biocracy. We talked about that together. You have to ask Louis about biocracy because it’s a concept that inspired him a lot, especially concerning the major lawsuits included in the piece, that allow nature, a river, a tree, to have the same rights as human beings and therefore to be able to sue a company like Total. This concept is interesting and corresponds well to the Tale idea of human beings reconnecting with nature. He put lots of resources on this on Notion.

Maxime:
I have all my drawings on computer, and I share them with Louis on Dropbox. That way I know if Louis likes them – because I don’t necessarily know that – but there is a little notification to that effect. When I’ve put up a new drawing, I call him, I am proud of myself.

 

Scene 1: Maxime and Louis.

Maxime: Listen, frankly, I worked hard, I’ve made three new drawings.

Louis: Yes I know, I saw the Dropbox notification the day before yesterday.

Maxime: Ah! yes, OK.

Louis: Yes, I looked at them, it’s fine, perfect! OK!

 

Maxime:
And then, in the way we work, it’s true that Louis and I, we like participatory tools, participatory software, so he made some sorts of to-do list that we can both consult, each of us saying to ourselves: “Ah! I’ll mark this, so he will see that I’ve done it”. I think that these tools improve things significantly. Then, I still like the informal chat over the telephone, to talk about this and that, where we can go much further into things. I think there are elements of messages that are important, mostly when I send drawings in progress in order to have feedback before I finish them. Messages are very useful when they tell me what direction to take or give me the chance to diverge from common meaning. I would rather use the chat like that to balance my contents and to confirm the feedback if everything goes well. What’s more, when we are more in the prospective phases, with Louis, we usually go to see or call each other. I think that when we don’t know something, it’s not enough to be on WhatsApp, on a chat group to make a project. That means seeing each other at certain times. On the other hand, there’s a huge amount of working time that’s done on one’s own. So, it’s very much a hybrid thing, there are important points for discussions, and then, there are all the individual times.

Yovan:
In fact, I’ve found that, in the groups I play with, they often say: “Well, we’re not on Messenger, we’re not on WhatsApp, we’re on Signal, it’s better”. So, I receive a lot of links, and they tell me: “It’s true, we don’t go on that sort of stuff anymore.” Notion is interesting, yes, Louis likes all these ways of communication, I haven’t been on it that much, but that’s the place where we send each other things and where you can see what has been changed. I think there are plenty of interesting resources, but for me it’s a question of time. If there’d been a year with less things to do, I would have had more time to go on it. And then, since we’re already talking about it, and I just need few elements to write the music, I just have to think about it.

Maxime:
In terms of software, it’s really only Notion, WhatsApp and then, Dropbox. And concerning the forms of discussion, it’s really going to be either the WhatsApp group, or me calling Louis or sometimes Delphine for the tale, but less so because it’s mainly Louis who is in contact with her. It’s really Louis who is mastering the flow of things with everyone. So, when we call him, he can pass on the information, he is mostly at the center and things revolve around him. That’s why we call him “the creator” who kind of pilots everything. He doesn’t write, there is no visible content, even though he creates the content and sets my drawings in motion.

 

31. Residencies: LabLab, Chevagny, Vaulx-en-Velin, Enghien-les-Bains.

Louis:
I plan the residencies down practically to the minute: this morning we talk about that, then everybody introduces themselves, then we take a break, we go for a walk together, then we come back, then we work on the beginning of the tale, etc. This I do for practically all the residencies, what’s going to happen hour by hour. And this was very useful to us many times when you find yourself lost in things, you are in the thick of things, you are doing things, and suddenly you’ve got a blank page, you don’t know what to say or what to do anymore. So, you tell yourself: “Ah! well, we’d planned a walk in the forest,” hop, well forest walk it is, then. I had ideas like that: the fact of walking in the forest, since at the beginning of the story, it takes place in a forest, I wanted to take them up in the trees, do some acrobranching and sleep in the trees, but I never did it. Here, I found one of these schedules:

 

10h-11h am : Presentation of our universe.
11h-noon: Presentation of the project.
Noon-1h30 pm: Lunch.
1h30-3h: Free exploration of tomorrow’s world, where are we going?
3h-5h: And above all with whom?
5h-5:30h: The day in review, what are we going to do tomorrow?
If we don’t know what to do: tomorrow, touring the village, to talk together.

 

Let’s talk now about the writing residencies, I call them “emerging residencies.” First, on January 6 and 7, 2022. Then we met again on May 5 and 6, 2022. We did a music residency with Yovan and me on January 27, 2022, that finished with a Visio-conference with the four of us. Then we did an “unfolding the tale” on June 23 and 24, 2022 with everybody.

Then, we had the “unfolding the tale” residency on June 23 and 24, 2022. This residency was again at the LabLab in Lyon. We used this place a lot. All four were present. Here is the pre-established schedule:

 

10h. am: Presentation of the state of progress of the narrative plot and feedback; presentation of music and feedback, presentation of drawings and feedback, presentation of Live Drawing and feedback.
11h30: Identifying contact zones between music and drawings, between storytelling and public participation.
Noon: Lunch.
1h pm: Installation, set-up drawing projections and music.
1:30h: First scene.
3:30h: Second scene.
4:30h: Pause.
5h: Third scene.

 

It was a bit ambitious, I don’t know if we were successful in fulfilling this schedule. After that, 6:30 pm, it’s the end. And then comes Friday:

 

9h. am: Feedback on Day 1.
10h.: Scene 0, which was the welcoming of the public, we gave a lot of thinking to how we were going to welcome the audience, because that was really part of the immersion and to showing how to use the tools, to explain how it was going to happen.
11h.: Go-through scenes 1, 2, and 3.
1h. pm: Public presentation.

 

At the end of the residency, we’d do a small public presentation, and then after some feedback, we were supposed to work a little more before everyone would leave. Except that we didn’t do anything after the performance, we were exhausted. So, I thought that we should never work anymore after a performance.

In August 2022, we did our first real residency, where at the end the totality of the Tale was going to be presented. It was part of the festival « Chevagny Passions » [32], thanks to Antipode and Chevagny-Passions. For the first time we were paid. We spent one day with Antipode, and at the beginning, on Tuesday, Wednesday and Thursday I worked with Delphine only, and Friday Yovan arrived, and we worked all three together. And we played Saturday once, and twice Sunday. And we managed to produce a performance with over 20 minutes of the piece. We get super positive feedback from the audience, for each of the three performances we perform in front of about 60 to 80 people.

Maxime:
We did a first residency without a dome at Chevagny-sur-Guye, during which we had tested the idea of having drawings with a storyteller, with sound, and with an audience that had reacted quite favorably to the participation tool. Finally, there are the four of us, plus the participatory tool that brings the public into the story

Louis:
The performances took place in the church, I recuperated our video projector that we have with Live Drawing, which enabled us to cover the totality of the back wall of the church. All the church’s benches were taken out, and replaced by reclining chairs, poufs, carpets. We were highly welcome.
 
The planning helps me because it makes me feel more secure. Let’s just say that it allows me not to get lost, and since after all I am the leader of a team, it’s better not to have any blanks. I know that I shouldn’t come and just say: “Ah! well, I don’t know what we are going to do.” I know that it would destabilize them, it wouldn’t please them.
 
It works, and we’re happy, and it’s just one month before the Vaux-en-Velin Planetarium residency, for which we have two weeks of work to do. The aim was to produce a 30-minute performance up to the scene with the “Great Council.” It was the first time that the visuals were adapted for a dome, and that took an enormous amount of time. The music was adapted for sound spatialization and we moved on with the storyline by finishing the “hunt for lightnings”, creating “the city” and “the Great Council”. Also, we discussed the budget and the planning of the pedagogical interventions that we decided to implement.

Maxime:
Each time we have to adapt to a place, because if you change the performance space, you change the screen size, so it’s possible that certain drawings will get a bit squashed or an element of the drawing gets too magnified, or is too far to the side. Sometimes, when under a dome, you can see images behind you. Sometimes the public is all facing the same direction, that’s fine, but at other times people are all facing the center of the space. For example, at one point, people have to look at two pathways and have to decide if you should take the path to the right or the one to the left. But as people are facing each other, in fact, for some people the path on the right is the one on the left, or such nonsense. Fortunately, a stage manager of a space had warned us, he was in Paris and told us: “Be careful, this image will not work.” So, I made a white arrow on the right-side panel, and a black arrow on the left-side panel, and then, we could say: “OK, you take the black arrow, or you take the white one.” So, there are lots of things like that which can vary.

Louis:
The next residency was 10 days at the Enghien-les-Bains “Centre des arts”.

Maxime:
The time spent in residency is super because it’s when you really discover what the others have been doing. Yovan rarely sent us the sounds he had prepared in advance, so I discovered them during the residencies. I bring most of my drawings, and I might take a tracing paper to redraw an element that’ll then be superimposed to the drawing. I come to the residency with my pencils in case something happens. I use Photoshop software to edit images in most cases, but sometimes I am obliged to do it by hand. When I show a drawing, there is generally not much feedback, everyone seems happy with it. But Delphine said to me once:

Delphine:
Yes, your drawing is fine, but in fact, it lacks flowers. You are a bit sad here, you should add some flowers.

Maxime:
OK, you’re right, I am with you, it doesn’t suit me but… you’re right, I’m going to add flowers.
 
So, I drew lots of flowers so as to be able to take them one by one and afterwards integrate them into the drawing. And it’s better, a lot better, however it took me a while but… Now that we are almost at the end of it, I’ve got a list of alterations like that to be done on different drawings, where I need to add flowers, to remove some trees, that sort of thing.
 
Once the performance starts, I haven’t got much to do, because my drawings are already done, it’s Louis who is in charge of the animation. So roughly speaking, I’m in charge of the public participation part (people who are going to draw and all that), but I can also take care of the lighting. We did run through the piece together, someone helped me, she said: “You see, there, you turn it on, there you turn it off.” It had to make sense in terms of the story and so the storyteller was sometimes in the foreground, because she should be enhanced in front of the drawings; at other times, on the contrary, you have to turn her off so that the drawings can really take over all the viewer’s attention. That’s an interesting aspect that I discovered, I think it enriches the performance to be able to increase or decrease the presence of the storyteller.

 

 
Maxime Hurdequint, drawings' exposition, 18 juin 2023, CDA d'Enghien-Les-Bains 1/3 (Conte d'un futur commun)
Maxime Hurdequint, drawings' exposition, 18 juin 2023, CDA d'Enghien-Les-Bains 2/3 (Conte d'un futur commun)  
 
Maxime Hurdequint, drawings' exposition, 18 juin 2023, CDA d'Enghien-Les-Bains 3/3 (Conte d'un futur commun)
Children looking at Maxime’s drawings, 2023, June 18th,
CDA d’Enghien-Les-Bains (photo Nicolas Sidoroff).

 

 

32. Public Participation

Louis:
Then there was of the interaction with the audience that was important, how to use what already exists, what you’ve already mastered, in order to have the public participate. And so, it was basic, it wasn’t just for them to do things like creating the set, but to really pass on ideas through drawing. In the Live Drawing, you ask people questions, so as to provide them with subject matters for drawing, and then they do it. And in fact, we’ve found that to get people to start drawing, you have to be very simple, then afterwards, you can go super far, and they follow you, and produce incredible things. When I was in the process of creating the “Tale”, I always thought that the Live Drawing events could help me to find ways of involving the public in the tale, for example by proposing drawing themes such as: how do you see the transport of the future, how do you see things?

Maxime:
There is the question of the wall that exists between the scene and the public and how we can try to partially break it. In our case, I have the impression that the wall does not exist, but I realize that a small filter remains, a transparency paper, something in between, anyway there is a screen. When we started to experiment with digital applications, we saw a lot of things that depended on a single remote control, you had queues of 50 people waiting to access the technological tool. We thought Live Drawing was a good idea because this time it was really participatory, it was everyone doing things at the same time. So, on the one hand, we still had a thin wall, since we used telephones, but at least the thing was accessible to all. We pushed that idea because that’s what the festivals expected of us. They told us: “What we liked about it is the fact that everyone is doing things at the same time, last year we had 50 people waiting to access things, it was very frustrating for everybody.” So, we thought: “Ah! Banco!” There is still a limit because it’s anonymous: the people draw, and they can sit on a sofa, drawing in their own corner, or drawing eventually for the screen on the wall in Live Drawing, making drawings that aren’t interesting, that we feel obliged to delete without knowing who did it. By and large, that way, we break the wall since everyone is proactive in the work, and at the same time there’s still a bit of a filter in the sense that people are anonymous, and so, not completely assuming responsibility for their acts. And at the same time, that’s what freed them too, as I said to them: “Let’s go, in any case if you are going to do a rotten drawing, no one will know that’s you who did it, you’ll not have to show it to your son next to you, he won’t know, and at least you’ll have tried.”

Louis:
Concerning public participation and Live Drawing, I went back and forth with Maxime Touroute and Rémi Dupanloup. In the meantime, we did another project called “La Bulle du personnel” (the staff bubble), which was an institutional project for a hospital where we wanted to make a wall of interactive postcards. So, we spent a lot of time working on that idea of postcard. Maxime and Rémi who developed this project, used Live Drawing, and added new elements within it, in particular the possibility of inserting a text. So, I thought: “Yes, it would be very interesting if people could write instead of just using the Live Drawing.” I have adapted my desires for public participation according to the tools available to me. I couldn’t change, starting from scrap, because I had too many constraints, but all the same, I succeeded in getting people to write texts on basic things, notably on the big laws of the future.

Delphine:
I don’t feel far removed from the people in the audience because, after all, I ask them their advice. I feel the presence of the public, I know who is there. Because we help them to connect, we ask them if they are comfortably seated. Then, when I ask them their advice whether we should take the path on the right or the one on the left, I often take the time to say: “Do you all agree? Anyone disagree?” With almost no visible effort, I want to weave this relationship.

Louis:
The aim of this project isn’t necessarily centered on getting the public participating as such, but on projecting them into a desirable future and getting them to reflect on it. And to get them thinking about it, I propose they participate during the performance to engage them in this process. To achieve this, I use a system of gradually increasing participation:

a) Before the beginning of the performance, they draw stars on their smartphone to introduce them to the situation.
b) Then, they see their own stars appear on the wall, so they understand that what they’re doing with their phone is going to play a role in the story.

 

Tale's beginning, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Tale’s beginning, 2023, May 4th (photo Valentin Bisschop).

 

c) Next, I have them draw the rain, it’s the same principle, but here they see that their image is animated and interacting with the plot.
d) And then, they choose a pathway, so now, they are really participating by saying yes or no, a simple choice that will determine the evolution of the story.
e) And after that, we ask them questions live, for example saying to them: “Here we are, in the world of the future, what do we do about people who don’t respect the rules?” Here you’re already starting to have a more in-depth interaction, and above all, this will make them think about potential conflicts, like how to behave in the future regarding someone who doesn’t respect the rules, how it might happen in a desirable future (we make this clear again and again) especially when we are in presence of students who want to hang people.
f) Then, after the Great Council, they have to write the laws – this is what was closest to my heart and that’s what I try to preserve – we ask them to write a law that could today help us to achieve this desirable future.

Maxime:
With the “Tale of the Common Future”, we went a little further by asking people to participate in a real debate, by addressing the audience directly saying: “Here, what do we do, how should we continue the story, go ahead and propose something to us.” The time is quite structured in the sense that there is a period when the audience has to assimilate what the story is about, then there are open times where they’re on their anonymous telephones, and there is at least one period where we even turn the lights bock in the hall on to have a debate. This means that the separating wall between the scene and the public constantly goes up and down, there are several layers, but you can’t say that it’s completely removed.

Louis :
And I think that the Great Council, when we explain Biocracy, and when we get them involved, that’s really at the heart of what I wanted to do. In effect, we could do more, and we could do it differently, but in any case, I think that if they manage to think of a law within the framework of our present democratic society, in France, if you can imagine finding a law to make the world better, it means that you’re not going to have a violent revolution, but rather a more benevolent revolution. That’s really something that motivates me, and I want to show people that the system has certainly its faults, but solutions can be found within this system allowing us to succeed in evolving in a positive manner.

Delphine:
Even if the smartphone is bait for teenagers, because when we say to the kids they’re going to be able to draw on their phone, they say: “Ah! Really?”, they want to go and see the performance. Amazing! But in fact, they don’t do much on it, they draw the rain. At the end of the Nantes performance, a lady came to me and told me: “Hey! It’s a bit like cheating, your use of the phones, it’s a bit like trying to catch young people, because nobody chooses anything in your story.” I said “yes,” because I wasn’t going to contradict her, she’d seen it all.

Maxime:
We have to be careful about how we communicate our spectacle, because if we over-sell the participatory side, rather than the storytelling, the audience might be disappointed. At the beginning we sold the spectacle a bit by saying: “It’s a video game, you are active in shaping the story” and all that. I don’t know, it seems that it’s not a video game, where people at any moment take a joystick and move things around. We thought we mustn’t advertise that idea too much, because the people might be disappointed, we’ll sell them something that’s not representing what we’re doing. When we start a creation, you have a lot of ambitions, and once you’ve created something, you need to realize that in spite of liking what you have done, it does not correspond to the original ambition. You need to rewrite it to match what you want to do. So, we’ve been working a lot on this participatory side of things, but now it’s more just one of the ingredients, rather than the founding element of the spectacle.

On the question of a possible contradiction in the relationships with the audience between the intimate nature of storytelling and the technologies used in the performance, what’s interesting is to really tackle the problem in reverse order. In the call for Immersive projects, a lot of applicants submitted things based on technologies, their lines of thought didn’t really leave the computer. The fact of introducing a tale meant bringing an archaic element into the extremely technological world of digital arts. We proposed something non-technological, and it’s the same for the drawings which are done by hand. So, it’s not so much that we’ve “digitalized” the tale and the drawings, but it’s more that we’ve made the digital arts more human. In any case, I wasn’t expecting that, but the people who supported us said: “That’s what we appreciated in your application, it’s the fact that you bring together universes that we didn’t think could cohabit.” It was Louis’ intuition to update the digital arts by showing that they can be applied in so many different ways. It’s true that in the “Tale of a Common Future,” we are in a tension, because we want to tell a story and at the same time, we want to get the audience participating. So, it’s a delicate balance to achieve, it’s super sensitive. There’s a balance where we could perhaps open up the public participation more, and at the same time, once we have decided to have a story, you necessarily go more or less from point A to point B, where in any case you don’t have 10,000 entries. It closes a bit the question of participation.

 

33. The Artistic and Cultural Education Residency at Hennebont.
Louis, Delphine and Maxime

Louis :
Another form of participation was experimented with the Hennebont (Brittany) residency in schools, it was a EAC, “Education Artistique et Culturelle – Affaires Culturelles” (Artistic and Cultural Education – Cultural Affairs), [33] which lasted ten days in primary and secondary schools. We both worked almost eight hours a day during this period in many different classes. Public participation took another form of temporality: with the “Tale of the Common Future,” the public is only present for an hour, so it’s clear that people potentially will have less time to reflect than the primary and secondary school students, who work with this artistic project during one year, who are also supervised by the teachers who speak about it before I arrive. It means that when it’s well done, as in Hennebont, when our arrival. If it’s well done, as in Hennebont, they will have spent already four months of classes to reflect on the subject in different courses, in any case in visual arts. For four months they think about it, and then, I add another layer. I ask the students: “What would you like in the future concerning your habitat, what would you like as transportation, as the means of moving about?” Then I tell them, “We’ve thought about that,” and I show some elements of the Tale of the future, saying: “Well, we thought that it should be like this or that, but you, how do you see it?” And in general, it obviously raises their thinking, because you show something upon which they can reflect. The two situations of participation, performing in front of an audience and teaching in school, are just as important to me. Maybe the students in school think about it more, but it’s really a question of timing.

Delphine:
We did that residency in Hennebont with primary and secondary schools, they’d been drawing things that were then projected during the performance. To link all this to our spectacle, I briefly summarize the story of the performance we’re going to present them. In any case, at the beginning, there’s a general presentation by Louis and me.

 

Scene 1: Delphine and Louis. Presentation for the students.

Louis: Here you are, we have a performance called “Tale of a Common Future.”

Delphine: We imagine a future that will be desirable, na-na-na-na…

Louis: You are going to work on storytelling with Delphine, then you will do digital work with me.

 

Delphine:
After that, both of us, we decide, depending on the situations and on the classes, our line, our objective, what we expect from them to do at the end of the day: do we want them to tell a story, or to produce something?

Louis:
With the SES classes (Economic and Social Sciences classes) I worked on the organization modes for future collective decision making, what economic models, what types of commercial and diplomatic exchanges between communities, what types of work and employment. In all my interventions, I speak of how people will live, in what kind of habitat in the future (especially with the youngest students), how they’ll get around, how they’ll be transported from one place to another. I am interested in Artificial Intelligence, so I spoke quite a bit about images generated by AI, which wasn’t really related to the Tale project, but which gave me a kick at that moment.

Delphine:
With one of the classes, we produced court cases. They were in small groups, they could use their phone, not to go where they usually go, but to go to research tools looking for court cases. So, you needed a victim, a culprit, and a trial, a cause. There some very well dressed were girls who came for the case to sue Zara, H&M and ASOS, great! I said to them: “You can tell all your friends”. They found out (and I learned that from them) that it was the Uighurs in China who make all these fashion clothes in extreme poverty, and everybody here buys them. “Me, you see, I buy clothes on Vinted and there’s loads of clothes to buy, amazing! [Muttered:] In fact everyone buys their clothes there. [Normal voice:] It’s very cheap”. So, they’ve discovered that, and I think it’s great that kids in small groups search on their phones, because it’s a tool they have at all times. All of them have a phone, when we say: “Take your phone out”, not one of them says: “But I don’t have a phone.” They never went to search this kind of things on their phones, they are just on social networks, they are not going to use it for anything else.

Louis:
At certain moments we would be together, Delphine and me, in front of a class, but most of the time we were alone. We had very short interventions, the longest ones lasted three hours. I was going back and forth: I stayed for a week and went back to Lyon, six hours by train, then I went back there for two days during which we did five performances, a crazy marathon. Yovan joined us at that point. During these performances, I included all the drawings the students had made.

Delphine:
Artistic education is very interesting to me. With the primary school children, all I did was to tell them stories, because that’s what they wanted. I tried to take the basic features of the spectacle. They did also some drawings, they love drawings. In fact, they are not told stories very often. I started by asking them: “If you had to make big court cases for making a better world tomorrow, what would they be? What can you imagine?”

Louis:
The students had essentially to draw things. The teachers had worked very hard on the whole thing, on the avatars of the future, their habitat, they already started to describe their huts, their things, etc. So, the students drew their habitat of the future, their characters of the future, etc., and I integrated them into Maxime’s drawings. This was an enormous amount of work! I’ll never do that again! It took me ten hours of clipping, I don’t know how many thousands of drawings, it was unbearable. Well, “unbearable,” it wasn’t unbearable, but it really exhausted me. Afterwards, it enabled me to recalibrate my interventions, by saying to myself: “Ah! only one drawing per class!”.

Delphine:
So, we had this whole discussion about the death penalty, it was terrible! They were all for the death penalty. It’s complicated, isn’t it! So, we spent a whole session discussing that. Nowadays, you don’t talk about the death penalty any more at school, the teachers told me that they didn’t do that anymore. Me, at school, I got a lot of flak about the death penalty. We talked a lot about it, we read texts, “na-na-na-na-na-na”, Victor Hugo, “ta-ta-ti ta-ta-ta”. Now, you don’t talk about the death penalty, so the kids listen to television programs.

 

Scene 2: in the classroom with Delphine.

Student 1: I saw on television, there was a guy who said that a girl had been raped, and that he, the culprit, should be hanged.

Student 2: He’s right.

Student 3: Yes, he’s right.

Other students: He’s right!

Student 4: Some are going to jail, it’s useless, they are too happy in jail.

Delphine: Ah! how do you know that he is happy in jail? Have you been to jail?

Student 4: No, but I mean, in jail he has food, beverages, shelter.

Delphine: And you, what if you were accused of raping someone, but it wasn’t you who did it, but everyone says that it was you, and you went to prison?

Student 4: Oh, no! not me, it couldn’t happen to me!

Delphine: Oh! Yeah?

Student 4: No.

Delphine: It can’t happen to you, it only happens to other people!

Student 5: It’s no big deal if it happens to others.

