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Editorial 2016

English Editorial


Plan PaaLabRes (2016)
Pratiques Artistiques en Actes, LABoratoire de REchercheS

Sommaire

Guide 2016
Ligne « Cartographie PaaLabRes »
Ligne « Politique »
Ligne « Improvisation »
Ligne « Recherche artistique »
Ligne « Compte-rendu de pratiques »
mini-Plan PaaLabRes, édition 2016

 

L’Édition 2016 se présente comme un plan de métro, composé de cinq lignes. Chaque ligne représente un aspect important des préoccupations du collectif PaaLabRes :  Cartographie PaaLabRes ,  Politique ,  Improvisation ,  Recherche artistique  et  Compte-rendu de pratiques .

En voici le mode d’emploi…

 

Guide 2016

L’Édition 2016 comporte 18 textes (parfois des voix parlées enregistrées, parfois des textes animés sous forme de vidéos). On peut y accéder en cliquant sur chacune des 18 stations du métro.

Et l’édition 2016 comporte 72 extraits d’objets artistiques (enregistrements audio, vidéos, images, textes animés) réalisés par 36 artistes. Ces objets artistiques, que nous appelons « Itinéraires-chants », se trouvent placés entre les stations de la ligne centrale  Cartographie PaaLabRes . Pour y accéder il faut cliquer sur une des stations de cette ligne centrale et lire (ou ne pas lire) le texte. Sur la droite du texte (ou en dessous du texte) se trouve un plan de la ligne centrale bleue. On peut cliquer sur n’importe quelle station sur ce plan et un Itinéraire-chant apparaîtra qui vous mènera agréablement vers la station sélectionnée. Un générique décrivant l’itinéraire-chant apparaît à la fin de l’extrait avec le titre et le nom (ou les noms) des artistes. Il y a 9 stations sur cette ligne, ce qui donne 72 possibilités de parcours entre deux stations.
Voir la liste des itinéraires-chants et la liste des contributeur·ices 2016.

 

Ligne de métro  « Cartographie PaaLabRes » 

Au centre de ce plan de métro se trouve une ligne circulaire, qui est là en quelque sorte pour fonder notre démarche PaaLabRes. Les stations de cette ligne représentent les neuf concepts qui nous paraissent importants : « Nomade », « Transversal », « Expérimental », « Discipline », « Praxis », « Musique à faire », « Opérations culturelles », « Oralité », « Écologie des pratiques ». Chaque station de cette ligne est reliée à toutes les autres par des « Itinéraires-Chants ». Le lecteur choisit une des stations-concepts, peut en lire le texte, le parcourir ou l’ignorer, puis, choisissant n’importe quelle autre station-concept est mis en présence d’un « Itinéraire-Chant » (texte, enregistrement sonore, vidéo, graphisme, etc.) qui va l’emmener de manière artistique à cette nouvelle station. Cette procédure peut se répéter autant de fois que le lecteur/auditeur le souhaite. Il y a 72 « Itinéraires-Chants » reliant les 9 stations-concepts. Ces Itinéraires-Chants ont été élaborés par les membres du collectif PaaLabRes, et diverses personnalités appartenant au second cercle du collectif en France et dans le monde. Cela correspond à notre volonté de créer un véritable réseau d’artistes et de chercheurs partageant nos objectifs.

Cette idée de ligne circulaire centrale s’inspire de la pratique des aborigènes d’Australie. Le philosophe Daniel Charles ouvre son chapitre sur les « Musiques nomades » (en citant Bruce Chatwin), par une description des pratiques traditionnelles de ces aborigènes qui consistent à ne pas séparer leurs chants ou poésies d’itinéraires allant d’un endroit identifié à un autre :

L’Australie est ainsi couverte d’un réseau de pistes qui en font virtuellement […] une partition musicale. Ces pistes ne sont pas tracées sur le sol comme des sentiers ou des chemins, et elles restent invisibles à l’étranger. Il y a des points de repères – un rocher, une colline, un point d’eau, un banc de sable… – qui sont des sites sacrés, liés à d’autant d’épisodes mythologiques, et le chant ou poème conduit de site en site, en mesurant la distance qui les sépare. Le chant est itinéraire et l’itinéraire le chant.
Daniel Charles, Musiques nomades, Paris : éd. Kimé, 1998, p. 218. Bruce Chatwin, The Songlines, Londres : Cape, 1987 ; Le Chant des pistes, trad. par J. Chabert, Paris : Grasset et Fasquelle, 1988.

Ainsi de manière similaire et nomadique, la ligne centrale s’organise en « sites » conceptuels – les notions importantes qui définissent le groupe PaaLabRes – et en itinéraires-chants qui assurent la traversée d’un site à l’autre.

Accès aux stations :


 

 

Ligne de métro  « Politique » 

Une des préoccupations principales du collectif concerne la position de l’artiste aujourd’hui dans la société mondialisée (ou éminemment localisée) et du caractère forcément politique de ce positionnement. En mettant l’accent sur les pratiques plutôt que sur ce qui en résulte (les œuvres), le caractère politique des interactions entre participants ne peut pas être évité : questions relatives à l’accès aux pratiques, aux hiérarchies, à la participation à un contexte démocratique, au degré d’autodétermination des groupes en présence, etc. Il s’agit moins de développer la communication de postures politiques, ou de penser bousculer les structures existantes, que de prendre conscience du caractère politique et social des actes artistiques, dans leurs manières particulières d’interagir avec les autres. Une ligne de métro « Politique » a donc été créée.

Dans la station « Musique, recherche et politique », un texte à vignettes de Karine Hahn et Nicolas Sidoroff mixe principalement les recherches de Karine sur les pratiques musicales d’un village de la Drôme, et d’autre part celles de Nicolas sur l’éducation populaire et ses possibles déclinaisons dans le domaine de la musique. Des vignettes plus ou moins longues, plus ou moins anecdotiques viennent résonner-raisonner…

Une autre station de cette ligne « IO+IOU » contient aussi deux textes parallèles : un texte du compositeur et chercheur américain Ben Boretz, I / O, datant de 2001, portant sur une comparaison des pratiques musicales entre « poésie » et « politique », auquel répond un texte de Jean-Charles François, IOU, écrit en 2015 pour les 80 ans de Boretz reprenant les éléments textuels de l’original en transformant « poésie » par « poïesis » et « politique » par « praxis ». Un enregistrement de la version française a été réalisé avec les voix de Monica Jordan, Nancy François, Dan Haffner et Jean-Charles François. Cet enregistrement est accompagné d’un diaporama qui anime les deux textes pendant qu’ils sont parlés. Une version pdf est aussi proposée présentant les deux textes sur deux colonnes séparées et juxtaposant sur la même page les éléments correspondants de chaque texte. Ben Boretz est l’éditeur fondateur de la revue Perspectives of New Music depuis 1963, publication de recherche aux Etats-Unis centré sur la musique contemporaine. Il a aussi développé une publication Open Space Magazine (espace ouvert) dans laquelle se trouve mêlé des articles de recherche avec des textes poétiques ou expérimentaux, des récits d’expérience, des textes critiques, des partitions et des enregistrements sur CD. Il a paru important dans cette première version de notre publication électronique de faire référence à une démarche éditoriale très proche de ce que nous voulons promouvoir.

La ligne « politique » inclut aussi une station « La culture au pluriel » : il s’agit d’un texte slamé de Jean-Charles François portant sur un extrait du livre de Michel de Certeau, La culture au pluriel (Paris : Christian Bourgois Éditeur, 1980 (1974, 1993), pp. 233, 234, 235, 241). Michel de Certeau considérait que la culture au pluriel était « sans cesse un combat » à mener. La diversité des styles, des cultures et des catégories artistiques est un des aspects importants des positions du collectif PaaLabRes, qui regroupe en son sein des représentants de plusieurs expressions musicales et artistiques (classique, musique contemporaine, instruments anciens, jazz, musiques actuelles amplifiées, improvisation, littérature, musique traditionnelle,…).

