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Itinéraire entre "Aifoon" et "Pressure/La Mer"

Alex Ness :
En 2010, Yoni Niv et moi avons créé une série de cinq partitions animées pour une performance à The Stone à New York (en octobre). Dès le début, nous nous sommes intéressés aux relations audiovisuelles. Bien que la partie vidéo et la partie audio aient été élaborées de concert, notre intérêt n’était pas de réaliser que l’une soit le reflet parfait de l’autre ; au contraire, nous avons voulu que leur relation puisse changer en cours de route, en devenant plus souple au fur et à mesure du développement de la pièce. En effet, une partie du plaisir éprouvé lors de l’élaboration de la pièce a été d’exploiter les attentes du public dans ce domaine : nous avons voulu qu’il continue à se demander quelle était la nature des relations qu’ils pouvaient observer.

 

Alex Ness : Le désir humain d’établir des relations entre les sons et les images – pour qu’elles

Jürgen De Blonde : L’utilisation de partitions graphiques dans la pratique

soient en quelque sorte “alignées” – est profond, en particulier quand l’image est considérée

quotidienne de Aifoon nous a amené à comprendre beaucoup mieux la nature de la

comme étant une partition. Après la deuxième performance de ces compositions, j’ai eu une

représentation graphique. Nous avons découvert qu’il y a de certaines similarités

conversation avec une amie du public qui m’a décrit avoir eu un sentiment de malaise lorsque

dans la construction, la lecture et la compréhension de ces dessins et qu’ils soulevaient

les relations audiovisuelles sont devenues plus floues. (C’était une compositrice, et donc

aussi un certain nombre de questions. Nous avons été amené à comprendre qu’il y a

particulièrement susceptible de détecter nos stratagèmes !)

des ‘règles’ implicites ou des conventions qui conduisent par elles-mêmes plus facilement à des généralisations et à d’autres aspects qui sont complètement subjectifs.

 

Jürgen De Blonde :
Cette vidéo a été réalisée il y a huit ans. Il s’agit d’une pièce qui a été jouée à la soirée d’ouverture d’une exposition sur les travaux et la philosophie de “Aifoon”, une organisation artistique et éducative. Les musiciens étaient invités à interpréter une partition graphique en vidéo. On leur a montré les symboles graphiques sur un écran. Le public présent avait aussi cette partition devant leurs yeux.

 

 

Itinéraire entre "Aifoon" et "…out of the air…"

Elaine Barkin :
“…out of the air…” pour cor de basset, bande quatre pistes et partition graphique, a été créé en collaboration avec Georgina Dobrée (1930-2008) et cette pièce lui est dédiée. Nous nous sommes rencontrées en 1957 aux Darmstadt Ferienkurse für Neue Musik ;

Jürgen De Blonde :
Cette vidéo a été réalisée il y a huit ans. Il s’agit d’une pièce qui a été jouée à la soirée d’ouverture d’une exposition sur les travaux et la philosophie de “Aifoon”, une organisation artistique et éducative. Les musiciens étaient invités à interpréter une partition graphique en vidéo. On leur a montré les symboles graphiques sur un écran. Le public présent avait aussi cette partition devant leurs yeux.

Aifoon est une organisation belge basée à Gand (Flandres)

elle était la clarinettiste de l’International Chamber Ensemble,
tandis que je participais au Séminaire de composition.

qui est centrée sur le son et l’écoute, comment le son
nous affecte et quels sont nos rapports à l’écoute.

Après cela nous avons continué à rester en contact par correspondance grâce au US Postal Service et au Royal Mail, et en personne de temps en temps.

Au début de l’année 1988, Georgina m’a demandé de composer une œuvre pour cor de basset, un instrument qu’elle avait trouvé dans un rebut. Je lui ai demandé de m’envoyer un enregistrement de démonstration des qualités sonores typiques et idiosyncratiques de cet instrument ainsi que ses différents registres, tout ce qu’elle trouvait intéressant de me faire entendre.

Dans le passé, nous avons souvent utilisé les partitions graphiques et la notation graphique comme outils dans des ateliers pour aider les participants à réfléchir sur la nature du son, aux difficultés liées à la notation des sons et à son caractère subjectif,

Elle m’a rapidement envoyé une cassette et a écrit que « … cela a été très difficile de juste faire des choses… de jouer en inventant de toute pièce [just play out of the air]… » Mais c’est pourtant bien ce qu’elle avait fait. J’ai transcrit plusieurs de ses improvisations et j’ai tout de suite décidé de créer une bande quatre pistes et des pages de partition graphique avec laquelle elle pourrait interagir en co-création, ses mots étant utilisés dans le titre : “out of the air”.

et aussi comme une introduction à la composition et au montage multipiste.