 

Delphine:
At the same time, the teachers afterwards told me that it was actually good to talk about it, because it’s something they keep to themselves. They don’t say anything to anyone, they’re sure of themselves, they’re certain of their little conceptions. So, as a result of discussing it, it gets things moving. It is difficult to tackle this, because you must not judge what they say either, it’s an open forum, a space where you are free to speak. And so, there are some gems in what is said, like: “No, but they should stop at the iPhone X, and after that they should stop making them.” I said: “Yes, OK!”
 
The fact that I didn’t like high school, that I was on the margins, means that I don’t have any a priori ideas about the students. It’s almost those at the margin that sometimes I find the most interesting. Because I don’t have a great self-esteem, I don’t have prejudgments as sometimes intellectuals do with respect to the ones who can’t make it. And I want to keep it that way. What I got from the circus, is the position of the body: first of all, we have to sit down, to put our feet down on the floor, we all have the backs straight and we are there all together. We’re not like that [she shows a slumped body position], if anyone really wants to stay like that, no big deal. But I mean, we are here, present with our body, and then there’s the work on breathing, on keeping straight, of sending what you want to say where you want to say it – [whispered] because if you talk like that, no-one understands anything – [normal voice] and this is also useful for them at school when they have their oral exam, they’ll know how to speak. There is a discussion, at first you just say their first name, and then ask if any of them are very embarrassed to speak in public. Because some are hyper embarrassed to speak. And then there are those who aren’t at all embarrassed, they should not be allowed to talk all the time, and have the others saying nothing, you have to manage that aspect, and then set some rules. From the onset, I set rules: don’t make fun of anyone here, you have the right to say whatever you wish, it will not go out of the classroom, it will stay between us. You can discuss things, but you are not there to say anything out of the blue, it’s a space of freedom, you respect others, no mockery, I can’t bear it. It was the circus that brought me this attitude that involves a lot of bodywork, and also, storytelling where working the body is related to speaking. And then I tell them stories and ask them what they think. Obviously, I’m not going to tell the same stories to teenagers as to primary school children.
 
We worked with the partners, the teachers. For example, we worked with a Spanish teacher. We had the students in a circle, and we looked for words in Spanish to imagine for example the Propel Stretch. So, I explained to them what it was, and then they started looking for words in the dictionary, they had a ball. I don’t know any Spanish, so they tried to pronounce things and then I would say: “How do you say that? This one I don’t know.” The kids were trying to say it. And the teacher said to me: “The Spanish classes have never been as beneficial as they were today.” Because it was another way to do it, they had to look for a vocabulary for future habitats in Spanish. Everything is possible, in fact.

Maxime:
There was a residency at Hennebont with high school students, I wasn’t there, so I think that must have had an influence on the writing, because Louis came back and told me: “They came up with some incredible ideas, it gave us many leads.” So, it may have orientated the story a little bit, but also, they made a lot of drawings. And this didn’t match up with my practice, because you have to remember that drawing is a solitary practice, that is done prior to being able to work with others. I don’t think that musicians are as solitary because there are the rehearsal times for rehearsals; it’s true, there’s personal time for practicing, but I think that the something collective happens more often. I work on my own before bringing new building blocks to the collective team.

 

34. The Residencies (continued): Paris, Nantes.

Louis:
The next residency was in Paris, at the Cité des Sciences. It was a five-day residency, and I only made a plan for the first day:

 

9h.am: Installation
10h.: Internet test
11h.: Video test
Noon: Lighting test
1h. pm: Lunch

 

Oh! yes, then there was Emilie Baillard, who is a stage director; I asked her to take an external look at Delphine’s movements on stage. She came and, in the end, we realized that a complete residency would have been necessary, and she was only there only for one day with us, while we were doing many other things. In Paris we added roughly between three and four minutes more.

 

Scene 1: Delphine and Louis

Louis: Well! we’ve got to move on, hop!

Delphine: Yes, let’s go.

Louis: Now, we have to get a bit moving, because it’s hot right now, we haven’t managed to make much headway since the last time, we’ve got to finish the story for Nantes. It’s our last residency as part of the Call for immersive projects AADN.

Delphine: We could meet before going to Nantes.

Louis: So, we should meet for two more two-day writing residencies in Lyon.

Delphine: I can come to Lyon, since I am taking some classes. We can try to write the end of the story.

 

Louis:
In Nantes, Yovan, Delphine and I are present all the time. And there, the days weren’t very precisely organized, although as usual I’d drawn up a more or less complete schedule. And there we effectively run through the entire tale from beginning to end, because we arrived at the end of it. The two last days we have two public presentations, on Thursday evening and Friday evening, presenting the spectacle in its entirety even if we still are missing some drawings, even if Delphine reads her text. Maybe I didn’t mention this up to now – I don’t know if it’s appropriate to say it now – but what needs emphasizing is the enormous amount of work Delphine has done. In Nantes, the work days didn’t end at 6 p.m., they ended much later in the evening. Many times, Delphine and Yovan are both working together while I’m struggling with the drawings, so, I don’t have time to do things with them. What’s really great about Yovan, as a musician, is that he’s got a sense of rhythm, so he can say to Delphine:

Yovan :
There, you see when I play this, you have to say that.

Louis:
He goes back-and-forth a lot with Delphine, a lot of times they have to coordinate their actions:

Yovan :
Ah! no, that’s it! Exactly!

Louis:
And so, they go through the piece together. During the rehearsals, I often work on drawings that have nothing to do with what they are doing. Often, I work alone, many times when I have to adjust things, it doesn’t work, I redo it, it doesn’t work, I redo it… it doesn’t work! After a while finally it does work.

 

Louis Clément, poste de travil en résidence (Conte d'un futur commun)  
Louis Clément, poste de travail en performance (Conte d'un futur commun)
Louis’ working station during the performance, residency (2023, May 3rd), show (2024, May 31st),
(photos Nicolas Sidoroff).

Louis :
From time to time, I call Maxime. And I have also to take care of all the rest. I do the animation of the drawings, the video, all the public participation part, I fix each time what’s going to appear on the smartphones, what’s going to appear on the screen, all the changes it implies, because it continuously changes as it goes along, you have to change the questions addressed to the audience, you have to change the interface, etc. There are many things to change while it’s going on with Live Drawing that I now know very well. And I’m also in charge of lighting. That’s a lot of things to do, I’m in charge of the technical side, I have also to take care of Yovan’s sound when something doesn’t work. Well, he looks at things, he does things, but generally it’s me who gets my hands dirty.

Yovan:
Louis is also helping out, otherwise it wouldn’t work. Now we know that for such a performance, you need someone permanently in charge of these technical aspects of sound and music, basically it’s not too much to ask. In this project, there were lots of things to be learned at the same time, frankly, that’s what was interesting to me. Each time you say to yourself: “Ah! there, it didn’t work!”, there is that big challenge. It takes one day to fix things and then you get back to the rhythm of the performance. In fact, every time, you have to familiarize yourself with the place, once you are comfortable in that place, that you have your sound balance, everything will fly.

Louis:
And at the end I find myself alone to de-install, while Yovan repacked his gear, it’s for me to put things back in order, but I’m used to it, it’s the role of the stage manager at the beginning and at the end, after everyone’s gone.

Yovan:
We really worked together as a trio because the story was still being written as we went along, it wasn’t a situation like: “So, here we are, I’ve written this text, now deal with it.” At the beginning, I proceeded in this manner with Delphine’s text, by composing the music to it. This was a good way to go, but after a while it was necessary to meet. The residencies were the occasion to work together, especially in Nantes where the text wasn’t completely written yet. Delphine didn’t send me anything prior to that residency because Louis had some ideas, but they had to agree together on what was really going to happen. Louis isn’t a writer, he’s not an author, but he was responsible for the concept of the spectacle, and he needed Delphine to put the story into words. And since I had also not decided on the music, I said: “I prefer to compose along with you.” So, for the end of the piece, I worked with them when we were in Nantes, making the noise effects with them. And when they’d ask me: “Look, right here, it would be good to have a moment of music,” I knew quickly how to produce something that would be rewritten later at home. That way, we were able to get well acquainted with each other. Louis’ project was very ambitious from the start, because he had a lot of ideas that you had to sort out. Now that we know each other, we know what works effectively, and for a possible next project, we will know what not to do, it’ll save time.

Louis:
So, we’re super happy at the end of the Nantes residency, because we succeeded in putting something together, and we’re very happy with the public feedback.

 

Scene 2: after the performance in Nantes
Delphine, Louis, Amandine’s friend, someone from the public

A person from the public: I am super happy to have come because it makes us to want to do things, we can see that it’s possible to change things and gives us the incentive to do it.

Louis: That’s exactly what I wanted, so I’m very happy.

Amandine’s friend: It was super. I tried to get colleagues from work to come along to the performance, but they thought it was too ecologist.

Delphine: Oh! well, how do they know it’s an eco-thing?

Amandine’s friend: You’ve seen the publicity?

Delphine: I’m the one who wrote the publicity notice.

Louis: Here is the text: “This spectacle is a participatory journey into a desirable future, an immersive tale, with a storyteller, with the audience contributing to the story with digital tools, discussions, and reflections. This work creates a space conductive to addressing social issues that concern us today: injustice, ecology, and war.”

Delphine: If only war had been mentioned, they might have come! I don’t think the publicity notice is so easy to write.

Amandine’s friend: For someone who is not ecologist, yes, it doesn’t seem eco, but for someone who isn’t…

Delphine: All right. At the same time, I don’t understand how today, in our time, you can’t be concerned by ecology. I don’t understand that you can say you don’t give a damn about it! I’m appalled by people who say “Oh! another ecologist thing!” Have you seen how we live? Have you seen what about to fall on our heads? So, do you have children? Even if you don’t have children! You love animals? You love flowers? How can you be so indifferent to that? It seems really complicated, it seems to me crazy. And if they think it’s leftist, I’ve been anarchist for a long time, so OK, I’m in a left-wing spectacle. Well, it’s true that it’s the rich people who pollute the most the earth! Delusions of luxury, there! And the more you dig, the more you… Concerning bees, the lobbyists present falsified arguments: “No, no, no, pesticides are not at all bad for bees, no worries.” Everyone knows it’s false, that it’s just a question of dough, and in fact they continue to use pesticides against bees, they screw everything.

 

35. Ecology, Delphine

Delphine:
Today, after all, I might be bourgeois in relation to what I was before, and maybe I’m not “all eco”. That’s clear. But I try to do what I can. It’s true, I think the very rich are on another level: it’s all about rocket competitions, huge boats, it’s everyday taking a plane. It stinks. I think that already you could do a little more, you could stop using the pesticides a little. You’d just do a bit, and that would be already quite a lot. I denounce Total during the performance. In Uganda and in Tanzania, it’s terrible, they screw everything up. Tanzania, it’s a paradise on earth, there are giraffes, elephants, “prrrrrroo, gray, grog, track, trock, pail.” Some people rebel, they are locked in the dark for six months. And Macron supports. And everyone supports that, BNP Paribas finances, come on but where’s the problem guys? It’s awful. It’s awful, but it’s going on. But there are people who denounce it, I learnt that from watching the television show “Investigation gizmo”: a blond girl, very short hair, doing Tintin investigations, I don’t know how to say that, is it written somewhere? [noises of page turning] In short, anyway, there’re are journalists who denounce the status quo, things are happening. I think things will change, at least I hope.
 
The problem is that the rich couldn’t care less. They want to continue to live in luxury and are so afraid of losing all their money. Why? It’s crazy. You’re not asking them to live on subsistence allowance, and go sweep the street pavements, as we’re asking the unemployed nowadays. Yeah, it’s true, I come from a very low-class background, I come from no-dough, maybe I have this empathy or this understanding of other people who don’t have that, because they were born into luxury and they don’t understand that if one day they don’t have that anymore, it still will be OK, it can be a beautiful life without all that. You almost want to give these people a hug: “It’s going to be all right, don’t worry!”
 
I’ve discovered some incredible architects, like Ferdinand Ludwig. We looked for examples of architecture, like vernacular architecture, it’s all premises that are built with trees and plants. I didn’t completely agree with this. Maxime and I talked a lot about it, because for me, if you make buildings with trees, they have to be rooted in the ground, and often with the buildings you see, the trees are in plant pots. As someone who loves trees and reads a lot, I know that trees communicate through their roots, so you miss it if you do that: they can’t communicate. The trees protect themselves from certain illnesses through the roots, by the mycelium, they send information if there are animals or insects attacking them. One tree communicates: “Quickly, protect yourself!” then, it dies, but not the ones next to it. So, I think it’s a pity to put them in pots. In any case, I think you will be obliged to put plants, vegetation in cities, otherwise too many people will die. It’s obvious.

 

Tale in the middle, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Tale in the middle, 2023, May 4th (photo Valentin Bisschop).

 

36. Conclusion

Louis:
My team was formed by people who are actually good at what they do, otherwise I wouldn’t have worked with them. So, from there, if they propose something, I assume that it’s good, that they know better than I do what’s good, because that’s their job. It’s the same with Yovan, I don’t give him a hard time about the music, I am not going to tell him what to do… Oh! yes anyway, I do give him a bit of a hard time!

Yovan:
In this project, the people I work with had no strong requirements and trusted me, they let me be free to develop my own things. It allowed me to express myself and continue to evolve in that way. I could adapt the music to different situations, if it was too long or too short, I could decide what was working and what was not Then, sometimes, Louis and I didn’t agree, he would say: “Well, here I’d like to have more of that, you should play that live,” or things like that. But it was always expressed in order to find a common ground between us.

Louis:
I give them all a bit of a hard time, that’s kind of my role. I give my opinion, and then they follow my advice or not at all. Basically, I give the big directions. But overall, I leave them 100% free.

 

Final bow and thanks, 4 mai 2023 (Conte d'un futur commun)
Final bow and thanks, 2023, May 4th (photo Valentin Bisschop).

Maxime:
When I’m drawing, I still have that idea of going a bit against my architectural practice (and its long-time established nature). There’s maybe one, two or three sketches in black and white, which take I’d say two minutes to do, and then, when I hold one, I do a color sketch in maybe five minutes, and then, in general, I rarely go back to do it again. As I know that I have limited time, I don’t allow myself to do too much research. Fairly quickly, I say to myself: “Now, I have got a lot of drawings to do, let’s get on with it” and I like this sense of being instinctive. Not much tergiversations but going instinctively.

Yovan:
What I retain from the collective work is that even the negative makes you learn things. It’s pulling your hair at certain moments, but it was interesting in any case to work in a planetarium and all that. I rarely visited these kind of places, you don’t go there every day, I’m speaking for myself, but it’s interesting to see that they are very well equipped for sound and music (also visually speaking). And as a result, there’s a lot to be done, especially with digital arts, which is actually a fairly new practice. I have a good number of friends who are getting into digital arts, there’s so much going on with that. The phenomenon goes beyond the performances of digital artists, it’s something that’s developing nowadays in concerts of electronic music, even in rock and rap concerts, you are into textures, lighting, etc. I learned that in order to put together a performance that might last fifteen minutes, it’s going to be a lot of work. On the other hand, I think that the ideal would have been to have a maximum of things already laid down before the first residency, particularly in the writing of the story, so that afterwards, once we’re in the creative stage, we could go into as much detail as possible in rehearsals and into trimming things. We had not enough time to do that in relation to what was not going well, so as to air out the spectacle. Well, this is going to be useful for next time, but it was full of discoveries, and at the same time, discoveries of what could be better, but you have that in all projects in any case. So, frankly, for the most part there’s some positive aspects in every sense, and now here’s the spectacle, and we are hoping that it will go a bit on tour, so that we can continue to fine-tune it.

Delphine :
These are wonderful encounters, I‘m happy to have met all three of them. It was cool to be with them, it’s a team that really functions well. It’s particularly nice to be with them, because it’s not always certain that you’ll be able to work with anyone, that’s true, it’s not always that simple. Here we all get on really well, even at the level of creative collaboration.
 
I’ve now read my notes, it makes me laugh, this is not at all what I would say today. It’s funny.

 

 


The “Tale of a Common Future” was premiered on June 18, 2023, at the Centre des Arts in Enghien-les-Bains near Paris.

TheTale for a Common Future chooses to collectively explore a desirable future and the ways to achieve it. This is a participatory spectacle, with the audience using their smartphones and voices to take part in the story in the manner of a video game. The story is constructed as a collective improvisation, in which each participant can at any moment make it deviate or fork, jostle it, increase it, divert it.

Co-production: AADN –Arts & Cultures Numériques (Digital Arts and Culture) in Lyon, Vaulx-en-Velin Planetarium, Paris Planetarium of the “Cité des sciences et de l’industrie”, Stereolux, Nantes Planetarium, association Antipodes, “Pays d’Art et d’Histoire” between Cluny and Tournus.

With the support from the “Centre National du Cinéma et de l’image animée” and SACEM.

 


1. Marie-France Marbach is a storyteller, artistic director of the festival Contes Givrés, and glottis-trotter. Geo Jourdain is the president founder of the association Antipodes and an idea agitator. The Association Antipodes is directed by Geo Jourdain and Marie-France Marbach and is located in Saint-Marcelin-de-Cray (Burgundy). https://www.association-antipodes.fr

2. “François Pin is back in his role as president of the association La Carrière de Normandoux, where it all began, on the site he acquired on a whim in 2004 in Tercé, 20 km from Poitiers.” lejdd.fr/Culture/L-etonnante-carriere-de-Monsieur-Pin-

3. IRFA-Bourgogne is a training organization in existence in the Bourgogne Franche-Comté region for 35 years.

4. L’Atelier du Coin, in Montceau-les-Mines, is an insertion workshop work site. atelierducoin.org

5. Gus Circus of Saint Vallier, Fjep, circus school. koifaire.com

6. BIAC diploma: Brevet d’Initiation aux Arts du Cirque (Brevet for the Initiation to Circus Arts) a French diploma for teaching circus arts. See ffec.asso.fr

7. Nicole Durot. See « La Bulle verte »: in 2005, Nicole Durot created La Bulle verte, a circus school for valid and handicapped children and adults. labulleverte.com

8. It’s Laurent Fréchuret. The words that are attributed here to him are fictional. Laurent Fréchuret

9. Minuit: With a passion for architecture, Dorian aka Minuit Digital is a lighting and digital artist who likes to interweave physical and digital structures. Minuitt

10. Les Contes Givrés is a festival organised by the association Antipodes. association-antipodes.fr

11. In France, the architects who are the masters of the work are responsible for any damages to the building’s solidity or who render improper to its usage destination for ten years following the completion of the work. architectes.org

12. Ensemble Aleph, a contemporary music group based in Paris that exited from 1983 through 2022. ensemblealeph.com

13. Mapping: The video mapping is a visual animation projected on relief structures. fr.wikipedia.org

14. Maxime Touroute : maximetouroute.github.io

15. Theatre C2 at Torcy in Saône-et-Loire. 71210torcy.fr

16. Jacques Prévert, « L’Autruche », Contes pour enfants pas sages, , Illustrations by Laurent Moreau, Paris : Gallimard-jeunesse – Folio Cadet, les classiques N°8, 2018. artpoetique.fr

17. Débruit (Xavier Thomas): limitrophe-production.fr

18. « « KoKoKo! is a project born out of a film documenting the contemporary underground Kinshasa scene » limitrophe-production.fr

19. Julien Lagrange, guitarist, teaches guitar and workshop for handicap students at the EMDT of Cluny and vicinity (Saône-et-Loire). enclunisois.fr

20. Google : “With the 7.1 sound format, a rear center channel is generated in addition to these channels and distributed over two other speakers (called rear centers). This channel, coded in the stereo effects channels, makes it easier to localize effects and music signals directly behind the seated position.” google.com

21. The Lablab is an artistic laboratory, which offers a research and creative space completely equipped for new audiovisual, immersive and interactive experiences. polepixel.fr

22. AADN (Arts & Cultures Numériques) Digital arts and culture association, created in Lyon in 2004, it carries artistic and cultural projects that shake up the imaginary landscape and arouse the desire of founding a sensible, solidary, and responsible post-digital society. Through experimentation and cooperation, it strives to build a new culture of being-together. aadn.org

23. Metaverse: The metaverse is a virtual world where humans, as avatars, interact with each other in a three-dimensional space that mimics reality. The metaverse is online, but it’s also three-dimensional and changeable. The Metaverse is the spatialized Net of the future. wikipedia.org

24. Baptiste Morizot is a French philosopher who teaches at the Aix-Marseille University. His research is on the relationships between humans and the rest of the living world. wikipedia.org

25. In French, Camille can be both the first name of a girl or of a boy.

26. Camille de Toledo is a French essayist and writer living in Berlin. He is a visual and video artist, and teaches at the ENSAV (La Cambre) in Brussel. wikipedia.org

27. Medlay is a hybrid media from concept for crafting a multimedia artefact to narrate a story and/or communicate an idea on the Web ranbureand.github.io

28. Resolume Wire is a modular node-based patching environment to create effects, mixers and video generators. resolume.com

29. Jacques Puech is a singer and cabrette player of traditional music from Massif Central in France, see La Novia. la-novia.fr

30. Stems : « What we call “Stems” are the different source tracks in your production project, grouped by sections. loreille.com

31. Notion is a productivity and note-taking web application developed by Notion Labs, Inc. It is an online only organizational tool on many different operating systems, with options for both free and paid subscriptions. It is based in San Francisco, California, United States. Wikipédia en.wikipedia.org

32. Chevagny Passions : an art festival that takes place every year at Chevagny-sur-Guye (Saône-et-Loire). fr.wikipedia.org

33. EAC, Ministry of Culture: “The aim of artistic and cultural education (EAC) is to encourage the participation of all children and young people in artistic and cultural life, through the acquisition of knowledge, a direct relationship with works of art, encounters with artists and cultural professionals, and artistic or cultural practice.” » culture.gouv.fr

Vincent-Raphaël Carinola et Jean Geoffroy

La contribution de Vincent-Raphaël Carinola et Jean-Geoffroy est en deux parties. D’une part un article de recherche, « Espaces notationnels et œuvres interactives », initialement publié en anglais sous le titre “On Notational Spaces in Interactive Music”, by Vincent-Raphaël Carinola and Jean Geoffroy, dans les actes du colloque organisé par PRISM-CNRS à Marseille (en mai 2022). D’autre part la transcription d’une rencontre entre Vincent-Raphaël Carinola, Jean Geoffroy, Jean-Charles François et Nicolas Sidoroff qui a eu lieu en février 2023 à Lyon.

 

Accès aux deux parties et à leurs versions en anglais :

Première partie

Accès à l’article « Espaces notationnels et œuvres interactives »
Access to the original English version of “On Notational Spaces in Interactive Music”
 

Deuxième partie

Rencontre avec Carinola, Geoffroy, François, Sidoroff
Access to the English translation of « Encounter with Carinola, Geoffroy, François, Sidoroff »

 


 

Rencontre avec
Jean Geoffroy, Vincent-Raphaël Carinola
et
Jean-Charles François, Nicolas Sidoroff

1er février 2023

 

Sommaire :

1. Origines de la collaboration
2.1 Toucher Thérémine et Agencement
2.2 Toucher, l’exigence d’une corrélation mains/oreille
2.3 Toucher, notation
2.4 Toucher, la forme
2.5 Toucher, processus temporel de l’appropriation de la pièce
3.1 Virtual Rhizome, smartphones, hochet primitif, espaces virtuels
3.2 Virtual Rhizome, le chemin vers la virtuosité, l’écoute
3.3 Virtual Rhizome, une collaboration compositeur/interprète/réalisateur en informatique musicale
3.4 Virtual Rhizome, la « Partition »
3.5 En conclusion : Références à André Boucourechliev et John Cage
 


 

1. Origines de la collaboration

Jean-Charles
François
Peut-être, pour la première question, ce serait de retracer un peu l’histoire de votre rencontre, comment ça s’est passé, quel est le contexte de cette collaboration ?

Vincent-
Raphaël
Carinola
Nous avions déjà travaillé avec Christophe Lebreton[1] sur différents projets et, bien qu’on se soit croisé souvent avec Jean et que je connaisse et admire son travail et ses différentes collaborations avec des compositeurs, j’attendais l’occasion de travailler avec lui. Le point de départ était les recherches qu’ils avaient faites, Christophe et Jean, sur les nouvelles lutheries et la place de l’interprète en lien avec elles, Jean pourra te faire l’historique de ces projets plus précisément.

