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Ecriture Oralité

ÉCRITURE ORALITÉ

Dominique Clément

2019

Sommaire

I. Les langues et l’écriture
I bis. Les musiques et l’écriture
II. Deux exemples d’invention d’écriture
II bis. Quelques exemples d’inventions d’écritures musicales
III. L’œil et l’oreille et la mémorisation (a)
III bis. L’œil et l’oreille et la mémorisation (b)
IV. L’école
IV bis. Musique et enseignement

 

Vous lisez alternativement      l’article que j’ai écrit sur ce sujet et       la transcription de la conférence prononcée devant des étudiants et des étudiantes du Cefedem Auvergne Rhône-Alpes.

 

ce que je vais vous présenter c’est     en gros          quatre grands chapitres       que je vais à chaque fois d’abord décliner sur le langage  puis sur la musique
donc le premier chapitre c’est plutôt les langues et l’écriture     tout simplement                 ensuite c’est des exemples d’invention d’écriture           ensuite  ça va être l’œil et l’oreille    et la mémorisation                                                   et pour finir l’école      tout ça étant pour moi extrêmement lié

 

I. Les langues et l’écriture

À la fin du XXe siècle, on estime qu’il existait environ 3000 langues distinctes. Ce nombre restait quasiment impossible à préciser ; à peine plus d’une centaine de langues sont écrites, les autres se diversifient sans qu’il soit aisé de déterminer s’il s’agit de langues ou de dialectes. La différence entre langue et dialecte semble bien complexe à appliquer : les dialectes sont des formes locales d’une langue, assez particularisées pour être identifiées, mais qui n’interdisent pas la compréhension avec des gens qui parlent un autre dialecte de la même langue[1] :

Pour donner une idée de la variété de ces langues, le !xoon une langue khoïsane parlée par 4000 personnes en Namibie et au Botswana possède 117 ou 126 consonnes selon les analyses – une oreille étrangère a bien du mal à les distinguer les unes des autres – alors que le piraha, un isolat d’Amazonie n’a que 7 consonnes[2].

donc   en tout cas  c’est pour dire que y a quand même énormément de langues parlées qui sont considérées comme distinctes                          on  peut trouver des grammaires  par exemple  de plein de langues qui ne sont parlées plus que   par huit cent personnes    par deux cent personnes     etc.    avec des     des gens qui ont produit une grammaire   pour expliquer comment se parle la langue  comment elle est faite etc.       et par rapport à ça    ce qu’on voit déjà          ce qui m’intéressait  c’est ce déficit   entre    la variété des langues    et   puis les langues qui sont écrites  et qui tout d’un coup sont beaucoup moins nombreuses  mais sont comme  préservées  ou stabilisées  ou                     ou enfin je sais pas                          le statut entre les langues qui ont une écriture et le statut des langues qui n’ont pas d’écriture pose un certain problème

Le partage entre sociétés primitives et sociétés civilisées s’est souvent appuyé sur l’existence ou non d’une écriture. Cette dichotomie permettant à certains de marquer une frontière entre anthropologie et sociologie, entre « nous » et « eux », entre le bricoleur et le savant, entre pensée logique et non logique, rationnelle et non rationnelle…[3]

les sociétés civilisées  c’est celles    qui avaient une écriture  les sociétés primitives elles n’en avaient pas    ça a jamais été si clair mais y a une vraie dichotomie    qui s’est faite aussi entre l’anthropologie          et la sociologie        l’anthropologie   on allait voir les sauvages                    et la sociologie      on étudiait les sociétés civilisés             vous avez aussi une opposition du même type           par rapport à l’occident en gros c’était Nous  et le reste du monde c’était  Eux     mais vous aviez aussi le savant et le bricoleur  comme catégorisation        ou vous aviez    la pensée logique     c’était l’occident   avec l’écriture      et la pensée non logique c’était les sauvages avec leurs mythes          ou la pensée rationnelle  et la pensée magique    etc.           y a eu tout un ensemble d’oppositions qui a beaucoup construit     l’anthropologie    la sociologie                    par rapport à cette opposition entre des langues qui auraient eu l’écriture et des langues qui n’en ont pas

Pourtant les langues les plus complexes sont souvent des langues non écrites :

Les idiomes les plus captivants sont à mon goût non les plus parlés mais les plus lointains, génétiquement et géographiquement, et surtout les plus isolés, ceux qui ont été le moins longtemps ou le moins intensément en contact avec les nôtres : leurs locuteurs ont eu (ont encore parfois) tout le temps d’imprégner les jeunes cervelles de leur entourage d’exceptions, de trouvailles et de subtilités en tout genre, et nul étranger ne vient tout gâcher en ayant l’idée saugrenue d’apprendre la langue. Selon mes compétences du point de vue de la morphologie, donc ceux qui ont le plus de grammaire dans le sens traditionnel de ce terme, appartiennent à la famille athapascane : or ils ne sont écrits que depuis quelques décennies et pas mal de leurs locuteurs étaient, jusqu’à tout récemment, des chasseurs-cueilleurs des sauvages parmi les sauvages selon les conceptions racistes longtemps dominantes[4].

  donc ça c’est un des premiers points que je voulais souligner et que l’on commence à remettre un peu    en question     ce genre d’oppositions    donc un des premiers qui a remis ça en question     de façon      très très   détaillée    c’est   Jack Goody     qui est donc un      anthropologue anglais    on va dire     qui       s’est passionné pour cette idée d’oralité et d’écriture    parce que  il a fait la guerre de quarante   en Italie   il est fait prisonnier en Italie  il arrive à s’échapper et il se cache   dans les Abruzzes pendant     je sais plus    six mois au moins    y se retrouve avec des bergers qui sont analphabètes     donc il se retrouve tout d’un coup dans une culture uniquement orale    parce que à l’intérieur de cultures dites avec écrit       y a aussi    on a toujours  des cultures orales    ça   veut dire   que       l’état d’une partie d’un pays    ou d’une société   va mélanger    des façons de fonctionner extrêmement différentes      donc dire simplement  par exemple bon ben voilà   en Italie   on parle italien  on sait lire l’italien          y a l’écriture      ça ne reflète qu’une  partie de la société   donc ça montre bien  aussi que cette description elle est  problématique  ça cache des choses d’une certaine façon    quand on commence à raisonner  comme ça

Ainsi dans une société, les pratiques de l’écriture se surajoutent aux pratiques de l’oralité, sans jamais les supprimer, le mot écrit ne remplace pas la parole, pas plus que la parole ne remplace le geste. De même, les moyens numériques se sont surajoutés aux pratiques de l’oralité et de l’écriture. Il y aurait trois grands types de situations linguistiques :

  1. quand le langage a une forme purement orale ;
  2. quand le langage a à la fois une forme écrite et une forme orale (pour tous les locuteurs ou pour une partie d’entre eux) ;
  3. quand le langage n’a qu’une forme écrite, soit parce que la forme orale a disparu, soit parce qu’elle n’a jamais existé.

et alors l’autre chose qu’il faut dire c’est que jusqu’au dix neuvième siècle  l’écriture    l’usage de l’écriture a été restreint à une minorité    soit pour des raisons techniques soit pour des raisons religieuses soit pour des raisons sociales    mais en tous cas     voilà
d’ailleurs ça existe toujours pas la suppression de l’analphabétisme  je pense qu’y a aucun pays    où y a pas encore des analphabètes     donc  voilà cette situation est une situation importante     je l’ai décrite surtout parce que après         je voudrai voir ce que ça fait si on compare avec la musique         ça donne  quoi ?                               qu’est ce que l’on peut tirer de cette comparaison

 

I bis. Les musiques et l’écriture

Je ne pense pas qu’il soit possible de définir combien il existe de musiques sur terre à la fin du XXe siècle. Le parallèle avec les langues est problématique car la musique n’est pas un langage. Mais le partage entre musique savante et musique populaire s’est parfois également appuyé sur l’existence d’une notation.

penser une musique savante sans notation est difficile pour nous            alors qu’il y en a
il y a une musique indienne        une musique indienne savante      qui n’est pas sans notation d’ailleurs                             il y a une notation mais qui ne sert que dans la théorisation et la théorie         elle ne sert pas     à celui qui fait   la musique directement                             elle ne sert pas    à noter   les moments de musique                                 qui sont à réinventer à chaque fois qu’ils sont joués

Et jusqu’à très récemment les institutions occidentales sous-entendaient que la musique était la musique savante ou la « grande musique », qu’elle serait universelle. Il se trouve qu’elle est enseignée, effectivement, dans tous les pays dit développés. La Chine va développer un enseignement institutionnel pour la musique savante occidentale, dans une culture où elle était totalement absente. Elle privilégie le modèle russe, lui-même ici influencé par l’enseignement français. La visite de Isaac Stern en Chine au lendemain de la révolution culturelle (premier musicien occidental qui accepte l’invitation du gouvernement chinois) a donné lieu à un documentaire très intéressant[5]. Mais on peut constater que, de même que pour les langues, la part orale dans les pratiques musicales qui utilisent l’écriture ne peut être négligée. Ici aussi l’écriture se surajoute à la fois au son, mais aussi au geste.

y a plusieurs types de situations en musique                      quand la musique a une forme purement orale                si je reprends ce que j’ai dit au premier chapitre                            quand la musique a une forme orale et une forme écrite                                et puis quand la musique a une forme purement écrite  car la forme orale a disparu   y a un ou deux exemples que je pourrais donner de musiques où il y a une forme purement écrite                                      je vous en montrerai un exemple mais c’est quand même pour la musique rarissime
en tous cas c’est intéressant cette idée de forme orale qui a disparu parce que c’est le cas  pour certaines musiques anciennes         ou bien la forme orale  a disparu     puis a été réinventée            et ce qui nous intéresse aussi c’est     que tout ça   peut permettre de          préciser                la part de l’oralité et de l’écriture                       dans  la tradition écrite

 

II. Deux exemples d’inventions d’écritures

            Le deuxième chapitre  c’est donc simplement de vous parler de deux inventions de l’écriture                             pour vous montrer pourquoi on a inventé l’écriture        quel était le sens
la première c’est peut-être de vous montrer que en Chine  on a inventé une écriture idéographique et au départ  13 siècles avant notre ère  donc c’est relativement vieux   et c’est des traces qui sont uniquement des notations de divination c’est une époque où   on prend un os de   on prend une omoplate de je sais pas           de ce que vous voulez               de bœuf    et puis on   creuse à l’opposé un espace de trou   on applique quelque chose de très chaud   ça fait des craquelures   et avec ça on va prédire l’avenir  après ils le font avec des carapaces de tortue  et là on retrouve plein de trucs    bon y en a d’autres  qui l’ont fait avec du marc de café  mais prédire c’est une chose qui a    comment dire   énormément intéressé les chinois au point de leur faire inventer une écriture uniquement pour ça       parce que ils se sont mis à vouloir étudier ce que cela donnait           est-ce que cela allait bien se passer  comme ils avaient prévu           est-ce que je sais pas quoi    et donc on a         retrouvé des milliers de carapaces de tortue        et à chaque fois une écriture qui permettait de préciser     qu’est-ce qu’on avait prédit    qui l’avait fait   à quoi cela s’appliquait   etc.  et vraiment des signes qui ne sont pas là pour traduire une langue   mais qui permettent de mémoriser des tirages au sort    enfin non pas des tirages au sort    des machins-trucs        des prévisions de l’avenir      et de pouvoir les fixer    les mémoriser   et donc de les étudier  sur un grand nombre de cas   et c’est à partir de ça seulement   que   pas avant le VIIème ou VIIIème siècle de notre ère cette fois-ci  c’est à dire très très longtemps après      qu’on aboutit à une écriture qui est intéressante parce que elle n’est pas liée forcément à la langue parlée   donc l’écriture du chinois ce qui est intéressant à savoir c’est que vous pouvez parler des langues relativement différentes  avec un vocabulaire différent avec des mots différents pourtant vous avez la même écriture                 et donc ça c’était un premier exemple d’écriture qui explique pourquoi on a inventé l’écriture   c’était vraiment pour                      l’idée de mémoriser un très grand nombre de prédictions        de pouvoir  commencer presque à établir une science de la divination        en fait