Accès aux stations :

| IO + IOU | PRAXIS | GEORGE LEWIS « AFTERWORDS » |
OPÉRATIONS CULTURELLES | LA CULTURE AU PLURIEL | MUSIQUE, RECHERCHE ET POLITIQUE |

 

Ligne de métro  « Improvisation » 

Depuis la création de l’espace numérique (juin 2016), cette ligne comporte une station qui croise la ligne  « Politique »  : une traduction française d’un article du compositeur et improvisateur américain George Lewis, « Afterwords », Postface à « La musique improvisée après 1950 » : Le pareil qui change.
George Lewis est professeur à l’Université Columbia à New York et il est une figure très importante de la recherche sur l’improvisation et l’informatique musicale. Il est issu de l’AACM ou L’Association for the Advancement of Creative Musicians (Association pour la promotion des musiciens créatifs). L’AACM a été fondée à Chicago en 1965 autour du pianiste Muhal Richard Abrams. L’AACM a été un lieu de rencontre, de formation et de promotion des musiciens afro-américains. L’AACM a encouragé et soutenu beaucoup de musiciens de jazz : citons Anthony Braxton, Jack DeJohnette, Chico Freeman, Wadada Leo Smith, Leroy Jenkins, et le Art Ensemble of Chicago (Lester Bowie, Roscoe Mitchell, Joseph Jarman, Famoudou Don Moy et Malachi Favors). Voir l’article en français de Pierre Carsalade et Alexandre Pierrepont, « Georges Lewis, A Power Stronger than Itself : the AACM and American Experimental Music », Volume / 8 : 2, 8 février 2011, p. 280-293 (en ligne). C’est autour de l’histoire de l’ AACM que George Lewis vient d’écrire un opéra Afterword qui a été produit au festival de musique contemporaine de Huddersfield (Angleterre) en novembre 2015. George Lewis est aussi connu en France pour avoir été en résidence à l’IRCAM pendant les années 1980. L’article que nous publions porte sur une revendication des musiciens issus de l’AACM d’être reconnus au même titre que John Cage et les musiciens qui lui sont associés comme faisant partie de la musique expérimentale, tout en soulignant combien les pratiques effectives de ces deux groupes ont été différentes : d’un côté une approche directe de production sonore (improvisation entre autres choses) sur des instruments ou sources sonores, de l’autre des processus conceptuels basés sur l’écriture de partitions et sur l’interprétation de celes-ci.

En mars 2017, une nouvelle station voit le jour : « The Bridge ». Il s’agit d’une rencontre organisée à l’initiative d’Alexandre Pierrepont, à l’occasion du concert de l’ensemble The Bridge #4 au Périscope à Lyon, le jeudi 6 octobre 2016, entre des musiciens de ce groupe (Julien Desprez, Rob Mazurek) et des musiciens de PaaLabRes (Jean-Charles François, Gilles Laval et Nicolas Sidoroff). Les membres de Shore to shore (The Bridge #4) qui ont joué dans le concert du Périscope sont : Mwata Bowden, Julien Desprez, Matt Lux, Rob Mazurek et Mathieu Sourisseau. Suite à ses recherches sur l’AACM, l’anthropologue Alexandre Pierrepont a organisé, dans le projet du Bridge, plusieurs ensembles mélangeant des musiciens originaires de Chicago et des musiciens français, avec des tournées aux Etats-Unis et en France et la production d’enregistrements. La rencontre a porté sur la pratique de l’improvisation, sur les questions de la création sonore dans le cadre du jeu instrumental ou vocal, de création collective, des sessions d’enregistrement comme outil réflexif, d’écoute mutuelle, de communication entre improvisateurs, de la rencontre entre les cultures et d’éducation musicale.

En octobre 2019, une nouvelle station voit le jour : « Timbre ». Il s’agit de la version française d’un article de Jean-Charles François publié en anglais en 2015 sous le titre « Improvisation, Orality, and Writing Revisited » par Perspectives of New Music (Vol. 53 N°2). Cette version apparaît ici sous le titre de « Revisiter la question du timbre ». Pour l’auteur, la question de la production immédiate de la sonorité est au cœur aujourd’hui des pratiques de l’improvisation. Le contrôle du timbre dans ses moindres détails appartient d’une manière tout à fait essentielle à l’instrumentiste ou le vocaliste créateur. La description ou la représentation graphique (ou même l’échantillonnage numérique) des réalités de telles pratiques de production sonore reste très problématique.

 

Accès aux stations :

TIMBRE | NOMADE | GEORGE LEWIS « AFTERWORDS » | THE BRIDGE | ORALITÉ |

 

Ligne de métro  « Recherche artistique » 

La pratique réflexive, l’expérimentation, le bricolage, souvent considérés comme non-formels, sont ici regroupés sous la rubrique ambitieuse de « recherche artistique ». À la jonction de la ligne « recherche artistique » et de la ligne  « compte-rendu de pratiques »  se trouve la station « The artistic turn ». Il s’agit d’un résumé du livre de Kathleen Coessens, Darla Crispin et Anne Douglas, The Artistic Turn, A Manifesto. Ces trois artistes ont en commun d’occuper des postes universitaires et de mener de front leurs pratiques artistiques et les recherches formelles qui y sont associées. Le résumé est en français à partir du texte original en anglais. Cet ouvrage a été publié par le Orpheus Institute de Gand en Belgique. L’Orpheus Institute est un centre international dont l’objectif principal est la recherche artistique associée à la pratique musicale et principalement déterminée par des objectifs artistiques. Les trois auteures sont associées au sein de cet institut à l’Orpheus Reserach Centre in Music (ORCIM) qui regroupe en son sein une quinzaine d’artistes-chercheurs menant des recherches à un haut niveau. L’ouvrage est accompagné d’une préface de Jeremy Cox, directeur général de l’Association Européenne des Conservatoires et ancien doyen du Royal College of Music de Londres.

La station « Débat » consiste en un compte-rendu d’une rencontre-débat sur la recherche artistique, organisée conjointement par le Cefedem Rhône-Alpes (aujourd’hui Auvergne Rhône-Alpes) et le collectif PaaLabRes. Cette séance de travail a eu lieu le 2 novembre 2015 en présence de musiciens, artistes et chercheurs en sciences humaines, proches ou membres des deux groupes organisateurs. Il s’agissait, à partir de plusieurs textes, dont le résumé de l’Artistic Turn, de faire un premier tour de table pour définir les questions qui se posent dans l tous les domaines artistiques aujourd’hui face à cette idée de la recherche non seulement dans le contexte des institutions universitaires ou des laboratoires légitimement reconnus, mais aussi de manière très souvent silencieuse dans les lieux de production ou d’enseignement artistique. La fonction de la station débat est de créer un forum de discussion PaaLabRes avec un appel très large à des contributions d’utilisateurs du site.

Accès aux stations :

EXPÉRIMENTAL | ORALITÉ | THE ARTISTIC TURN | DEBAT |

 

Ligne de métro  « Compte-rendu de pratiques » 

Cette ligne devrait jouer un rôle important dans le futur de la publication PaaLabRes, pour constituer une base de données riches en expériences et capable de susciter des comparaisons de dispositifs ou de procédures.