Même si j’avais improvisé de manière collaborative depuis plusieurs années, je n’avais jamais – ni elle – composé auparavant une œuvre de ce type. Il me fallait abandonner le mode de fonctionnement conventionnel du compositeur en termes de propriété intellectuelle et pourtant continuer à fournir un objet pour stimuler l’activité ; elle avait à prendre plus de responsabilité par rapport à ce qui est habituellement demandé aux interprètes.

Aifoon a toujours travaillé avec des sons bruts, des bruits concrets de la vie quotidienne, c’est-à-dire : pas de mots, ni de musique.

Les symboles graphiques dans la vidéo ont été réalisés par plusieurs enfants qui ont participé à un des ateliers de Aifoon. Comme exercice d’introduction, nous demandons souvent aux participants d’apporter un son avec lequel il puisse se présenter eux-mêmes.

Elle a donné son accord et j’ai commencé par enregistrer mon propre jeu sur un clavier électronique crumar (des sons de grognements qu’on entend au début de la pièce),

Les sons préenregistrés ne sont pas autorisés, ni les sons synthétiques, seulement les objets ou les gestes (ou leur combinaison).

des bols tibétains, des wood-chimes, un kalimba, des petites cymbales chinoises et des shakers africains.

J’ai tenté de dessiner une cartographie du temps des quatre pistes enregistrées, afin de disposer d’une version visuelle des sonorités de la bande. Plusieurs passages déformés – par l’utilisation du délai et de la réverbération – de l’enregistrement initial envoyé par Georgina sur le cor de basset ont été inclus sur une des pistes, pour qu’elle puisse à la fois dialoguer avec moi et en duo avec elle-même. Il était crucial de produire une bande sonore comprenant des segments opaques et lumineux de durées inégales, et aussi beaucoup de silences, pour que pendant ces derniers Georgina soit entendue clairement, et que la bande son puisse avoir un intérêt musical substantiel en tant que tel.

Ces sons sont ensuite enregistrés et les enfants participants ont pour tâche de faire un dessin de leur son. Nous leur demandons explicitement de ne pas dessiner la source du son, mais de réaliser une représentation graphique du son, en prenant en compte l’enveloppe, la forme, la structure, les strates (si applicables). Après la réalisation des dessins, une composition collective est souvent développée à partir de ceux-ci. Nous les affichons sur le tableau noir dans une certaine séquence, à la fois horizontalement et verticalement, et un certain nombre d’essais d’interprétation de la partition sont réalisés. Parfois nous avons même fait un montage avec les sons enregistrés, à partir de la partition collective. C’est l’origine des symboles sur la vidéo.

Simultanément j’ai commencé à travailler sur les esquisses des pages de la partition en incorporant des extraits visuellement “artistiques” de ma transcription des sons produits par Georgina sur sa cassette. Les moyens graphiques utilisés étaient la plume, l’encre et l’aquarelle et j’ai inclus des slogans et des interrogations, utilisant différents styles d’écriture des caractères, dans l’intention de stimuler et de provoquer Georgina dans ses improvisations.

Avec l’exposition, nous avons voulu aller un peu plus loin en utilisant la partition dans des perspectives d’une exécution publique. Nous avons demandé à des musiciens d’interpréter les symboles de la partition. Les musiciens étaient Marc Galo, guitare électrique, Stefaan Smagghe, violon, et Thomas Smetryns, dulcimer de table.

Six feuilles (12 pouces X 16) de carton blanc de poids moyen ont été dessinées-peintes-griffonnées-tachées, pour être choisies (ou non) et placées dans n’importe quel ordre sur des pupitres, pour que Georgina puisse les interpréter en se déplaçant librement.

J’ai aussi dirigé l’interprétation des symboles individuels des musiciens pendant la première partie, au moyen de lampes. J’ai mis en place trois lampes que je pouvais allumer ou éteindre à l’aide d’un variateur d’intensité, une lampe par musicien. De cette manière je pouvais leur indiquer quand jouer de manière non intrusive.