En Mésopotamie, datant probablement de la fin du IVe millénaire av. J.C., on retrouve 5500 tablettes d’argile comportant des signes graphiques. Elles sont de trois types : a) des listes de noms de villes, d’oiseaux, de poissons, de poteries… ; b) des documents à caractères gestionnaires ou comptables ; c) quelques tablettes « scolaires ». C’est un système normalisé et uniformisé de signes graphiques qui permet de conserver des informations.

donc ce qui est important dans l’écriture  c’est   ce système   c’est des signes graphiques
et ça doit être un minimum normalisé et uniformisé    c’est à dire que ça doit   pouvoir être partagé par un nombre         suffisamment grand de personnes pour que ça devienne une écriture et que ça commence à avoir du sens             et à fonctionner
donc ça c’est juste pour vous montrer  comment on a inventé l’écriture et les deux exemples d’écritures      un peu plus en Mésopotamie       c’est pas lié directement au fait de vouloir traduire le langage           d’avoir une notation qui note les sons de la langue  ça ça vient cela seulement petit à petit et postérieurement   et on arrive à une notation de la langue qui  va décider  de noter plutôt que des idées  ou des concepts ou des choses    elle note
plutôt les sons que l’on produit         plus ou moins

Notons que dans l’écriture alphabétique utilisée aujourd’hui pour le français, cette notation note les sons. Mais en regardant de plus près, on voit que le français a 18 consonnes et 14 ou 15 voyelles (il s’agit de ce qui est prononcé) traduites par 6 signes de voyelles et 20 signes de consonnes.

 

II bis. Quelques exemples d’inventions d’écritures musicales

Le plain-chant bouddhique japonais, le shomyo, reste très divers car chaque secte possède ses propres psalmodies et son propre système musical. Mais on situe au XIIe siècle les efforts pour construire un système théorique et une écriture qui comme dans le grégorien s’appuie principalement sur la notation de très nombreux types de mélismes à coté de chaque mot, avec un sens de lecture d’abord de haut en bas et de droite à gauche.

 

Figure 1 : Notation du chant bouddhique japonais

Figure 1 : Notation du « chant bouddhique japonais ».
Collection Unesco 15, La musique du Japon, disque IV, Bärenreiter-Musicaphon.

Le Nan-kouan ou style du Sud est l’une des très rares musiques anciennes a avoir survécu aux transformations de la culture chinoise (notamment lors de la révolution culturelle). Elle dispose d’un système de notation très complet où figurent en plus de la mélodie, la gamme, les mesures, les structures rythmiques avec des accélérations et des ralentissements très marqués, et les structures prosodiques.

1 Nan-Kouan Chine du sud notation de vent dans les platanes

Figure 2 : Nan-Kouan, Musique et chant courtois de la Chine du sud, Volume I, ocora Radio-France.

               la révolution culturelle chinoise a presque éradiqué les musiques traditionnelles                                   il y a eu une volonté politique forte                        qui a presque réussi  mais pas complètement      comme à chaque fois      éradiquer c’est vraiment très dur          mais ce qui s’est passé c’est que certains instruments et certaines traditions                ont réussi à être conservées   notamment il y a un autre type de notation avec le quxin

L’instrument des lettrés chinois, le quxin, est apparu semble-t-il il y a entre 3000 à 5000 ans suivant les sources. Mais le premier exemple de notation qui nous soit parvenu date du 7ème siècle après J.C. La notation ne dit pas directement quelles notes doivent être jouées. Mais c’est une tablature qui détaille l’accord de chaque corde, les doigtés, les types d’attaques et comprend une méthode et une description de comment jouer la pièce.

 il a continué a être joué parce que c’est un instrument qui a un niveau sonore  vraiment très faible  ils ont pu continuer à jouer ça sans être dénoncés parce que les voisins entendaient pas    mais il y a des traditions musicales même si vous fermez bien la porte  c’est compliqué de jouer et que les gens autour n’entendent pas                                                et maintenant je voulais vous montrer plutôt des notations récentes que anciennes                             parce que dans les années soixante dix

3 Polytope de Cluny Xénakis

Figure 3 : photo du Polytope de Iannis Xenakis

je trouvais que ça donnait une idée des années soixante dix
vous allez avoir tout un ensemble de compositeurs
c’est pour ça que j’ai appelé ça l’œil et l’oreille qui vont travailler sur la notation et qui montrent aussi comme le rapport entre l’œil et l’oreille dans la musique va jouer et peut entraîner un certain nombre de choses            donc là c’est juste un compositeur qui s’appelle Xenakis  qui a une formation d’architecte et d’ingénieur et qui vient en France parce que il y a une guerre civile en Grèce et il se fait amocher le visage       il se réfugie en France et il va développer                 il va d’abord travailler comme architecte chez Le Corbusier qui à l’époque est un architecte assez en vogue                        il va développer un certain nombre de choses mais son invention visuelle       est largement            aussi importante que son invention sonore   et il se sert du visuel  pour fabriquer du son

mais les formes qu’il va développer et qui lui plaisent énormément c’est quand il y a à la fois du sonore et du visuel    et donc il va développer   ce qu’il appelle des polytopes
il en fera un certain nombre  et là vous en avez un qui a eu lieu dans un musée à Paris qui s’appelle le musée de Cluny   et qui était fait avec des flashs et des rayons lasers

4 Polytope de Cluny Lasers Xénakis

Figure 4 : photo du Polytope de Iannis Xenakis, rayons lasers

ce que vous voyez là c’est des rayons lasers qui sont renvoyés par des miroirs qui sont orientés avec des petits moteurs électriques et qui font des grands trajets de lumière  et en même temps y a une musique et puis les gens écoutent la musique couchés par terre ce qui à l’époque est quand même
super cool    ça c’est ce que ça donne        c’est le début du laser     donc il y a vraiment des très gros moyens techniques à son époque pour développer ça
là vous avez ses schémas

5 Schéma des lasers

Figure 5 : Polytope de Iannis Xenakis

          le rayon s’il part de là ça veut dire que chaque petit miroir doit être avec le bon angle pile au bon moment pour renvoyer le rayon et faire des formes donc c’est relativement le bordel                                           là je vous présente rapidement un autre polytope qu’il a fait qui était bien     avant c’était pour un musée à Montréal                                            où vous avez des petits spots lumineux

6 Polytope de Montréal Xénakis

Figure 6 : Iannis Xenakis, Polytope de Montreal, 1967.

donc là on voit pas bien parce que c’est en plein jour mais vous avez plein de spots lumineux de différentes couleurs qui s’allument   c’est dans l’espace central du musée et là vous avez le plan

8 Dessin des nappes de cables

Figure 7 : Iannis Xenakis, Polytope de Montreal, 1967.

plein de câbles avec les spots et puis ça c’est autre plan qu’il a fait par dessus

9 Schéma des nappes de cables

Figure 8 : Iannis Xenakis, Polytope de Montreal, 1967.

donc c’est bien d’être architecte pour faire tout ça et là j’en arrive à une de ses partitions

10 Metastasis Extrait de la partition préparatoire

Figure 9 : Metastasis de Iannis Xenakis.

C’est une des premières partitions de Xénakis qu’il a fait jouer par l’orchestre de la Radio en France qui s’appelle Metastasis et on voit bien le rapport        >si j’ai fait toute cette présentation des polytopes avant c’est pour montrer  le rapport de son inventivité avec le visuel
et c’est le premier qui va travailler avec des masses sonores
donc ça c’est comme ça qu’il compose   c’est a dire il prend du papier millimétré   et on voit bien qu’il visualise la musique      c’est un truc qui marche que parce qu’on l’a sous les yeux
c’est assez simple vous avez ici les instruments   que l’on voit pas bien  ici c’est les instruments de l’orchestre qui sont indiqués un par un   violon I   violoncelle II      là vous avez le temps qui se déroule et puis après vous avez  les glissandi que font chacun des instruments dans le temps donné
c’est ce qu’il appelle des musiques de masse     c’est un des musiciens où l’on voit bien que la part de l’oeil est assez importante dans la fabrication de la musique    et là on a par l’exemple ses schémas pour le polytope de Montréal qu’on a regardé un peu avant

11 Scénario Polytope de Montréal

Figure 10 : Iannis Xenakis, Polytope , schéma écrit de la main de Xenakis.

                                   si on lit un peu   Rivières Stochastiques donc ça veut dire aléatoires    Rivières régulières en jaune                 par exemple  et puis les rivières vont s’entrecouper comme ça   après tout scintille de jaune  effervescent   ensuite on a un passage   immobile au rouge  tout de suite après  il y a un débordement du rouge sur une autre des nappes de câbles  ensuite il y a un mouvement vaste rotatoire sur les deux     enfin voilà       on voit bien qu’il décrit visuellement   ce qui va se passer au niveau visuel   mais il transpose cette imagination en musique      dans sa musique c’est bien l’idée de faire des nuages de sons   des trucs qui d’un coup s’immobilisent ou se mettent à être effervescents    c’est un mec qui a vraiment travaillé l’idée d’allier sciences et arts   parce qu’il a inventé  plein de trucs    par exemple ce polytope de Montréal il le réalise à une époque où il n’y a pas d’ordinateur    donc il est obligé d’inventer lui-même comment il va faire allumer tous ces spots pile au moment où il veut     pour ça il va faire un grand panneau comme ça    avec des  cellules photo-électriques après il fabrique un film où il fait des petits trous  et il projette ce film sur le panneau de cellules photo-électriques ce qui lui permet de contrôler ce qui s’allume et ce qui s’éteint                                                          je sais pas si vous voyez là   le bazar                                                  il est quelle heure    je suis trop lent  là       je me perd un peu

je vous montre un peu rapidement des notations de musique de l’époque

 

16 Logothétis Labyrintos  Figure 11 : Amis Logothetis.

ça par exemple c’est une œuvre d’un compositeur qui s’appelle Logothetis   et c’est une œuvre pour un soliste et orchestre et en gros le soliste doit jouer ce qui est enfermé dans le labyrinthe  et l’orchestre doit jouer le parcours du labyrinthe donc y a une entrée qui est là  par exemple    on rentre par là et on joue en suivant le labyrinthe  et on doit jouer les sons tels qu’ils sont marqués   et il développe une notation particulière                                                    par exemple ça c’est un si bécarre    ça c’est un ré ça c’est un do
c’est tout des trucs que plus personne ne joue   mais c’est intéressant parce que à toutes les   époques plein de gens ont inventé plein de trucs   qui ont été abandonnés   et qui disparaissent des écrans de l’histoire

18 Stockhausen Spiral partition

Figure 12 : Karlheinz Stockhausen, Spiral.

  là on a une autre partition pour soliste et un poste à ondes courtes d’un compositeur qui s’appelle Stockhausen qui a inventé un fonctionnement où le premier événement est fait par le poste de radio       et ensuite on va le varier           en appliquant des plus et des moins à chacun des paramètres de la musique                        si on a un plus              et qu’on l’applique à la hauteur ça veut dire qu’on va reproduire l’événement un ton plus haut

 

19 Stockhausen Schéma du pavillon allemand d'Osaka

Figure 13 : Karlheinz Stockhausen, projet pour l’auditorium d’Osaka.