À la station « Gunkanjima », vous trouverez un texte de Noémi Lefebvre sur un projet mené depuis quelques années par Gilles Laval à partir d’une collaboration entre des musiciens japonais et français. Pour Gilles Laval l’histoire de Gunkajima, un îlot au large de Nagasaki, liée à l’énergie et à l’écologie, est « une métaphore d’un monde de profit à court terme, où l’absurdité côtoie le travail forcé et aussi la gaité certainement, l’insouciance sûrement, la résignation en tout cas ou quelque chose de cet ordre là » (cf. Enquête “Meanwhile, in Fukushima”). Gilles Laval est un guitariste électrique qui développe à Lyon une multitude de projets expérimentaux, il est responsable du département Rock de l’ENM de Villeurbanne. Noémi Lefebvre a publié récemment son troisième roman, elle mène des recherches liées à la musique dans le cadre des Sciences Politiques et elle est responsable du Centre de recherche au Cefedem Rhône-Alpes (aujourd’hui Auvergne Rhône-Alpes). Tous les deux sont membres du collectif PaaLabRes.

 

Accès aux stations :

THE ARTISTIC TURN | ÉCOLOGIE DES PRATIQUES | TRANSVERSAL | GUNKANJIMA |

 

Le collectif PaaLabRes — 2016 — 2017
Samuel Chagnard, Jean-Charles François, Laurent Grappe, Karine Hahn,
Gilles Laval, Noémi Lefebvre, Pascal Pariaud, Nicolas Sidoroff, Gérald Venturi.

 


Liste des contributeur·ices 2016 | des itinéraires-chants
Aller à l’ÉDITORIAL général | l’ÉDITORIAL Carte « Partitions graphiques » (2017)

 

Itinéraire entre "Cardew" et "Cefedem"

 

Cornelius Cardew :
Revenir à Buffalo était particulièrement émouvant, dans la lumière étincelante au couché du soleil. Le soleil se couche sur le lac Erie et il doit lutter avec toute la fumée de Bethlehem Steel, ce qui le rend complètement rouge. Surtout ma vieille bibliothèque phallique favorite, son sommet brillant en mosaïques de couleurs dont je ne me souviens pas de les avoir vues auparavant. Je me souviens de m’être assis au bord du lac sous les rayons glacés du soleil en train de dessiner les esquisses des 40 dernières pages de Treatise. Alors, j’ai inclus la bibliothèque en retravaillant le début, mais pour une raison ou une autre je l’ai couchée sur le côté.

 

Extraits de dialogues d’étudiant·es du Cefedem :
[Transcription : Nicolas Sidoroff]
L’hiver est doux en cette mi-janvier 2017, au centre de Lyon. Un stage de lancement ouvre la Formation Diplômante en Cours d’Emploi (FDCE) du Cefedem Auvergne Rhône-Alpes. Des activités « musicalo-réflexives » viennent questionner les notions de procédures et de contextes. Deux groupes de quatre personnes ont choisi chacun une page différente de Treatise.
Au moment de cette discussion, un de ces groupes a commencé à jouer la page 83. Pour cette occasion, il joue d’un vibraphone, elle d’une clarinette, il joue d’une guitare acoustique, elle chante, et beaucoup utiliseront la voix. Illes sont en arc de cercle, un pupitre est devant le vibraphoniste, et les trois autres se partagent deux pupitres, chacun avec la p. 83 posée, format paysage, le numéro en bas.

Illes jouent le tout début [env. 8 sec].

– Et là, on va marquer ce truc, je pense, on est d’accord ?

– Oui parce qu’on n’a pas…

– Ça on ne l’a pas fait

– On n’a pas évoqué aussi le fait que si, qu’il peut y avoir des silences, aussi

– Ouais, ça, ça pourrait être un silence. Bon, on fait un coup pareil et nous, on marque l’arrivée

– Ou alors est-ce que ça, ça ne serait pas… on est parti sur l’idée que c’était un son, mais est-ce que ce n’est pas la ligne de…

– Oui, un référent

– …la ligne de temps, et que, en fait, tes sons, ils sont là, et donc tu as tout ça de silence ?

– Ça marche bien là notre système, c’est-à-dire que, là, tu as fait la clarinette, là, moi j’ai fait ça, là tu as la voix qui arrive, moi je peux encore faire ce petit bout, ou toi ?

– Moi je faisais une croix… vous n’avez pas entendu ma croix [rires].

Démonstration de la « croix » à la guitare [3 sec].

– Donc moi, je fais l’intersection [en tapant sur le pupitre à l’endroit où]

– Oui, donc moi je ne fais pas…

– Ah oui, la croix c’est ça

– Toi, tu interprètes en termes de, ouais c’est une croix c’est donc…

– Lui, il fait des sons

– Je fais ce qui me passe par la tête

– Et du coup, la croix tu l’interprètes comment ?

– Comme ça…

Démonstration de la « croix » à la guitare [3 sec].

– On se dit que ça c’est la croix, OK et bien moi je vais marquer l’arrivée de la voix, en bas. On refait ça ?

– Allez

– D’accord !

– Alors moi j’attends la chute et…

– Ouais, donc il faut qu’on se synchronise tous les deux

– Du coup, sur ton départ

– C’est parti ?

Illes rejouent le début [env. 8 sec].

– On la refait, j’étais pas… [rires]

– Bon, on a le début, c’est vachement bien

– Allez !

Illes rejouent le début [env. 10 sec].

– Moi je veux bien la refaire, parce que du coup, ça, ça arrive plus tard

– Ouais parce que, en fait, il faut que je le fasse plus court

– On a rallongé notre bout, faut que nous on fasse plus court, très bien

– Ouais c’est plus petit, il faut que ça soit peut-être un peu plus petit

– J’ai essayé de te suivre mais du coup il ne faut pas…

– Je peux faire le geste aussi

– Ouais mais la guitare est censée commencer avant… enfin non

– Non, elle ne fait que la croix

– C’est vrai, mais c’est un bon point de repère, musicalement ça va… c’est plus cohérent en fait

– Il est trop bien ce morceau, il va déchirer.

 

Cornelius Cardew :
Donc, de manière idéale, on devrait en composant essayer d’éliminer toute forme d’interprétation, et se concentrer sur la notation elle-même, qui devrait être nouvelle et aussi fraîche que possible (par là moins susceptible de provoquer chez l’interprète des préconceptions – pourtant, si c’est un bon interprète ses préconceptions ne risquent-elles pas d’en être aussi de bonnes ?) et devrait implicitement contenir dans sa structure interne, sans avoir le besoin de la moindre directive, toutes les implications nécessaires pour une interprétation vivante.

 

Étudiant·es du Cefedem :
Après un travail d’1h15 environ, le groupe joue sa version de la p. 83, devant le groupe qui a travaillé, lui, sur la page 56…
Quelques mots sur les choix principaux et les questions qui sont apparues ? Comment le groupe a fonctionné ?

– Il y a eu un grand débat sur la ligne horizontale, est-ce qu’on la joue ou est-ce que c’est juste une notion de temps ?

– Moi je pense que c’est un bourdon…

– Un référent…

– Mais on a lâché l’idée

– Au début on a pensé à une pédale, un bourdon, un truc, quelque chose qui serait tenu

– Mais après l’idée a été abandonnée, pour que ce soit le fil conducteur, en fait.

 

Brian Dennis :
A la page 191 la « ligne de vie » s’arrête et après deux boucles superbement dessinées les portées émergent comme suit : la portée du haut est dessinée à la main (sauf la deuxième ligne), celle du bas est dessinée à la règle (sauf la deuxième ligne) et le processus continue pendant encore deux pages, de manière identique, excepté les fluctuations infimes de la main incontrôlée du compositeur.

 

Étudiant·es du Cefedem (suite de la discussion).