Jean Geoffroy
Alors le travail avec les smartphones a commencé pour moi grâce à Christophe, et à un premier détournement des applications que j’avais réalisé pour les pièces de Xavier Garcia[2]. Avec Christophe on a créé en 2018 une structure qui s’appelle LiSiLoG dans laquelle nous développons toutes sortes de projets autour de l’innovation artistique et la transmission que l’on pourrait résumer à une phrase de Bram van Velde, un peintre dans un entretien avec Charles Juliet : « il faut donner une image jamais vue »[3]. C’est assez simple comme phrase, et pourtant si difficile à s’en approcher !

Lors d’un concert à Séoul, j’avais fait une sélection des applications en prenant en compte leurs cadres, possibilités sonores, leurs développements possibles et j’avais écrit une forme courte en guise d’introduction au concert dans lequel nous avions également joué d’autres pièces de Xavier.
Ce dont je me suis rendu compte presque immédiatement c’est qu’il était possible de recréer des espaces différents de ceux imaginés par Xavier, il était également possible de travailler sur une sorte « d’intimité sonore » car en effet il n’y a rien de « démonstratif » dans le jeu que l’on peut avoir avec un smartphone, il faut amener le public à entrer dans l’espace qu’on lui propose, et grâce aux différentes applications prise dans un autre sens et surtout utilisées de façon différentes, c’est comme si j’avais devant moi un nouvel instrument.

Dans ce cadre, tout part du son et de l’espace qu’il suggère, ensuite il faut une narration qui nous permettra de garder un cadre relativement clair car sans ce cadre nous risquerions de tourner rapidement en rond et jouer avec les smartphones comme un enfant avec son hochet…
Comme pour le Light Wall System[4] également créé par Christophe, le plus intéressant en dehors de la musique en elle-même, c’est la nécessité absolue d’un travail sur une narration, sur une forme, chose qui devrait être évidente pour tout interprète, mais que parfois on oublie au profit de l’instrument, sa virtuosité, sa place sur scène…
Avec les applications SmartFaust[5], il s’agissait avant tout de retrouver un son sans « artifices » qui nous permettrait de convoquer le public dans un univers sonore totalement revisité.

Ensuite après ce concert Christophe a eu l’idée d’aller plus loin dans ce travail avec les smartphones et donc c’est à ce moment qu’il a proposé à Vincent d’imaginer une pièce pour « Smart-Hand-Computers – SHC », terme qui représente mieux cette interface que le mot « smartphone » qui est avant tout utilisé pour nommer un téléphone.

Par contre dès le début, le processus a été différent qu’avec Xavier, ne serait que pour la création des sons, le fait d’avoir deux SHC totalement indépendants l’un de l’autre, avec une écriture intégrant des propositions aléatoires et surtout un travail sur l’écriture de la pièce elle-même en faisait un projet totalement différent de ce que j’avais fait auparavant. De plus cette pièce est pour nous (Christophe et moi) l’occasion d’imaginer d’autres cadres interprétatifs : nous avons une version solo avec un dispositif qui ressemble à celui du Light Wall System, et nous travaillons à une proposition pour deux danseurs. Virtual Rhizome de Vincent-Raphaël Carinola fonctionne vraiment comme un laboratoire permanent, qui nous incite à des relectures permanentes ce qui est essentiel pour un interprète. En effet ces trois propositions autour d’une même pièce questionne notre rapport au public : a) de l’intime en solo avec deux SHC ; b) dans une forme d’adresse au public dans le cadre du dispositif LWS ; et c) dans le cadre d’une pièce chorégraphique dans laquelle les danseurs seraient en même temps les interprètes de la musique qu’ils incarnent.
Cette pièce permet de requestionner l’acte interprétatif ce qui en soit est passionnant, question que l’on ne se pose pas assez en tant qu’interprète je trouve.

 

2.1 Toucher, Thérémine et Agencement

Jean-Charles
On peut peut-être séparer les deux pièces Toucher et Virtual Rhizome. Toucher implique le thérémine, mais d’après ce que je comprends ce n’est pas du tout le thérémine traditionnel où on est en train de contrôler les hauteurs et que si on veut faire des mélodies, il faut être extrêmement précis du point de vue de l’intonation. Donc c’est une situation différente et je me demandais en quoi cela implique un changement fondamental par rapport au jeu sur la percussion, et s’il y avait des problèmes particuliers sur ce changement de média, sur ce changement d’instrument ?

Vincent-
Raphaël
Toucher, c’est une autre histoire. Là encore, le point de départ était la relation à l’interprète, dans ce cas Claudio Bettinelli[6]. Il avait un thérémine qu’on avait utilisé dans un spectacle intitulé Typhon[7]. C’est lui qui m’avait proposé de se servir du thérémine en le connectant à l’ordinateur, de l’utiliser comme une interface de contrôle de l’image et du son.

À la suite de cette première expérience on s’est demandé s’il ne serait pas intéressant d’écrire carrément une œuvre pour cet « instrument », sachant qu’à partir du moment où le thérémine est connecté à l’ordinateur, l’instrument n’est plus le thérémine (d’autant plus qu’on n’en entend jamais le son). L’instrument, c’est le thérémine connecté à l’ordinateur, à des sons et des modules de traitement sonore diffusés autour du public. C’est d’ailleurs en partie le sujet de l’article « Espaces notationnels et œuvres interactives » qu’on pourra trouver dans la présente édition : l’instrument devient un dispositif de jeu. Ce que nous considérons comme étant l’instrument, le thérémine, c’est juste une partie du dispositif, lequel est de fait le « vrai » instrument. Le thérémine possède des antennes qui captent les gestes de l’interprète, des lampes ou des circuits électroniques qui génèrent un son variant en fonction de la distance des mains par rapport aux antennes et, parfois, dans le même meuble, un haut-parleur. C’est comme les guitares électriques, il y a une sorte d’ampli, qui peut être plus ou moins près du musicien. Ce qui m’intéresse là-dedans, c’est qu’on peut dissocier les éléments organologiques de l’instrument pour faire de chaque composante un support d’écriture. L’interprète est alors confronté à une sorte d’objet éclaté dans un dispositif. L’interprète fait face, d’une part, avec un instrument très différent de l’instrument traditionnel, puisqu’il ne contrôle pas tout, il y a une partie des sons qui est générée par l’ordinateur — il joue donc d’un instrument qui a la capacité de fonctionner tout seul — et, d’autre part, il doit suivre une partition qui n’est pas entièrement constituée de la notation sur les portées. La partition inclut aussi le programme informatique, et contient les sons que j’ai fabriqués, intégrés dans la mémoire de l’ordinateur. Donc, la partition elle-même se trouve éclatée dans l’ensemble de supports : la partition graphique des gestes, celle des sons, le programme informatique, les programmes interactifs, et même le « mapping », c’est-à-dire la façon dont on va corréler l’interface aux sons et au déroulé de la pièce.

C’est pourquoi le travail de l’interprète est assez éloigné de celui de l’interprète qui a à faire avec un instrument avec lequel il fait corps, car, avec cet instrument nouveau qu’est le dispositif, le corps tend à être séparé de la production directe des sons. Une partie du fonctionnement de l’instrument lui échappe. Il ne contrôle pas toujours tous les sons (puisque c’est moi qui les ai fabriqués, ainsi que les modules de traitement). En plus, l’ordinateur peut avoir un fonctionnement automatique. C’est ça qui est intéressant, justement, parce que ça veut dire que la façon d’agencer l’interprète à ce dispositif-là devient en elle-même un objet de création, l’objet du travail de composition, c’est ça qui est très beau. On ne peut pas considérer l’interprète comme quelqu’un qui s’approprie une pièce fixée à un support, extérieure à lui, et qu’il vient ensuite interpréter : il fait partie de l’œuvre, il est une composante de cet ensemble « composé » des interfaces, de l’ordinateur, les sons fixés, lui, le musicien, sa présence corporelle sur scène, etc. On a le même type de problématique, mais abordée d’une façon très différente et très étrange avec Virtual Rhizome.

Voici la vidéo de la version de Toucher par Claudio Bettinelli :

Jean
Dans Toucher, Vincent a raison, il s’agit de faire espace et donc faire partie du dispositif qui lui-même nous échappe en partie. C’est une situation vraiment passionnante qui nous pousse à être en même temps interprète et « apprenant » le tout en temps réel, il s’agit de développer avant tout une certaine qualité d’écoute, qui n’est pas celle de l’attendue mais bien de la surprise. C’est ce que j’ai appris avec ces deux pièces, même si j’ai commencé par Virtual Rhizomes pour aller ensuite vers Toucher.
Le fait que la situation dans laquelle nous nous trouvons nous échappe en partie, car loin d’être confortable cette situation me perturbait vraiment. Ce projet m’a permis de me retrouver réellement au centre, avant tout comme « écoutant » avant d’être interprète. Cela oblige à une concentration, une attention à tous les événements sonores que nous générons ainsi que ceux que nous ne contrôlons pas forcément et que nous devons nous approprier et intégrer à notre « narration ».
Ce qui rend cette attitude plus sensible, c’est le fait que pour ces instruments tout parait simple car juste en relation avec un mouvement. Même si le Thérémine est extrêmement technique, chacun développe sa propre technique, attitude reliée à une forme d’écoute intérieure du son, écoute qui ne passe pas exclusivement par nos oreilles mais également par le corps.

Vincent-
Raphaël
En fait, ce qui est très compliqué pour moi avec les systèmes interactifs en général, c’est que, si tout est déterminé, c’est-à-dire si l’interprète peut contrôler chaque son que produit la machine, il devient une sorte « d’opérateur ». L’ordinateur ne prend pas d’initiatives, tout doit être déterminé par une logique conditionnelle : if-then-else. L’ordinateur est incapable de réagir ou de s’adapter au lieu, il ne fait que ce qu’on lui demande de faire avec une logique très… binaire. Tout ce qu’il fait, sa façon de réagir, est limité par les instructions prévues dans le programme. C’est pourquoi nous n’avons jamais la relation à l’instrument numérique qu’on a avec un instrument acoustique, où il y a une résistance, une contrainte physique, liées à la nature de l’instrument, laquelle structure les gestes et permet l’émergence d’une expression. C’est pourquoi l’idée de simuler un instrument qui échappe au contrôle du musicien oblige l’interprète à être dans une écoute très attentive, à l’affût à, littéralement, tendre l’écoute, la charger de tension. Je pense que si on veut — je ne sais pas si c’est possible—, si on veut arriver à trouver quelque chose d’équivalent à une expression – alors quand je dis « expression », ce n’est pas du tout l’expression romantique ou quelque chose comme ça, c’est quelque chose de propre au musicien sur scène, à l’interprète, quelque chose qui lui appartienne à lui ou à elle – on doit trouver des moyens nouveaux de la faire émerger dans l’interaction avec les dispositifs, c’est un peu ça l’idée d’inviter l’interprète à “tendre l’oreille”.

Jean
Je vais rajouter une toute petite chose : c’est que, tu parles de tension, en fait, elle est pour l’interprète et elle l’est aussi pour le public. Parce que, en fin de compte, il n’y a pas de gestes prévisibles dans le sens où lorsqu’un violoniste va prendre son archet, se rapprocher des cordes, tout le monde s’attend à ce qu’il y ait un son de violon, alors que devant un thérémine, même si on s’approche de l’antenne, on ne sait quand ni quel va être le son produit. De plus, avant de commencer réellement la pièce, j’avais proposé une introduction dans le silence, précisément pour que l’attention du public soit vers ce geste silencieux qui ensuite révélera un son inattendu. L’idée est de mettre le public dans cette situation d’écoute / recherche / attente… finalement le rendre « acteur » de ce moment artistique partagé. Effectivement, quelque chose se tend, se joue, à ce moment-là.

 

2.2 Toucher, l’exigence d’une corrélation mains/oreille

Jean-Charles
Dans l’article « Espaces notationnels et œuvres interactives », à ce sujet, est mentionné « corrélation mains/oreille d’une grande exigence »[8]. Quelle est l’exigence vis-à-vis de la main ?

Vincent-
Raphaël
Nous pourrions dire que c’est l’exigence du sens que l’on donne au son et donc au mouvement de la main qui le produit, mais c’est aussi la structuration d’un espace que l’on dessine autour du thérémine, rendant possible une gestuelle ayant du sens en soi, une choréographie pourrait-on dire.
Il y a ensuite le travail d’interaction, sur quoi agit-on réellement, un volume, une forme sonore, quels sont les paramètres sur lesquels nous agissons ? À partir de là nous avons notre « aire de jeu » et la main peut s’y développer, tout d’abord de façon intuitive.

Jean
Avant tout, il y a un son, et la « réponse » que l’on doit proposer ; comment spontanément, intuitivement, mon corps ou mes mains vont interpréter ce son-là, lui donner une forme physique. Cela lui donne une consistance, une expression, une projection, qui sans le geste, ne serait pas du tout la même. Il est assez simple de faire cette expérience, prenez un son mécanique fait de « bip, bip, bip, bip », personne n’écoute et c’est inintéressant, si nous nous mettons à l’incarner, à lui donner une temporalité, une forme, un espace, cela change tout. C’est vraiment cela qui se joue dans la pièce Silence Must Be de Thierry de Mey[9]. À ce moment-là, la main, le geste, la présence, va donner une direction au son, va lui donner un sens qui à priori il n’a pas. Dans Toucher le rapport au son est autrement plus complexe, le geste doit à la fois produire le son et dans le même temps le dessiner dans l’espace. La version de Claudio est géniale de ce point de vue il y a une réelle chorégraphie du sonore, qui entraine une espèce de forme totalement folle en termes d’espace, de rapport à l’instrument. Finalement il s’agit de présence, celle du son et celle de l’interprète. Chaque interprète jouant la pièce devra réimaginer une forme pourtant écrite mais l’insérer dans un espace qu’il faut à chaque fois réinventer. Et c’est le propre de l’interprète de révéler ça par un geste, un mouvement, un arrêt, une suspension, quelque chose qui nous appartient. C’est à cet endroit-là que le geste incarne, en tout cas donne une incarnation entendue d’un son qui est immanent, en tout cas qui n’est pas produit concrètement par un souffle ou une frappe dont le résultat pourrait être prévisible.

Vincent-
Raphaël
Ça c’est vraiment le terme qui convient, à mon avis, le mieux : « immanent ». À la différence des instruments acoustiques, où pour obtenir un son il faut que tu appliques une force plus ou moins puissante selon le résultat recherché, avec Toucher — mais c’est aussi le cas avec Virtual Rhizome — tu as des instruments où c’est comme si la musique tournait en arrière-fond. On revient à ce que je disais tout à l’heure concernant l’automatique de l’instrument. Les matériaux sont là, le musicien ne les produit pas à proprement parler : les sons sont enregistrés, les modules sont fabriqués ou programmés, etc. C’est un peu comme si le rôle de la main était de fouiller et d’extraire le matériau d’une sorte de magma. C’est pour ça que cette référence à la musique immanente me plaît beaucoup. Le musicien cherche à l’intérieur de quelque chose qui est déjà là, pour en faire émerger certains points de vue. C’est évident dans certains passages de Toucher où il y énormément de couches et le fait que tu sois ici ou là par rapport aux antennes, ou que tu déplaces la main dans un sens ou dans un autre, ou d’un point à un autre, etc., c’est en quelque sorte comme si tu travaillais une matière, comme si tu étais en train de la sculpter. Comme tu le disais, chez Claudio, il y a quelque chose qui est dans la construction, dans l’évolution des choses : il va chercher un élément, puis un autre, et conduit ainsi le discours. Ce qui était assez nouveau pour moi et très étonnant dans la version qu’avait jouée Jean, c’est que Jean jonglait avec toutes ces matières. On avait l’impression d’un volcan en éruption, d’où émergeait un univers complètement éclaté, du magma, de la lave, de bouts de basalte… enfin, il y en avait de partout. Et ça, c’est une autre façon aussi de travailler la matière que j’aime beaucoup. Le travail de l’interprétation consiste aussi à faire corps d’une certaine manière avec ce dispositif, mais d’une façon qui n’est pas du tout la même qu’avec un instrument traditionnel où tout est déterminé par le mouvement du corps. Là, c’est un peu comme une rencontre entre deux logiques, la logique de la machine et la logique de l’interprète, et de cette rencontre émerge quelque chose de très intéressant.

 

2.3 Toucher, Notation

Jean-Charles
Comment fonctionne le rapport à la notation ?

Jean
C’est un sujet fondamental dans ce type d’aventure ! Et j’ai beaucoup appris sur cette question de l’écriture en montant Virtual Rhizome. Lorsque l’on est interprète, on est toujours à la recherche d’un cadre, d’une écriture artistique qui nous permette d’entrer dans la démarche du compositeur et rendre concret une œuvre écrite. Par rapport aux partitions, j’ai souvent été frustré. Soit c’est trop directif (trop d’injonctions, de signes, de notes qui parfois ne permettent pas une lecture singulière, trop occupé que nous sommes à faire tout ce qui est écrit) et dans ce cas-là on cherche l’espace pour l’interprète, on se dit : « Mais, comment vais-je respirer ? » Soit c’est extrêmement ouvert avec des tas de possibilités d’interprétation et d’approches. Je ne parle pas des mf, ralentis, accel. etc., mais des mots qui nous permettraient de réellement contextualiser une forme, un phrasé. Parfois, la place de l’interprète est réduite au minimum, voire, de temps en temps pas vraiment considérée par le compositeur. Ou bien, au contraire, on est dans quelque chose de très (trop) ouvert qui laisse une grande part à l’improvisation et moins à la forme, en tout cas moins en termes de récit, de narration. Ce qui est intéressant, c’est l’entre-deux, c’est-à-dire avoir quelque chose d’absolument écrit, d’absolument pensé – et ça on en reparlera pour Virtual Rhizome, mais c’est la même chose pour Toucher – mais qui laisse des espaces d’interaction à l’interprète.
La question au final est : doit-on jouer ce qui est écrit ou ce qu’on lit ?
Cette approche change énormément de choses. Il y a beaucoup de pièces où vous avez des notes de programmes, qui ressemblent plus à des modes d’emplois, parfois nécessaire mais cela devient problématique lorsqu’il n’y a rien côté !
Lorsque l’on lit Kontakte de Stockhausen même sans avoir lu la notice, on est capable d’entendre les énergies qu’il a écrit dans la partie électroacoustique. Dans Toucher, comme dans Virtual Rhizome, nous avons une structure très précise, et en même temps, suffisamment d’indications pour laisser une liberté d’écoute de l’interprète pour s’approprier la pièce, dans les proportions qui sont celles données par le compositeur. C’est vraiment cet alliage entre un son pressenti et un geste, équilibre instable… mais c’est la même chose chez Bach.
Il est essentiel à travers des pièces comme celles de Vincent d’avoir cette perception intime : qu’est-ce que j’ai envie de chanter, finalement, qu’est-ce que j’ai envie de faire entendre, qu’est-ce qui me plaît là-dedans ? Si on adopte exactement la même attitude derrière un marimba ou un violon ou un piano, l’interprète va vraiment réaliser quelque chose qui sera singulier et qui correspondra à une vraie appropriation du texte qu’il est en train de lire. Il s’agit de faire entendre et penser comme lorsque l’on entend la lecture d’un poème : ce qui sera intéressant ce sera la multiplication des interprétations du poème, chacune permettant au poème d’être toujours en devenir, bien vivant. C’est exactement la même chose pour la musique.

Vincent-
Raphaël
Ici, à la différence d’une notation classique, toute l’information n’est pas sur la partition. Je sais que cela ne l’a jamais été, qu’il y a de codes historiques, comme l’ornementation, qui n’étaient pas toujours notés. Avec ces œuvres-là c’est d’autant plus vrai que, comme on le disait tout à l’heure, il y a une partie de l’instrument qui a un fonctionnement autonome. L’instrument est éclaté dans ses différentes composantes (les capteurs de geste, les générateurs sonores, les haut-parleurs…) et chaque composante de l’instrument fait l’objet d’un travail d’écriture. Et donc, la partition elle-même se trouve éclatée entre les différentes composantes du dispositif, par exemple : le programme informatique, les sons qui sont enregistrés dans l’ordinateur. Si tu suis la partition et tu fais les gestes exactement comme ils sont notés, ça ne donne rien. D’ailleurs, dans une pièce comme Toucher — maintenant on a assez de recul pour pouvoir le dire, car elle a été jouée par des interprètes assez différents— il faut comprendre techniquement comment ça marche, c’est-à-dire savoir ce qu’est qu’un patch Max, comment marche une interaction, qu’est-ce que c’est qu’un granulateur, etc., afin d’être à l’aise dans le jeu. En comprenant ce qui se passe on peut mieux contrôler l’instrument, suivre la partition, et saisir plus précisément ce qui est noté graphiquement. Il n’est pas possible de maintenir une attitude traditionnelle qui consisterait à reproduire un certain type de gestes parce qu’ils ont été notés par le compositeur et que donc il faut les respecter. Ça ne marche pas comme ça, ça ne peut pas marcher comme ça, c’est impossible pour les raisons évoquées tout à l’heure, c’est que la relation à l’instrument n’est pas du tout la même. Dans Toucher, il y a la représentation des gestes et aussi une notation de ce qu’on doit entendre qui est noté avec le nom des sons. Mais il y a une troisième notation qui est à la toute fin de la partition : c’est un script qui décrit ce qui se passe dans chaque partie. Il y a 19 parties, c’est relativement facile à mémoriser et finalement c’est ça que mémorise surtout l’interprète. Ce que l’interprète garde en tête ce sont deux choses différentes : a) le fonctionnement de l’instrument, c’est-à-dire la façon dont il répond à l’action du musicien, dont l’espace autour des antennes est organisé, ce que fait le « patch », les différents samples utilisés, etc. ; et b) le script, c’est-à-dire l’activation successive des différentes composantes de l’instrument dans le temps.

 

2.4 Toucher, la forme

Jean-Charles
Parce que les 19 situations peuvent s’enchaîner dans des ordres différents ?

Vincent-
Raphaël
Non, pas dans Toucher, à la différence de Virtual Rhizome. Dans Toucher, la forme est très directionnelle. Elle est structurée en deux parties qui suivent le même schéma : c’est comme si tu dessinais quelque chose, d’abord en faisant des points, puis des lignes, puis des ornements dans les lignes, puis il y a un moment où ça devient tellement complexe qu’on perd le lien entre le geste et ce qu’on entend. C’est à ce moment-là qu’apparaît le “vrai” son du thérémine, comme s’il disait : « Ah ! mais je suis là, c’est moi le véritable instrument ». Il y a donc une conduite formelle : on commence par le chiffre un, puis au deux il y a un élément nouveau, à trois, un troisième, à quatre, on revient à trois, etc. Donc tu ne peux pas le jouer dans n’importe quel sens.

Jean
Pour ma part, après avoir intégré les différentes parties, j’essaie de mettre en évidence des « états pivots » sortes de ponctuations qui me permettent de construire mon interprétation et donc ma lecture de la forme de la pièce. Il ne s’agit pas de raconter une histoire mais une forme de récit, au sens de parcours, un parcours intérieur qui se fait comme des mailles entre des sons qu’on révèle, ou que l’on va cacher, etc. C’est ce rapport que l’on a au fil du temps avec le son, qui finalement fait récit. Commencer par des riens, des bribes de sons et commencer à construire avec l’attention au fait d’essayer de ne jamais « perdre le public », donner des clés d’écoute. Si l’interprète est vraiment dans cette dynamique d’écoute du temps et de l’espace, il y aura obligatoirement quelque chose à prendre du côté du public. Il est clair que dans ce cadre, celui-ci doit être également curieux de ce qui va se passer ou non ; au fil de la pièce on peut percevoir une sorte de « co-écoute » et à ce moment il ne s’agit plus que de son partagé. Il s’agit d’être dans la même « fragilité d’écoute », une sorte de tension communicative et d’écoute intense, public et interprète ici et maintenant.