Stockhausen a eu la chance d’avoir le pavillon allemand à l’exposition universelle d’Osaka et le pavillon allemand c’est lui qui l’a dessiné  c’est un auditorium comme ça où on rentrait par là avec un escalator   à l’époque ça faisait très moderne    le public s’installait ici là c’était le soliste   ils écoutaient l’œuvre et après ils repartaient   en sachant qu’il avait mis des haut-parleurs ici là là là là par-là tout autour  le public était sur une grille et le son venait aussi bien du dessus que du dessous               il y avait 50 haut-parleurs distribués dans l’espace                                            qui distribuaient le son du soliste et tout ce qui se passait avec les ondes courtes

 

21 Ligeti Articulation partition d'écoute

Figure 14 : György Ligeti, Articulation.

là vous avez un autre exemple d’une œuvre de Ligeti qui s’appelle Articulation
quand les compositeurs ont commencé à faire de la musique avec des magnétophones et des sons enregistrés  tout d’un coup il n’y a pas besoin de notation   le compositeur se retrouve dans la position de l’artiste plasticien qui fabrique son œuvre   et quand elle est terminée il n’y a pas besoin d’interprètes   pour la jouer   pourtant certains ont comme fait des partitions   uniquement pour écouter
là on voit qu’une partition peut permettre aussi de discriminer de guider l’écoute parce qu’on se met à individualiser des choses que sinon on entend globalement
là vous avez un exemple qui permet d’écouter et de préciser son écoute
et pour finir une série de partitions de la même époque
on arrive à un cas limite avec ça

  25 Bussotti

Figure 15 : Sylvano Bussotti, Piano piece 4 for David Tudor.

Bussotti a fait un dessin en 1949  et il a décidé 10 ans après que ça allait être une pièce pour piano
et donc il a mis des indications pour qu’on puisse lire ce dessin avec un piano

et j’en ai mise une dernière pour montrer que la notation traditionnelle quand elle est sur-utilisée de façon complexe devient presque quelque chose de nouveau

26 Bussotti

Figure 16 : Sylvano Bussotti, Piano piece 5 for David Tudor.

 ça c’était pour montrer que le rapport entre l’œil et l’oreille est un rapport important à construire    mais pas seulement dans une notation qui existe déjà
ça peut être important de connaître un nombre important de notations parce que ça permet de construire un rapport entre l’œil et l’oreille  plus souple plus intelligent  plus varié
et ça permet de faire inventer des notations et ainsi de mieux construire son rapport à l’écrit

 

III. L’œil et l’oreille et la mémorisation (a)

Ainsi dès le départ, écrire ce n’est pas seulement enregistrer la parole, c’est aussi se donner le moyen d’en découper et d’en abstraire les éléments, de raisonner d’une manière proprement graphique. L’écriture transforme des processus temporels en processus spatiaux.

L’enregistrement de musiques traditionnelles dans de nombreux pays, n’a pas empêché les ethnomusicologues de retranscrire certaines musiques pour l’analyser. Mais l’introduction du magnétophone a permis à Jack Goody de réviser certaines conclusions. En effet, publiée sous forme de textes écrits, la récitation d’un mythe empêche de s’apercevoir de la créativité et de l’existence de diverses manières de comprendre le monde qui peuvent être en contradiction les unes avec les autres, ce que permet plus facilement l’enregistrement de versions différentes de la récitation d’un mythe. Jack Goody attire l’attention sur « la façon dont l’écriture a modifié la mémorisation orale. La pratique d’apprendre des choses « par cœur » semble être une caractéristique des cultures de l’écrit, où les phrases peuvent être lues et relues sans variations, où l’on peut apprendre à réciter la Bible de manière différente du mythe du Bagré, avec ses changements constants[6]. »

on apprend pas par cœur tant qu’il n’y a pas d’écriture
ce qu’il me semble intéressant  c’est que chacun peut réinventer la part d’écriture et d’oralité qu’il veut employer  pour faire quelque chose   souvent on n’arrive pas à avoir suffisamment de recul sur la part d’oralité et d’écriture           qu’on utilise  quand on travaille  quelque soit ce que l’on a à faire
mais notamment quand on fait une musique vous voyez que c’est assez différent
ce qui change en tous cas entre fixer quelque chose et le mémoriser avec un magnétophone ça va être différent de le noter pour le visualiser         mais maintenant avec les ordinateurs on peut faire les deux   on a à la fois la              possibilité d’enregistrer et on peut avoir un logiciel qui vous montre un certain type de visualisation  et vous pouvez travailler sur les deux aspects    mais on peut choisir chaque fois qu’on va faire quelque chose          comment on va mélanger oralité         et écriture   si je prends un exemple tout bête  c’est la liste
faire des listes c’est une des choses qu’étudie Jack Goody dans son bouquin
qu’est-ce que permet une liste qu’on ne peut pas avoir si elle n’est pas écrite
ce qui va changer    c’est       je ne sais pas si vous aller faire des courses au supermarché
vous écrivez un truc    puis après vous y repensez    puis vous écrivez une autre chose   puis vous allez vérifier dans le frigo puis vous allez barrer quelque chose parce que finalement y restait du lait
alors que vous l’avez pas trouvé tout de suite
et une fois au supermarché vous allez pouvoir rayer au fur et à mesure  si c’est dans votre cady ou pas  enfin bref       c’est pour montrer comment un support graphique comme la liste vous permet de travailler autrement que si  vous aviez mémorisé votre liste
parce que vous pouvez aussi la mémoriser votre liste
vous avez le choix   entre les deux   mais il faut savoir que vous obtiendrez pas exactement la même chose  en faisant l’une ou l’autre possibilité
on n’est pas encore ni dans la musique ni dans l’enseignement     mais c’est ça qui est intéressant
de vraiment réfléchir cette part d’oralité                  et d’écriture quand on enseigne
et quand on pratique la musique  et je vous donne juste un petit exemple  en littérature
y a un écrivain un poète    David Antin      qui est aussi critique d’art   qui a enseigné longtemps à l’Université de Californie San Diego    dans le domaine de l’art contemporain      et qui va décider à un moment donné au lieu d’écrire des poèmes     de faire des poèmes parlés   c’est-à-dire il va s’apercevoir     en écoutant une conférence qu’il a faite que ça fait    une poésie qu’il trouve plus intéressante que quand il écrivait de la poésie  et donc il va développer tout un savoir faire   et quand il va faire une conférence   il enregistre avec un magnétophone à cassette  qu’il pose devant lui
il prépare dans sa tête uniquement oralement  il essaie d’accumuler
dans sa tête ce qu’il va dire pendant la conférence   puis ensuite il appuie sur le bouton il fait une conférence                parce qu’il veut qu’il y ait le public  avec le public il parle pas pareil  il raisonne pas pareil  il réagit pas pareil  même si le public parle peu ou pose pas de question   >il a l’impression qu’il est dans une attitude qui n’est pas la même         et puis après  il va prendre l’enregistrement et il va essayer d’en donner une traduction graphique    en utilisant pas de ponctuation   en groupant pas les mots pareil    et puis il a son poème
donc là ce que je trouve intéressant   un poète réinvente ses moyens          son utilisation de l’oralité et de l’écriture       pour fabriquer de la poésie        pour dire que chacun peut réinventer sa part d’oralité et d’écriture  quand il fait quelque chose

L’art de mémoire qui s’est développé durant l’antiquité permettait de mémoriser au mot près des livres complets. La bibliothèque est alors un lieu exceptionnel et rare. Chaque personne doit mémoriser des lieux qu’il connaît parfaitement, puis elle inscrit des images ou des idées les unes à la suite des autres le long, par exemple, d’une rue. Sa mémoire dépend du nombre de lieux qu’il a mémorisé. Dans l’ouvrage intitulé Plutosophia (le sous-titre indique « on expose l’Art de la Mémoire et autres choses notables ayant trait tant à la mémoire naturelle qu’à l’artificielle ») de Frère Filopo Gesualdo Minor parut en 1592 à Padoue, l’auteur indique que Pierre de Ravenne s’est formé cent dix mille lieux, alors que Cicéron ne se contente que de cent. Mais Pétrarque n’est pas de l’avis de Cicéron[7].

 

III bis. L’œil et l’oreille et la mémorisation (b)

L’enregistrement n’a en rien supprimé l’utilisation de l’écriture, car elle ne sert pas seulement à mémoriser mais aussi à visualiser. Un exemple : en Jazz on utilise maintenant une écriture pour les thèmes et les grilles harmoniques (que de nombreux musiciens de Jazz n’ont pas utilisé eux-mêmes), mais la référence se construit à partir de l’enregistrement de tel thème, à une date précise, par des musiciens précis. En musique classique, la référence pour une œuvre reste sa notation et non pas l’enregistrement qu’en aurait fait un interprète, voir le compositeur lui-même (Debussy, Prokofiev, Bartók…).

Comme nous l’avons déjà signalé, à l’enregistrement de musiques traditionnelles succède parfois une transcription des ethnomusicologues qui désirent utiliser les mêmes outils d’analyse développés pour les musiques savantes.

Il est frappant de constater que Xenakis, compose ses premières œuvres en utilisant ses compétences « visuelles » d’architecte (exemple de Métastasis, et Diatope de Montréal). Dans ses compositions et dans la musique en général, il fera la différence entre des structures en-temps et des structures hors-temps. Ainsi un mode est d’abord une structure hors-temps, sur lequel on peut travailler grâce à un moyen visuel avant de le réintégrer en-temps au moment même de la composition ou de l’exécution.

Les rythmes non rétrogradables d’Olivier Messiaen ne sont perceptibles que par la vue de leur écriture. Il faut pourtant se méfier de conclusions parfois hâtives : jusqu’à la découverte et l’étude des polyphonies pygmées, on avait supposé que c’était l’écriture qui avait permis le développement en occident de la musique polyphonique ; cela semble être un élément possible mais qui n’était pas indispensable.

 

IV. L’école

  en fait elle est inventée à cause de l’écriture d’une certaine façon   ça veut pas dire qu’il n’y a pas d’enseignement avant l’écriture        ou qu’il n’y a pas d’enseignement          qui peut être même très élaboré  dans les sociétés où il n’y a pas d’écriture              mais en tous cas l’école telle qu’on la voit elle s’est vraiment             construite sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture
et que la plupart  des  outils que l’on peut associer    que ce soit les ardoises   les tableaux    maintenant l’ordinateur  ou des manuels    tout ça    on a vraiment l’impression que l’écriture a fabriqué   une institution qu’est l’école avec un nouveau corps   qui est les profs et puis un double des profs  qui sont les élèves
y a quasiment pas d’exemple de sociétés où l’apprentissage de l’écriture se déroule au sein de la famille                                  je crois qu’il existe  une    je sais plus où
en tous cas  l’écriture fabrique l’école et est liée intrinsèquement à l’école    ça c’est une chose importante à penser   pour penser ce qu’est l’école    sur quoi elle s’est construite même si on veut la faire évoluer

Mais souvent, l’usage de l’écriture est restreint à un groupe déterminé. Nombreux sont les premiers systèmes d’écriture dans lesquels les moyens de communications sont aux mains des prêtres ; dans d’autres l’aspect séculier est plus marqué. Si les textes eux-mêmes ne se transmettent qu’entre lettrés, le contenu de certains textes est communiqué par les lettrés aux non-lettrés. Par exemple dans le théâtre élisabéthain on se servait d’un texte écrit pour s’adresser à un public qui, dans l’Angleterre de l’époque, n’avait pas et ne pouvait pas avoir accès à l’écrit, au livre. De façon identique, le sermon explique un texte écrit à une assemblée de fidèles qui peuvent n’être pas capables de lire par eux-mêmes les saintes Écritures (et ils n’ont pas reçu l’enseignement « oral » qui leur permettrait d’interpréter correctement ces Écritures). Le maître expose, l’auditoire répond ou enregistre sans pour autant être nécessairement lettré. C’est ce genre de situation que certains groupes de prêtres, de mandarins ou de scribes souhaitent perpétuer, même après que les développements de l’enseignement aient rendu techniquement inutile et socialement dommageable un tel privilège.

et en même temps   l’écriture a pu être un moyen d’émancipation sociale et intellectuelle incroyable
comme à chaque fois que l’on invente un outil   si on compare l’outil internet avec l’outil écriture
à chaque fois on peut avoir deux aspects            positif et négatif    et c’est important de les situer
et de les analyser                l’écriture en tous cas a une impact social  très fort  pour fabriquer des statuts   des dominations   ou des révolutions     dans les sociétés

L’apprentissage des langues dans le cadre de l’école a souvent engendré un certain nombre de problèmes. En voici deux exemples. Ce premier passage est extrait d’un entretien mené en 2000 entre Hans-Georg Gadamer et Hans Ulrich Obricht.