– Un référent, et pour la hauteur, on est parti du fait de se dire que ce qui était au-dessus de la ligne médiane, c’était plus aigu, en-dessous plus grave ; et aussi un référent de temps qui n’est pas quantifié, on ne s’est pas fixé un tempo, on s’est juste dit ça va suivre l’ordre chronologique dans ce sens là, jusqu’à la fin

– Et les petites bulles, on a pensé à des sons…

– Des sons très courts, des impacts, et puis il y avait, un espèce de gros… pâté au milieu, là

– La partie centrale

– On arrivait pas à s’en sortir, donc on s’est dit qu’on allait faire une espèce d’improvisation

– Oui, on s’est dit voilà, ça peut, peut-être, plus représenter les courbes

– Mais en gardant quand même les impacts, que…

– Que je joue

– Moi, ça me faisait penser un peu à un feu d’artifice

– Donc on était parti là-dessus…

– Et après on a fait aussi figure par figure, on a détaillé un peu

– On a bien bossé le début

– Voir si on pouvait rester homogène sur la durée du morceau, sur tous les graphismes

– On est aussi parti du fait qu’il y a des traits en gras et des traits qui ne sont pas en gras, donc on est parti sur la notion d’intensité. Quand c’est en gras, on joue plus fort, quand ce n’est pas en gras, on joue moins fort. Et après, on a essayé aussi de respecter, si possible, toutes les relations entre ça et ça : ça se joue en même temps que ça, essayer de voir si on peut arriver à…

– A garder une verticalité

– A avoir une cohérence temporelle

– Mais bon, il a fallu faire un choix, il y a plein d’interprétations possibles ! Ce qu’on s’est dit, c’est surtout qu’on n’avait pas forcément les mêmes idées au départ, on a pensé que c’était, mais peut être que c’est trop fermé, on s’est dit qu’il faut quand même essayer de voir la partition tous de la même façon, si on veut arriver à la jouer ensemble, ce qui n’était pas forcément obligatoire

– On s’est dit, on va essayer de se faire un code commun

– Voilà. On a quand même été tenté de se dire qu’il faut trouver une signification à tout

– Et c’est à ce moment-là qu’on s’est dit que, si on donnait cette partition à des enfants, ils se poseraient beaucoup moins de questions, ils verraient des impacts, ils verraient un son qui descend, ils prendraient une baguette sur un carillon et ils descendraient, et si les lignes montaient…

– On a commencé par dire on joue dans quelle tonalité, et après on a fini par dire non, non, on va faire un truc

– On s’est posé la question : est-ce qu’on reste dans une tonalité ou on joue de manière atonale ?

– Et après, on s’est dit non, on va essayer de respecter le ressenti de chacun, ce qui vient à ce moment-là, ce qui sort…

 

Cornelius Cardew :
Supposons que l’instrumentiste se comporte de la manière suivante : il lit la notation et construit une image du son (dans son esprit – un son imaginé comme une hypothèse). Il essaie ensuite de reproduire cette image en sonorité ; il joue, et ensuite il écoute le son qu’il a produit ; il le compare à l’image du son qu’il avait auparavant dans son esprit, et il pourra faire quelques changements, en réduisant les divergences, se dégageant rapidement des fausses notes, jouant moins fort les notes qu’il trouve trop envahissantes, etc. etc.

 

Étudiant·es du Cefedem :
L’autre groupe a travaillé la p. 56, dans la salle bien nommée “du bout du monde”, petite et toute en longueur. Ce groupe joue à son tour la page devant l’autre groupe…
Des explications sur les différents chemins entrepris pour arriver à cela ?

– Tout d’abord, on a choisi nos instruments : violon, trombone, harpe, et puis on s’est dit finalement qu’on pouvait essayer des choses avec une possibilité de changer en cours de route. On a commencé chacun à donner nos impressions aux autres, sur ce qu’on voyait sur la partition et sur ce que ça nous inspirait, en associant le graphique à des idées. Et puis, au bout de peu de temps, peut-être une minute ou deux en fait, on a décidé de se jeter à l’eau et de faire un premier essai, de jouer, voir, sans rien se dire. Après cette première fois, on s’est échangé nos impressions, chacun a expliqué ce qu’il en avait fait. Finalement, au bout d’un certain temps, on avait lâché cette partition parce qu’on avait besoin de se retrouver avec une écoute commune, c’est ce qu’on n’avait pas en essayant de chercher à quoi correspondaient les graphiques par rapport à des idées musicales. Donc on avait finalement, tous, lâché l’affaire afin de jouer ensemble…

– Vous n’avez pas le droit [rires]

– Comment ça, on n’aurait pas le droit ?

– Nous, on a suivi la partition !

– Alors justement…

– C’est ce qu’on a fait après

– C’est venu de cette constatation : qu’est-ce qu’on fait de cette partition ? Quelles ont été les intentions de l’auteur, du compositeur ? On a cherché ce que voulait dire le titre, donc on a trouvé « traité » en anglais, eh bien on s’est dit que peut-être, il avait voulu faire un traité graphique sur les possibilités de jouer ? Donc on a cherché à signifier plus précisément quelles étaient les consignes, plutôt que de chercher à spécifier plus précisément l’interprétation des graphismes. Alors, on s’est dit qu’on allait refaire un deuxième essai avec quelques consignes… Il y avait des numéros sur la partition, qu’est-ce qu’ils veulent dire ? On avait plusieurs possibilités, il y a eu l’idée du nombre de fois, alors on a divisé la partition en tronçons, en petites sections. Le « 1 » voulant dire une fois ce qui suit ; le « 2 » deux fois ce qui suit ; etc. Jusqu’au « 4 » : le quatre ne correspondait plus à rien ! Alors on s’est dit que, peut-être, c’était la suite : dans le fameux traité, peut-être qu’il y avait quelque chose après cette p. 56 [rires]. Du coup, on se dit qu’on allait quand même en faire quelque chose, le trait fixe continuait et il y avait rien d’autre, on a gardé l’idée de ce trait fixe, qu’on avait évoqué un petit peu avant. Est-ce qu’il est un bourdon, est-ce que c’est un repère entre les hauteurs ? On a décidé de le traiter en bourdon et de faire quatre fois quelque chose : quatre fois un silence. On a aussi pensé à quatre saluts à la fin. On s’est posé des questions sur les durées de chaque section, on s’est dit que ce serait variable suivant ce qu’on en fait, mais qu’on avait quand même l’idée de silence à la fin de chaque section, hormis le bourdon. On s’est aussi posé la question du registre, et de ce choix : il y avait une petite clé de fa dessinée, dans le premier tronçon, en haut… On s’est dit que oui, c’était peut-être plus aigu en haut et plus grave en bas, mais quand même, il y avait cette petite clé de fa là, donc finalement on s’est demandé ce qu’on pouvait en faire. Au final, pour toute la suite, on a décidé de faire aigu au-dessus grave en dessous, mais pour ce début on ne l’a pas vraiment gardé…

– Eh bien si, parce que je finis mon glissando en bas, en clé de Fa

– Oui, tu finis ton glissando en bas, c’est vrai, mais ça se mêle entre nous quatre. Et il y a les portées du début qui sont petites puis grosses là… En fait, pardon mais là j’ouvre une parenthèse : il y a la portée en bas. L’un de nous a dit « eh bien ça c’est une invitation à l’écriture, parce que cette portée est partout là sur son traité ». A quoi elle peut bien servir ? Est-ce que c’est pour noter ses idées ou est-ce que c’est quand même une invitation à « écrire » quelque chose ? Du coup, il y avait cette petite portée au début, on s’est dit : on va faire une petite mélodie, quelque chose qui ressort, et après la portée est amplifiée, donc on va reprendre cette mélodie qui se retrouve grossie en intensité et qui change d’instrument. On pourrait détailler tous les graphiques qu’on a vus ensemble, on ne va peut-être pas tout faire. On a fait des essais successifs sur chaque tronçon pour voir ce qui nous plaisait, on a discuté ensemble selon si ça nous parlait, si ça ne nous parlait pas, si c’était quelque chose qui correspondait à notre vue de la partition. Certaines choses, certains graphiques correspondaient à quelque chose de formaté chez nous, comme les ronds et les harmoniques…