Vincent-
Raphaël
Dans le cas de Toucher, tu ne peux pas modifier l’ordre des sections, par contre, chaque section laisse la place pour développer un discours propre. Cela étant, il faut que tout ça s’enchaîne dans une continuité, on ne peut pas s’arrêter une demi-heure quelque part car toute la continuité disparaîtrait. Mais cette possibilité de prendre son temps est importante pour retrouver cette manière d’aller chercher la musique dans l’instrument, à la faire émerger. C’est donc important qu’il puisse exister une certaine liberté temporelle pour pouvoir le faire. Certains modules contiennent une petite partie d’aléatoire qui produit parfois des choses imprévues. Ce qui fait que quand le musicien est en train de travailler la matière avec sa main, s’il entend quelque chose d’intéressant, d’inattendu, il peut le refaire parce que c’était bien, et qu’il est heureux. En concert un truc imprévu peut arriver, « Ah ! tiens ! c’est curieux, ça je n’avais jamais entendu, je le refais ». Et donc, il y a cette ouverture-là, aussi, dans la pièce qui permet d’avoir ces moments heureux, surprenants. Tout en essayant de ne pas succomber à la tentation de la machine !

Jean-Charles
Dans le passage d’un module à l’autre, de 1. à 2. par exemple, la temporalité est contrôlée par l’interprète?

Vincent-
Raphaël
Oui. Par exemple, au chiffre 1, dans Toucher, on ne sait jamais précisément quel son va apparaître. On sait qu’il y a un réservoir de sons de voix, de soupirs, il y en a qui font « pouk, bong, zoom » [sons vocaux très courts] et puis il y en a beaucoup plus longs qui font « paaaaah » [chuchoté]. Donc, si on en entend un qui est plus long, on doit attendre pour éviter que ce soit trop chargé… On pourrait en déclencher plein, rien n’interdit de le faire, mais cela n’aurait pas de sens. Parfois, il arrive qu’on en fasse un ou deux de plus, ou que, je ne sais pas pour quelle raison, on ait envie de tenir un peu plus, et puis, quand les choses sont installées, qu’elles sont bien posées, on passe au chiffre 2, qui reprend les éléments de 1 avec une variation supplémentaire.

 

2.5 Toucher, processus temporel de l’appropriation de la pièce

Nicolas
Sidoroff
Je vous écoutais, mais je vous regardais aussi, parce que vous faisiez pleins de gestes intéressants. Concernant la manière dont Jean s’est approprié cette partition, ou cette notation, ou cette œuvre – je ne sais pas quel est le meilleur terme pour la qualifier – comment est-ce que cela a commencé, qu’est-ce que tu as fait et dans quel ordre ? Tu as dit que tu en avais beaucoup discuté avec Vincent, et du coup, c’est à quel moment, comment ? Est-ce que c’est avant, est-ce que c’est pendant, est-ce que c’est après, est-ce que c’est peut-être les trois ? Quel est le processus temporel de l’appropriation de la pièce ?

Jean
Comme pour toute pièce avec électroacoustique, en ce qui me concerne tout commence par le son. C’est la « signature » du compositeur et c’est ce qui me guide. A partir de là on commence à comprendre l’espace du compositeur, son univers, il s’agira que l’on y trouve notre place, notre lecture, notre réponse. Pour ces deux pièces, il ne s’agit pas uniquement de jouer le son, mais bien de se l’approprier. Une fois qu’on a une idée de l’espace sonore de chacune des parties, on va commencer à habiter ces différents espaces en leur donnant notre propre perception à travers le geste.

Une chose est pour moi réellement incroyable c’est la préscience que l’on peut avoir d’un son, préscience qui se révèle à travers une attitude, un geste, une écoute. Pour Virtual Rhizomes, on ne sait pas toujours quelle nappe va être jouée, quel impact, et l’écoute, l’attention qui en découle nous ouvre des horizons incroyables car potentiellement, cela nous oblige à être encore plus dans l’intuition d’un ressenti sonore qui nous est propre. C’est cet équilibre entre cette attitude d’écoute intégrale anticipée, et la notion de la forme sur laquelle nous avons travaillé qu’il faut garder de façon à ne pas être dans ce fameux « hochet » dont parle Vincent. Il est intéressant de se dire qu’une nappe jouée et que l’on ne connait pas à priori va déterminer le développement de cette séquence particulière, encore faut-il lui donner un sens particulier en termes d’espace.

Les dernières années où j’étais professeur de percussion à Lyon, pour faire en sorte que cette attention particulière au son soit mise en évidence dans le travail d’une pièce, je voulais qu’aucune nuance n’apparaisse sur les partitions que je donnais aux étudiants uniquement pour qu’ils aient un rapport simplement à la structure, et que les dynamiques (leur voix) soient lors de ces première lectures totalement libres. A ce moment-là, se pose de manière évidente la question du son et de sa projection, alors que si on lit une nuance écrite dans l’absolu et donc décontextualisée d’un mouvement global, on n’y pense même pas, on répète un geste sans que l’on prenne souvent suffisamment attention au son qui en résulte.

A l’inverse Toucher et Virtual Rhizome (comme d’autre pièces) nous obligent à questionner ces différents paramètres. Pour moi, Toucher comme Virtual Rhizome, sont fondamentalement des méthodes de musique : pas de prérequis, sauf à être curieux, intéressé, conscient des possibles, présent ! Cette liberté que nous proposent ces pièces sont avant tout une façon de nous questionner à tous les niveaux : notre rapport à la forme, au son, à l’espace, c’est en cela qu’elles sont de réelles méthodes de Musique. Ces pièces sont une véritable aventure et rencontre avec soi. Sur scène, vous savez à peu près où vous voulez aller, et en même temps, tout reste possible, c’est totalement grisant et en même temps totalement stressant.

Nicolas
J’ai l’impression que pour le travailler, tu as « squatté » entre guillemets chacune des 19 situations, comme s’il s’agissait de « maisons ». Tu es resté dans la première maison, pour reprendre cette image-là, pour voir ce qu’elle avait un peu dans le corps, ce que à quoi il retournait, avant de passer à la deuxième ?

Jean
Exactement.

Nicolas
Ou alors, tu as fait une lecture globale, en te disant : « Ah ! il y a un voyage vers la prochaine maison » ?

Jean
Non, j’ai fait vraiment partie par partie, en tout cas c’est ma façon de faire, arriver à se retrouver soi le mieux possible dans un espace avant d’aller explorer le suivant. C’est ce que j’appelle la « présence », il faut être présent, bien ancré dans le sol. Avec les nouvelles technologies, on pourrait rester dans une forme de superficialité, totalement dans la représentation, dans les effets. C’est précisément ce qui est problématique avec ces dispositifs électroacoustiques qui fonctionnent un peu comme des boites de Pandore avec tous les dangers que cela représente en termes d’interprétation ; est-ce que c’est nous qui décidons pour l’instrument ou l’instrument pour nous… ?

Nicolas
Il y a un moment, tu as dit que tu avais… En tout cas, on a sous-entendu que tu avais vu la version de Claudio ? À quel moment du processus ?

Jean
Après, toujours après que j’aie une idée à peu près claire de ce que je veux faire. Je connais bien Claudio, qui a été un de mes étudiants au CNSMDL, c’est une personnalité qui a un talent fou, une présence très italienne, magnifique. Sa version sonne comme une évidence. Je serais incapable de reproduire ce qu’il fait tant sa version est totalement singulière et lui correspond tout à fait, si je me mettais à vouloir reproduire ce qu’il fait, ça serait un désastre, ça serait ridicule. Et justement, c’est ça qui est fort avec cette pièce-là, il n’y aurait pas de bonne ou de mauvaise version de la pièce, mais une justesse d’interprétation, être juste est quelque chose qui est à la fois simple et terriblement compliqué, il s’agit de se retrouver soi.

Nicolas
Le geste que tu fais en silence avant le début de la pièce, que tu as décrit plusieurs fois, à quel moment de ton parcours d’appropriation de l’œuvre apparaît-il ? Et cela, est-ce que tu le gardes toujours, parce que, du coup, ça fait maintenant partie de ton interprétation ? Comment cela se construit-il ?

Jean
Jouer dans le silence juste par quelques gestes c’est quelque chose qui me touche beaucoup, et ce depuis que j’ai commencé à jouer la pièce de Thierry de Mey Silence must Be il y a de nombreuses années. Je me suis rendu compte que créer un espace gestuel dans du silence me permettait de me concentrer sur une présence et uniquement sur celle-ci, car il n’y a aucun artifice, aucune virtuosité, il n’y a que de la présence. L’idée est de faire en sorte que le public, au départ surpris voire incrédule, entre progressivement dans votre discours, et dans le cas de Silence Must Be, les clés lui sont données plus tard lorsque je rejoue la même séquence silencieuse, accompagnée d’une bande sonore enregistrée. Pour Toucher j’adore vraiment commencer de cette façon, à la différence que je construis un geste qui va s’augmenter de plus en plus donnant ainsi au public une clé de lecture. L’idée derrière cela est de vraiment « faire silence » ce qui est la meilleure façon de travailler sur le son, car ce n’est pas en jouant plus que l’on entend. Au contraire cela assomme parfois et plus on monte le son plus on l’écrase bien souvent. Ici l’idée est de faire en sorte que le premier son obtenu par le thérémine soit un son extrêmement fin presque à la limite de l’audible et pour cela il faut réellement faire silence. Une fois que l’on commence la pièce, c’est à partir de cette dynamique et de cette écoute initiale que nous pouvons la faire évoluer.

Jean-Charles
Apparemment, dans toute cette histoire, la notion d’enregistrement d’une performance donnée pose problème. Souvent, par exemple, en improvisation, on utilise l’enregistrement non pas pour le diffuser, mais comme miroir pour écouter ce qui s’est réellement passé, parce qu’on a une écoute différente après coup que quand on est en train de jouer. Quel est le statut de l’enregistrement dans ce contexte ?

Vincent-
Raphaël
Il y a la captation vidéo qui fait partie des outils de travail, mais qui n’est pas simplement l’enregistrement son. C’est bien sûr la trace d’une expérience, mais pour ceux qui jouent la pièce ça peut être un outil de travail aussi, aidant à comprendre comment elle marche. Il y a aussi l’enregistrement audio lui-même : c’est assez drôle, parce que je me rappelle quand la pièce a été diffusée à la radio, en l’écoutant, je me demandais si c’était vraiment la pièce ? Ce qu’on entend, ce n’est qu’une partie de l’œuvre. C’est pour ça que je défends l’idée que les œuvres sont des agencements très particuliers, ce n’est pas simplement le son, c’est l’agencement entre le son, l’interprète qui joue et les gestes qu’il va faire. Tout ça prend du sens dans Toucher. Si on écoute un enregistrement, c’est comme si on écoutait une pièce acousmatique, tout simplement. Personnellement, j’en étais assez content parce que ça sonnait pas mal en tant que pièce acousmatique. Sauf que cette pièce n’a pas de support fixe, bien qu’il en existe un, puisque l’ordinateur est là et que le programme est fixé sur une mémoire. Mais elle donne lieu à une interprétation à chaque fois différente, à une nouvelle projection dans le temps qui est unique. La captation avec la vidéo a du sens en tant que trace d’un événement, comme n’importe quel enregistrement de n’importe quelle œuvre.

En ce moment un de mes étudiants est en train de monter la pièce. Il a travaillé sur les vidéos qu’on peut trouver en ligne pour la comprendre, en comprendre la notation, etc., ce qui fait gagner un peu de temps. Mais cela n’a pas été la démarche de Jean, il a eu un autre type d’expérience. Je pense que chacun aborde la pièce d’une certaine manière. Mais on peut dire que de façon générale, la vidéo est devenue un accessoire à la partition.

 
 

 


 

3.1 Virtual Rhizome, smartphones, hochet primitif, espaces virtuels

Jean-Charles
On peut peut-être passer à Virtual Rhizome. Dans cette pièce, l’interface entre l’interprète et le dispositif est assurée par la manipulation de smartphones. Pour commencer, on va revenir un peu à ce qui a déjà été abordé : à un moment donné dans l’article déjà cité, tu parles à ce sujet de « hochet primitif »[10].

Vincent-R.
[rire] J’aime bien.

Jean-Charles
Il me semble qu’il y a aussi la présence ici de l’idée des jeux vidéo, dans lesquels il y a les novices et puis les virtuoses…

Vincent-R.
… Ceux qui gagnent et ceux qui perdent…

Jean-Charles
Mais dans les jeux vidéo, il semble que les novices sont en quelque sorte reconnus comme respectables au même titre que les virtuoses. Est-ce que c’est le cas ? C’est-à-dire est-ce que la pièce reste la pièce, quel que soit la personne qui joue, même quelqu’un qui n’a jamais fait de musique ?

Vincent-
Raphaël
Je ne sais pas. Un mot sur cette histoire de hochet, c’est en lien avec la problématique des interfaces. Dans Toucher, le lien entre les gestes et le son est complètement arbitraire, c’est moi qui l’ai choisi, c’est une relation purement contingente. Le même geste, ailleurs, dans la pièce, peut produire des sons très différents. Mais l’objet-thérémine est là, avec l’espace autour des antennes. Il y a tout ce qu’on disait tout à l’heure qui structure le geste du musicien, qui permet de créer un jeu expressif. Avec les smartphones, pour moi, c’était un problème, parce que là pour le coup tu n’as plus d’espace, c’est un objet réduit au minimum. Du point de vue gestuel, tu peux faire tous les gestes que tu veux, mais c’est un objet que tu tiens dans la main, et avec un seul et même mouvement de la main je peux faire un milliard de sons différents. Donc il y avait un problème relatif à la construction d’un discours, du fait de l’absence d’un espace structuré qui permette de dire : « Voilà ! au début je suis ici, après je vais jouer là, après je vais m’éloigner, je vais passer à… ». Dans Toucher, cet espace structuré existe autour des antennes. Dans Light Music de Thierry de Mey[11], que Jean a créée, il y a une surface lumineuse, virtuelle aussi, on ne la voit pas, mais quand il place la main quelque part, ce n’est pas n’importe où, il pose la main à l’endroit qui correspond en fonction de la structure de l’espace. Avec le smartphone, il n’y a pas de structure. C’est un objet ponctuel, presque « incorporé », qu’on ne peut que secouer. Ça me faisait penser à un maracas. Mais quand même, toute cette technologie pour faire le geste du maracas, ce n’était pas la peine de faire tout ça ! [rire] Pour moi, c’était un gros problème. Je me suis bien pris la tête pour trouver la solution qui paraisse convenable. Elle a consisté à ne pas chercher du tout à faire du smartphone un instrument. Cet objet-là, en soi, n’a pas beaucoup d’importance – même si ça en a évidemment, je caricature un peu – mais ce qui est important c’est : qu’est-ce que l’interprète est en train de jouer ? Où se trouve l’œuvre vraiment ?

Quand tu joues à un jeu vidéo, tu peux te retrouver dans une pièce ou dans la rue, puis à un moment donné tu tournes, tu vas dans une autre pièce ou tu passes dans une autre rue, et puis tu as des extraterrestres qui t’attaquent, tu dois réagir et ensuite tu passes à l’étape suivante. C’est une sorte d’architecture virtuelle que tu peux parcourir de plein de façons différentes. Finalement c’était ça l’idée dans Virtual Rhizome, laisser tomber le modèle instrumental traditionnel, qui existe encore dans Toucher, mais qui n’est plus adapté ici parce qu’il n’y a pas d’espace à explorer dans cet objet qu’est le smartphone. Et de là est venu cette idée de construire un espace virtuel et d’utiliser le smartphone comme une interface, presque comme une boussole qui permet de s’orienter à l’intérieur de cette architecture. Voilà comment les deux choses, le hochet et le jeu vidéo, sont liées.

 

3.2 Virtual Rhizome, le chemin vers la virtuosité, l’écoute

Jean-Charles
Et donc, où peut-on trouver le chemin vers la virtuosité dans cette pièce ?

Jean
L’écoute. Être capable non pas d’écouter mais d’une certaine façon être le son…
Lorsque l’on a enregistré avec Vincent les sons de percussion utilisés dans Virtual Rhizome, je jouais quasiment tout avec les doigts, les mains, cela permettait d’avoir beaucoup plus, de couleurs, de dynamique que si j’avais utilisé des baguettes. Lorsque l’on joue avec les mains il y a un rapport à la matière qui est particulier, surtout lorsque l’on passe sa vie à jouer avec des baguettes, et de fait, notre écoute lorsque l’on joue avec les mains et les doigts est encore plus « curieuse ».
Ensuite, pour cette pièce, il s’agit de bien comprendre l’interface et en jouer notamment avec la possibilité de superpositions d’états que l’on peut changer à chaque interprétation. Mais encore une fois, cela n’est possible qu’avec une vision claire de la forme générale si on ne veut pas se laisser dépasser par l’interface.
Quelque-soit l’interprète, il y a un point commun qui est cette nécessité d’écouter ; un son est entendu si je vais jusqu’au bout de ce qu’il peut dire. Il s’agit d’écrire une pièce électroacoustique en temps réel, avec ce qu’on entend de l’intérieur du son.

C’est l’idée de cette intériorité qui a fait avancer l’interprétation car au début je bougeais beaucoup sur scène, et plus j’ai avancé dans la pièce plus cette démarche est devenue intime, singulière et secrète, c’est pour cela que sur scène je suis éclairé par un contre (si possible rouge) pour que le public ne voit qu’une ombre et idéalement ferme de temps en temps les yeux…

Ce qui est intéressant avec les versions avec danse c’est qu’au final même si les mouvements sont plus riches plus diversifiés, il y a vraiment cette écoute intérieure qui prédomine et qui contraint à une certaine épure, un choix de l’intention avant le choix du mouvement ce qui donne à voir avec les danseurs des mouvements d’écoute et d’incarnation totalement singuliers.

Vincent-
Raphaël
Cette version avec danse était très impressionnante, parce que les trois danseuses étaient super en place. Je me disais : mais comment avez-vous pu être en place dans quelque chose qui ne l’est jamais, qui n’est jamais placé pareil ? On avait vraiment l’impression qu’elles étaient parfaitement synchronisées à la musique. Comment ont-elles fait ? C’était touchant, oui. Très touchant.

Jean
Et c’était génial à cause de l’accumulation des possibles, c’est-à-dire les nappes qu’elles avaient rencontrées, les sons qu’elles connaissaient, en tout cas qu’elles avaient entendues. Elles s’étaient fait une sorte de récit (c’est exactement la même chose dans Toucher), elles savaient, il y avait un récit qui se faisait, il y avait des choses très marquées, elles devaient être là à tel endroit. J’ai vraiment trouvé incroyable la sensibilité qu’elles avaient et surtout leur intelligence. Vraiment, lorsqu’on a travaillé dans un cadre comme celui-là, avec des pièces de cette intensité-là en termes d’interprétation, je pense qu’il y a véritablement un avant et un après. Parce que les formules proposées en général à des chorégraphes, c’est de danser sur une musique déjà définitivement fixée. La plupart du temps, lors des répétitions, ils ne font que répéter ce qui a déjà été plus ou moins décidé. Au contraire, on a ici l’idée d’un cadre souple qui permet de savoir où on en est parmi une infinité de possibles. Et les trois danseuses en ont vraiment profité parce qu’on l’a fait trois fois et c’était super à chaque fois.

 

3.3 Virtual Rhizome, une collaboration
compositeur/interprète/réalisateur en informatique musicale

Jean-Charles
Au cours de l’élaboration de la pièce, vous avez fait ensemble des sessions d’enregistrement de la voix et de sons de percussion. Quelle a été la nature de votre collaboration entre vous deux ?

Jean
C’est tout de même Vincent le compositeur. C’est une collaboration, bien sûr, mais le propre du compositeur par rapport à l’interprète c’est ce « temps d’avance », qui nous oblige à nous déplacer vers ce qui a été proposé. Ensuite la collaboration compositeur – interprète a toujours existé, même si cette collaboration prend des formes différentes en fonction des rencontres.
Avec Vincent tout parait cohérent et fluide même lorsque nous avons enregistré des tas de sons pendant une journée. Tout était clair pour moi et rapidement j’ai compris dans quel univers sonore j’allais évoluer, même si je n’avais pas idée de la forme de la pièce, mais rien que de connaître le paysage est une chose essentielle pour un interprète.

Vincent-
Raphaël
Par rapport à la collaboration, c’est vrai que j’aime beaucoup écrire des pièces solistes, parce que cela implique un lien très fort avec la personne qui la joue. La pièce nait de cette relation-là. Dans Virtual Rhizome, il y avait quelque chose d’un peu particulier, c’est que l’instrument n’existait pas encore, pas vraiment, il fallait tout développer. On avait le smartphone, effectivement, mais j’ai passé beaucoup de temps d’abord pour imaginer comment aborder l’œuvre, avant de travailler sur les modules de traitement du son, ce que j’ai fait avec Christophe Lebreton, sachant que je ne travaille jamais avec des réalisateurs en informatique musicale. Il m’était déjà arrivé de travailler avec Christophe, mais dans des projets où il avait un rôle artistique. Dans Virtual Rhizome c’était la première fois où il a eu vraiment le rôle de réalisateur en informatique musicale. Je faisais les patchs dans Max et Christophe les encodait dans Faust puis les compilait pour l’iApp. Comme l’outil n’était pas prêt, on pouvait difficilement travailler directement sur la pièce. Et en même temps, dans une pièce comme ça, il fallait que s’établisse une relation avec Jean. Je me rappelle d’avoir proposé à Jean quelque chose comme ceci : « Je ne sais pas où on va, mais il va falloir avoir du son, des sons. J’aimerais beaucoup que l’œuvre soit aussi une sorte de portrait de toi-même, et donc qu’on parte des instruments que tu aimes, de ta façon de les aborder et aussi que tu joues avec les mains, sans baguettes ». Conceptuellement c’était intéressant que dans une telle pièce, où, justement, il n’y pas de contact à l’instrument, que les sons possèdent dans leur être profond ce contact direct au corps de l’interprète. Enfin, le son le plus personnel qu’on puisse imaginer c’est la voix. Et donc, j’ai proposé aussi à Jean de trouver un texte. Il y en a eu deux en fait : Jean a proposé des extraits de la Recherche de Proust, et j’ai proposé un texte de Borges (mais c’est Jean qui l’a dit aussi) extrait du « Jardin aux sentiers qui bifurquent » [dans Fictions][12]. C’est encore une histoire à la Borges, labyrinthique qui allait très bien pour le projet. Et les deux textes disent quelque chose sur le travail sensuel de l’écoute, le travail sur la matière sonore, la structure labyrinthique de l’œuvre. Ils sont là comme des signatures dont on peut entendre parfois un mot, un fragment à peine audible de la voix de Jean.

Tu as posé une question tout à l’heure, Jean-Charles, sur la virtuosité. Alors parler de virtualité ou de virtuosité, j’ai bien aimé le lien que tu fais entre les deux. La virtuosité, ici, réside dans le fait qu’il y a deux smartphones ayant un comportement complètement isolé l’un de l’autre. Ils ne communiquent pas entre eux. On pourrait jouer l’œuvre avec un seul smartphone, d’une certaine façon. On passerait d’une situation à l’autre, en avant et en arrière, grâce au contrôle gestuel. Avec les deux, on peut combiner n’importe quelle situation avec n’importe quelle autre situation. Ça veut dire qu’il faut un travail d’écoute, là, pour le coup, extrêmement tendu justement, du fait que, d’une part, tu ne sais pas toujours quelles sont les séquences automatisées qui vont apparaître, les trames, les nappes dont parlait Jean et d’autre part, tu as aussi les sons contrôlés, joués, dont chacun peut être très riche déjà en soi. Les deux smartphones induisent une très grande complexité du fait de la richesse des combinaisons possibles. Cela demande un travail d’écoute, d’intériorité, très concentré pour tenter de se repérer dans cet univers virtuel, car, justement, il n’a pas de consistance physique. Il n’y a plus de partition, la partition est dans la tête, c’est comme le palais de mémoire au moyen-âge, une architecture purement virtuelle qu’il faut parcourir. Ce qui fait que j’aime bien que tu rattaches ces termes de virtuosité et de virtualité parce que l’un dépend de l’autre, d’une certaine façon.

Jean-Charles
Sur cette collaboration, Jean, est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

Jean
Je connaissais déjà les pièces de Xavier Garcia, et donc, travailler avec des smartphones ne me posait pas de problème, par contre, c’est en commençant à détourner les applications de Xavier que je me suis réellement rendu compte du potentiel. Il est essentiel de savoir à minima comment cela fonctionne car sinon on n’arrive pas réellement à en jouer, de façon à ne pas se laisser dépasser par l’outil… Car c’est lui qui, au final, risquerait de prendre toute la place.