Tout dialogue débute par la première question que l’on pose. Je pars de l’idée que, si l’on veut comprendre ce qu’est la parole, il faut que l’on comprenne que c’est le fait de répondre ou de questionner. Il convient d’en saisir l’importance, puisque longtemps l’enseignement des langues étrangères était conçu dans l’unique perspective de la lecture. Dans l’apprentissage des langues, nous devons donner la première place au dialogue, et non au texte. Si nous voulons vivre démocratiquement en Europe je prône l’usage de trois langues vivantes… Lorsqu’on dialogue avec quelqu’un, on est toujours dans un mouvement[8].

je prends de nouveau un exemple dans la littérature                       je vous le présente rapidement
c’est une écrivaine d’origine hongroise qui va venir en France quand elle a genre 25 ans
qui s’appelle Katlin Molnar        elle apprend le français en Hongrie donc elle apprend le français à l’école et quand elle arrive en France   elle est complètement décalée quoi
elle parle très bien   genre Molière  mais pour parler le français le décalage est vraiment très grand
et du coup ça va lui poser plein de questions sur le décalage entre le français qu’elle parle elle et le français qu’elle entend   et en s’apercevant qu’ il y a probablement plein de français parlés     et donc elle a écrit plusieurs bouquins là-dessus mais je vous passe juste un petit texte très court qu’elle a écrit pour rendre compte de ça   voilà

Parce que dans la langue, il y a l’écrit sans la parole, épui yalaparol sanlékri, épui donk, le français éjénial! pourça (bonne chose dans toute mauvaise chose il y a) car on peut séparer mais on peuôssi mélanjé, épuidonk, pour atténuer le coté fumeux, ai aussi utilisé des langages qui, à mon sens sont joyeusement pas fumeux, méalor pa!fumeudutout, abaalorla! laputin! Cela vous consolera-t-il ? Je n’en sais rien mais le souhaite (comme les bonnes choses que souhaitait mon papa à moi).

donc là vous voyez elle a mélangé plusieurs attitudes   il y a plusieurs états    d’abord comme écrit puis ensuite les sons  ensuite « bonne chose dans toute mauvaise chose il y a »     ça c’est du hongrois      si on parle hongrois et que l’on traduit mot à mot    faudra le mettre dans cet ordre là    et ensuite quand elle arrive à abaarlola ! laputin! C’est une tentative de rendre par écrit le parlé courant    dans le livre qu’elle développe à la suite de ça elle va faire exprès de traduire une interview de Ligeti qui est un compositeur hongrois   qui parle en français dans l’interview et elle va rendre par écrit son accent    comment il parle français avec son accent hongrois   mais il utilise des constructions de phrases hongroises     de même elle va traduire plein de passages du film La haine de Mathieu Kassovitz en essayant de rendre graphiquement ce que ça donne  voilà                  elle essaye de rendre  la variété de la langue                 et ce rapport qu’il y a sans arrêt entre l’écrit et l’oral quand on fait ça

 

IV bis. Musique et enseignement

L’écriture de la musique a entrainé des modifications dans l’enseignement de la musique. S’il est très difficile de retracer cette évolution, le premier traité qui a un succès retentissant est celui de Guido d’Arezzo au XIe siècle :

Prologue : Comme mes dispositions naturelles et l’exemple des gens de bien me rendaient plein de zèle pour l’intérêt commun, je choisis, parmi d’autres possibilités, d’enseigner la musique aux enfants. Au bout du compte, la grâce divine advint et certains d’entre eux, s’étant entraînés, grâce à l’emploi de notre notation, à imiter le monocorde, chantaient en moins d’un mois des chants qu’ils n’avaient ni vus ni entendus, à première lecture, avec une telle sûreté que cela offrait un spectacle extraordinaire pour bien des gens. Et pourtant, celui qui n’en peut faire autant, je ne sais de quel front il ose se prétendre musicien ou chanteur. C’est pourquoi j’éprouvai une grande peine à l’égard de nos chantres qui, même s’ils persévèrent cent ans dans l’étude du chant, ne sont pas capables pour autant d’exécuter d’eux-mêmes la moindre antienne qui soit ; toujours studieux, comme dit l’Apôtre, ils ne parviennent jamais à la connaissance de la vérité[9].

Ce succès (dû probablement à sa grande efficacité) entraîne l’adoption de la solmisation puis de ce que l’on appelle le solfège, c’est à dire associer à une hauteur et à sa redondance dans n’importe quelle octave, une syllabe. Ainsi on associe signe graphique, hauteur et syllabe. Certains systèmes ajouteront même une association avec un geste dans l’espace.

La notation va se perfectionner et se standardiser. Elle permet de transmettre l’ensemble des informations nécessaires à la production d’une musique inventée par une personne qui n’est pas là ou qui est morte. Pourtant à regarder de près, un ensemble très important de consignes, savoir-faire, conceptions esthétiques, choix d’interprétation, continue à se transmettre de façon uniquement orale et parfois de façon tout à fait implicite, en s’appuyant seulement sur l’imitation et l’imprégnation.

Cela va entrainer une division de plus en plus marquée entre deux types de musiciens, le compositeur et l’interprète (que longtemps on appellera exécutant), celui qui invente la musique et celui qui la joue. Au XXe siècle Ravel et Stravinsky s’exprimeront très nettement tous les deux pour avoir des interprètes qui restent au plus près de ce qu’ils ont écrit ; ceci sous-entendant qu’ils restaient encore des interprètes faisant des choix qui s’éloignaient de la notation (il suffit d’écouter Scriabine jouant ses propres compositions pour le constater). L’enseignement au XXe siècle va rapidement se centrer sur la formation d’interprètes, le parcours vers la composition étant repoussé à la fin des études pour un petit nombre d’entre eux.

De plus l’enseignement du solfège qui se fait en groupe, est essentiellement basé sur des procédures de l’oralité. L’enseignement instrumental lui s’organise avec comme tâche principale la lecture de pièces musicales, chaque enseignant étant le garant de comment jouer ces pièces, s’appuyant alors uniquement sur une tradition orale.

Si l’on rentre dans le détail de ce que veut dire « lire la musique », on peut associer une grande variétés de compétences. Ainsi à l’époque baroque, on demande à un maitre de chapelle pour le recruter de déchiffrer au clavecin ou à l’orgue des partitions à quatre, cinq ou six voix. Mais elles ne sont pas notées les unes au dessus des autres, mais l’une après l’autre in extenso. Un chef d’orchestre doit pouvoir lire de très nombreuses voix avec des instruments « transpositeurs ». Une fois éduqué, il peut être très gêné si la partie de cor est écrite en ut. Un instrumentiste qui s’habitue à lire les partitions dans une clé donnée, se trouve déstabilisé s’il doit lire dans une autre clé, même s’il la solfie parfaitement. Ainsi un pianiste ou un claveciniste aura du mal à jouer sur la partition originale des pièces de clavecin de Couperin, car celui-ci utilise une grande variété de clés aux deux mains. C’est surtout l’École française du XIXe siècle, avec le Conservatoire de Paris, qui décidera de former des musiciens capable de lire à vue très facilement, alors que cette qualité pouvait être relativement exceptionnelle dans d’autres pays. Il suffisait de déchiffrer lentement avant une répétition pour apprendre la partition. Les instrumentistes qui veulent transposer une partition (un pianiste dont le chanteur demande pour plus de confort ce jour-là de jouer un ton plus bas, un trompettiste qui passe de la trompette en ut à celle en si b) doivent travailler spécifiquement pour développer cette compétence.

L’un des problèmes majeurs est la grande diversité des pratiques musicales et des musiques existantes. Comment former des musiciens qui pourront choisir les types de musiques qu’ils voudront jouer ? Certains préconisent de partager les conservatoires avec un grand département pour les musiques où l’on doit savoir lire, et un autre pour les musiques où l’on doit savoir jouer d’oreille et « improviser ». Je ne suis pas sûr que ce grand partage soit très bénéfique. Mais surtout, toute la musique savante occidentale gagnerait à réintroduire dans son enseignement les capacités d’improvisation qui ont caractérisé tous les musiciens dits classiques pendant plusieurs siècles.

Donner à tous les élèves les moyens de lire, écrire, improviser, inventer, manipuler de la musique dans un premier cycle, me semble préférable, avant qu’ils ne décident par eux-mêmes de développer plus ou moins certaines compétences et certaines pratiques musicales qui leurs sont chères.

 


1. Voir Michel Malherbe, Les langages de l’humanité, Paris : Robert Laffont Bouquins, 1990.

2. Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérontif, Paris : Le Tripode, 2017.

3. Voir Jack Goody, La raison graphique, Paris : Les éditions de minuit, 1979.

4. Jean-Pierre Minaudier, op. cit.

5. Voir Murray Lerner (dir. et prod.), Walter Scheuer (prod.), De Mao à Mozart, Issac Stern en Chine [film], Harmony Film (dist.), 1981.

6. Jack Goody, Mythe, rite & oralité, chapitre 9, « Ecriture et mémoire orale, l’importance du « lecto-oral » », Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 2014, p. 161 (trad. Claire Maniez).

7. Jacques Roubaud, L’invention du fils de Leoprepes, poésie et mémoire, Saulxures : Editions Circé, 1993, voir p. 13.

8. Ulrich Obrist, Conversations, Vol. 1, Paris : Manuella Editions, 2008, p. 275-276.

9. Gui Arezzo, Micrologus, Paris : Cité de la Musique, 1996 (trad. Marie-Noêl Colette et Jean-Christophe Jolivet).

 

[Clément]

 

Itinéraire entre "Cardew" et "Cefedem"

 

Cornelius Cardew :
Revenir à Buffalo était particulièrement émouvant, dans la lumière étincelante au couché du soleil. Le soleil se couche sur le lac Erie et il doit lutter avec toute la fumée de Bethlehem Steel, ce qui le rend complètement rouge. Surtout ma vieille bibliothèque phallique favorite, son sommet brillant en mosaïques de couleurs dont je ne me souviens pas de les avoir vues auparavant. Je me souviens de m’être assis au bord du lac sous les rayons glacés du soleil en train de dessiner les esquisses des 40 dernières pages de Treatise. Alors, j’ai inclus la bibliothèque en retravaillant le début, mais pour une raison ou une autre je l’ai couchée sur le côté.

 

Extraits de dialogues d’étudiant·es du Cefedem :
[Transcription : Nicolas Sidoroff]
L’hiver est doux en cette mi-janvier 2017, au centre de Lyon. Un stage de lancement ouvre la Formation Diplômante en Cours d’Emploi (FDCE) du Cefedem Auvergne Rhône-Alpes. Des activités « musicalo-réflexives » viennent questionner les notions de procédures et de contextes. Deux groupes de quatre personnes ont choisi chacun une page différente de Treatise.
Au moment de cette discussion, un de ces groupes a commencé à jouer la page 83. Pour cette occasion, il joue d’un vibraphone, elle d’une clarinette, il joue d’une guitare acoustique, elle chante, et beaucoup utiliseront la voix. Illes sont en arc de cercle, un pupitre est devant le vibraphoniste, et les trois autres se partagent deux pupitres, chacun avec la p. 83 posée, format paysage, le numéro en bas.

Illes jouent le tout début [env. 8 sec].

– Et là, on va marquer ce truc, je pense, on est d’accord ?