– Oui, c’est des harmoniques, voilà

– Ah… mais c’est pour ça que tu n’arrêtais pas d’en parler toi aussi dans notre groupe [rires]

– Les ronds, les harmoniques, ou pas, les portées, ou pas, il y a eu écho ou non et discussion, et on a décidé de garder au final ce qui nous parlait le plus. On a ajouté des repères sur la partition aussi, on en a ressenti le besoin pour certaines petites choses, par exemple la mélodie qu’on a écrite là succinctement, ou ce signe pour ne pas oublier de revenir quand ça se joue deux fois, des petites pêches au trombone là, des petits traits verticaux qui se retrouvaient à plusieurs endroits, donc on a rajouté des petites choses pour ne pas oublier. Le carré a été une carrure, on a décidé de le traiter en 4 × 4 mesures

– Et c’est là qu’on a fait nos bruitages

– On s’est posé la question : à l’intérieur du carré ça pouvait servir comme une boîte blanche, une boîte pour des bruits qu’on a décidé de faire

– En fait, on a inventé nos signes

– On s’est inventé notre interprétation

– Et à la fin, on s’est posé la question du public avec la contrainte de la salle. On s’était mis face au mur pour jouer, et on s’est dit : où va-t-on mettre le public ? Finalement, on s’est fait plaisir et on a joué ensemble, on s’était dit que vous vous installeriez peut-être au milieu de nous, bon alors c’est vrai qu’il y a tout le mobilier qui invitent à s’asseoir autrement… donc on a improvisé une autre disposition. Quand on monte quelque chose, quand on veut ensuite le restituer, quelle est la place du public ? Où est-ce qu’il s’insère ? Est-ce que ce ne serait pas intéressant, pour voir les choses autrement, de mettre le public ailleurs, au milieu, différemment ? Ça nous a fait poser des questions sur pas mal de choses

– C’était une première pour nous tous

– Pas tout à fait première pour moi

– Ha oui ?

– Je suis habituée à ce genre d’expérimentations

– Ah, tu nous avais pas dit [rires]

– Maintenant tu peux l’avouer…

 

Cornelius Cardew :
Dans beaucoup de cas, on n’imagine pas le son sur la base de la notation, mais sur la base d’expériences antérieures, c’est-à-dire, (aussi) en travaillant la pièce, et en conséquence le son “imaginé” n’a pas du tout la prétention d’être exact, et en conséquence une comparaison de la réalité du son avec celui-ci ne fait aucun sens.

 

Étudiant·es du Cefedem (suite de la discussion).

– J’ai trouvé étonnant le fait qu’il ait appelé ça un « traité », donc quelque chose d’exhaustif, d’approfondi et de complet, et qu’il précise « sans instruction », il y a quelque chose d’un peu « oxymorique ». Mais malgré tout, je vois qu’on ne sort pas des instructions. C’est-à-dire que, par exemple, l’idée de grave et d’aigu par rapport à la ligne de référence, en fait, on n’arrive pas à en sortir, on en a discuté, mais on est quand même resté dedans. Et voilà, dessous il y a des portées, mais des portées qui n’ont pas de clé, est-ce que c’est une portée ou est-ce que c’est simplement qu’il y a cinq lignes posées là ?

– Je trouve qu’on cherche beaucoup aussi la signification des choses. C’est difficile de se mettre d’accord tous ensemble, parce qu’il y a mille manières d’interpréter ces codes sans significations écrites. Du coup, on passe beaucoup de temps à se mettre d’accord et moins à jouer. C’est pour ça que j’avais fait la réflexion tout à l’heure, d’essayer de se dire qu’on pouvait faire deux parties : une où on ne se dit pas les codes, on joue, chacun interprète la musique en fonction de l’image qu’il se fait des codes ; et puis une autre partie où on se dit vraiment ce que veulent dire les codes

– Et c’est vrai que ça a marché ! J’ai trouvé que ça avait bien marché la première fois, où on ne s’était encore rien dit. Et une fois qu’on s’est déjà dit des choses, c’est plus dur de les lâcher, et de repartir à zéro comme si on n’avait rien dit, comme si on n’avait rien fait, rien décidé

– Dès l’instant où l’on a une partition, je trouve que ça engendre un certain processus…

– Justement, c’est ça qui est génial ! Quand on vous regarde de l’extérieur, on vous voit tous regarder vers le pupitre…

– Comme une partition classique tu veux dire ?

– Voilà, c’est comme si vous aviez une partition classique sous les yeux. Ça m’a vraiment interpellé le fait que vous regardiez tous le pupitre comme ça, on avait vraiment l’impression que vous suiviez quelque chose de très écrit

– C’était très écrit.

– Est-ce que vous avez reconnu ce qu’il y avait sur le papier ? Est-ce que c’était possible de suivre la partition pour vous ?

– Moi non

– Au début, je me suis dit : je vois bien où on est, puis à un moment, j’ai dit… non [rires]

– Nous, on avait une autre temporalité aussi, plutôt courte, donc forcément on l’a lu avec notre temporalité, enfin je pense…

– Vous avez mis la partition à l’horizontale ?

– Et on a suivi de gauche à droite, oui

– En fait, on a énormément de conventions, on a suivi des conventions malgré nous

– Oui, on s’est dit qu’on était formaté par plusieurs choses

– C’est normal en même temps

– Mais on est obligé d’interpréter quelque chose, on ne peut pas laisser un truc comme ça, sans…

– Et à la fois, il a laissé traîner des signes conventionnels, il y a des chiffres, il y a une clé de fa

– Il y a une portée en bas

– Donc on ne sait pas trop à quoi s’en tenir

– C’est pour ça qu’il dit « sans instruction » [rires]

– Et ce n’est pas vraiment sans instruction parce qu’il y a des signes reconnaissables quand même, disons qu’il y a des signes interprétables

– Mais qu’est-ce qu’on en fait… c’est ça les instructions, et là, on n’en a pas !

– Un chiffre, c’est déjà plus signifiant qu’un trait.

 

Cornelius Cardew :
Chaque musicien interprète la partition selon sa propre perspicacité et sensibilité. Il peut être guidé par de nombreuses choses – par la structure interne de la partition elle-même, par son expérience personnelle de la pratique musicale, en faisant référence à diverses traditions qui se sont développées autour d’œuvres indéterminées particulières, par l’action des autres musiciens qui travaillent sur la pièce, et – si tout cela échoue – par des conversations avec le compositeur pendant les répétitions.

 

Etudiant·es du Cefedem :
Ensuite, chacun des groupes avaient à faire deux versions de cette même page, dans deux styles différents.
Cette discussion a lieu après la dernière répétition d’une version « inuit » de la p. 56…

– Voilà, ouf, ça chauffe…

– Ouais, moi j’y étais

– Est-ce que tu peux marquer « pentatonique » en plus gros parce que, avec la harpe devant, je n’arrive pas à voir

– Et après on le répète comme on le sent, la fin on la sent naturellement, et on passe à autre chose

– Là, oui on fait une pause, en fait, on s’arrête, c’est la porte pour autre chose

– Et puis là, il y a ton tambour, frotté

– Oui, là c’est juste frotté, mais est-ce que c’est en rythme ? ou alors est-ce que c’est juste…

– Moi je verrais bien, le bruit du vent, des vagues, en frottant comme ça à la main, comme un truc, sans rythme d’abord, puis après rentrer dans du rythme

– Et là-dessus, en rythme aussi ?