Nicolas
Ce que je trouve intéressant, c’est que la question de la quatrième édition de PaaLabRes est centrée sur comment rendre compte des pratiques et notamment celles complexes qu’on vient de décrire. Dans le cas de Virtual Rhizome peut-être plus que dans Toucher, il y a trois pôles qui sont assez bien définis en ce qui concerne la division du travail classique du 19e siècle, lorsque l’ordinateur n’existait pas. Il y a la personne qui compose, la personne qui performe, qui rend la composition en sons actuels, et Christophe qui est le luthier, qui serait une espèce d’informato-technicien, je ne sais pas trop comment le dire. Donc le compositeur donne une œuvre à jouer, quelque chose pour musiquer en termes de verbes d’action, Jean comme performer l’apprend et en fait quelque chose, et le rôle de Christophe, c’est de livrer le logiciel avec le système dedans pour faire que ça marche. Et c’est cette combinaison-là qui n’est pas du tout aussi simple que ce que je viens de décrire. C’est quand même une première représentation, et si on va juste un peu à l’étage au-dessous, pour voir les liens qui se tissent entre les uns et les autres, les mots qui sont utilisés, on peut se demander comment le fait à un moment d’avoir dit ça, d’avoir utilisé pour cette utilisation ce mot-là en particulier qui sort à un moment donné, parce qu’on l’a peut-être entendu prononcé à la sortie d’un bus, va permettre de faire activer une réelle collaboration. Comment on arrive à pouvoir décrire cette forme de complicité entre ces trois postes qu’on pourrait croire, dans une vision un peu primaire et bestiale, extrêmement séparés. On a tendance à regarder trop vite les choses, mais en fait il y a énormément de subtilités. À quels endroits se joue cette forme de coopération entre au moins vous-trois ? Ce n’est pas l’Ircam avec le Max MSP et tout ce genre de communauté un peu plus large. Je ne sais pas comment en rendre compte. J’ai quelques idées, mais, je vous livre un peu cette question pour nous aider à faire cela.

Jean
Je pense que c’est une version moderne de ce qui existait avec Mozart et le cor de basset, Bartok avec les timbales à pédale, Wagner avec le saxhorn… Je pense qu’il y a toujours eu ces relations-là, elles sont extrêmement imbriquées. Le luthier, Christophe, participe à la création de la pièce, il est structurant dans le processus de création. Il est clair qu’aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la situation des époques précédentes où le compositeur maîtrisait l’outil et souvent était l’interprète de ses propres œuvres, en gardant le contrôle sur les trois tiers du processus de création : intuition, écriture, réalisation.
De nos jours, avec les dispositifs, la notion d’écriture a totalement changé de cadre, il s’agit en même temps de décrire la musique tout en mettant en place le dispositif de captation ou électroacoustique, ou en temps réel, c’est-à-dire construire un instrument.
Le compositeur ne peut couvrir qu’en partie le 2ème tiers sachant que la lutherie évolue également dans le processus d’écriture… La seule chose qui est évidente, c’est que du début à la fin, il y a une parole, c’est celle du compositeur, en termes de : « Ça je veux, ça je ne veux pas ». Et pour moi, c’est l’alpha et l’oméga de la création, c’est-à-dire son exigence. En tant qu’interprète il nous fait une matière, un discours, un récit, une vision, une pertinence. Il ne s’agit pas de hiérarchie, mais cette parole-là est le cœur de tout le processus de rencontre et de création.

 

3.4 Virtual Rhizome, la « Partition »

Nicolas
Dans l’article déjà cité, il y a la figure 3, qui est une représentation graphique avec le smartphone 1 et le smartphone 2 qui passe de 7 à 8 et qui revient à 7, etc. Et on se posait la question s’il s’agit de la notation d’un des possibles ? S’agit-il en fait de ce que Jean n’a jamais fait peut-être, de ce que Jean n’a jamais eu besoin de regarder pour réaliser la pièce ? Cette figure me semblait un peu incompatible avec le fait que soit la partition avec ce qu’il y a à faire. Donc, cette figure 3, qu’est-ce qu’elle représente ?
 
Extrait de la partition de Virtual Rhizome (exemple 3 de l'article)

Extrait de la partition de Virtual Rhizome (exemple 3 de l’article).

 

Vincent-
Raphaël
En fait, là, il s’agit d’un extrait de la partition. La partition contient aussi un texte de présentation qui explique le sens même de cette notation, laquelle correspond à un relevé de la première interprétation de Jean. Effectivement, c’est un parcours possible, mais qui est basé sur ce qui a déjà existé. Jean a donc super bien interprété la partition ! L’enregistrement respecte absolument la partition, puisque ça a été fait dans l’autres sens… Pas mal de choses proviennent de son interprétation. À un moment Jean faisait des allers-et-retours entre deux situations… J’ai transcrit cet extrait dont tu parles correspondant je crois aux situations 7 et 8. Il explicite qu’on puisse s’arrêter dans une zone de cette architecture pour la parcourir, pour regarder un peu ce qui se passe autour, et jouer avec la complexité issue de la combinaison des deux smartphones. Mais on peut la parcourir encore de beaucoup plus de façons que ce qui est indiqué dans la partition.

Au-dessus, dans la Figure 3, il y a aussi un terme : « inéluctable ». Il y a des termes qui sont venus s’ajouter afin de produire des intentionnalités. L’interprète ne fait pas que générer des sons, il les anime, leur donne une âme, littéralement, et pour leur donner une âme, il faut qu’il y ait une intention, un sens. Ça peut être un concept, je ne sais pas, une figure géométrique, quelque chose qui génère une intentionnalité. Ceci est important dans la partition, mais ce qui est noté c’est effectivement un parcours possible, et celui-là résulte donc du travail de l’interprète, c’est un parcours qui a été effectué par l’interprète pendant la collaboration et qui devient un modèle de la pièce possible. Il est intéressant de constater que c’est ce parcours qui a été suivi par les autres interprètes qui l’ont jouée, comme si la forme était définitivement fixée.

Jean-Charles
Vincent, tu as mentionné ci-dessus qu’il n’y avait plus de partition et que « la partition est dans la tête ». Comment de ton point de vue, Jean cela fonctionne-t-il ?

Jean
Ç’est lié à ce que dit Vincent, dans une pièce comme celle-ci l’idée d’avoir une infinité d’interprétation est une richesse incroyable, c’est un peu comme lorsque l’on analyse un poème, il se trouve qu’il y aura autant d’approche différentes que de gens qui liront le poème qui est pourtant le même pour tout le monde, j’adore ça.

Jean-Charles
C’est ce que Vincent appelle les « images » ? Dans le texte de l’article, on peut lire : « images totalement intériorisées par le musicien »[13]. S’agit-il des mots dont on vient de parler ?

Vincent-
Raphaël
Pas seulement ces mots, mais tous les sons et le parcours, tout. Une image dans le sens « imaginaire », tu vois, c’est quelque chose d’intérieur…

Jean-Charles
Ce n’est pas quelque chose de totalement visuel ?

Vincent-
Raphaël
Non, c’est intérieur. Mais on doit toujours se construire une image, pour que les choses puissent avoir une consistance et être extériorisées.

Nicolas
Moi, j’aurais une hypothèse sur le fait que les gens respectent la partition, qui est donnée comme impossible à respecter. En fait, il ne faudrait pas poser la question à tous les deux en même temps [rires]. Si quelqu’un te contacte, toi, Vincent, qui aimerait bien jouer cette pièce, qu’est-ce que tu commences par lui dire, qu’est-ce que tu lui envoies et tout ça. Réciproquement, si un interprète vient voir Jean en disant : « Ah ! j’ai trouvé ça vachement bien, qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour pouvoir jouer ça ». Qu’est-ce que vous donnez, qu’est-ce que vous ne donnez pas ou que vous ne donnez pas tout de suite ?

Vincent-
Raphaël
Oui. Mais il y a quand même dans la partition à proprement parler un texte de présentation qui oriente beaucoup le travail. Ça, c’est écrit. Si quelqu’un vient me demander de monter la pièce, la première chose à dire c’est qu’il faut travailler chaque situation séparément, pour comprendre comment ça marche, parce que la partition, ce n’est pas la notation. La partition c’est aussi l’instrument, ce sont les modules de traitement sonore, ce sont les choix des sons enregistrés, c’est la voix de Jean, c’est la façon dont on a configuré certains types de contrôleurs à certains types de paramètres, tout cela fait partie de la partition. Il faut connaître tout cela pour pouvoir naviguer à l’intérieur et, une fois connu, à ce moment-là je pense qu’on peut faire un travail de construction, un travail musical. Jean, il connaissait tout parce qu’il a participé à la création de l’instrument avec Christophe, donc pour lui, c’est une évidence. Mais pour quelqu’un d’autre, cela ne l’est pas du tout. C’était déjà le cas dans Toucher, mais là peut-être encore moins. Ce n’est pas évident parce qu’on a la conception de l’instrument sur quoi on agit physiquement et qui capte le geste, et la partition où les intentions sont transcrites.

 

3.5 En conclusion : Références à André Boucourechliev et John Cage

Jean-Charles
Dans l’article, à la fin, dans la conclusion, il y a des références à Boucourechliev et à Cage. Or, ça me vient à l’esprit d’après ce que tu dis, que c’est précisément un peu différent parce que, et notamment chez Cage, il y a une séparation fondamentale entre le compositeur et l’interprète. Le compositeur définit des processus, et ensuite il passe le relais à l’interprète pour réaliser la pièce sans qu’il y ait besoin d’avoir le moindre contact entre eux. Chez Boucourechliev, c’est un peu la même chose, l’interprète peut élaborer sa partie du processus de création de manière tout à fait indépendante. Et donc, ça me paraît très intéressant de citer cette origine des partitions graphiques des années 1950-60 et de la comparer avec ce qui se passe aujourd’hui. Mais en même temps, vos propos me paraissent extrêmement différents de ce qui se passait à ce moment-là.

Vincent-
Raphaël
C’est sûr. Mais avant de parler de ça, je voudrais juste répondre à ce que disait Nicolas, sur le rôle de Christophe dans cette affaire. C’est lui qui est le concepteur du système. Cette idée de faire quelque chose avec les smartphones, c’est déjà un point de départ important. Comme toujours quand on entame quelque chose de nouveau, au début les idées sont un peu floues, on ne sait pas trop ce qu’on peut faire avec, donc on se réfère à des modèles connus. Dans le cas de Christophe, son expérience est basée sur le modèle de l’instrument, mais pas seulement. Je suis passé un peu vite en parlant de son travail artistique. Ce n’est pas seulement un réalisateur en informatique musicale, c’est aussi un concepteur de systèmes interactifs. Je suis peut-être le seul à dire cela, mais pour moi la conception du système interactif fait fondamentalement partie du travail d’écriture. Il y a un mot-clé que j’aime beaucoup car il traduit assez bien ce type d’expériences : c’est le terme d’agencement. Pour chaque nouvelle œuvre on se retrouve à agencer des fonctions musicales — l’interprète, le compositeur, le luthier — avec des outils techniques, pour créer à chaque fois des agencements originaux. Et voilà, la différence entre Toucher, entre la Chaconne de Bach et Virtual Rhizome, c’est qu’à chaque fois ce sont des agencements différents entre ce qu’on considère être une partition, une notation, un instrument, l’interprète, le compositeur, la place de chacun, la façon dont l’œuvre s’élabore, et à chaque fois il y a une œuvre et il y a donc effectivement un compositeur. L’idée même d’œuvre, la configuration qu’elle a, le lien entre le compositeur et l’interprète, tout ça, ça donne lieu à des agencements singuliers. Et pour moi, le compositeur qui a le plus expérimenté ceci au 20e siècle, c’est Cage. Chez Cage, les œuvres – il fabrique des œuvres, donc c’est effectivement un compositeur, il a cette fonction-là — sont très souvent des agencements particuliers entre des situations, l’interprète qui est aussi un homme de théâtre, les instruments qu’il faut choisir, ou des outils techniques, des installations, etc. Et évidemment, pour moi, il y a un lien direct entre le travail de Cage et des pièces comme Virtual Rhizome, c’est que les partitions de Cage, souvent, ne représentent pas une œuvre finie, ce sont des formes ouvertes. Surtout, la partition est un générateur d’œuvres. Si vous prenez les Variations de Cage, c’est un générateur d’œuvres, en somme, c’est comme si on vous donnait un modèle, un manuel d’instructions destiné à fabriquer la vôtre, en déterminant l’évolution des paramètres et les relations entre eux. Cage propose en fait des outils techniques, des supports, qui permettent donc à l’interprète de construire sa propre œuvre. Ce faisant il le fait sortir de la fonction traditionnelle d’interprète et crée ainsi un agencement particulier entre la partition et lui. Et par rapport à Boucourechliev, il y a un lien en effet entre lui et Virtual Rhizome : c’est que la partition est une sorte de carte de navigation. Ce que j’ai dit tout à l’heure sur l’architecture virtuelle s’applique ici, les smartphones sont comme des gouvernails qui permettent de naviguer à l’intérieur de l’œuvre. Les Archipels de Boucourechliev c’est un peu ça, ça porte bien son nom, c’est une carte de navigation.

Jean-Charles
Le terme qu’on a tendance à utiliser ici est celui de « dispositif » plutôt qu’agencement.

Vincent-
Raphaël
Dispositif, je l’ai bien utilisé aussi, on l’a écrit dans l’article. Dispositif, ça me va très bien. Disposer, composer, ça parle, c’est logique. Mais il y a dans le dispositif un double sens. Philosophiquement, il fait partie aussi des termes à double tranchant : c’est Foucault qui parle de dispositif, de dispositif d’internement, de surveillance. Et c’est vrai, on le sent, il y a quelque chose avec les dispositifs techniques qui nous emprisonne. Alors que le terme deleuzien d’agencement a pour moi un sens plus ouvert. Il y a quelque chose dans l’agencement par rapport au dispositif qui le rend plus ouvert, moins orienté. Le dispositif, ça a une finalité. L’agencement, je ne sais pas trop à quoi ça sert, il reste ouvert à l’exploration. Ce sont là des nuances, deux points de vue complémentaires d’un même processus[14].

Jean-Charles
Merci à tous les deux pour cet entretien très riche. Merci aussi à Nicolas.

 


1.Christophe Lebreton : « Musicien et scientifique de formation, il collabore avec Grame depuis 1989. »
Voir : Grame

2. Xavier Garcia, musicien, Lyon : Xavier Garcia

3. Charles Juliet, Rencontres avec Bram Van Velde, P.O.L., 1998.

4. « Light Wall System a été développé par LiSiLoG avec Christophe Lebreton et Jean Geoffroy. Voir LiSiLoG, Light Wall System

5. « SmartFaust est à la fois le titre d’un concert participatif, et le nom d’un ensemble d’applications pour smartphones (Android et Iphone) développées par Grame à partir du langage Faust. » Voir Grame, Smart Faust.

6. Claudio Bettinelli, percussionniste, Saint-Etienne. Voir Claudio Bettinelli.

7. Vincent-Raphaël Carinola, Typhon, l’œuvre s’inspire du récit de Joseph Conrad Typhon. Voir Grame, Typhon.

8. « Espaces notationnels et œuvres interactives », op. cit. 2.3, 2e paragraphe.

9. Thierry De Mey, Silence Must Be : « Dans cette pièce pour chef solo, Thierry De Mey poursuit sa recherche sur le mouvement au cœur du « fait » musical… Le chef se tourne vers le public, prend le battement de son cœur comme pulsation et se met à décliner des polyrythmes de plus en plus complexes ; …3 sur 5, 5 sur 8, en s’approchant de la proportion dorée, il trace les contours d’une musique silencieuse, indicible… » Grame

10. « Espaces notationnels et œuvres interactives », op. cit. 3.1.

11. Thierry de Mey, Light music : « pièce musicale pour un « chef solo », projections et dispositif interactif (création mars 2004 – Biennale Musiques en Scène/Lyon), interprétée par Jean Geoffroy, a été réalisée dans les studios Grame à Lyon et au Gmem à Marseille, qui ont accueilli en résidence Thierry De Mey. » Grame

12. Jorge Luis Borges, Fictions, trad. P. Verdevoye et N. Ibarra, Paris : Gallimard, 1951, 2014.

13. « Espaces notationnels et œuvres interactives », op. cit. 3.2.

14. Voir Monique David-Ménard, « Agencements déleuziens, dispositifs foucaldiens », dans Rue Descartes 2008/1 (N°59), pp. 43-55 : Rue Descartes

Nicolas Sidoroff – English

 

Return to the French original text: « Vous avez dit… lisière ? » (Nicolas Sidoroff – Français)

 


 

You said… Edges?

Nicolas Sidoroff (January 2021).

Summary:

Several Activities (from where I am speaking)
With Multiple Half-times
In Terms of Musical Adventures

Concerning Edges, Fringes, Margins
Emmanuel Hocquard…
…and a Spot/Task [ta/âche]
…White or Blank.
Therefore, Vigilance!

Inhabit one of the Edges?
To be a Musician and to be a Dancer
Situated Creation, example of sound of roulèr
This sound of roulèr in interaction
Musical Practices from Réunion Island

References
Post-Scriptum

 


 

Several Activities (from where I am speaking)

I am a musician>militant<researcher… My two main activities, making music and research, are connected. They relate and contribute to practices of social transformation that I would hope to achieve, that one would hope to be emancipatory. I am compelled to move to a “we” that brings together several groups and collectives working in three co-extensive dimensions: a critique of systems of domination, a conception of alternatives, and a critique of these same alternatives… Musical practices are the field in which I have the most knowledge of dominations and alternatives, and in which I take great pleasure in getting involved; and research practices joyfully equip me to develop both critiques and alternatives.

With Multiple Half-times

I often introduce myself by adding several “half-times” (not only because this expression also means the break and informal moments between two parts of a game!). Thus, I manage to have more than two half-times… It means that 1) “it’s overflowing!”, that 2) no half-time takes up all my time exclusively, and that 3) elements can be found in one and any others at the same time. Being in one of these half-times doesn’t mean that the others are put aside or dormant. The game is not a zero-sum game where each person would have so many points of energy to be distributed equally here and there (as if a “here” could not be “there” too). It’s actually very different: many activities participate fully in such and such a half time and also at such and such other ones.
Thus, having three half-times seems to me to better describe what I experience than having one and a half full-time, even if mathematically it seems the same. The third half is often a way of describing the informal times that are so important after a more explicit and identified, often more formal and settled time. And if there is a third half, where is the fourth half, the one for tidying up, going home, assessing the situation, etc.? The number “3” evokes multiplicity, interactions, and openness. I see and feel more joy in it than in the formulation “full-time and a half”. Although this one evokes an interesting globality (definitively each time it concerns me), it seems to me to put the emphasis more directly on a closed uniqueness, the heavy fatigue and the painful overflow. That is to say that this expression « half-time » that I use is symbolic. It says nothing about the real time spent in, the workload demanded by, the regularity and forms of intensity, the associated statutes and work contracts. For example, in Decree n°84-431 of June 6, 1984 “establishing the common statutory provisions applicable to teacher-researchers”, it is written “Teacher-researchers have a dual mission of teaching and research.” [art. 2]; and the description of working hours is explained as follows:

The reference working time, corresponding to the working time established in the civil service, is constituted for teacher-researchers:
1° Half of the time is spent on teaching (…)
2° Half of the time is spent on research (…) [art. 7].

In the same job, there is thus mention of two “halves” of time.

One of these part-time jobs corresponds to my work as a teacher-researcher at Cefedem[1] Auvergne Rhône-Alpes (a half-time job contracted as such, but the actual activity amounts to much more). I principally work in the Continuing Education on-the-job training program. We offer training through research towards the obtention of a Music teacher State Diploma [Diplôme d’État] at the Licence level, in the specialized sectors of music teaching, that exist in all forms of music schools, including conservatories.

And in a few other half-times, I am conducting research (for example with the PaaLabRes collective). In these same temporalities, I am a doctoral student at the University of Paris VIII, Vincennes in Saint-Denis, in Educational Sciences, in the Experice laboratory (Centre de Recherche Interuniversitaire Expérience Ressources Culturelles Éducationunder the direction of Pascal Nicolas-Le Strat. I work on musical practices and on the way several people make music together, especially around questions of cooperation and division of labor. In this university, among students, we formed the Collectif-en-devenir [collective in becoming], to work together, to be collective in our research and to try to shape the university according to our experiences and ideas [see for example 2016]. And linked to this entry into the world of the university, I have been participating in the network of the Fabriques de sociologie: “a space for social science research that associates actors from different fields (social sciences, political militancy, architecture, social intervention, literature, activism, education, health…).”

This exposition of multiple half-time jobs is a way of describing my rather continuous and joyful crossing of “walls” between categories that a certain number of people would keep separate. For example, in small configurations on a concert stage, I have often and for many years now been making the sound check of the group at the same time as playing trumpet in the brass section. So, I have the impression that I live on the “edges” on a regular basis. This is why this notion has resonated and reasoned strongly in me. I have thus constructed the expression “edge nucleus” which allows

first of all, to radically evacuate representations in rigid boxes with borders, or in limiting and excluding boxes. (…) To view musical practices as the interaction and articulation of six “edge nucleus”, each corresponding to a family of activities: creation, performance, mediation-education, research, administration, techniques-instrument making. [Sidoroff, 2018b, p. 265]

In Terms of Musical Adventures

Concerning musical practices, I mainly play in two collectives which have been two adventures for the last twenty years or so.
The first one (because it is the oldest, even if it is difficult to date its beginning) can be called “post-improvisation”: music not necessarily improvised but made possible because we love and practice improvisation in different contexts. The type of music is close to the downtown style. Let’s say for short: experimental and open music (see for example the adventures of Miss Goulash[2] and Spirojki, or the project “Bateau Ivre” by gsubi). The expression has its origin in New York City, but many people play this downtown music without living in New York City. And this is the second generation, which is called Downtown II. I gradually appropriated these terms, starting with the (amazed) listening to the galaxies around John Zorn and Fred Frith (to take only the most famous figures), then the discovery of the resources of the Downtown Music Gallery in New York[3] and so on. More recently, I discovered the two articles by George Lewis (“Improvised Music After 1950” [1996] and its “Postface” [2004], translated in the first edition of PaaLabRes as « Postface à « La musique improvisée après 1950 », Le pareil qui change »[4]), and then the article by Kyle Gann [2012] which present these terms conceptually and historically.
In my personal way of approaching this Downtown II music, a first generation of elders and friends has emerged from which I started to play music and to carry my research. They are intimately connected to the emergence of free-jazz and all its musical and political antecedents and developments. See for example the AACM in Chicago, Association for the Advancement of Creative Musicians as told by the same George Lewis [2008; Pierrepont, 2015]. For me, the next generation, which corresponds more to my age and background, is strongly connected to the libertarian practices of post-punk hardcore.

My other great collective adventure comes from Réunion Island. I will talk about it at greater length below, after having made a detour through the notion of the edge (or fringe or margin).

 

Concerning Edges, Fringes, Margins

Emmanuel Hocquard…

My doctoral research project is entitled: “Exploring the edges of activity, towards a microsociology of (musical) practices” [Sidoroff, 2018b]. This term “edge” appeared extremely interesting to me in an article by Emmanuel Hocquard on translation. He is a creator of poetry, in the multiple sense of writer, editor, translator, public reader, organizer, teacher, etc. In this article, he distinguishes three conceptions of translation with regard to the limit (the “reactionary conception” where translation can only betray), the border (the “classical conception” where translation passes from one language and culture to another) and the edge (conception that “makes translation […] a hedge between the fields of literature”). [2001, pp. 525-526].

I shared this last notion in this article after a meeting session of encounter-improvisation on April 24, 2019, with Yves Favier and György Kurtag, and also Jean-Charles François and Gilles Laval from PaaLabRes (they were already acquainted with my research based on the term “edge” understood this way). As it was a first meeting, we played and discussed our particular backgrounds. Then we shared a meal (thank you Jean-Charles) and the washing up, etc.; these agencies are as essential as checking for the presence of loud-speakers and toilet paper, etc.
And after this day, they all find themselves in this edition, see in particular the text-collage « Lisières »

Below are a few passages that have already been published, with some additions on one aspect.