– Oui parce qu’on n’a pas…

– Ça on ne l’a pas fait

– On n’a pas évoqué aussi le fait que si, qu’il peut y avoir des silences, aussi

– Ouais, ça, ça pourrait être un silence. Bon, on fait un coup pareil et nous, on marque l’arrivée

– Ou alors est-ce que ça, ça ne serait pas… on est parti sur l’idée que c’était un son, mais est-ce que ce n’est pas la ligne de…

– Oui, un référent

– …la ligne de temps, et que, en fait, tes sons, ils sont là, et donc tu as tout ça de silence ?

– Ça marche bien là notre système, c’est-à-dire que, là, tu as fait la clarinette, là, moi j’ai fait ça, là tu as la voix qui arrive, moi je peux encore faire ce petit bout, ou toi ?

– Moi je faisais une croix… vous n’avez pas entendu ma croix [rires].

Démonstration de la « croix » à la guitare [3 sec].

– Donc moi, je fais l’intersection [en tapant sur le pupitre à l’endroit où]

– Oui, donc moi je ne fais pas…

– Ah oui, la croix c’est ça

– Toi, tu interprètes en termes de, ouais c’est une croix c’est donc…

– Lui, il fait des sons

– Je fais ce qui me passe par la tête

– Et du coup, la croix tu l’interprètes comment ?

– Comme ça…

Démonstration de la « croix » à la guitare [3 sec].

– On se dit que ça c’est la croix, OK et bien moi je vais marquer l’arrivée de la voix, en bas. On refait ça ?

– Allez

– D’accord !

– Alors moi j’attends la chute et…

– Ouais, donc il faut qu’on se synchronise tous les deux

– Du coup, sur ton départ

– C’est parti ?

Illes rejouent le début [env. 8 sec].

– On la refait, j’étais pas… [rires]

– Bon, on a le début, c’est vachement bien

– Allez !

Illes rejouent le début [env. 10 sec].

– Moi je veux bien la refaire, parce que du coup, ça, ça arrive plus tard

– Ouais parce que, en fait, il faut que je le fasse plus court

– On a rallongé notre bout, faut que nous on fasse plus court, très bien

– Ouais c’est plus petit, il faut que ça soit peut-être un peu plus petit

– J’ai essayé de te suivre mais du coup il ne faut pas…

– Je peux faire le geste aussi

– Ouais mais la guitare est censée commencer avant… enfin non

– Non, elle ne fait que la croix

– C’est vrai, mais c’est un bon point de repère, musicalement ça va… c’est plus cohérent en fait

– Il est trop bien ce morceau, il va déchirer.

 

Cornelius Cardew :
Donc, de manière idéale, on devrait en composant essayer d’éliminer toute forme d’interprétation, et se concentrer sur la notation elle-même, qui devrait être nouvelle et aussi fraîche que possible (par là moins susceptible de provoquer chez l’interprète des préconceptions – pourtant, si c’est un bon interprète ses préconceptions ne risquent-elles pas d’en être aussi de bonnes ?) et devrait implicitement contenir dans sa structure interne, sans avoir le besoin de la moindre directive, toutes les implications nécessaires pour une interprétation vivante.

 

Étudiant·es du Cefedem :
Après un travail d’1h15 environ, le groupe joue sa version de la p. 83, devant le groupe qui a travaillé, lui, sur la page 56…
Quelques mots sur les choix principaux et les questions qui sont apparues ? Comment le groupe a fonctionné ?

– Il y a eu un grand débat sur la ligne horizontale, est-ce qu’on la joue ou est-ce que c’est juste une notion de temps ?

– Moi je pense que c’est un bourdon…

– Un référent…

– Mais on a lâché l’idée

– Au début on a pensé à une pédale, un bourdon, un truc, quelque chose qui serait tenu

– Mais après l’idée a été abandonnée, pour que ce soit le fil conducteur, en fait.

 

Brian Dennis :
A la page 191 la « ligne de vie » s’arrête et après deux boucles superbement dessinées les portées émergent comme suit : la portée du haut est dessinée à la main (sauf la deuxième ligne), celle du bas est dessinée à la règle (sauf la deuxième ligne) et le processus continue pendant encore deux pages, de manière identique, excepté les fluctuations infimes de la main incontrôlée du compositeur.

 

Étudiant·es du Cefedem (suite de la discussion).

– Un référent, et pour la hauteur, on est parti du fait de se dire que ce qui était au-dessus de la ligne médiane, c’était plus aigu, en-dessous plus grave ; et aussi un référent de temps qui n’est pas quantifié, on ne s’est pas fixé un tempo, on s’est juste dit ça va suivre l’ordre chronologique dans ce sens là, jusqu’à la fin

– Et les petites bulles, on a pensé à des sons…

– Des sons très courts, des impacts, et puis il y avait, un espèce de gros… pâté au milieu, là

– La partie centrale

– On arrivait pas à s’en sortir, donc on s’est dit qu’on allait faire une espèce d’improvisation

– Oui, on s’est dit voilà, ça peut, peut-être, plus représenter les courbes

– Mais en gardant quand même les impacts, que…

– Que je joue

– Moi, ça me faisait penser un peu à un feu d’artifice

– Donc on était parti là-dessus…

– Et après on a fait aussi figure par figure, on a détaillé un peu

– On a bien bossé le début

– Voir si on pouvait rester homogène sur la durée du morceau, sur tous les graphismes

– On est aussi parti du fait qu’il y a des traits en gras et des traits qui ne sont pas en gras, donc on est parti sur la notion d’intensité. Quand c’est en gras, on joue plus fort, quand ce n’est pas en gras, on joue moins fort. Et après, on a essayé aussi de respecter, si possible, toutes les relations entre ça et ça : ça se joue en même temps que ça, essayer de voir si on peut arriver à…

– A garder une verticalité

– A avoir une cohérence temporelle

– Mais bon, il a fallu faire un choix, il y a plein d’interprétations possibles ! Ce qu’on s’est dit, c’est surtout qu’on n’avait pas forcément les mêmes idées au départ, on a pensé que c’était, mais peut être que c’est trop fermé, on s’est dit qu’il faut quand même essayer de voir la partition tous de la même façon, si on veut arriver à la jouer ensemble, ce qui n’était pas forcément obligatoire

– On s’est dit, on va essayer de se faire un code commun

– Voilà. On a quand même été tenté de se dire qu’il faut trouver une signification à tout

– Et c’est à ce moment-là qu’on s’est dit que, si on donnait cette partition à des enfants, ils se poseraient beaucoup moins de questions, ils verraient des impacts, ils verraient un son qui descend, ils prendraient une baguette sur un carillon et ils descendraient, et si les lignes montaient…

– On a commencé par dire on joue dans quelle tonalité, et après on a fini par dire non, non, on va faire un truc

– On s’est posé la question : est-ce qu’on reste dans une tonalité ou on joue de manière atonale ?

– Et après, on s’est dit non, on va essayer de respecter le ressenti de chacun, ce qui vient à ce moment-là, ce qui sort…

 

Cornelius Cardew :
Supposons que l’instrumentiste se comporte de la manière suivante : il lit la notation et construit une image du son (dans son esprit – un son imaginé comme une hypothèse). Il essaie ensuite de reproduire cette image en sonorité ; il joue, et ensuite il écoute le son qu’il a produit ; il le compare à l’image du son qu’il avait auparavant dans son esprit, et il pourra faire quelques changements, en réduisant les divergences, se dégageant rapidement des fausses notes, jouant moins fort les notes qu’il trouve trop envahissantes, etc. etc.

 

Étudiant·es du Cefedem :
L’autre groupe a travaillé la p. 56, dans la salle bien nommée “du bout du monde”, petite et toute en longueur. Ce groupe joue à son tour la page devant l’autre groupe…
Des explications sur les différents chemins entrepris pour arriver à cela ?

– Tout d’abord, on a choisi nos instruments : violon, trombone, harpe, et puis on s’est dit finalement qu’on pouvait essayer des choses avec une possibilité de changer en cours de route. On a commencé chacun à donner nos impressions aux autres, sur ce qu’on voyait sur la partition et sur ce que ça nous inspirait, en associant le graphique à des idées. Et puis, au bout de peu de temps, peut-être une minute ou deux en fait, on a décidé de se jeter à l’eau et de faire un premier essai, de jouer, voir, sans rien se dire. Après cette première fois, on s’est échangé nos impressions, chacun a expliqué ce qu’il en avait fait. Finalement, au bout d’un certain temps, on avait lâché cette partition parce qu’on avait besoin de se retrouver avec une écoute commune, c’est ce qu’on n’avait pas en essayant de chercher à quoi correspondaient les graphiques par rapport à des idées musicales. Donc on avait finalement, tous, lâché l’affaire afin de jouer ensemble…

– Vous n’avez pas le droit [rires]

– Comment ça, on n’aurait pas le droit ?

– Nous, on a suivi la partition !

– Alors justement…

– C’est ce qu’on a fait après

– C’est venu de cette constatation : qu’est-ce qu’on fait de cette partition ? Quelles ont été les intentions de l’auteur, du compositeur ? On a cherché ce que voulait dire le titre, donc on a trouvé « traité » en anglais, eh bien on s’est dit que peut-être, il avait voulu faire un traité graphique sur les possibilités de jouer ? Donc on a cherché à signifier plus précisément quelles étaient les consignes, plutôt que de chercher à spécifier plus précisément l’interprétation des graphismes. Alors, on s’est dit qu’on allait refaire un deuxième essai avec quelques consignes… Il y avait des numéros sur la partition, qu’est-ce qu’ils veulent dire ? On avait plusieurs possibilités, il y a eu l’idée du nombre de fois, alors on a divisé la partition en tronçons, en petites sections. Le « 1 » voulant dire une fois ce qui suit ; le « 2 » deux fois ce qui suit ; etc. Jusqu’au « 4 » : le quatre ne correspondait plus à rien ! Alors on s’est dit que, peut-être, c’était la suite : dans le fameux traité, peut-être qu’il y avait quelque chose après cette p. 56 [rires]. Du coup, on se dit qu’on allait quand même en faire quelque chose, le trait fixe continuait et il y avait rien d’autre, on a gardé l’idée de ce trait fixe, qu’on avait évoqué un petit peu avant. Est-ce qu’il est un bourdon, est-ce que c’est un repère entre les hauteurs ? On a décidé de le traiter en bourdon et de faire quatre fois quelque chose : quatre fois un silence. On a aussi pensé à quatre saluts à la fin. On s’est posé des questions sur les durées de chaque section, on s’est dit que ce serait variable suivant ce qu’on en fait, mais qu’on avait quand même l’idée de silence à la fin de chaque section, hormis le bourdon. On s’est aussi posé la question du registre, et de ce choix : il y avait une petite clé de fa dessinée, dans le premier tronçon, en haut… On s’est dit que oui, c’était peut-être plus aigu en haut et plus grave en bas, mais quand même, il y avait cette petite clé de fa là, donc finalement on s’est demandé ce qu’on pouvait en faire. Au final, pour toute la suite, on a décidé de faire aigu au-dessus grave en dessous, mais pour ce début on ne l’a pas vraiment gardé…

– Eh bien si, parce que je finis mon glissando en bas, en clé de Fa

– Oui, tu finis ton glissando en bas, c’est vrai, mais ça se mêle entre nous quatre. Et il y a les portées du début qui sont petites puis grosses là… En fait, pardon mais là j’ouvre une parenthèse : il y a la portée en bas. L’un de nous a dit « eh bien ça c’est une invitation à l’écriture, parce que cette portée est partout là sur son traité ». A quoi elle peut bien servir ? Est-ce que c’est pour noter ses idées ou est-ce que c’est quand même une invitation à "écrire" quelque chose ? Du coup, il y avait cette petite portée au début, on s’est dit : on va faire une petite mélodie, quelque chose qui ressort, et après la portée est amplifiée, donc on va reprendre cette mélodie qui se retrouve grossie en intensité et qui change d’instrument. On pourrait détailler tous les graphiques qu’on a vus ensemble, on ne va peut-être pas tout faire. On a fait des essais successifs sur chaque tronçon pour voir ce qui nous plaisait, on a discuté ensemble selon si ça nous parlait, si ça ne nous parlait pas, si c’était quelque chose qui correspondait à notre vue de la partition. Certaines choses, certains graphiques correspondaient à quelque chose de formaté chez nous, comme les ronds et les harmoniques…