– Là par contre, ça, c’est rythmique, c’est les petites notes et elles sont bien rythmiques.

 

Cornelius Cardew :
La notation devrait mettre l’interprète sur le droit chemin. Il peut s’élever au-dessus de la notation s’il travaille à travers la notation. Interpréter d’après des règles devrait lui permettre d’accéder à l’identité de la pièce ; une fois qu’il a compris, il pourra rejeter les règles et les interpréter librement, sécurisé par le fait qu’il sait ce qu’il fait – il connaît la pièce.

 

Étudiant·es du Cefedem (suite de la discussion).

– Quelle heure est-il ?

– Hé bien… il est l’heure, allons écouter les versions de l’autre groupe !

Les deux groupes jouent ensuite chacun leurs deux versions et discutent de la manière dont illes s’y sont pris·es.

Le groupe travaillant sur la p. 83 a proposé une version « « grégorien » avec plus ou moins d’ostentation »

– Au départ, on voulait musique Moyen-Âge qu’on ne connaissait pas trop, alors on a regardé les sous-genres

– Deux heures d’études et il nous restait plus que cinq minutes à la fin [rires]

– et, donc on a trouvé chant grégorien, et puis on s’est dit que c’était bien de faire quelque chose a cappella sans les instruments, pour que ça change un peu

– Et c’était du chant, c’était monodique, le cahier des charges était super clair

– On a cherché les paroles

– Mais la partition ?

– C’est par rapport à un texte qu’on a trouvé sur Internet

– Je parlais de la partition contrainte

– Mais c’est ça : on est parti du fait qu’il nous fallait un texte puisqu’on faisait un chant, et on a essayé de le découper. On met « salve » là, après ça solo, puis on met « mater » ici, et on s’est dit les cinq points, on va faire cinq fois la même note

– On n’a pas du tout interprété la partition de la même façon

– Ce sont les paroles qui nous ont mis les contraintes, en fait, plus que le schéma

– Mais la mélodie que vous avez choisie, elle est fonction du dessin, ou pas forcément ?

– Un peu

– Oui, par exemple quand tu vois effectivement une descente comme celle-là, on est descendu. Et après, ça, on s’est dit que ce pourrait être une indication plus de gestes que de notes

– Le fait d’avoir des paroles oblige à regarder la partition différemment, et que notamment, le temps ne se déroule plus de gauche à droite sur la ligne médiane de référence, mais suit le trajet du chant

– Le temps, le déroulement, c’est juste la courbe

– Pour le chant c’est ça, on peut se dire qu’on va partir ensemble ici et puis qu’on va finir là… mais non, parce qu’on va se retrouver sur une harmonisation et c’est impossible, donc il faut le voir autrement

– Et la mélodie, vous l’avez inventée ?

– Oui, on a pris juste le texte. Et ce qui est assez étrange justement, c’est qu’on a regardé les partitions d’époque, quand ils faisaient les premiers chants grégoriens, sans le système de notations de maintenant

– Avant les neumes

– Il y a juste le texte avec des petites apostrophes, des virgules et des choses comme ça pour savoir si ça monte ou si ça descend. C’est pour ça qu’on a suivi la courbe, mais bon… c’est vrai que là, à et endroit, ça commence à être un petit peu compliqué [rires] mais disons que c’est justement plus mélodieux, là on voit bien qu’il y a quelque chose qui se passe.

– Et puis, le fait que nous, les femmes, normalement, on n’aurait pas dû chanter, mais on s’est dit : c’est pas grave, on chante !

Puis une version « « blues » un peu après le début du XXe siècle »

– On voulait partir sur un blues vraiment traditionnel

– Mais instrumental pour trancher avec ce qu’on avait fait avant

– Mais voilà, si on part vraiment sur l’origine du blues, c’est plutôt la voix et la guitare, donc on s’est dit qu’il fallait se placer un peu après dans le temps si on voulait mettre d’autres instruments

– Et que la washboard, ça ressemblait vachement à un pied de table [en rejouant son geste vertical, avec des balais et pas des dés à coudre] [rires]

– Et j’ai pris une chanson de Bessie Smith, donc plutôt début XXe siècle, et on est parti là-dessus

– On s’est donné une tonalité et j’ai fait une rythmique basique à la guitare…

– Et là, on a fait complètement autre chose au niveau de l’interprétation de la partition. On s’est dit, ça, ça va être carrément notre première grille, notre tourne, après, ça, on se dit que ça va être des arrêts, puis ça c’est le solo de guitare et on refait une grille, puis ça on estime que c’est une répétition et là, la descente de guitare. Donc on l’a interprété plus au niveau structure que de note à note

– Un peu par paquets, alors que le travail sur la toute première version était plutôt hyper pointilliste

– Oui, on a été rigoriste sur la partition à un moment, mais plus ça va, plus j’ai l’impression qu’on se focalise moins sur des choses, qu’on prend plus en globalité.

Le groupe avec la p. 56 a proposé une version « Les inouïs des inuits du Canada », et une autre « « celtique » façon Alan Stivell »

– Pour la version « inuit », comme on avait moins de référence, comme on connaissait moins cette musique, j’ai l’impression qu’on était plus libre

– On s’est presque plus amusé à faire celle-là, même si au début on était bien désemparé parce qu’on ne savait pas où aller. Alors que pour la version « celtique », on est dans des carcans, où il faut s’en tenir à un style qu’on se représente chacun d’une façon différente, et on essaye de s’y coller. On est plus contraint

– Pour ma part, ce n’est pas ça qui a joué. Pour la version « inuit », j’ai trouvé qu’on avait assez rapidement fait le tour du moule. On avait repéré trois modes de jeu dans nos recherches et écoutes, et finalement on n’avait pas trop de multiplicités possibles. Alors que, peut-être, sur le « celtique » qu’on connaît plus, on sait qu’il existe plein de choses différentes, plein de modes de jeu, que le réservoir de possibles est plus vaste

– Mais dans ce petit truc « inuit » on s’est bien amusé

– Oui, c’était quand même bien riche et… complètement de la découverte

– C’était plus expérimental, et c’est l’occasion de faire des trucs qu’on aurait jamais fait autrement

– Ah bah ça c’est sûr [rires]

– Disons plutôt qu’on ne se donne pas le temps de ces « autrement », on pourrait très bien le faire

– Oui, mais si on n’a pas la contrainte limite absurde au départ… Souvent les bons plans partent comme ça, d’une espèce de contrainte absurde qui décuple l’imagination. On est contraint dans un truc qui n’est pas le nôtre et il faut trouver quelque chose…

– Et la partition nous a contraint aussi, de se dire mais là comment ça va coller alors qu’on n’a que ces trois modes de jeu, comment est-ce qu’on adapte ça ?

– Je trouve que c’était plus difficile sur le « celtique » de faire coller à la partition que pour l’autre

– On avait notre partition là, avec ce carré central qui nous séparait un peu les choses en deux, il y avait les chiffres « 1 » et « 2 » qui revenaient. Pour ces versions, on a pris globalement de part et d’autres du carré, puis on est allé un peu en détail après

– Mais l’interprétation du dessin était un peu la même, dans tous les cas, dans notre première version comme dans les deux « dans un style » ?

– Oui, la montée en puissance restait. Au début il y a cette sorte de cinq petites lignes, un petit tronçon de portée et puis après une grande, avec cette montée et cet élargissement. Alors sur le « celtique », on a fait l’improvisation de manière progressive, pour augmenter ce qu’on avait fait avant. Et à chaque fois, ce carré central nous a fait passer dans une autre phase, dans le « celtique » comme dans l' »inuit ». C’est la porte vers un autre monde, de l’autre côté. Finalement la partition est moins dense de ce côté-là.