… and a Spot/Task [ta/âche]…

I work on the notions of “border” and “edge” between different activities. (…) A border is crossed in the thick and consistent sense of the term, one part of the body then the other, more or less gradually. This body has a thickness, we are on one side and on the other of a line or a surface which constitutes a border at a given moment. This can create a swing, such as back and forth movements in body weight above that line or on either side of it. How do you cross a border between several activities: what happens when I change “caps,” for example, between a space-time where I am a composer and another where I am a sound engineer? [Sidoroff, 2018a, p. 50]

Emmanuel describes the edge as: “white stain” or “blank spot” [tache blanche]. For a long time, I understood and made him say “white task” [tâche blanche]. The circumflex accent made a lot of sense, evoking both the work to be done (by the task) and a space to be explored characterized by its situation (by the slightly nominalized adjective “white” or “blank”). Behind this, I understood and still understand, an invitation to come and inhabit, explore and practice such spaces. The “blank spot” is very present in the work of Emmanuel Hocquard: it evokes the unexplored places of geographical maps <1997, §2-§3>, where one could not yet know what to write nor in what colors. The “blank spot translation” for him, a “blank spot activity” for me, is to create “unexplored areas (…), it’s gaining ground” <1997, §4 et 6bis>. In my vocabulary habits, I would also say: to create the possible. [Sidoroff, 2018b, pp. 263-264]

…white or blank.

After these first elements on the words “spot/stain” and “task”, it is necessary to linger on the word “white” (or “blank”) [blanc]. The adjective as well as the noun “white” is at the heart of a beautiful ambivalence between the full and the empty, the addition and the lack, and they force us to a decolonial thought; in the double meaning of to compel us and to bind us by contract.
The color “white” qualifies as: “resembling a surface reflecting sunlight without absorbing any of the visible rays; of the color of milk or fresh snow”. [Consise Oxford Dictionary of Current English, Oxford University Press, 1990, p. 1399]. We see these colors decompose with a prism, or with drops of water giving a rainbow, or by looking at the surface of a soap bubble. The hexadecimal RGB color code for white is #ffffff, that is all red, green and blue sliders at maximum. It is the same in the realm of sound: a “white” noise is composed equally of all frequencies of the audible, of the entire audible sound spectrum with the same energy for each frequency. But a “blank voice” [voix blanche] refers to a voice without timbre that lacks something… A “blank check” [chèque en blanc] is both empty because it needs to be filled, and full of possible promises because precisely it can be filled!
The Dictionnaire historique de la langue française (DHLF) explains: “Early on, the adjective takes on the symbolic value of ‘untarnished, pure’ (cf. Concise Oxford Dictionary: ‘innocent, untainted’). A blank has in many cases a negative value of ‘lack’, like a blank in memory. In a speech, a “blank” [blanc] refers to a silence, like a void that can make participants think. It is also the free space, the line spacing that organizes a text in a page that we call blank when it does not yet bear any traces. The expression “nuit blanche” [sleepless night] refers to the absence of sleep or the overload of activities. It is also the center of a shooting target and by extension the target itself, as in the expression “shooting at point-blank”, but “shooting blanks” is for fake, whereas “cutting blanks” and “saigner à blanc” (bleed dry) rather qualify the fact of going all the way and leaving nothing behind. The word “blanc” [white or blank] is thus rich in a context of invitation to explore…

All the more so because “White” could mean to belong to the white race fabricated by racism. For example, the Littré dictionary defines the adjective “white” also by the color of snow and milk. It does not specify the combination of colors of the solar spectrum, which is understandable in the historical context of a dictionary of the late nineteenth century. This historical context should also be taken into account when it is written for the noun: “a white man, a white woman, a man, a woman belonging to the white race. A white man and a negro; a white woman and a negress”.
When Emmanuel Hocquard exemplifies what he has just named the “blank spot” in relation to Lewis Carroll’s “perfect and absolute blank” “Ocean Map” in Hunting for the Snark of 1876 [Hocquard, 1997; 2001, p. 402], this is left to the imagination and all possibilities. But a blank spot in an unexplored area of a geographical map also evokes the context of European colonial conquests. Declaring a zone as unexplored ignores the rest of the sentence: unexplored for whom, for what? It is often more precisely: an area not yet explored by us who say that it would be good to do so, whenever there are things of interest for our own business!
In a process of exploration, with which walls do we go about building other walls?

Therefore, Vigilance!

At the beginning of my thesis work, I had identified vigilance [2018b, p. 269] as a way to constantly keep a critical eye on my work: to draw on political popular education [Morvan, 2011] and on the construction of strategic social knowledges [Carton, 2005].
I will now specify three complementary aspects, to make it more explicit (already to myself):

  1. As their designation indicates, these strategic social knowledges are knowledges, they are thus constructed and to be constructed. The research of Léa Laval [2016; 2019] is extremely valuable for taking into account the processes, methods and ways of establishing them (elaborating and sharing them), and with Myriam Cheklab [2019], for considering research in times of struggle and the struggle against domination while researching.
  2. Strategic social knowledge has a “class struggle”, feminist, non-binary, decolonial dimension, which is fundamentally intersecting. Never forget this when I am working today in 2021 on musical practices, one of whose essential rhizomes is Afro-American free jazz linked to civil rights struggles, on musical practices that claim to manufacture Réunionese Creole roots reggae from metropolitan France, in an environment in an almost men excluvive majority environment, etc.
  3. These strategic social knowledges are located and aware of their situation. I am white, male, cis-gender, straight, almost 50 years old… this is already starting to do a lot in terms of advantages and “privileges” (see the entry “privilèges” in the Dictionnaire des dominations [Manouchian, 2012, pp. 285-288]). And I should add doctoral student and teacher (teaching future music teachers)! This almost triples the epistemological intimidation exerted from the position of an instituted (supposedly) knowledgeable, scholarly person, i.e., one who is perceived as full of recognized and valued, valuable knowledge (knowledge with a hegemonic tendency that creates domination). Saying that doing research is in fact intensely doubting and asking questions by sharing a way of thinking (and everyone thinks!); saying that being a “teacher” is in fact setting up and maintaining procedures so that people who experience them learn (and everyone learns) … is not enough. It is in acts and over time that these aspects can begin to be grasped and experienced. The French classroom imaginary has deeply rooted representations.

 

Inhabit one of the edges?

To be a musician and to be a dancer

The expression “edge nucleus” thus makes it possible, first of all, to radically evacuate representations in rigid boxes with borders or in limiting and excluding compartments. (…)
Let’s take an artistic example: music and dance. Considering them as practices strongly marked by the historical setting of discipline, they are clearly separated. You are a musician, or you are a dancer; you teach (you go to) a music or dance class. There are compartments, boxes or pipelines on both sides. Crossbreeding is possible, but it’s rare and difficult, and when it does take place, it’s in an exclusive way: you’re here or there, on one side or the other, each time you have to cross a border.
Considering music and dance as daily human practices, they are extremely intertwined: to make music is to have a body in movement; to dance is to produce sounds. Since 2016, an action-research was conducted between PaaLabRes and Ramdam, an art center. It involved people who are rather musicians (us, members of PaaLabRes), other rather dancers (members of the Maguy Marin company), a visual artist (Christian Lhopital), and regular guests in connection with the above networks. We’ve been experimenting with improvisation protocols on shared materials. In the realizations, each everyone makes sounds and movements in relation to the sounds and movements of others, each is both a musician and a dancer. For me, the status of the body (the gestures including those for making music, the care, the sensations, and the fatigue) is very different from the one I have in a rehearsal or a concert of a music group. It is even richer and more intense. With the vocabulary used in the previous paragraphs, in these realizations I am in a form of “tâ/ache blanche” (white/blank task/spot) dance-music edge or fringe. A first assessment that we are in the process of drawing up shows that going beyond our disciplinary boxes (exploding the border, making the edge exist) is difficult. [Sidoroff, 2018b, p. 265]

Situated Creation, example of sound of roulèr

One of the expressions that synthesizes a common thread of my practices is that of “situated collective creation”. The creation in question is as much about sound production as it is about knowledge. Such a creation is on the scale of the group in question, and it can be a small, very localized discovery. It will not necessarily be a novelty for the whole world, but already a simple thing not yet known (unheard of) for/in/by the collective in presence. Let’s assume, for example, that we try to have a roulèr sound (large diameter bass drum typical of Réunion Island) on a recording, in material conditions where you can’t have a roulèr and the recording equipment in the same place? To try, to search, to experiment, should allow us to find something. Alain Péters, for example, has successfully recorded the equivalent of a kayamb (also typical of the Réuion Island, a wooden frame which encloses stems of reed which enfold seeds) by rubbing plastic bags! [Poulot, 2016, 31’45-32’02] The anecdote is well-known in the world of Réunionese music sound recordings. And as for us, we realized that we were getting the equivalent of a roulèr sound for the groove we were looking for, with a soft gong beater hitting the very slightly relaxed skin of a medium conga, picking up the sound quite close to the place of impact… (See the intro of the song “Traka” in Mawaar [2020]). We’re really not sure if we were the first in the world to do it, but we invented on the spot a solution we didn’t have before, with the material available around us to get to something we were satisfied with, just as we were starting to think we were going to give up the idea (and therefore have to musically invent something else).
This first story might suffice for the small point I was trying to illustrate: a “creation” for us, without any pretension of historical primacy, invented by and for us (there were two of us working on looking for the roulèr sound for a group of eight). This is the account of which I have a trace in my notes of that day: “trouvaille: son roulèr, conga med. bag. blanche *”. The whole process leading to this “trouvaille” is hidden behind this word written too quickly. The “*” is a sign to say: come back to it quickly enough to describe this in detail. Because such a narrative is not adequate, it leads one to believe in a creation of a technical order (using this instrument in this way) without further interaction. The formula “something we were satisfied with, just as we were starting to think we were going to give up the idea” is too quick a shortcut. We need to be more precise, otherwise important elements remain implicit. And these can limit understanding and lead to the belief that these are simple recipes that can be copied and pasted as they are, whereas they are extremely situated and interact with many other aspects. Saying “a roulèr sound” without specifying the context does not make much sense. Adding “for the groove we were looking for” is a good start but still doesn’t say much. You have to take the minimum precaution to localize the action and not to generalize it too quickly.

This sound of roulèr in interaction

So, let’s take the time for a more detailed account. Since the day I wrote this note with an asterisk showing that I wanted to return to it, four layers of writing have been added, leading to the one presented here. These four layers come one after another. The first one is given above, then shortly after came the second one that is shown below. Because this second account was still passing too fast in one place, we needed a third one. Several rewritings were necessary. And finally a fourth narrative corresponds to this version in this article. It benefited from both the broadening of the audience and from several sharings and discussions in closed circles (thanks!).
Let’s go back to that moment of recording the roulèr sound. And so let’s start by saying more exactly: we ended up finding the sound of roulèr that suited us (and this was not immediately achieved) in one particular use (among many others possible) of this sound at this place, namely the intro of a song (and not at another musical moment). The roulèr can also be the basis of dance music in a percussion ensemble, and is often struck with open hands, with strong impacts to support the global dynamic. This is not the sound we found. But it’s the one we were looking for, at the beginning. The initial idea was to reinforce the already recorded bass drum. We then tried on a bass drum different skin tensions of both the striking drumhead and the resonant one. We put different fabrics inside this bass drum, more or less leaning on one or both skins, tapping with different parts of the hand at different places of the skin, with different sticks or beaters, etc. In fact, it went quite fast: on the one hand we had already discussed it several times before and made tests in the rehearsal room when we were working on the Réunionese music, looking for a sound equivalent to the bass drum while the full group was playing; and on the other hand I had tried things alone with a view to recording such a part by phonically isolating this instrument from the rest. We tried a few more times all together, but we didn’t get close to what suited us. We switched to a low tomtom, without more success. Because the first lead, transforming the use of a drum element, turned out to be not very fruitful, looking around, we then began to tap-listen a little everywhere. We were two people in a music room with several instruments. I remember having also tried different strikes on the two tables present, more or less close to the edge, by putting the ear in different places to seek a sound quality and its resonance. It was a time of wandering, and, in retrospect, we can highlight two moments among many others. On the one hand, the moment when we made the skin of the medium conga to resonate, but we didn’t stop there directly and said: “This is it”. And on the other hand, the moment when we told ourselves that we could change our musical idea, by looking not for a reinforcement but for a complement to the sound. This one-word change implied both a slight modification of the arrangement we had begun with (the roulèr equivalent would have to start earlier), and also to find the minimum reinforcement necessary for the existing bass drum, by a particular mix on the passage in question: a mix of the bass with the midrange of one of the guitars, and with the roulèr equivalent (that we hadn’t have yet found). And we had also to pay attention to the placement of the triangle at the top of the sound spectrum in order to achieve this: the sound of one instrument is a function of – almost – all the others. We were sufficiently advanced in the mixes to know this was possible, otherwise we would have probably tried a little to verify this possibility.
But here again, it is interesting to press “pause” and take the time to unfold all that is crushed in the shortcut I just used. To tell it like this is to summarize-condense a posteriori… Let’s go back to the beginning of this wandering time. There were no verbal exchange of the type: “We wanted a reinforcement, let’s go to a complement!” that led to everything that followed. In these moments of tinkering, there is little talk of precise (and meaningfully relevant at the first attempt) concepts, although many are present and implicit, which no two persons bring to awareness or verbalize in the same way. Unfortunately, I don’t have an exact record of what we said to each other at that moment. But I have been in many such situations in my musical life. The dialogue must have sounded like this:

“- We are not getting there” {Share the dead ends, check and agree that we are both facing them}.
“– What can we do?” {Asking this question may seem useful, it is implied in the “yeah” of the head or the look exchanged after the first observation. But it gives a little time to think, and in case the friend facing you has something to answer, maybe with words, because the person asking the question doesn’t know yet what to do…}
“– Find other things!” {Easy solution! But the word “things” comes in very handy in these cases. Here, it can evoke both sounds, ways of going about it and/or reconsidering the question, etc. It is sufficiently imprecise to open up potentially different avenues for each of us, but not too much because we remain clinging to the shared problem at the outset, in the situation that is a little more knowledgeable because of the noted dead-end. Thus, behind such “other things” [in French “autre chose”, singular, sounds the same as the plural “autres choses”], are mixed together a) other sounds that continue to evoke the roulèr, b) other uses of this musical idea in connection with other choices of arrangement, c) other possibilities of recording and/or mixing, etc. We didn’t spell it all out, the three words above were just a signal that all these things and more were entering into the process. They take longer to describe than it took us to find our particular solution}

Once the dead-end was shared and this search for other things was underway, our ears opened to other types of sounds (like an ecology of the imaginary?). We listen again to (almost) all the sounds we had tried since the beginning of our research. The medium conga had been put aside because of (what we thought was) the too small size of its skin, but it reappeared. We realized that we found then a satisfying beginning of a lead (finally!), in particular using this big beater of classical music percussion used for example on the gongs (which we had recorded in the previous session). It only remained to refine this promising lead to the best possible result. And refining that, also meant refining everything else in an all-inclusive movement, especially in terms of arrangement and mixing preparation. The sound volume promised to be considerably lower than fully hitting the roulèr, but we knew we could work it into the mix. So, we looked for a more precise hit and microphone placement to get the best complement sound. Again, I use the term “complement”, but it was not present at the time of the experimental actions and gestures. The formalization of the transition from reinforcement to complement, with this choice of words, came later. I don’t remember exactly when this verbalization became settled, but it wasn’t while the sound recording was being refined. At this point, we started by striking the conga, while listening, and commenting only about the place of the microphone or of the hit, without making sentences, with help of a few words and mostly gestures. But it could be verbalized afterwards, in times of re-listening to the takes. During these moments, the time is calmer: we move into a different place, there is a displacement between the position of play and listening to the take, which takes a little time. And there, it was easier to use more complete sentences to comment what we heard and to project ourselves in what to do next. And it is quite possible that the two words “reinforcement” and “complement” were not the first ones that came to us to qualify what happened; in any case, they are the ones that remain afterwards. They are a construction that took its time, like the use of this medium conga.

The small situated creation that I have just described is therefore not only a technical trouvaille, as the first shortened account could let believe it.[5] But it is a rich interaction around the sound quality: between its musical use in a complex of other sonorities (place, role and arrangement), the instrument producing it to be heard, its playing, its recording and its mixing. We did not act or think in boxes or walls separating too strictly « sound engineer » or « instrumentalist ». It was the fact of crossing such walls that allowed us to build that day a sound that we were missing. In our experimentations and trials, we obviously took into account the playing (the gestures to obtain the sound) and the recording-mixing. But in an inextricable way, came to be intertwined considerations of arrangement, production of the record (time and places available to be able to record this track, then to mix this piece, the album), of instrumental tinkering, etc. Have we inhabited an edge, even if only very locally? Or rather: have we crossed many borders, happily and several times in all directions? A few years ago, I would have answered « edges, of course » without hesitation, and insisting on the plural. Today I don’t find the answer so easy. I would need to qualify more and better such edges: work in progress!

In what I condense with the formula “situated collective creation”, the word “situated” describes both the context of a moment or circumstance as described above, but also that of a particular story, in a larger temporality. I met Réunionese music with people who play it and know a lot about it, and I quickly enjoyed playing and discussing it. So, I spent some time with them, especially by playing this music. (I have been doing the same thing for several years with roots reggae.) I could have met people and groups doing rap or electro or other things, then I would have probably spent time on such music and practices.

Musical Practices from the Réunion Island

The second kind of music I practice comes from Réunion Island. In these small islands called Mascarene Islands in this part of the Indian Ocean, there is specific music called maloya and séga. And I’ve been playing this music with people from the Réunion Island for about twenty years, principally as trumpet player in a brass section.

Maloya reappeared on the forefront in the 1970s thanks to the communists and the independentists. It was also during this period that reggae made its international breakthrough, after rock and amplified music developed on the island, and not just to be listened to. They were played, appropriated and tinkered with locally, becoming “electric maloya” [Compilations 2016a, 2016b, 2017]. Then, what is called malogué or maloggae (a mixture of maloya and reggae) develop. It has become a very modern mixture, nourished by traditional music, popular music and music of the moment. I play with a family that came to France thirty years ago. This malogué, sega and seggae music was played in the group Margoz then Koodakood, with notably the father who sang, played bass and directed the ensemble, and his son who sang and played drums. He was not yet 18 years old when I met him. And he was about ten years old when the malogué was created, he couldn’t reach the bass drum pedal! Today, the band has reconfigured itself on a roots reggae base, it’s called Mawaar. It means “I’ll see” in Réunionese language, a good part of it is sung in Creole. And we are still working on this Réunionese music, even if we don’t play on stage anymore. The father I was talking about is on the bass, and it’s the son who is very active. He plays guitar and drums, he sings, he is one of those who bring a lot of music.

Reggae, maloya, malogué come musically “from below”, in the way Louis Staritzky speaks of urban experimentation [2018]. To put it in terms of the idea of walls: these kinds of music and musical practices come from outside the massive and solidified walls of already established structures. It would be interesting to look at the appearance of this maloya-reggae music (this creolization), with the epistemologies of the South, starting with the work of Boaventura de Sousa Santos[6], for example “The sociology of absences and emergences” [2011, pp. 34-58, §43-60; 2016, chap. VI, pp. 241-273]. Sociology of absences: “an investigation whose aim is to explain that what does not exist is in fact actively produced as non-existent, that is, as a non-credible alternative to what does exist” [2016, p. 251]. Sociology of emergences: “an investigation into the alternatives contained in the horizon of concrete possibilities” [2016, p. 269]. This will have to be left for a future occasion,[7] perhaps in connection with Youcef Chekkar who conducts his research with such approaches on the “usages of cinema in the post-civil war Algerian context” [2018].

I would like to approach this creation by digging a little deeper into the notion of edge. Emmanuel Hocquard gave consistency to this notion as something made possible by the action of translating, with this double affirmation about American poetry translated into French:

– “A French poet would never have written that.”
– Perhaps we could express the same thing in this way: “An American would never have written that.” [1997, §5 et 5bis; 2001, pp. 403-404]

The malogué or seggae are typically in this kind of situation: reggae groups would never have played like that, neither would maloya or séga groups. There is a filiation, a relationship, but with the fabrication of a distance and a ground that Emmanuel Hocquard seeks [1997, §3; 2001, p. 403]. These styles of music are at the same time very similar and very different. I propose to you three compilations sweeping the 1980s and 1990s: one of roots reggae, another one of maloya, and a third one of malogué, in order to go from one to the others..

Reggae Roots :
Maloya :
Malogué[8] :

Even if a single compilation can’t show the immense variety of each of these stylistic labels, each one provides a few names as so many different leads to go further. Even if the encounters are more between individuals and groups, singularities and subjectivities at a precise moment, rather than between stylistic groupings constructed after the fact, there is, between these three “genres”, an intensity of both dissimilarities and similarities. They are fundamentally different but in very close complicity and kinship.

NAÉSSAYÉ, second verse and refrain in the song “Na Éssayé” by Philippe Lapotaire [1991]:
Ti pren un maloya, pou mélange avec reggae, Yé, yé, yé
Tout’ danse dan mon vie, maloya ou bien reggae, Yé, yé, yé
La misik lé pareil, mé le style li la change un pé, Yé, yé, yé
Pou zèn Réyonés, nou vé pa trompe nout bann vié, Yé, yé, yé
Sak mi di zordi :
Na essayé ouh, na mélanzé, Na essayé, na essayé, na mélangé,
Na essayé ouh un malogué, Na essayé, na essayé, un malogué.

[Take a maloya, to mix it with a reggae, Yé, yé, yé
Dance in my life, maloya or reggae, Yé, yé, yé
The music is the same, but the style has changed a bit, Yé, yé, yé
For the youth of Réunion Island, we are not going to deceive our elders, Yé, yé, yé
I say today:
We tried it, we mixed it up (bis)
We tried a malogué (bis)].

My exploration on edges of activities at the edges looks for those moments and places based on “this, never a person focused primarily on creation (or on performance or research or whatever) would have done it”, and all the reciprocal statements to it. One of the phenomena of Edouard Glissant’s creolization is also found in such a statement as “never that but in fact yes”. The « never » is easy in the formula but is often a bit too abrupt. Let’s continue the explorations!

 

In certain contexts, approaching the notion of a dividing wall (notably between the categories of activities) as an edge of possibilities seems to me to be interesting. An edge is a space and a time that can be occupied in different ways, in it one is able to develop activities. These types of space-time can be inhabited by bringing elements coming from many other times and spaces together, with the possibility of experimenting new things.

 


References

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RAS NATY BABY. (2009). “Mo la muzik”, in Live [CD]. Digital Island, Discorama, 2009.04.

seggaeman974R (compil). (2012). « Le maloya des années 80/90 » [Vidéo] (on line 30 november, 30th 2012) <on youtube>.

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SIDOROFF, Nicolas. (2018a). « Faire quelque chose avec ça que je voudrais tant penser&nbps;», in Agencements, Recherches et pratiques sociales en expérimentation, n°1. Rennes: éd. du commun, pp. 41-72, <revue, pdf on line>.

SIDOROFF, Nicolas. (2018b). «&nbps;Explorer les lisières d’activité, vers une microsociologie des pratiques (musicales) », in Agencements, n°2. Rennes: éd. du commun, pp. 248-274, <revue, pdf on line>.

de SOUSA SANTOS, Boaventura. (2011). «&nbps;Épistémologie du Sud », in Études rurales, n°187, Le sens du rural aujourd’hui, pp. 21-50. (Trans.: Magali Watteaux), <on line>.

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STARITZKY, Louis. (2018). « Le droit à la ville: une expérimentation urbaine par le bas », dans Agencements, n°1. Rennes: éd. du commun, pp. 143-159 <revue, pdf on line>.

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Notes

[1]. Cefedem AuRA [Centre de formation des enseignants de la musique, Center for music teacher training ], Center of professional resources and artistic higher education.

[2]. A reduced combination called Petit Goulash, proposed two versions of “Schème Moteur” by Alain Savouret in the 2017 edition “Graphic Scores” of this site PaaLabRes.

[3]. This place is a very beautiful source of music, stories and knowledge about the so-called “downtown” scenes. See for example, the impressive emails sent every week presenting a great number of records, with in particular Emanuel ‘MannyLunch’ Maris and Bruce Lee Gallanter (nicknamed “Downtown Musicologist Emeritus”).