– Oui, c’est des harmoniques, voilà

– Ah… mais c’est pour ça que tu n’arrêtais pas d’en parler toi aussi dans notre groupe [rires]

– Les ronds, les harmoniques, ou pas, les portées, ou pas, il y a eu écho ou non et discussion, et on a décidé de garder au final ce qui nous parlait le plus. On a ajouté des repères sur la partition aussi, on en a ressenti le besoin pour certaines petites choses, par exemple la mélodie qu’on a écrite là succinctement, ou ce signe pour ne pas oublier de revenir quand ça se joue deux fois, des petites pêches au trombone là, des petits traits verticaux qui se retrouvaient à plusieurs endroits, donc on a rajouté des petites choses pour ne pas oublier. Le carré a été une carrure, on a décidé de le traiter en 4 × 4 mesures

– Et c’est là qu’on a fait nos bruitages

– On s’est posé la question : à l’intérieur du carré ça pouvait servir comme une boîte blanche, une boîte pour des bruits qu’on a décidé de faire

– En fait, on a inventé nos signes

– On s’est inventé notre interprétation

– Et à la fin, on s’est posé la question du public avec la contrainte de la salle. On s’était mis face au mur pour jouer, et on s’est dit : où va-t-on mettre le public ? Finalement, on s’est fait plaisir et on a joué ensemble, on s’était dit que vous vous installeriez peut-être au milieu de nous, bon alors c’est vrai qu’il y a tout le mobilier qui invitent à s’asseoir autrement… donc on a improvisé une autre disposition. Quand on monte quelque chose, quand on veut ensuite le restituer, quelle est la place du public ? Où est-ce qu’il s’insère ? Est-ce que ce ne serait pas intéressant, pour voir les choses autrement, de mettre le public ailleurs, au milieu, différemment ? Ça nous a fait poser des questions sur pas mal de choses

– C’était une première pour nous tous

– Pas tout à fait première pour moi

– Ha oui ?

– Je suis habituée à ce genre d’expérimentations

– Ah, tu nous avais pas dit [rires]

– Maintenant tu peux l’avouer…

 

Cornelius Cardew :
Dans beaucoup de cas, on n’imagine pas le son sur la base de la notation, mais sur la base d’expériences antérieures, c’est-à-dire, (aussi) en travaillant la pièce, et en conséquence le son “imaginé” n’a pas du tout la prétention d’être exact, et en conséquence une comparaison de la réalité du son avec celui-ci ne fait aucun sens.

 

Étudiant·es du Cefedem (suite de la discussion).

– J’ai trouvé étonnant le fait qu’il ait appelé ça un « traité », donc quelque chose d’exhaustif, d’approfondi et de complet, et qu’il précise « sans instruction », il y a quelque chose d’un peu "oxymorique". Mais malgré tout, je vois qu’on ne sort pas des instructions. C’est-à-dire que, par exemple, l’idée de grave et d’aigu par rapport à la ligne de référence, en fait, on n’arrive pas à en sortir, on en a discuté, mais on est quand même resté dedans. Et voilà, dessous il y a des portées, mais des portées qui n’ont pas de clé, est-ce que c’est une portée ou est-ce que c’est simplement qu’il y a cinq lignes posées là ?

– Je trouve qu’on cherche beaucoup aussi la signification des choses. C’est difficile de se mettre d’accord tous ensemble, parce qu’il y a mille manières d’interpréter ces codes sans significations écrites. Du coup, on passe beaucoup de temps à se mettre d’accord et moins à jouer. C’est pour ça que j’avais fait la réflexion tout à l’heure, d’essayer de se dire qu’on pouvait faire deux parties : une où on ne se dit pas les codes, on joue, chacun interprète la musique en fonction de l’image qu’il se fait des codes ; et puis une autre partie où on se dit vraiment ce que veulent dire les codes

– Et c’est vrai que ça a marché ! J’ai trouvé que ça avait bien marché la première fois, où on ne s’était encore rien dit. Et une fois qu’on s’est déjà dit des choses, c’est plus dur de les lâcher, et de repartir à zéro comme si on n’avait rien dit, comme si on n’avait rien fait, rien décidé

– Dès l’instant où l’on a une partition, je trouve que ça engendre un certain processus…

– Justement, c’est ça qui est génial ! Quand on vous regarde de l’extérieur, on vous voit tous regarder vers le pupitre…

– Comme une partition classique tu veux dire ?

– Voilà, c’est comme si vous aviez une partition classique sous les yeux. Ça m’a vraiment interpellé le fait que vous regardiez tous le pupitre comme ça, on avait vraiment l’impression que vous suiviez quelque chose de très écrit

– C’était très écrit.

– Est-ce que vous avez reconnu ce qu’il y avait sur le papier ? Est-ce que c’était possible de suivre la partition pour vous ?

– Moi non

– Au début, je me suis dit : je vois bien où on est, puis à un moment, j’ai dit… non [rires]

– Nous, on avait une autre temporalité aussi, plutôt courte, donc forcément on l’a lu avec notre temporalité, enfin je pense…

– Vous avez mis la partition à l’horizontale ?

– Et on a suivi de gauche à droite, oui

– En fait, on a énormément de conventions, on a suivi des conventions malgré nous

– Oui, on s’est dit qu’on était formaté par plusieurs choses

– C’est normal en même temps

– Mais on est obligé d’interpréter quelque chose, on ne peut pas laisser un truc comme ça, sans…

– Et à la fois, il a laissé traîner des signes conventionnels, il y a des chiffres, il y a une clé de fa

– Il y a une portée en bas

– Donc on ne sait pas trop à quoi s’en tenir

– C’est pour ça qu’il dit « sans instruction » [rires]

– Et ce n’est pas vraiment sans instruction parce qu’il y a des signes reconnaissables quand même, disons qu’il y a des signes interprétables

– Mais qu’est-ce qu’on en fait… c’est ça les instructions, et là, on n’en a pas !

– Un chiffre, c’est déjà plus signifiant qu’un trait.

 

Cornelius Cardew :
Chaque musicien interprète la partition selon sa propre perspicacité et sensibilité. Il peut être guidé par de nombreuses choses – par la structure interne de la partition elle-même, par son expérience personnelle de la pratique musicale, en faisant référence à diverses traditions qui se sont développées autour d’œuvres indéterminées particulières, par l’action des autres musiciens qui travaillent sur la pièce, et – si tout cela échoue – par des conversations avec le compositeur pendant les répétitions.

 

Etudiant·es du Cefedem :
Ensuite, chacun des groupes avaient à faire deux versions de cette même page, dans deux styles différents.
Cette discussion a lieu après la dernière répétition d’une version « inuit » de la p. 56…

– Voilà, ouf, ça chauffe…

– Ouais, moi j’y étais

– Est-ce que tu peux marquer « pentatonique » en plus gros parce que, avec la harpe devant, je n’arrive pas à voir

– Et après on le répète comme on le sent, la fin on la sent naturellement, et on passe à autre chose

– Là, oui on fait une pause, en fait, on s’arrête, c’est la porte pour autre chose

– Et puis là, il y a ton tambour, frotté

– Oui, là c’est juste frotté, mais est-ce que c’est en rythme ? ou alors est-ce que c’est juste…

– Moi je verrais bien, le bruit du vent, des vagues, en frottant comme ça à la main, comme un truc, sans rythme d’abord, puis après rentrer dans du rythme

– Et là-dessus, en rythme aussi ?

– Là par contre, ça, c’est rythmique, c’est les petites notes et elles sont bien rythmiques.

 

Cornelius Cardew :
La notation devrait mettre l’interprète sur le droit chemin. Il peut s’élever au-dessus de la notation s’il travaille à travers la notation. Interpréter d’après des règles devrait lui permettre d’accéder à l’identité de la pièce ; une fois qu’il a compris, il pourra rejeter les règles et les interpréter librement, sécurisé par le fait qu’il sait ce qu’il fait – il connaît la pièce.

 

Étudiant·es du Cefedem (suite de la discussion).

– Quelle heure est-il ?

– Hé bien… il est l’heure, allons écouter les versions de l’autre groupe !

Les deux groupes jouent ensuite chacun leurs deux versions et discutent de la manière dont illes s’y sont pris·es.

Le groupe travaillant sur la p. 83 a proposé une version « "grégorien" avec plus ou moins d’ostentation »

– Au départ, on voulait musique Moyen-Âge qu’on ne connaissait pas trop, alors on a regardé les sous-genres

– Deux heures d’études et il nous restait plus que cinq minutes à la fin [rires]

– et, donc on a trouvé chant grégorien, et puis on s’est dit que c’était bien de faire quelque chose a cappella sans les instruments, pour que ça change un peu

– Et c’était du chant, c’était monodique, le cahier des charges était super clair

– On a cherché les paroles

– Mais la partition ?

– C’est par rapport à un texte qu’on a trouvé sur Internet

– Je parlais de la partition contrainte

– Mais c’est ça : on est parti du fait qu’il nous fallait un texte puisqu’on faisait un chant, et on a essayé de le découper. On met « salve » là, après ça solo, puis on met « mater » ici, et on s’est dit les cinq points, on va faire cinq fois la même note

– On n’a pas du tout interprété la partition de la même façon

– Ce sont les paroles qui nous ont mis les contraintes, en fait, plus que le schéma

– Mais la mélodie que vous avez choisie, elle est fonction du dessin, ou pas forcément ?

– Un peu

– Oui, par exemple quand tu vois effectivement une descente comme celle-là, on est descendu. Et après, ça, on s’est dit que ce pourrait être une indication plus de gestes que de notes

– Le fait d’avoir des paroles oblige à regarder la partition différemment, et que notamment, le temps ne se déroule plus de gauche à droite sur la ligne médiane de référence, mais suit le trajet du chant

– Le temps, le déroulement, c’est juste la courbe

– Pour le chant c’est ça, on peut se dire qu’on va partir ensemble ici et puis qu’on va finir là… mais non, parce qu’on va se retrouver sur une harmonisation et c’est impossible, donc il faut le voir autrement

– Et la mélodie, vous l’avez inventée ?

– Oui, on a pris juste le texte. Et ce qui est assez étrange justement, c’est qu’on a regardé les partitions d’époque, quand ils faisaient les premiers chants grégoriens, sans le système de notations de maintenant

– Avant les neumes

– Il y a juste le texte avec des petites apostrophes, des virgules et des choses comme ça pour savoir si ça monte ou si ça descend. C’est pour ça qu’on a suivi la courbe, mais bon… c’est vrai que là, à et endroit, ça commence à être un petit peu compliqué [rires] mais disons que c’est justement plus mélodieux, là on voit bien qu’il y a quelque chose qui se passe.

– Et puis, le fait que nous, les femmes, normalement, on n’aurait pas dû chanter, mais on s’est dit : c’est pas grave, on chante !