– Oui, il y a vraiment moins d’infos

– Et il y a beaucoup de petits traits mais c’est tout, et à chaque fois on a défini ces petits traits, sur les deux versions.

 

Matthieu Saladin :
Le sens que les interprètes donnent aux graphiques ne relèveraient pas d’un sens caché qu’ils découvriraient, non seulement parce que Treatise interdit dans son principe même ce genre d’enquête, mais aussi tout simplement – et plus généralement – parce qu’un tel sens en soi n’existe pas. Ce sens, ils le produisent, ils le créent dans et par leurs usages.

 

 

Itinéraire entre "EPO" et "Ishtar"

 

Extraits de “L’École par l’Orchestre à l’ENM de Villeurbanne” Gérald Venturi (juin 2012)

Extraits du livret “Treatise” – projet “Sombres précurseurs” – Ishtar

 

L’École par l’Orchestre (EpO) est une nouvelle organisation des parcours d’étude dans l’école de musique. Celle-ci modifie considérablement nombre de rapports et de positions : la place et l’activité de l’élève dans l’école, le temps de l’étudiant, celui de l’enseignant, le rôle du pédagogue, la conception du savoir, les interactions entre individus (professeurs ou étudiants), le rapport théorie / pratique, le statut de la recherche musicale et pédagogique…

En lien direct avec notre expérience, nous développons un travail de l’improvisation à partir des partitions graphiques de Cornelius Cardew. Ces ateliers peuvent prendre plusieurs formes : compte tenu de la forme et de la teneur de la partition, ces moments d’échanges peuvent être, pour le stagiaire, un moyen de se rapprocher ou de s’écarter d’une partition.

 

Chaque élève apprend à jouer de son instrument dans divers contextes esthétiques, il chante, danse, improvise, lit, écrit, invente. Les formats de pratique passent alternativement par la sonate, la petite formation amplifiée ou non, l’orchestre d’harmonie, le big-band de jazz, le chœur ou encore la fanfare, etc. Ils incluent parfois les nouvelles technologies dans les processus d’élaboration ou de production.

Pour un musicien habitué à lire une partition, le graphisme est un moyen de s’écarter de la « nécessité » d’une partition pour jouer. Pour un musicien non habitué et « bloqué » par la lecture d’une partition, le graphisme agit comme une désacralisation de la partition.

 

Toutes les interactions entre les participants d’un groupe sont indispensables à la formation du musicien telle que nous la concevons. Le groupe doit avoir des échanges et des moments de recherche, c’est ce qui doit permettre une « co-construction », une collaboration entre les participants. Le rôle de l’enseignant dans ce cadre est (entre autres) de donner des tâches, des consignes et des ressources au groupe tout en veillant à la participation active de chacun des participants.

C’est aussi un contexte très favorable à la gestion du choix individuel (je vois tel signe, je joue telle matière…) et de sa place dans le collectif (cette matière arrive dans tel environnement sonore… donc…).

 

Notre objectif est de former des musiciens (des citoyens) libres de penser et de choisir. Les pratiques collectives en petits groupes telles que nous les organisons nécessitent la discussion et la confrontation d’idées dans le travail. C’est un enjeu majeur du dispositif EpO.

C’est enfin, nous en avons fait plusieurs expériences, un bon cadre pour réunir musiciens amateurs et professionnels, musiciens valides et musiciens handicapés ayant une pratique musicale régulière. Nous avons également expérimenté des ateliers avec des handicapés mentaux et une « spatialisation » de la partition et donc un travail mi spatial (mouvement) mi sonore.

 

 

Itinéraire entre "Ishtar" et "Saïki"

Extraits du livret “Treatise” – projet “Sombres précurseurs” – Ishtar

Interview de Xavier Saïki

 

Nul besoin de savoir lire la musique pour l’apprécier, Treatise s’adressant à ceux que Cardew appelle les « innocents musicaux ». De durée et d’instrumentation libres, jouables en un seul morceau ou séparément, les 194 pages de Treatise exigent néanmoins une patiente approche, seule à même de conjuguer la spontanéité des interprètes et la cohérence de l’œuvre.

Ishtar est avant tout un collectif d’artistes au sens le plus horizontal possible. Au sein de ce collectif, notre quotidien c’est plutôt l’improvisation : faire naître ce qui sort sur le moment, travailler avec ce qui est là, fabriquer ensemble dans un temps donné. Treatise est arrivé à un moment où on commençait à se questionner sur comment fixer des choses.

 

Loin d’abandonner la posture de l’artiste en état d’improvisation, nous voulons tendre cette posture par la confrontation interne, individuelle et collective induite par la présence des partitions graphiques de Cornelius Cardew.

Dans notre réflexion des pratiques improvisées, on travaille avec ce que le travail personnel et singulier de chacun, avec ce que chacun est, sans imposer un chef ou une direction, un axe venant d’une seule intention. Avec Treatise, certains ont vraiment écrit, fixé des choses, mais pour d’autres, c’était plutôt une globalité. Et à un moment est arrivée cette confrontation-là : « comment, en fixant les choses, rester à l’écoute de ce qui se passe ? ». Cela vient soulever la question de jouer l’écriture : être improvisateur, se donner une ligne, mais être disponible à ce qui se passe.

 

Composée de deux instruments acoustiques et deux instruments électriques cette formation explore un univers sonore où le jeu est notamment axé sur le croisement des différents timbres. L’association de ces timbres, parfois réunis en une matière sonore épurée, parfois en une matière sonore complexe, contribue à jouer sur les perceptions des auditeurs, et l’amène parfois vers des zones plus « troubles » ou il est plus difficile de déterminer les sources en jeu.

En termes de matière, de matériau sonore, cela nous a emmenés dans des endroits dans lesquels on n’était jamais allé. On n’aurait pas pu les trouver sans cet apport de l’écriture, qui fait que tout le monde est au même endroit à un moment donné. On l’a plus abordé sur un cadrage du temps que sur un cadrage de matériaux sonores, d’harmonie, de timbre. C’est vraiment la question du temps qui nous a centrés et réunis sur cette partition.

 

 

New Notation Literature – Carl Bergstrœm-Nielsen

Western music tradition has a speciality in writing down music. After 1945, non-traditional forms emerged, on the background of changes in culture, society, beliefs and lifestyle. « Graphic notation » is just one notion among others – some notations are like drawings, but many kinds of signs, layouts and the use of verbal means also exist.

 My bibliographies at IIMA, International Improvised Music Archive, aim at mapping literature dealing with this territory, among other related ones connected to improvisation. The full title is Experimental Improvisation Practise and Notation. An Annotated Bibliography, and there is both one volume 1945-1999 and one with addenda thereafter. Presently there are more than 115 entries on notation with summaries of their contents. However, not included in this number are published editions of works, as well as publishers’ series and anthologies. See it all at www.intuitivemusic.dk/iima/legno1uk.htm .

For the most part, universities and related institutions are behind the research and publishing activity, but it should be noted that in many cases the researcher is also a practising composer and/or musician. In the sixties, many works were published on paper both in Europe and USA by commercial multinational publishers – among many others, Stockhausen, Wolff and Cage have been well documented in this way. More recently, the Notations 21 book by Sauer documents renewed interest from composers. In my bibliography referencing usage, this is called Sauer (2009;E1) – E1 refers to the systematic category of general writings on new notations. Exhibitions of new notations have taken place all the time since the seventies – more than sixty have till now been detected and listed, some with catalogues (see category K).