[4]. See notably the second part of “‘Au-delà des catégories‘ : alors quoi de nouveau ?”, and more precisely the note 2 concerning the distinction between uptown and downtown.

[5]. And this second account is not yet sufficient, we could still describe others that would detail or specify these interactions, and perhaps help to qualify areas of edges. For example, using a recording of the session and a self-confrontation discussion (but the microphones had to record the upcoming roll, the testimonial camera is not in our habits), or with accounts from other points of view, including that of the colleague with whom I was experimenting that day (I am planning to do this), etc.

[6]. Boaventura de Sousa Santos is Portuguese and is part of the World Social Forum adventure. He has worked in South America, studying subordinate and dominated communities, how they organize themselves and how they use and produce knowledge not recognized or not taken into consideration by colonizers and Westerners. And he has brought this expression to the forefront: “The Epistemologies of the South”. It is very interesting to observe how, now, more and more work at the university is asking these kinds of questions: the domination still remains that of the objectivity of whites, of the North, of the West… (we do not all have the same relationship to a blank spot or a white stain).

[7]. We (with all the colleagues with whom I played this music and still play music based on it) have not yet explored this question sufficiently. On the one hand, the 1970s and 1980s see very rich changes occurring in Réunion Island; and on the other hand, once released, especially after the record Oté La sere by NAÉSSAYÉ in 1991, the malogué came out of an absence of visibility and emerged! It would be interesting to better explain the passage from an experiment of what is possible under the instituted radars to a visibility leading to productions and support of public policies. In any case it would be better than the too big shortcuts that have just been used.

[8]. In a little less than 30min, these 19 representative pieces give a good idea of what the richness of the encounter between reggae and maloya can be. NB: the youtube channel seggaeman974R is very rich in titles and rarities on Réunionese music.
To have an idea of séga and seggae, see for example the intro of the first piece de l’album Live of Ras Natty Baby [2009] : the very beginning drums and percussions is séga, the entry of brass at 0’40 after the great “Rastafari…” passes to the seggae which can really be heard from 0’47… The youtube channel joliememzelle also has beautiful collections of historical albums of music from the Mascarene Islands.

 

Post Scriptum:

In a voluntary and militant way, I practice inclusive writing. And I do it in the following way: I use expressions such as “ille” [combination of he and she] or “celleux” [“those” at the same time feminine and masculine] or with a single middle point as in musicien·nes or chercheur·ses. This typography seems to me to be the best point of (dis)balance between signifying existence by making them visible to people other than cis-genre males, and keeping a fluidity of reading. The double-flexion consists in saying or writing: “he and she”, it still makes a binarity to exist. The expression “ille” seems to me to be both very readable and understandable. And it is a new word that is not yet very common, nor in dictionaries. That is to say, we have to construct a meaning for it… it is both a “il” [he] and a “elle” [she]? but not exclusively? But why not exclusively? So maybe something like… “yel” or some other pronoun that some people prefer to be used to talk about “iel” or “ile”, rather than using “il” or “elle”? Perhaps we are participating in the invention of a new grammatical genre? I allow myself a “we” because this type of reflection and practice is shared in several networks in which I participate. We often make these elements explicit in connection with this writing practice, for example at the beginning of a document or in a footnote.
It’s the same thing with a median point. Reading “chacun·e” is easy, we quickly get used to it, and it’s not only “chacun et chacune” [“each” masculine and femine], they are living beings, with all the imaginable diversities, and even with others that we still can’t properly imagine. And for me, a single point is enough for this small disturbance, it remains readable while pointing out these questionings.
Other questions remain open… Which passage to the oral out of the double-flexion to overcome the binarity? (a neutral genre to be developed with an oral declination seems to be an interesting track, see for example in french the thesis work of Alpheratz). Who works on these subjects and from what positions? On whose backs is this form of writing practiced? To be continued.

 

Nicolas Sidoroff – Français

 

Access to the English translation: “You said… Edge?” (Nicolas Sidoroff – English)

 


 

Vous avez dit… lisière ?

Nicolas Sidoroff (janvier 2021).

Sommaire :

Quelques occupations (d’où je parle)
Avec des multiples « mi-temps »
En termes d’aventures musicales

À propos de lisières
Emmanuel Hocquard…
…et une ta/âche…
…blanche.
Donc des vigilances à avoir

Habiter une, des lisières ?
Être musicien et danseur
Créer en situation, exemple d’une sonorité de roulèr
Cette sonorité de roulèr en interactions
Quelques musiques de l’île de la Réunion

Références

 


 

Quelques occupations (d’où je parle)

Je suis musicien>militant<chercheur… Mes deux occupations principales, faire de la musique et de la recherche, sont reliées. Elles relaient et contribuent à des pratiques de transformations sociales que je souhaiterais, que l’on souhaiterait émancipatrices. Je suis obligé de passer à un « on » qui rassemble plusieurs groupes et collectifs au travail dans trois dimensions co-extensives : une critique des systèmes de domination, une construction d’alternatives et une critique de ces mêmes alternatives… Les pratiques musicales sont le domaine dans lequel j’ai le plus de connaissances des dominations et alternatives, et dans lequel j’ai grand plaisir à m’impliquer ; et les pratiques de recherche m’outillent joyeusement pour développer à la fois critiques et alternatives.

Avec des multiples mi-temps

Je me présente souvent en addition de « mi-temps » (pas uniquement parce que cette expression désigne aussi la pause et des moments informels entre deux parties !). Ainsi, j’arrive à avoir plus de deux demi-temps… Cela dit que 1/ « ça déborde ! », que 2/ aucun mi-temps prend exclusivement tout mon temps, et que 3/ des éléments se retrouvent à la fois dans l’un et l’autre. Le fait d’être dans un de ces « mi-temps » ne veut pas dire que les autres sont mis de côté ou en sommeil. Le jeu n’est pas à somme nulle où chacun·e[1] aurait tant de points d’énergie à répartir ici ou là (comme si un « ici » ne pourrait pas être « là » aussi). C’est en fait très différent : de nombreuses activités participent en plein à tel mi-temps, et aussi à tels autres.
Ainsi, avoir trois mi-temps me paraît dire mieux ce que je vis que d’avoir un temps plein et demi, même si mathématiquement cela semble identique. La troisième mi-temps est souvent une manière de décrire les temps informels si importants qui suivent un moment plus explicite et identifié, souvent plus officiel et réglé. Et s’il y en a une troisième, où est la quatrième, celle des rangements, du retour chez soi, du bilan, etc. ? Le chiffre « 3 » m’évoque une multiplicité, des interactions, une ouverture. J’y vois et ressens plus de joies que dans la formulation « temps plein et demi ». Même si celle-ci évoque une globalité intéressante (c’est bien moi à chaque fois), elle me semble mettre l’accent aussi plus directement sur une unicité fermée, la fatigue pesante et le débordement douloureux. C’est-à-dire que cette expression « mi-temps » que j’utilise est symbolique. Elle ne dit rien du temps réel passé à, de la charge de travail demandée par, de la régularité et des formes d’intensité, du ou des statuts, du ou des contrats de travail associés. Par exemple, le Décret n°84-431 du 6 juin 1984 « fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs », il est écrit « Les enseignants-chercheurs ont une double mission d’enseignement et de recherche. » [art. 2] ; et la description du temps de travail s’explicite ainsi :

Le temps de travail de référence, correspondant au temps de travail arrêté dans la fonction publique, est constitué pour les enseignants-chercheurs :
1° Pour moitié, par les services d’enseignement (…)
2° Pour moitié, par une activité de recherche (…) [art. 7]

Dans un même emploi, il est donc fait mention de deux « moitiés » de temps.

Un de ces « mi-temps » correspond à mon travail de formateur-chercheur au Cefedem[2] Auvergne Rhône-Alpes (un mi-temps contractualisé comme tel, mais l’activité réelle fait beaucoup plus). Je travaille principalement dans le programme de Formation diplômante en cours d’emploi. Nous formons par la recherche au DE (Diplôme d’État, équivalent L3) de « professeur de musique », professeur·e de l’enseignement musical spécialisé, c’est-à-dire dans les écoles de musique de toutes formes, dont les conservatoires.

Et dans quelques autres « mi-temps », je mène des recherches (par exemple avec le collectif PaaLabRes). Dans ces mêmes temporalités, je suis doctorant à l’Université Paris VIII, Vincennes à Saint-Denis, en sciences de l’éducation, dans le laboratoire Experice (Centre de Recherche Interuniversitaire Expérience Ressources Culturelles Éducation), sous la direction de Pascal Nicolas-Le Strat. Je travaille sur les pratiques musicales et sur la manière dont plusieurs personnes font de la musique ensemble, notamment autour des questions de coopération et de division du travail [2018b]. Dans cette université, entre étudiant·es, on a constitué le Collectif-en-devenir, pour se serrer les coudes, faire collectif dans nos recherches et travailler l’université selon nos expériences et nos idées [2016, par exemple]. Et en lien avec cette entrée dans un parcours universitaire, je participe au réseau des Fabriques de sociologie : « espace de recherche en sciences sociales qui associe des acteurs d’horizons différents (sciences sociales, militantisme, architecture, intervention sociale, littérature, activisme, éducation, santé…) ».

Cette exposition en multiples « mi-temps » est une manière de décrire ma traversée assez continuelle et joyeuse de « murs » entre des catégories qu’un certain nombre de personnes séparent. Par exemple, dans des petites configurations scéniques, il m’arrive très souvent et depuis longtemps de faire le son du groupe en même temps que de jouer de la trompette dans la section de cuivres. J’ai donc plutôt l’impression d’habiter assez régulièrement des « lisières », c’est pourquoi cette notion a fortement résonné et raisonné. J’ai ainsi construit l’expression « noyau à lisières » qui me permet

en premier lieu d’évacuer radicalement des représentations en boîtes rigides à frontières ou en cases limitantes et excluantes. (…) [pour] Regarder les pratiques musicales comme interaction et articulation de six « noyaux à lisières », chacun correspondant à une famille d’activité : création, performance, médiation-formation, recherche, administration, technique-lutherie. [Sidoroff, 2018b, p. 265]

En termes d’aventures musicales

Pour ce qui concerne les pratiques musicales, je joue principalement dans deux collectifs qui sont deux aventures d’une vingtaine d’années aujourd’hui.
Le premier (parce que le plus ancien même s’il est difficile de dater un commencement) peut se qualifier de « post-improvisation » : de la musique pas forcément improvisée mais rendue possible parce que nous aimons et pratiquons l’improvisation dans différents contextes. Le type de musique se rapproche du style downtown. Disons pour aller un peu vite : musique expérimentale et ouverte (voir par exemple les aventures Miss Goulash[3] et Spirojki, ou alors le projet « Bateau Ivre » de gsubi). L’expression a son origine dans la ville de New York, mais beaucoup de gens jouent cette musique downtown sans habiter New York. Et c’est la deuxième génération qu’on appelle Downtown II. Je me suis approprié progressivement ces termes, en commençant par les écoutes (émerveillées) des galaxies autour de John Zorn et Fred Frith (pour ne prendre que les figures les plus connues), puis la découverte des ressources de la Downtown Music Gallery de New York[4] etc. Et seulement ensuite, j’ai découvert les deux articles de George Lewis (Improvised Music After 1950 [1996] et sa « Postface » [2004][5], traduit dans la première édition du site PaaLabRes) puis celui de Kyle Gann [2012] qui présentent conceptuellement et historiquement ces termes.
Dans ma manière personnelle d’aborder cette musique downtown II, je me suis construit une première génération d’aîné·es et d’ami·es à partir de laquelle je suis parti en musique et en recherche. Illes sont intimement relié·es à l’apparition du free-jazz et tous ces antécédents développements musicaux et politiques. Voir par exemple l’AACM de Chicago, Association for the Advancement of Creative Musicians racontée par le même George Lewis [2008 ; Pierrepont, 2015]. Pour moi, la génération suivante, celle qui correspond plus à mon âge et parcours, est en fortes liaisons avec les pratiques libertaires du hardcore post-punk.

Mon autre grande aventure collective vient de l’île de la Réunion. J’en parlerai plus longuement dans la suite, après avoir fait un détour par la notion de lisière.

 

À propos de lisières

Emmanuel Hocquard…

Mon projet de recherche doctorale a pour titre : « Explorer les lisières d’activité, vers une microsociologie des pratiques (musicales) » [Sidoroff, 2018b]. Ce terme de « lisière » m’est apparu extrêmement intéressant dans un article d’Emmanuel Hocquard sur la traduction. Celui-ci est un fabriquant de poésie, au sens multiple d’écrivain, éditeur, traducteur, lecteur public, organisateur, enseignant, etc. Dans cet article, il distingue trois conceptions de la traduction au regard de la limite (la « conception réactionnaire » où la traduction ne peut que trahir), de la frontière (la « conception classique » où la traduction passe d’une langue et culture dans une autre) et la lisière (conception qui « fait de la traduction […] une haie entre les champs de la littérature »). [2001, pp. 525-526].

J’ai partagé cette dernière notion dans cet article après une séance de rencontrimprovisation le 24 avril 2019, avec Yves Favier et György Kurtag, et aussi Jean-Charles François et Gilles Laval de PaaLabRes (ceux-ci étaient déjà plus au courant de mes recherches appuyées sur ce terme compris ainsi). Dans le cadre d’une première rencontre, nous avons joué et discuté au départ des parcours de chacun. Puis nous avons partagé un repas (merci Jean-Charles ;-)) et la vaisselle, etc. ; des dispositifs et des attentions tout autant essentielles que la vérification de la présence d’enceintes sonores et de papier-toilettes, etc.
Et après cette journée, nous voici tous dans cette édition, voir notamment la page-collage « Lisières ».

Je reprends ci-dessous quelques passages déjà publiés, en complétant sur un aspect.

…et une ta/âche…

Je travaille sur les notions de « frontière » et de « lisière » entre différentes activités. (…) Une frontière se franchit au sens épais et consistant du terme, une partie du corps puis l’autre, plus ou moins progressivement. Ce corps a une épaisseur, on est d’un côté et de l’autre d’une ligne ou d’une surface qui fait frontière à un moment. Cela peut créer un balancement, comme des allers-retours en matière de poids du corps au-dessus de cette ligne ou de chaque côté de cette surface, sans déplacement des pieds. Comment passe-t-on une frontière entre plusieurs activités : que se passe-t-il quand je change de « casquette », par exemple entre un espace-temps où je suis compositeur et un autre où je suis régisseur son ? [Sidoroff, 2018a, p. 50]

Emmanuel Hocquard qualifie la lisière de : « tache blanche ». Assez longtemps, j’ai compris et lui ai fait dire « tâche blanche ». L’accent circonflexe avait beaucoup de sens, en évoquant à la fois le travail à faire (par la tâche) et un espace à explorer caractérisé par sa situation entre les choses (par l’adjectif légèrement substantivé de « blanc »). Derrière cela, je comprenais, et comprends encore, une invitation à venir habiter, parcourir et pratiquer de tels espaces. La « tache blanche » est très présente dans les travaux d’Emmanuel Hocquard : elle évoque les endroits inexplorés des cartes géographiques<1997, §2-§3>, où l’on ne pouvait pas encore savoir ce qu’il fallait écrire ni dans quelles couleurs. La « traduction tache blanche » pour lui, une « activité tâche blanche » pour moi, c’est créer des « zones inexplorées (…), c’est gagner du terrain »<1997, §4 et 6bis>. Dans mes habitudes de vocabulaire, je dirais aussi : créer du possible. [Sidoroff, 2018b, pp. 263-264]

…blanche.

Après ces premiers éléments sur les mots « tache » et « tâche », il est nécessaire de s’attarder sur ce mot « blanche ». Il est aussi à explorer… L’adjectif comme le substantif « blanc » est au cœur d’une belle ambivalence entre le plein et le vide, l’addition et le manque, et ils nous obligent à une pensée décoloniale ; obliger au double sens de nous mettre dans la nécessité de, et de nous rendre service.
La couleur « blanche » qualifie ce « qui, combinant toutes les couleurs du spectre solaire, a la couleur de la neige, du lait, etc. » [Cnrtl I.A.1]. Nous voyons ces couleurs se décomposer avec un prisme, ou avec des gouttes d’eau donnant alors un arc-en-ciel, ou encore en regardant la surface d’une bulle de savon. Le code de couleur RGB hexadécimal du blanc est #ffffff, c’est-à-dire tous les curseurs rouge, vert et bleu au maximum. C’est la même chose dans le domaine sonore : un bruit « blanc » se compose de façon égale de toutes les fréquences de l’audible, de l’ensemble du spectre sonore audible avec la même énergie pour chacune des fréquences. Mais une « voix blanche » vient désigner une voix sans timbre à laquelle il manque quelque chose… Un « chèque en blanc » est à la fois vide parce qu’à remplir, et plein de promesses possibles parce que justement on peut le remplir !
Le Dictionnaire historique de la langue française (DHLF) explique : « De bonne heure, l’adjectif se charge de la valeur symbolique de « non terni, pur » (…) Il réalise la valeur négative de « manque » dans un certain nombre d’emplois. » Pendant un discours, un « blanc » désigne un silence, comme un vide qui peut laisser penser les participant·es. C’est aussi l’espace libre, l’interligne qui organise un texte dans une page qu’on qualifie de blanche quand elle ne porte pas encore de traces. L’expression « nuit blanche » dit l’absence de sommeil ou le surcroît d’activités. C’est aussi le cœur d’une cible de tir et par extension la cible elle-même, comme dans l’expression « tirer au blanc », mais « tirer à blanc » c’est pour de faux, alors que « couper à blanc » comme « saigner à blanc » qualifient plutôt le fait d’aller jusqu’au bout et de ne rien laisser. Le mot « blanc » est donc riche dans un contexte d’invitation à explorer…

D’autant plus que « Blanc·he » peut désigner le fait d’appartenir à la race blanche fabriquée par le racisme. Par exemple, le Littré définit l’adjectif « blanc » aussi par la couleur de la neige et du lait. Il ne précise pas la combinaison des couleurs du spectre solaire, ce qui est compréhensible dans le contexte historique d’un dictionnaire de la fin du XIXe siècle. Contexte historique à prendre aussi en compte lorsqu’il écrit pour le substantif : « un blanc, une blanche, homme, femme appartenant à la race blanche. Un blanc et un nègre ; une blanche et une négresse ».
Quand Emmanuel Hocquard exemplifie la « tache blanche » qu’il vient de nommer avec la « carte de l’océan » blanche sur blanc de Lewis Carroll dans La chasse au snark de 1876 [Hocquard, 1997, §1 ; 2001, p. 402], elle est laissée libre à l’imaginaire et aux possibles. Mais une tache blanche dans une zone inexplorée d’une carte géographique évoque aussi le contexte des conquêtes coloniales européennes. Décréter une zone comme inexplorée passe sous silence toute la suite de la phrase : inexplorée pour qui, pour quoi ? C’est souvent plus précisément : une zone pas encore explorée par nous qui nous disons que ce serait bien de le faire, des fois qu’il y ait des choses intéressantes pour nos affaires à nous !
Dans un geste d’exploration, avec quels murs partons-nous construire d’autres murs ?

Donc des vigilances à avoir

Au départ de mon travail de thèse, j’avais nommé une vigilance [2018b, p. 269], comme une manière de garder constamment un regard critique sur mon travail : m’appuyer sur l’éducation populaire politique [Morvan, 2011] et la construction de savoirs sociaux stratégiques [Carton, 2005].
Je préciserai aujourd’hui avec trois aspects complémentaire, pour l’expliciter plus fortement (déjà à moi-même). 1/ Comme leur désignation l’indique, ces savoirs sociaux stratégiques sont des savoirs, ils sont donc construits et à construire. Les travaux de Léa Laval [2016 ; 2019] sont extrêmement précieux pour prendre en compte les processus, méthodes et manières de les établir (les élaborer et partager), et pour considérer les relations entre les activités de recherche et de lutte contre les dominations, avec Myriam Cheklab [2019]. 2/ Ces savoirs sociaux stratégiques ont une dimension « lutte des classes », féministe, non-binaire, décoloniale : fondamentalement intersectionelle. Ne jamais l’oublier quand je travaille aujourd’hui en 2021 sur des pratiques musicales dont un des rhizomes essentiels est le free-jazz afro-américain lié aux luttes pour les droits civiques, sur des pratiques musicales qui revendiquent fabriquer du reggae roots créole réunionnais depuis la France métropolitaine, dans un milieu masculin en extrême majorité, etc. Et 3/ ces savoirs sociaux stratégiques sont situés et conscients de leur situation. Je suis blanc, homme, cis-genre, hétéro, de presque 50 ans… cela commence à faire déjà beaucoup en termes d’avantages et de « privilèges » (voir cette entrée du Dictionnaire des dominations [Manouchian, 2012, pp. 285-288]). Et il faut que je rajoute : doctorant et prof de prof de musique ! Cela triple presque l’intimidation épistémologique depuis la position d’une personne instituée sachante, savante, c’est-à-dire perçue comme remplie de savoirs reconnus et valorisés, valorisables (des savoirs à tendance hégémonique qui font domination). Dire que faire de la recherche c’est en fait intensément douter et poser des questions en partageant une manière de penser (et tout le monde pense !) ; dire qu’être « prof » c’est en fait mettre en place et tenir des dispositifs pour que les personnes qui le vivent apprennent (et tout le monde apprend)… ne suffit pas. C’est en actes et sur la durée que ces dimensions peuvent commencer à se saisir et s’éprouver. L’imaginaire scolaire français a des représentations fortement ancrées.

 

Habiter une, des lisières ?

Être musicien et danseur

L’expression « noyau à lisière » permet donc, en premier lieu d’évacuer radicalement des représentations en boîtes rigides à frontières ou en cases limitantes et excluantes. (…)
Prenons un exemple artistique : la musique et la danse. En les considérant comme pratiques fortement marquées par une histoire de mise en disciplines, elles sont nettement séparées. Tu es musicien·ne, tu es danseur·se ; tu donnes (tu vas à) un cours de musique ou de danse. Il y a des cases, des boîtes ou des tubes d’un côté comme de l’autre. Le croisement est possible mais rare et difficile, et quand il a lieu, c’est de manière exclusive : tu es ici ou là, d’un côté ou de l’autre, tu passes une frontière à chaque fois.
En considérant la musique et la danse comme des pratiques humaines quotidiennes, elles sont extrêmement mêlées : faire de la musique c’est avoir un corps en mouvement ; danser c’est produire des sons. On mène depuis 2016 une recherche-action entre PaaLabRes et Ramdam, un centre d’art. Elle associe des personnes plutôt musiciennes (nous, membres de PaaLabRes), d’autres plutôt danseuses (des membres de la compagnie Maguy Marin), un plasticien (Christian Lhopital), et des invité·es régulièr·es en lien avec les réseaux ci-dessus. On expérimente des protocoles d’improvisation sur des matériaux communs. Dans les réalisations, chacun·e produit des sons et fait des mouvements en rapport aux sons et mouvements des autres, chacun·e est à la fois musicien·ne et danseur·se. Pour moi, l’état de corps (les gestes dont ceux pour faire de la musique, les attentions, les sensations, et la fatigue) sont très différent·es que celui que j’ai dans une répétition ou un concert d’un groupe de musique. Elles sont même beaucoup plus riches et intenses. Avec le vocabulaire utilisé dans les paragraphes précédents, dans ces réalisations je suis dans une forme de lisière tâ/ache blanche danse-musique. Un premier bilan qu’on est en train de tirer montre que dépasser nos boîtes disciplinaires (exploser la frontière, faire exister la lisière) est difficile. [Sidoroff, 2018b, p. 265]

Créer en situation, exemple d’une sonorité de roulèr

Une des expressions qui synthétise un fil conducteur de mes pratiques est celle de « création collective en situation ». La création en question relève autant de la production sonore que de savoirs. Une telle création est à l’échelle du groupe concerné et elle peut être une petite découverte très localisée. Il ne s’agit pas forcément d’une nouveauté inédite pour le monde tout entier, mais déjà une simple chose pas encore connue (inouïe) pour/dans/par le collectif en présence.
Supposons que l’on essaye d’avoir un son de roulèr (tambour basse à gros diamètre typique de l’île de la Réunion) sur un disque, dans des conditions matérielles où l’on ne peut pas avoir un roulèr et le matériel d’enregistrement au même endroit ? On essaye, on cherche, on expérimente, on devrait trouver quelque chose. Alain Péters par exemple a bien enregistré l’équivalent d’un kayamb (tout aussi typique de l’île de la Réunion, un cadre en bois qui enserre des tiges de roseau qui enferment des graines) en frottant des sacs plastiques [Poulot, 2016, 31’45-32’02] ! L’anecdote est connue dans le milieu des prises de son des musiques réunionnaises. Et de notre côté, on s’est aperçu qu’on obtenait l’équivalent d’un son de roulèr pour le groove qu’on cherchait, avec une baguette prévue pour des gongs, tapant sur la peau légèrement détendue d’une conga médium, en prenant le son assez près de l’endroit de la frappe… (voir l’intro de la chanson « Traka » de Mawaar [2020]). On n’est vraiment pas sûr d’être les premiers au monde à l’avoir fait, mais on a inventé sur place une manière qu’on n’avait pas avant, avec le matériel disponible autour de nous pour arriver à quelque chose nous satisfaisant, alors qu’on commençait à se dire qu’on allait abandonner l’idée (et donc devoir inventer musicalement autre chose).
Ce premier récit pourrait suffire pour le petit point que je cherchais à illustrer : une « création » pour nous, sans aucune prétention de primauté historique, inventée par et pour nous (on était deux à travailler pour un groupe de huit). C’est ce récit dont j’ai la trace dans mes notes de ce jour-là : « trouvaille : son roulèr, conga méd. bag. blanche * ». Tout le processus amenant à cette « trouvaille » est caché derrière ce mot écrit trop vite. Le « * » est un signe pour dire : revenir assez vite dessus pour raconter et détailler. Parce qu’un tel récit ne suffit pas, il laisse croire à une création de l’ordre technique-lutherie (utiliser cet instrument ainsi) sans plus d’interactions. La formule « nous satisfaisant, alors qu’on commençait à se dire » est un raccourci trop rapide. Il nous faut être plus précis, sinon des éléments importants sont implicites. Et ceux-ci peuvent limiter la compréhension et laisser croire à des recettes simples, qu’il suffirait de copier-coller telles quelles, alors qu’elles sont extrêmement situées et en interaction avec beaucoup d’autres aspects. Dire « un son de roulèr » sans plus préciser le contexte n’a pas beaucoup de sens. Rajouter « pour le groove qu’on cherchait » commence tout juste mais ne dit pas encore beaucoup. Il s’agit un peu de la précaution minimum pour localiser l’action et ne pas la généraliser trop vite.