Puis une version « "blues" un peu après le début du XXe siècle »

– On voulait partir sur un blues vraiment traditionnel

– Mais instrumental pour trancher avec ce qu’on avait fait avant

– Mais voilà, si on part vraiment sur l’origine du blues, c’est plutôt la voix et la guitare, donc on s’est dit qu’il fallait se placer un peu après dans le temps si on voulait mettre d’autres instruments

– Et que la washboard, ça ressemblait vachement à un pied de table [en rejouant son geste vertical, avec des balais et pas des dés à coudre] [rires]

– Et j’ai pris une chanson de Bessie Smith, donc plutôt début XXe siècle, et on est parti là-dessus

– On s’est donné une tonalité et j’ai fait une rythmique basique à la guitare…

– Et là, on a fait complètement autre chose au niveau de l’interprétation de la partition. On s’est dit, ça, ça va être carrément notre première grille, notre tourne, après, ça, on se dit que ça va être des arrêts, puis ça c’est le solo de guitare et on refait une grille, puis ça on estime que c’est une répétition et là, la descente de guitare. Donc on l’a interprété plus au niveau structure que de note à note

– Un peu par paquets, alors que le travail sur la toute première version était plutôt hyper pointilliste

– Oui, on a été rigoriste sur la partition à un moment, mais plus ça va, plus j’ai l’impression qu’on se focalise moins sur des choses, qu’on prend plus en globalité.

Le groupe avec la p. 56 a proposé une version « Les inouïs des inuits du Canada », et une autre « "celtique" façon Alan Stivell »

– Pour la version "inuit", comme on avait moins de référence, comme on connaissait moins cette musique, j’ai l’impression qu’on était plus libre

– On s’est presque plus amusé à faire celle-là, même si au début on était bien désemparé parce qu’on ne savait pas où aller. Alors que pour la version "celtique", on est dans des carcans, où il faut s’en tenir à un style qu’on se représente chacun d’une façon différente, et on essaye de s’y coller. On est plus contraint

– Pour ma part, ce n’est pas ça qui a joué. Pour la version "inuit", j’ai trouvé qu’on avait assez rapidement fait le tour du moule. On avait repéré trois modes de jeu dans nos recherches et écoutes, et finalement on n’avait pas trop de multiplicités possibles. Alors que, peut-être, sur le "celtique" qu’on connaît plus, on sait qu’il existe plein de choses différentes, plein de modes de jeu, que le réservoir de possibles est plus vaste

– Mais dans ce petit truc "inuit" on s’est bien amusé

– Oui, c’était quand même bien riche et… complètement de la découverte

– C’était plus expérimental, et c’est l’occasion de faire des trucs qu’on aurait jamais fait autrement

– Ah bah ça c’est sûr [rires]

– Disons plutôt qu’on ne se donne pas le temps de ces « autrement », on pourrait très bien le faire

– Oui, mais si on n’a pas la contrainte limite absurde au départ… Souvent les bons plans partent comme ça, d’une espèce de contrainte absurde qui décuple l’imagination. On est contraint dans un truc qui n’est pas le nôtre et il faut trouver quelque chose…

– Et la partition nous a contraint aussi, de se dire mais là comment ça va coller alors qu’on n’a que ces trois modes de jeu, comment est-ce qu’on adapte ça ?

– Je trouve que c’était plus difficile sur le "celtique" de faire coller à la partition que pour l’autre

– On avait notre partition là, avec ce carré central qui nous séparait un peu les choses en deux, il y avait les chiffres « 1 » et « 2 » qui revenaient. Pour ces versions, on a pris globalement de part et d’autres du carré, puis on est allé un peu en détail après

– Mais l’interprétation du dessin était un peu la même, dans tous les cas, dans notre première version comme dans les deux « dans un style » ?

– Oui, la montée en puissance restait. Au début il y a cette sorte de cinq petites lignes, un petit tronçon de portée et puis après une grande, avec cette montée et cet élargissement. Alors sur le "celtique", on a fait l’improvisation de manière progressive, pour augmenter ce qu’on avait fait avant. Et à chaque fois, ce carré central nous a fait passer dans une autre phase, dans le "celtique" comme dans l’"inuit". C’est la porte vers un autre monde, de l’autre côté. Finalement la partition est moins dense de ce côté-là.

– Oui, il y a vraiment moins d’infos

– Et il y a beaucoup de petits traits mais c’est tout, et à chaque fois on a défini ces petits traits, sur les deux versions.

 

Matthieu Saladin :
Le sens que les interprètes donnent aux graphiques ne relèveraient pas d’un sens caché qu’ils découvriraient, non seulement parce que Treatise interdit dans son principe même ce genre d’enquête, mais aussi tout simplement – et plus généralement – parce qu’un tel sens en soi n’existe pas. Ce sens, ils le produisent, ils le créent dans et par leurs usages.

 

 

Itinéraire entre "EPO" et "Ishtar"

 

Extraits de “L’École par l’Orchestre à l’ENM de Villeurbanne” Gérald Venturi (juin 2012)

Extraits du livret “Treatise” – projet “Sombres précurseurs” – Ishtar

 

L’École par l’Orchestre (EpO) est une nouvelle organisation des parcours d’étude dans l’école de musique. Celle-ci modifie considérablement nombre de rapports et de positions : la place et l’activité de l’élève dans l’école, le temps de l’étudiant, celui de l’enseignant, le rôle du pédagogue, la conception du savoir, les interactions entre individus (professeurs ou étudiants), le rapport théorie / pratique, le statut de la recherche musicale et pédagogique…

En lien direct avec notre expérience, nous développons un travail de l’improvisation à partir des partitions graphiques de Cornelius Cardew. Ces ateliers peuvent prendre plusieurs formes : compte tenu de la forme et de la teneur de la partition, ces moments d’échanges peuvent être, pour le stagiaire, un moyen de se rapprocher ou de s’écarter d’une partition.

 

Chaque élève apprend à jouer de son instrument dans divers contextes esthétiques, il chante, danse, improvise, lit, écrit, invente. Les formats de pratique passent alternativement par la sonate, la petite formation amplifiée ou non, l’orchestre d’harmonie, le big-band de jazz, le chœur ou encore la fanfare, etc. Ils incluent parfois les nouvelles technologies dans les processus d’élaboration ou de production.

Pour un musicien habitué à lire une partition, le graphisme est un moyen de s’écarter de la « nécessité » d’une partition pour jouer. Pour un musicien non habitué et « bloqué » par la lecture d’une partition, le graphisme agit comme une désacralisation de la partition.

 

Toutes les interactions entre les participants d’un groupe sont indispensables à la formation du musicien telle que nous la concevons. Le groupe doit avoir des échanges et des moments de recherche, c’est ce qui doit permettre une « co-construction », une collaboration entre les participants. Le rôle de l’enseignant dans ce cadre est (entre autres) de donner des tâches, des consignes et des ressources au groupe tout en veillant à la participation active de chacun des participants.

C’est aussi un contexte très favorable à la gestion du choix individuel (je vois tel signe, je joue telle matière…) et de sa place dans le collectif (cette matière arrive dans tel environnement sonore… donc…).

 

Notre objectif est de former des musiciens (des citoyens) libres de penser et de choisir. Les pratiques collectives en petits groupes telles que nous les organisons nécessitent la discussion et la confrontation d’idées dans le travail. C’est un enjeu majeur du dispositif EpO.

C’est enfin, nous en avons fait plusieurs expériences, un bon cadre pour réunir musiciens amateurs et professionnels, musiciens valides et musiciens handicapés ayant une pratique musicale régulière. Nous avons également expérimenté des ateliers avec des handicapés mentaux et une « spatialisation » de la partition et donc un travail mi spatial (mouvement) mi sonore.

 

 

Itinéraire entre "Ishtar" et "Saïki"

Extraits du livret “Treatise” – projet “Sombres précurseurs” – Ishtar

Interview de Xavier Saïki

 

Nul besoin de savoir lire la musique pour l’apprécier, Treatise s’adressant à ceux que Cardew appelle les « innocents musicaux ». De durée et d’instrumentation libres, jouables en un seul morceau ou séparément, les 194 pages de Treatise exigent néanmoins une patiente approche, seule à même de conjuguer la spontanéité des interprètes et la cohérence de l’œuvre.

Ishtar est avant tout un collectif d’artistes au sens le plus horizontal possible. Au sein de ce collectif, notre quotidien c’est plutôt l’improvisation : faire naître ce qui sort sur le moment, travailler avec ce qui est là, fabriquer ensemble dans un temps donné. Treatise est arrivé à un moment où on commençait à se questionner sur comment fixer des choses.

 

Loin d’abandonner la posture de l’artiste en état d’improvisation, nous voulons tendre cette posture par la confrontation interne, individuelle et collective induite par la présence des partitions graphiques de Cornelius Cardew.

Dans notre réflexion des pratiques improvisées, on travaille avec ce que le travail personnel et singulier de chacun, avec ce que chacun est, sans imposer un chef ou une direction, un axe venant d’une seule intention. Avec Treatise, certains ont vraiment écrit, fixé des choses, mais pour d’autres, c’était plutôt une globalité. Et à un moment est arrivée cette confrontation-là : « comment, en fixant les choses, rester à l’écoute de ce qui se passe ? ». Cela vient soulever la question de jouer l’écriture : être improvisateur, se donner une ligne, mais être disponible à ce qui se passe.

 

Composée de deux instruments acoustiques et deux instruments électriques cette formation explore un univers sonore où le jeu est notamment axé sur le croisement des différents timbres. L’association de ces timbres, parfois réunis en une matière sonore épurée, parfois en une matière sonore complexe, contribue à jouer sur les perceptions des auditeurs, et l’amène parfois vers des zones plus « troubles » ou il est plus difficile de déterminer les sources en jeu.

En termes de matière, de matériau sonore, cela nous a emmenés dans des endroits dans lesquels on n’était jamais allé. On n’aurait pas pu les trouver sans cet apport de l’écriture, qui fait que tout le monde est au même endroit à un moment donné. On l’a plus abordé sur un cadrage du temps que sur un cadrage de matériaux sonores, d’harmonie, de timbre. C’est vraiment la question du temps qui nous a centrés et réunis sur cette partition.

 

 

Itinéraire entre "Constellation Scores" et "Powerpeinture"

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Mazurek utilise et combine la lithographie, le spray painting, le collage. De délicats nuages de couleurs suggérant des nébuleuses interstellaires, sont superposées grâce au procédé lithographique. La découpe et la combinaison de ces tirages ajoutent de la profondeur créant couche sur couche des couleurs diffuses.
L’intention est énoncée : exposer l’image, passer de la planéité à des constructions vacillantes qui embrassent le regardeur et l’interrogent sur la relation spatiale qu’il entretient avec l’œuvre. La parenté d’avec Mark Rothko qui voulait les regardeurs entourés de couleurs, leur demandant de se tenir au plus près des œuvres, est évidente. Mais c’est également la figure imposante du compositeur Morton Feldman, ami de Rothko, qui projette son ombre sur l’œuvre de Mazurek. Au centre des nuages brumeux le son trouve sans surprise sa place, en particulier, les passages tectoniques de la musique de Feldman et la texture granuleuse des compositions électroniques de Mazurek. Le son y est transposé en phénomènes visuels sans système rigide d’équivalences : l’expérience devrait être viscérale, comme celle des ondes sonores résonant dans le corps.

Texte de présentation de l’Exposition Mazurek “Constellation Scores”
à l’URDLA, Villeurbanne (16 septembre – 18 novembre 2017).

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Itinéraire entre "Unbearable Lightness" et "Yantra"

David Samas
The Yantra in Slendro

Le plateau de jeu est encadré par la ligne du gong — dont les hauteurs sont notées à l’intérieur des pétales de la partition en utilisant une notation chiffrée — et son jeu est déterminé par les coups de Gong Ageng (6). Celui qui joue le Gong assure le tempo et signale la conclusion du jeu.

Carl Bergstroem- Nielsen

Towards an Unbearable Lightness (1992) [Vers l’Insoutenable Légèreté] a été écrit pour un ensemble de n’importe quels instruments ou voix capables de produire des sons “sombres et lourds” et aussi bien des sons “légers”. Il doit y avoir un développement graduel entre le premier type de sons et le second, et en conséquence les musiciens devront se tenir proche les uns des autres à tous moments, même si leurs contributions restent individuelles. Les images graphiques et des instructions verbales suggèrent comment ceci peut être réalisé et définissent les étapes de ce développement, et il y a une pause générale en vue d’aider à la coordination du groupe.