 Cox (2008+2010;E1) open ups a historical perspective: notation has functioned to supplement a primarily oral tradition as a mnemonic aid, as can be found in the neumes of Gregorian Chant – later the function of notation became to provide a product that could be transmitted through a market. Then, after mechanical reproduction was invented, standard notation was no longer the only way to document music. Therefore, composers could feel more free to use notation to make the idea of the work clear, while leaving detailed documentation of the performance to the electronic media and, one could importantly add, leaving the production of details of the work to the performer. Later, computer and internet technologies made information more sharable, also between art forms, Cox states further.

 Not only from published editions and anthologies of entire works, but also from a number of articles and historic treatises it is fairly easy to acquaint oneself with many different types of new notations through excerpts. Brindle (1986;H1) is an allround book on the history of Western new music with many illustrations. Bosseur (1979;H1) + (2005;E1) have a similar aim – the first one is a music history book, and the second deals with notation and provides a direct supplement to the former. It presents examples in order of increasing openness. Karkoshka (1966;E1) and its English translation (1972;E1) is a book on notations – of special interest is the section at the end of the book presenting entire works.

 Sauer (2009;E1) was already mentioned as a recent window into contemporary activity in the field. Storesund (2016;G3.1) reflects the mature development of the field of open works with new notations: focus is consistently on how to realise such works, which require a more co-creative performance practise than traditionally. Improvisation is becoming more and more a part of conservatory curriculums since the nineties, and so non-traditionally notated works also receive renewed attention. The book provides inside information for all interested musicians and could also directly serve as a basis for teaching. A number of « showcase studies » discuss the challenges and dilemmas one may encounter as a musician in nine works. Five are even featured with all nescessary playing materials available, and composers include « classics » from the fifthies and on as well as three pieces written after 2000.

 A considerable number of writings describe certain well-known works or composers. Earle Brown’s December 1952 is topping the list. Cardew’s large collection of graphic scores Treatise is frequently performed from. Christian Wolff has a special status with his introduction of cue systems in the sixties which focus on performers’ interaction. With the growth of improvisational practise later, this appears as a pioneering discovery. Roughly two decades later, the younger Zorn took up this aspect in his game pieces of the eighties which are still popular.

 Of course the common area between visual art and music notation also has its devoted authors. Buj (2014;E1) connects both worlds, investigating the significance of circular forms in graphic notations.

 Introducing, showcasing, discussing, elaborating on history, theory, philosophy, practical issues – it can all be found in the literature on new notations. To reduce the overwhelming complexity that looking at a whole library would induce, the bibliography has summaries, longer than just the titles and not the whole story, but they attempt to capture some essential aspects and keyword-like characterisations so as to make the road easier to travel for the searcher.

 ***

 

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Cardew Collage – English Abstract

The article is a collage of texts written on the subject of Treatise by Cornelius Cardew. Two texts have been written specially for this collage: Christopher Williams, “How and Why Treatise: a brief empirical account”; Jean-Charles François, “Texte pour le Collage Cardew”. You can have access to the integrality of these texts at the end of the Collage (French and English versions for Williams, only French version for François).

All the other texts are quotations from already published articles. The contributions by Cardew and Wittgenstein are quotations from these articles on Treatise included in the Collage. John Tilbury’s text is taken from his book Cornelius Cardew, A Life Unfinished, Copula, 2008, quotations from chapter 6: “Treatise 1963-67”. The contributions of Arturos Bumsteinas, Laurent Doileau, Jim O’Rourke, Keith Rowe, Matthieu Saladin and Marcus Schmickler are taken from number 89 of Revue&Corrigé (September 2011). David Gutkin’s text is taken from his article “Notation Games : On Autonomy and Play in Avant-Garde Musical Scores”

https://www.academia.edu/9224980/Notation_Games_On_Autonomy_and_Play_in_Avant-Garde_Musical_Scores.

The collage is organized in chapters:

  • Prolog: description of the circonstances of the conception of the score Treatise.
  • Wittgenstein : the relationships developed by Cardew with Wittgenstein’s philosophy, notably in connection with the Treatise
  • Cage/Cardew: a comparison between Cage’s approach and Cardew’s
  • Image of sound / Image independent from sound: a reflection on musical notation, on the graphic representations of Treatise.
  • Interpretations: analysis of diverse interpretations of Treatise.
  • Towards improvisation: the discovery by Cardew of improvisation with the AMM ensemble, during the time of Treatise’s conception.
  • Towards a more affirmative political implication: the evolution of Cardew during the conception of Treatise, towards projects with increased political commitment, as with the Scratch Orchestra and later Cardew’s adherence to the Communist Party of England (Marxist-Leninist).

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Itinéraire entre "Constellation Scores" et "Powerpeinture"

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Mazurek utilise et combine la lithographie, le spray painting, le collage. De délicats nuages de couleurs suggérant des nébuleuses interstellaires, sont superposées grâce au procédé lithographique. La découpe et la combinaison de ces tirages ajoutent de la profondeur créant couche sur couche des couleurs diffuses.
L’intention est énoncée : exposer l’image, passer de la planéité à des constructions vacillantes qui embrassent le regardeur et l’interrogent sur la relation spatiale qu’il entretient avec l’œuvre. La parenté d’avec Mark Rothko qui voulait les regardeurs entourés de couleurs, leur demandant de se tenir au plus près des œuvres, est évidente. Mais c’est également la figure imposante du compositeur Morton Feldman, ami de Rothko, qui projette son ombre sur l’œuvre de Mazurek. Au centre des nuages brumeux le son trouve sans surprise sa place, en particulier, les passages tectoniques de la musique de Feldman et la texture granuleuse des compositions électroniques de Mazurek. Le son y est transposé en phénomènes visuels sans système rigide d’équivalences : l’expérience devrait être viscérale, comme celle des ondes sonores résonant dans le corps.

Texte de présentation de l’Exposition Mazurek “Constellation Scores”
à l’URDLA, Villeurbanne (16 septembre – 18 novembre 2017).

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Itinéraire entre "Unbearable Lightness" et "Yantra"

David Samas
The Yantra in Slendro

Le plateau de jeu est encadré par la ligne du gong — dont les hauteurs sont notées à l’intérieur des pétales de la partition en utilisant une notation chiffrée — et son jeu est déterminé par les coups de Gong Ageng (6). Celui qui joue le Gong assure le tempo et signale la conclusion du jeu.

Carl Bergstroem- Nielsen

Towards an Unbearable Lightness (1992) [Vers l’Insoutenable Légèreté] a été écrit pour un ensemble de n’importe quels instruments ou voix capables de produire des sons “sombres et lourds” et aussi bien des sons “légers”. Il doit y avoir un développement graduel entre le premier type de sons et le second, et en conséquence les musiciens devront se tenir proche les uns des autres à tous moments, même si leurs contributions restent individuelles. Les images graphiques et des instructions verbales suggèrent comment ceci peut être réalisé et définissent les étapes de ce développement, et il y a une pause générale en vue d’aider à la coordination du groupe.

Le but de ce jeu est de se déplacer d’un coin à un autre des zones de hauteurs dans le “yantra”. Il est nécessaire d’avoir un Bonang pour jouer l’extrémité inférieure du yantra. On peut aussi utiliser le Kenong et le Kempul. Aucune des hauteurs ne doit être étouffée.

Le titre fait une vague référence à un roman de Milan Kundera. Le long développement linéaire du timbre a constitué l’idée de base.

Laisser vibrer complètement les hauteurs. Prendre son temps.

Chaque interprète doit tenter d’entrer dans une transe et de se mettre dans une écoute profonde. Et maintenant encore plus profondément. S’immerger ensemble dans le son et devenir l’image vibratoire de la partition.

Dans l’enregistrement on devrait pouvoir entendre clairement à la fois le développement total, des détails et les différentes étapes de la pièce. Cet enregistrement a été réalisé en 2013 avec l’Ensemble Supermusique de Montréal, Canada, lors d’un atelier public organisé par l’ensemble.