Cette sonorité de roulèr en interactions

Prenons alors le temps d’un récit plus détaillé. Celui présenté ici est le résultat de plusieurs couches d’écriture depuis ce jour et cette note sur laquelle je voulais revenir : quatre se sont succédées. La première est ci-dessus, puis est arrivée très vite la deuxième qui commence ci-dessous. La troisième est devenue nécessaire en se rendant compte que ce deuxième récit allait encore trop vite à un endroit. Elle a demandé plusieurs ré-écritures dans l’écriture. Et enfin la quatrième correspond à cette version dans cet article. Elle bénéficie à la fois de l’élargissement des destinataires et de plusieurs partages et discussions dans des cercles proches (merci !).

Revenons à ce moment d’enregistrement du son de roulèr. Et donc commençons par dire plus exactement : on a fini par trouver le son de roulèr qui nous convenait (sous-entendu pas immédiatement) dans une utilisation (parmi de nombreuses autres possibles) de cette sonorité à cet endroit, à savoir l’intro d’une chanson (et pas à un autre moment musical). Le roulèr peut aussi être à la base d’une musique de danse dans un ensemble de percussions, il est alors souvent frappé à pleines mains, avec des impacts marqués pour porter un soutien énergique à la dynamique globale. Ce n’est pas ce son-là qu’on a trouvé. Mais c’est celui qu’on a un peu cherché, au début. L’idée initiale était de renforcer la grosse caisse déjà enregistrée. On a alors essayé différentes tensions de peau d’une grosse caisse de batterie, la peau de frappe et celle de résonance. On a mis différents tissus dans cette caisse, plus ou moins en appui sur une ou les deux peaux, en tapant avec différentes parties de la main à différents endroits de la peau, avec différentes baguettes ou battes, etc. En fait, c’est allé assez vite : d’un côté on en avait déjà discuté avant plusieurs fois et fait des essais dans le local de répétition quand on travaillait les musiques réunionnaises, en cherchant un son équivalent roulèr à la grosse caisse alors que tout le monde jouait ; et d’un autre côté j’avais tenté des choses seul dans une optique d’enregistrer une telle partie en isolant phoniquement cet instrument du reste. On a refait quelques essais ensemble, mais on ne s’approchait pas de ce qui nous convenait. On est passé sur un tom basse, sans plus de succès. La première piste, transformer l’utilisation d’un élément de batterie, se relevant peu fructueuse, on regarde puis on commence à taper-écouter un peu partout. On est deux dans un local de musique avec plusieurs instruments. Je me souviens avoir aussi essayé différentes frappes sur les deux tables présentes, plus ou moins près du bord, en mettant l’oreille à différents endroits pour chercher un son de frappe et sa résonance. C’est un petit temps d’errance, et dans celui-ci, a posteriori, on peut faire ressortir deux moments parmi beaucoup d’autres. D’une part, celui où résonne la peau de la conga médium, mais on ne s’y arrête pas directement en disant « c’est ça ». Et d’autre part, le moment où on se dit qu’on pourrait changer notre idée musicale, en cherchant non pas un renfort mais un complément. Ce changement d’un seul mot implique à la fois une légère modification de l’arrangement sur lequel nous partions (l’équivalent roulèr commencerait plus tôt), et aussi de trouver le minimum de renfort nécessaire de la grosse caisse existante, par un mixage particulier sur le passage en question (donc un mixage particulier de la basse et du médium d’une des guitares, de l’équivalent roulèr qu’on n’avait pas encore, et une attention sur le placement du triangle en haut du spectre sonore pour arriver à cela : le son d’un instrument est fonction de -presque- tous les autres). Et on est suffisamment avancé dans les mixages pour savoir que c’est possible, sinon on aurait sans doute essayé un peu pour vérifier cette possibilité.
Mais là encore, il est intéressant d’appuyer sur « pause » et de prendre le temps de déployer tout ce qui est écrasé dans le raccourci que je viens d’utiliser. Raconter ainsi, c’est résumer-condenser a posteriori… Revenons au début de ce temps d’errance. On n’a pas eu d’échange verbal du type : « on voulait un renfort, passons à un complément ! » qui a entraîné toute la suite. Dans ces moments de bricolage, on parle assez peu en concept précis (et significativement pertinent du premier coup), même si de nombreux sont présents et sous-entendus, que chacun·e ne conscientise ou verbalise pas de la même façon. Je n’ai malheureusement pas de traces exactes de ce qu’on s’est dit à ce moment. Mais j’ai déjà vécu de telles situations dans de nombreux moments de ma vie musicale, le dialogue devait ressembler à :

« – on n’y arrive pas » {Partager les impasses, vérifier et se mettre d’accord qu’on y est tous les deux.}
« – qu’est-ce qu’on peut faire ? » {Poser cette question peut paraître utile, elle est sous-entendue dans le « ouais » de la tête ou le regard échangé après le premier constat. Mais elle laisse un peu le temps de réfléchir, et des fois que l’ami en face ait de quoi répondre, pourquoi pas avec des mots, parce que du côté de celui qui pose la question, il ne sait pas encore bien quoi faire…}
« – trouver autre/s chose/s ! » {Solution facile ! Mais le mot « chose » est très pratique dans ces cas-là. Ici, il peut évoquer à la fois des sonorités, des manières de s’y prendre et/ou de reconsidérer la question, etc. Il est suffisamment imprécis pour ouvrir des pistes potentiellement différentes pour chacun de nous, mais pas trop parce qu’on reste accrochés au problème partagé de départ, dans la situation un peu plus instruite du fait de l’impasse constatée. Ainsi, derrière de telles « autres choses » (qui sonnent identiquement au singulier ou au pluriel), vient se mélanger d’autres sonorités qui continue d’évoquer le roulèr, d’autres emplois de cette idée musicale en lien avec d’autres choix d’arrangement, d’autres possibilités d’enregistrement et/ou mixage, etc. On ne s’est pas explicité tout cela, les trois mots ci-dessus étaient juste le signal que toutes ces choses et d’autres encore étaient en route. Elles prennent plus de temps à décrire qu’il nous en a fallu pour faire la trouvaille en question.}

Une fois l’impasse partagée et cette recherche d’autre/s chose/s en cours, nos oreilles se sont ouvertes à d’autres types de sons (comme une écologie des imaginaires ?). On a ré-entendu (presque) tous les sons qu’on avait essayés depuis le début de notre recherche. La conga médium avait été mise de côté de part (ce qu’on estimait être) la trop petite taille de sa peau de frappe, mais elle a refait apparition. On s’est rendu compte que là on tenait un début de piste satisfaisante (enfin !), notamment avec cette grosse baguette de percussion de musique classique utilisé par exemple sur les gongs (qu’on avait enregistrés à la session précédente). Il ne restait qu’à affiner cette piste au mieux. Et affiner cela, veut aussi dire affiner tout le reste dans un mouvement d’ensemble, notamment en termes d’arrangement et de préparation du mixage. Le volume sonore promettait d’être considérablement plus faible que celui d’un roulèr pleinement frappé, mais on savait qu’on pourrait le travailler au mixage. Alors, on est allé chercher plus précisément la frappe et la place du micro pour obtenir le meilleur complément. De nouveau, j’emploie ce terme de « complément », mais il n’était pas là au moment des actions et gestes de trouvaille. La formalisation du passage d’un renfort à un complément, avec ce choix de mots, est postérieur. Je ne me souviens plus exactement quand cette verbalisation se stabilise, mais ce n’était pendant que l’on affine la prise de son. À ce moment-là, on commence par frapper, écouter, on ne commente que la place du micro ou la frappe, sans faire des phrases, à l’aide de quelques mots et surtout des gestes. Mais elle peut se verbaliser après, dans des temps de ré-écoute des prises. Pendant ces moments, le temps est plus calme : on est à deux endroits différents, il y a un déplacement entre la position de jeu et d’écoute et celle-ci dure un peu. Et là, on utilise plus facilement des phrases complètes pour commenter ce qu’on entend et se projeter dans la suite. Et il est fort possible que les mots « renfort » et « complément » ne soient pas les premiers venus pour qualifier ce qu’il s’était passé ; en tout cas, ce sont ceux qui restent, après. Ils sont une construction qui a pris son temps, comme l’utilisation de cette conga médium.

La petite création localisée que je viens de décrire n’est donc pas qu’une trouvaille technique, comme le premier récit raccourci pouvait le laisser croire[6]. Mais elle est une riche interaction autour de la sonorité : entre son utilisation musicale dans un ensemble d’autres sonorités (place, rôle et arrangement), l’instrument pour la donner à entendre, son jeu, son enregistrement et son mixage. On n’a pas agi ni réfléchi dans des cases ou murs trop strictement « ingénieur·e du son » ou « instrumentiste ». C’est le fait de traverser de tels murs qui nous a permis de construire ce jour-là une sonorité qui nous manquait. Dans nos expérimentations et tâtonnements, on a évidemment en pris en compte le jeu (les gestes pour obtenir le son) et l’enregistrement-mixage. Mais de manière inextricable, sont venues s’entremêler des considérations d’arrangement, de production du disque (temps et lieux disponibles pour pouvoir enregistrer cette piste, puis mixer ce morceau, l’album), de lutherie, etc. Avons-nous pour autant habité une lisière, même très localement ? Ou bien plutôt : avons-nous franchi plein de frontières, allégrement et plusieurs fois de suite dans tous les sens ? Il y a quelques années, j’aurai répondu « lisières, bien sûr » sans hésiter, et en insistant sur le pluriel. Aujourd’hui je ne trouve pas la réponse aussi facile. Il me faudrait plus et mieux qualifier de telles lisières : travail en cours !

Dans ce que je condense avec la formule « création collective en situation », la dernière expression « en situation » décrit à la fois le contexte d’un moment ou d’une circonstance comme décrite ci-dessus, mais aussi celui d’une histoire particulière, dans une temporalité plus large. J’ai rencontré les musiques réunionnaises avec des personnes les jouant et sachant beaucoup de choses, et j’ai eu très vite plaisir à jouer et discuter. Donc j’ai passé du temps avec elleux notamment en jouant ces musiques. (Je fais la même chose depuis plusieurs années avec le reggae roots.) J’aurai pu rencontrer des personnes et groupes faisant du rap ou de l’électro ou d’autres choses, j’aurai alors sans doute passé du temps sur de telles musiques et pratiques.

Quelques musiques de l’île de la Réunion

La deuxième branche de la musique que je pratique vient donc de l’île de la Réunion. Dans ces petites îles dites mascareignes de cette partie de l’Océan Indien, il y a des musiques spécifiques qu’on appelle le maloya et le séga. Et je joue cette musique avec des Réunionnais·es depuis une vingtaine d’années, principalement de la trompette dans une section de cuivres.

Le maloya est ré-apparue sur le devant de la scène dans les années 1970s grâce aux communistes et aux indépendantistes. C’est dans cette période aussi que le reggae a percé internationalement, après que le rock et les musiques amplifiées se soient développées dans l’île, et pas seulement pour être écoutées. Elles ont été jouées, appropriées et bricolées localement devenant « maloya électrique » [Compilations, 2016a, 2016b, 2017]. Alors s’est développé ce qu’on appelle le malogué ou maloggae, mêlant maloya et reggae. C’est devenu un mélange très moderne, nourri de musique traditionnelle, de musique populaire et de musique du moment. Je joue avec une famille qui est venue en France il y a trente ans. On jouait cette musique malogué, séga et seggae dans le groupe Margoz puis Koodakood, avec notamment le père qui chantait, jouait de la basse et dirigeait l’ensemble, et son fils qui chantait et jouait de la batterie. Il n’avait pas encore 18 ans quand je l’ai rencontré. Et il n’avait qu’une dizaine d’années quand le malogué se créait, il n’arrivait pas à atteindre la pédale de grosse caisse ! Aujourd’hui, le groupe s’est reconfiguré sur une base reggae roots et s’appelle Mawaar. Cela veut dire « je verrai » en réunionnais, une bonne partie est chanté en créole. Et on travaille toujours ces musiques réunionnaises, même si on ne les joue plus sur scène. Le père dont je parlais est à la basse, et c’est le fils qui est très actif. Il joue de la guitare et de la batterie, il chante, il est un de ceux qui amènent beaucoup de musique.

Reggae, maloya, malogué viennent musicalement « par le bas », à la manière dont Louis Staritzky parle d’expérimentation urbaine [2018]. Pour le dire avec l’idée de murs : ces musiques et pratiques musicale viennent d’en dehors des murs massifs et solidifiés des structures déjà établies. Il serait intéressant de regarder l’apparition de cette musique maloya-reggae (cette créolisation), avec les épistémologies du Sud, au départ des travaux de Boaventura de Sousa Santos[7], par exemple « la sociologie des absences et des émergences » [2011, pp. 34-58, §43-60 ; 2016, chap. VI, pp. 241-273]. Une sociologie des absences : « une enquête dont le but est d’expliquer que ce qui n’existe pas est en fait activement produit comme non existant, c’est-à-dire comme une alternative non crédible à ce qui existe » [2016, p. 251] ; une sociologie des émergences : « une enquête sur les alternatives contenues dans l’horizon des possibilités concrètes » [2016, p. 269]. Ce sera pour une prochaine fois[8], peut-être en lien avec Youcef Chekkar qui mène sa recherche avec de telles approches sur les « usages du cinéma dans le contexte algérien post-guerre civile » [2018].

Je voudrais aborder cette création en creusant encore un peu la notion de lisière. Emmanuel Hocquard a donné de la consistance à celle-ci comme un possible développé par l’action de traduire, avec cette double affirmation à propos de poésies américaines traduites en français :

– « ça, jamais un poète français ne l’aurait écrit ».
– Peut-être pourrait-on exprimer la même chose de cette façon : « ça, jamais un Américain ne l’aurait écrit ». [1997, §5 et 5bis ; 2001, pp. 403-404]

Le malogué ou le seggae sont typiquement à cet endroit : les groupes de reggae n’auraient jamais joué ça, ceux de maloya ou de séga non plus. Il y a une filiation, une relation mais avec la fabrication d’une distance et d’un terrain comme les cherche Emmanuel Hocquard [1997, §3-4 ; 2001, p. 403]. Ces musiques sont dans le même temps très ressemblantes et très différentes. Je vous propose trois compilations balayant assez largement les années 1980s et 1990s : une de reggae roots, une autre de maloya et une troisième de malogué pour pouvoir passer de l’une à l’autre…

Reggae Roots :
Maloya :
Malogué[9] :

Même si une seule compilation ne peut pas donner à entendre l’immense variété de chacune de ces étiquettes stylistiques, chacune donne quelques noms comme autant de pistes pour aller plus loin. Même si les rencontres se font entre des personnes et des groupes, des singularités et des subjectivités à un moment présent, plutôt qu’entre des catégories stylistiques construites après coup, il y a, entre ces trois « genres » aujourd’hui établis, une intensité à la fois de dissemblances et de rapprochements. Ils sont fondamentalement différents mais en très denses complicités et parentés.

NAÉSSAYÉ, second couplet et refrain de la chanson « Na Éssayé » de Philippe Lapotaire [1991] :
Ti pren un maloya, pou mélange avec reggae, Yé, yé, yé
Tout’ danse dan mon vie, maloya ou bien reggae, Yé, yé, yé
La misik lé pareil, mé le style li la change un pé, Yé, yé, yé
Pou zèn Réyonés, nou vé pa trompe nout bann vié, Yé, yé, yé
Sak mi di zordi :
Na essayé ouh, na mélanzé, Na essayé, na essayé, na mélangé,
Na essayé ouh un malogué, Na essayé, na essayé, un malogué.

Mon exploration sur les lisières d’activités cherche ces moments et lieux d’un « ça, jamais une personne centrée principalement sur la création (ou sur la performance ou la recherche ou autre) ne l’aurait fait », et toutes les réciproques. Un des phénomènes de la créolisation d’Edouard Glissant se trouve aussi dans de tels « ça jamais mais en fait si ». Le « jamais » est facile dans la formule, mais est souvent un peu trop abrupte. Continuons les explorations !

 

Dans certains contextes, approcher la notion de mur de séparation (notamment entre des catégories d’activités) comme une lisière de possible me semble être intéressant. Une lisière est un espace et un temps qui peuvent être occupés de différentes façons, on peut y développer des activités. De tels espaces-temps peuvent être habités en faisant rencontrer des éléments venant de plusieurs autres temps et espaces, on peut y avoir la possibilité d’expérimenter des nouvelles choses.

 


Références

Toutes les URL ont été consultées le 28 février 2021.

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Notes de bas de pages

[1]. De façon volontaire et militante, je pratique l’écriture inclusive. Et je le fais de la façon suivante : j’utilise des expressions du type « ille » ou « celleux » ou alors avec un unique point médian comme dans musicien·nes ou chercheur·ses. Cette typographie me semble être le meilleur point de (dés)équilibre entre signifier l’existence en les rendant visibles d’autres personnes que des mâles cis-genre, et garder une fluidité de lecture. La double-flexion consiste à dire ou écrire : « il et elle », elle fait encore exister une binarité. L’expression « ille » me semble être à la fois très lisible et compréhensible. Et il s’agit d’un nouveau mot qui n’est pas encore très courant ni dans les dictionnaires. C’est-à-dire qu’il faut en construire un sens… c’est à la fois un « il » et une « elle » ? mais pas uniquement ? Mais pourquoi pas uniquement ? Donc peut-être quelque chose comme… « yel » ou un autre pronom que certaines personnes préfèrent qu’on utilise pour parler d’iel ou ile, plutôt que d’utiliser « il » ou « elle » ? Peut-être participons-nous là à une invention d’un nouveau genre grammatical ? Je me permets un « nous » parce que ce type de réflexion et de pratique est partagée dans plusieurs réseaux auxquels je participe. Souvent il nous arrive d’expliciter ces éléments en lien avec cette pratique d’écriture, par exemple au début d’un document ou dans une note de bas de page.
C’est la même chose avec un point médian. Lire « chacun·e » est facile, on prend vite l’habitude, et ce n’est pas uniquement « chacun et chacune », ce sont des êtres vivant avec toutes les diversités imaginables, et même avec d’autres que nous n’arrivons pas encore à suffisamment imaginer. Et pour moi, un seul point suffit à ce petit dérangement, cela reste lisible tout en pointant ces questionnements.
D’autres questions restent ouvertes… Quel passage à l’oral hors de la double-flexion pour dépasser la binarité ? (un genre neutre à développer avec une déclinaison orale semble être une piste intéressante, voir par exemple le travail de thèse d’Alpheratz). Qui travaille ces sujets et depuis quelles positions ? Sur le dos de qui cette forme d’écriture s’exerce ? À suivre.

[2]. Centre de ressources professionnelles et d’enseignement supérieur artistique. L’acronyme vient de l’appellation : Centre de formation des enseignant·es de la musique.

[3]. Une formule réduite dite Petit Goulash, a proposé deux versions du « Schème Moteur » d’Alain Savouret dans l’édition « Partitions graphiques » de ce site PaaLabRes.

[4]. Ce lieu est une très belle source des musiques, d’histoires et de savoirs sur les scènes dites « downtown ». Voir par exemple, les mails impressionnant envoyés chaque semaine présentant quantité de disques, avec notamment Emanuel ‘MannyLunch’ Maris et Bruce Lee Gallanter (surnommé « Downtown Musicologist Emeritus »).

[5]. Voir notamment la 2e partie « « Au-delà des catégories » : alors quoi de nouveau ? », et plus précisément la note 2 concernant la distinction uptown et downtown.

[6]. Et ce second récit n’est pas encore suffisant, on pourrait encore en raconter d’autres venant à chaque fois détailler ou préciser ces interactions, et peut-être aider à qualifier des endroits de lisières. Par exemple au départ d’un enregistrement de la session et d’un entretien d’autoconfrontation (mais les micros devaient enregistrer le roulèr-à-venir, la caméra de témoignage n’est pas dans nos habitudes), ou avec des récits depuis d’autres points de vue, dont celui du collègue avec qui j’étais en expérimentation ce jour-là (je prévois de le faire), etc.

[7]. Boaventura de Sousa Santos est portugais, participe à l’aventure du Forum Social Mondial. Il a travaillé en Amérique du Sud, en étudiant les communautés subalternes et dominées, comment elles s’organisent et comment elles utilisent et produisent des savoirs non reconnus ou non considérés par les colonisateurs et les occidentaux. Et il a mis cette expression sur le devant de la scène : « les épistémologies du Sud ». Il est très intéressant d’observer comment, maintenant, de plus en plus de travaux à l’université sont en train de se poser ce type de questions : la domination reste encore celle de l’objectivité des blancs, du Nord, de l’Occident… (nous n’avons pas tou·tes le même rapport à une tache blanche).

[8]. On (l’ensemble des collègues avec qui j’ai joué cette musique et joue encore des musiques nourries de celle-ci) n’a pas encore suffisamment creusé cette question. D’une part les années 1970s et 1980s sont très riches en changement à la Réunion ; et d’autre part, une fois diffusé, notamment après le disque Oté La sere de NAÉSSAYÉ en 1991, le malogué est sorti d’une absence et a émergé ! Le passage d’un possible expérimenté sous les radars institués à une visibilité aboutissant à des productions et un (petit) soutien des politiques publiques serait intéressant à mieux expliciter, en tout cas en faisant mieux que les trop gros raccourcis qui viennent d’être utilisés.

[9]. En un peu moins de 30min, ces 19 titres représentatifs donnent une bonne idée de ce que peut être la richesse de la rencontre entre reggae et maloya. NB : la chaîne youtube Seggaeman974R est très riche en titre et raretés sur les musiques réunionnaises.
Pour avoir une idée du séga et du seggae, voir par exemple l’intro du premier morceau de l’album Live de Ras Natty Baby [2009] : le tout début batterie et percussions est séga, l’entrée de cuivres à 0’40 après le grand « Rastafari… » fait passer à un seggae qui s’entend vraiment dès 0’47… La chaîne youtube joliememzelle a aussi de belles collections d’albums historiques de musiques des îles mascareignes.