Le but de ce jeu est de se déplacer d’un coin à un autre des zones de hauteurs dans le “yantra”. Il est nécessaire d’avoir un Bonang pour jouer l’extrémité inférieure du yantra. On peut aussi utiliser le Kenong et le Kempul. Aucune des hauteurs ne doit être étouffée.

Le titre fait une vague référence à un roman de Milan Kundera. Le long développement linéaire du timbre a constitué l’idée de base.

Laisser vibrer complètement les hauteurs. Prendre son temps.

Chaque interprète doit tenter d’entrer dans une transe et de se mettre dans une écoute profonde. Et maintenant encore plus profondément. S’immerger ensemble dans le son et devenir l’image vibratoire de la partition.

Dans l’enregistrement on devrait pouvoir entendre clairement à la fois le développement total, des détails et les différentes étapes de la pièce. Cet enregistrement a été réalisé en 2013 avec l’Ensemble Supermusique de Montréal, Canada, lors d’un atelier public organisé par l’ensemble.

 

 

Itinéraire entre "Bois" et "Zola"

Pascal Pariaud sur la sonorisation de films :

Nous avons souvent abordé la sonorisation d’un film avec les ateliers d’improvisation. A l’époque (2000-2012) il y avait un festival de « musique et image » organisé au sein de l’école et donc les ateliers d’improvisation jouaient souvent dans ce contexte. On essayait toujours de ne pas trop aller dans l’illustration, de ne pas trop coller à l’image, mais d’avoir plutôt une lecture un petit peu plus globale. Parfois c’était difficile, car cela dépendait du film : si c’était vraiment un film genre dessin animé avec de l’action, il était difficile de ne pas tomber dans l’illustration. Alors on demandait le plus possible des films expérimentaux, avec des images qui se déforment et des choses plus abstraites, mais on ne tombait pas forcément tout le temps sur ce type de film. Je trouvais que c’était plus facile pour nous quand c’était des films de ce genre.

 

Projet « Cinéma » de l’Ecole primaire Emile Zola, Villeurbanne

Pendant l’année scolaire 2016/2017, toutes les classes de l’école ont travaillé autour d’un projet « Cinéma », en partenariat avec le cinéma du quartier. Chacune, investissant le thème selon un axe personnel, a imaginé, créé un court métrage.

Pour donner une dimension collective au projet, chaque élève de l’école a pris possession d’un morceau de 24 cm de pellicule de film et est intervenu plastiquement dessus : grattant, coloriant, dessinant, collant, transformant. Ces 300 bandes de 1 seconde (24 images/seconde) ont été montées afin de créer un film expérimental participatif.

Une des classes est entrée par l’oreille dans le monde du cinéma. Les élèves ont écouté.

Ils ont écouté des bandes sons, des bruits et ont parallèlement créé des bruits, des sons, à partir de leur corps, de verres d’eau, de paroles…

De cette exploration sonore est né un catalogue de sonorités que les élèves ont utilisé pour fabriquer la bande son.

Ils ont donc créé de toutes pièces l’émouvante bande son du film participatif…

 

 

Itinéraire entre "11e Année" et "Zola"

Nicolas Sidoroff :

Mes recherches et centres d’intérêts ont une première entrée qui passe par les pratiques. S’y intéresser implique une attention plus fortement axée sur les manières de faire que sur le résultat final, d’avantage sur l’itinéraire que sur un éventuel point d’arrivée (toujours provisoire). Cela permet de ne pas situer la « pratique » en opposition à la « théorie ». Les pratiques sont des formes de théories en actes.


Pendant l’été 2015, on a monté une équipe de six personnes pour composer et enregistrer la musique sur le film muet de Dziga Vertov : La onzième année (1928, 54 min.), en cinq jours. Quatre d’entre nous étaient dans une maison en Ardèche, un autre en Bretagne et un autre en Savoie.

Pascal Pariaud :

Le temps a passé. Du statut d’élève à celui d’enseignant, les années ont défilée, laissant ce temps livré à la critique et à l’observation de l’enseignement musical, tout en étant immergé en tant qu’acteur dans cette vie professionnelle.

Je me souviens, lorsqu’enfant, j’étudiais la musique dans une petite école de musique ; la perspective de rejoindre l’harmonie municipale était l’une des motivations principales pour les élèves de l’école. Accéder à ce lieu de vis associative nous permettait de côtoyer d’autres générations, d’échanger entre amateurs de tous horizons, de festoyer, d’affirmer sa personnalité au sein d’un groupe, de vivre pleinement ces instants de bonheur, le mot n’est pas trop fort.

 
 

En ce moment (2017), j’ai une amie instit, Delphine, qui une super institutrice, qui travaille avec des méthodes vraiment très chouettes, qui a un vrai respect pour les élèves et qui encourage la communication dans sa classe. Je vais dans cette classe une matinée par semaine  pour travailler avec ces élèves, à la sonorisation d’un film expérimental.

Tout d’abord, il a fallu inventer le projet. Cette activité relève d’une forme de création-recherche, autrement dit, pour reprendre le concept de Gilles Deleuze, d’inventer et « construire des agencements » (voir la définition du désir dans l’Abécédaire de Gilles Deleuze). Pour la première définition du projet, nous étions deux, avec l’envie de rallier d’autres personnes, une activité de médiation et d’administration, tout en ayant conscience que chaque personne arrivant transformerait le projet en participant à la création en cours.

Les préparatifs conditionnent et contraignent considérablement ce qui va se passer une fois les personnes en présence pour commencer collectivement la performance. Il a fallu aussi trouver les dates et le lieu, puis organiser les déplacements, le séjour, l’intendance et la logistique matérielle. Ensuite, un des premiers travaux a été d’établir les procédures et outils de travail à distance : en asynchrone avec des doc-partagés, Skype (on ne connaissait pas encore framatalk) et téléphone, un système de repérage dans le film, échange de fichiers sons et photo-scan, etc., un travail à la fois technique, de recherche et de création. Il fût accompagné par un processus de formation-apprentissage collectif de l’utilisation d’un certain nombre d’outils et manières de faire permettant de rendre ces échanges efficaces et productifs.


On peut toujours imaginer que n’importe quel support peut devenir un mode d’accès à une pratique, comme on peut dire par exemple que tout ce qui nous entoure est son. On peut aussi dire que tout ce qui peut être visuel peut être décliné musicalement d’une façon ou d’une autre. Il est aussi possible de considérer n’importe quelle photo comme une partition, on peut en imaginer un mode d’emploi, en vue de produire des sons.

Dans ce projet qui concerne toute l’école – c’est ça que je trouve intéressant – chaque élève va se retrouver avec un bout de pellicule de 35 millimètres d’une durée d’une seconde. Donc ils auront une pellicule chacun d’une seconde à griffonner ou à gratter. Soit ils “javeliseront” cette pellicule afin de la rendre vierge, et ensuite ils colleront, mettront de l’encre, dessineront, etc…

Et en amont, il y a eu une large activité de recherche documentaire et d’enquête sur Dziga Vertov et ce film particulier, de même que sur la situation politique en Ukraine. Les évènements de l’été 2015 se déroulaient sur les mêmes endroits filmés presque 90 ans auparavant.

Chacun va faire son petit bout, ça correspond à une seconde, il y a 24 images. Il y a cinq cent élèves à peu près dans toute l’école, donc il y aura à peu près quatre minutes de film avec de la musique à fabriquer.

L’ambition était de créer ainsi 54 minutes de musique en quelques jours. Une des règles du jeu était de faire une restitution du travail dans le petit village d’accueil ardéchois en fin de semaine. Une séance de présentation avec projections, ateliers et discussion a eu lieu pour présenter notre démarche et notre travail : une autre forme de création-médiation-formation. Et surtout ne pas oublier le côté relationnel : nous sommes des êtres humains, avec une petite particularité qui est celle de faire travailler du bruit pendant cinq jours dans un village.

C’est la classe de Delphine qui est chargée de réaliser la bande sonore. Toutes les semaines, j’y vais avec des pailles, et autres objets, on fait des enregistrements, on co-construit des matières. Cela va donner un film expérimental, enfin, qui n’aura pas d’histoire, qui ne va rien raconter. L’autre jour on a enregistré toutes les sonorités possibles qu’on pouvait faire avec une paille et un verre d’eau. Je suis allé acheter des pailles beaucoup plus grandes pour pouvoir travailler avec des volumes plus gros, avec des sons plus intéressants. On va aussi travailler sur la voix, sur les rires, sur les sons vocaux, parce qu’il n’y a pas d’instruments.

Ayant convenu qu’un bon repas était une bonne chose, la présence d’un·e « chef·fe » a été essentielle pour le confort et l’organisation. Ce choix d’un « engagement cuisinier » a modifié les disponibilités des musicien·nes, donc l’organisation interne et les manières de fabriquer la musique tout en ouvrant des possibilités d’agencements et de coopérations. Ainsi le « chef cuisto » (ce fût un homme) est moins intervenu sur la production directe de la musique, mais il avait un regard plus distancié, à même de voir-entendre des choses qui nous pouvaient nous échapper. En concertation avec le reste du groupe, il a plus travaillé de son côté sur une partie du film, avec un ordinateur et de la programmation, tout en surveillant sa petite fille âgée de 4 mois (personne essentielle dans le processus de construction de la musique créée !). Les expérimentations sonores prenaient en compte cette présence : plus de travail au casque, plus de traitement sonore, donc moins d’improvisation collective. La bande son finale a donc cette forme et ces sons à cause de toutes ces possibilités et impossibilités d’agencements.





L’année dernière il y a eu un étudiant du Cefedem, Alvin, qui est venu faire six semaines de résidence avec un atelier d’enfants (dans le programme EPO), sous la supervision d’Adrien, un ancien étudiant, et de moi-même. Ce qu’il a fait était assez passionnant, parce qu’il a montré aux élèves plusieurs films différents ; il a demandé aux élèves d’essayer de dégager tout ce qui concernait la musique dans un film, quel type de musique il y avait dans un film.

On a essayé de profiter des décalages de situation par rapport au travail en train de se faire, en jouant sur les distances de certain·es par rapport à d’autres. Ces formes de sous-systèmes sont en écho avec les deux personnes qui, elles, n’étaient pas en Ardèche. L’équilibre général de notre écosystème s’est construit avec l’ensemble de ses éléments, en essayant de les travailler au mieux.

Alors, les élèves ont pu comparer de la musique vraiment illustrative sur des gestes précis, de la musique plus globale, les ambiances, etc. Les élèves avaient une grande capacité de vraiment bien capter les différentes strates qui pouvaient exister, et les différentes fonctions de la musique. C’était un atelier vraiment très bien mené.

Une pratique musicale est une pratique sociale et politique. Expliciter les pratiques et les étudier dans tous ses aspects peut questionner la place de la cuisine, la place de la famille, l’attention au voisinage, les activités plus quotidiennes, la liste est longue. Ces activités ont une place décisive dans les manières de faire et le résultat final.

 

Ont plus directement participé à cette nouvelle bande-son sur La onzième année (Dziga Vertov, VUFKU, 1928) : Clélia Bobichon, Jean-François Charles, Guillaume Hamet, Krystian Sarrau, Sébastien Sauvage, Nicolas Sidoroff.
La liste serait très longue des participations, peut-être moins directes mais très importantes sur les manières de faire et le résultat final : les personnes qui nous ont permis de s’installer une semaine dans leur maison en Ardèche (avec une bonne connexion internet, elle aussi résultat d’une vaste entreprise collective), les voisins dont un nous a offert une guitar-box qu’il fabriquait (il nous fallait l’utiliser !), la toute jeune bébée, les habitant·es que nous avons invité·es à l’avant-première, etc., etc…

Le film avec cette bande-son n’a, pour le moment, que des sous-titres anglais…