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Céline Pierre

Access to the English translation: Tragen.Hz – English

 

 


 

TRAGEN.Hz – oratorio ratures

Céline Pierre

 

Sommaire :

1. Le texte du projet dans son ensemble
2. La vidéo/électroacoustique
3. Les images
Biographie


1. Le texte du projet dans son ensemble

TRAGEN.Hz – ondes portées – oratorio ratures.
Soundrecordings, vidéos, conception et composition : Céline Pierre.

Au travers d’un sujet qui touche à l’actualité et à l’histoire de l’Europe, une création qui émerge d’une collecte d’images, de sons et de textes issus du campement de Calais. Le travail mené au CRR et au CNCM Césaré de Reims[1] a donné lieu à une série de pièces électroacoustiques et vidéo, de pièces mixtes et de performances pour sites et scènes pluridisciplinaires.

« A l’heure où le monde se déréalise toujours davantage dans le spectacle qu’il se donne à lui-même, à l’heure où ‘le monde s’en est allé’, il y a quelque chose de singulier qu’à Calais ont éprouvé tous ceux qui se sont portés à la rencontre des migrants ; là, avec ceux qui sont hors de tout chez-eux, se donne à partager quelque chose de réel. Par la voix, celle des migrants, des lectures et du chant, le projet tente de dire un peu – en reste – de cela. » (Lp pour Tragen.Hz)

TRAGEN.HZ – ondes portées – oratorio ratures pour performances multiples : « HZ » symbolise les ondes hertziennes. « TRAGEN » signifie porter en allemand. Le titre pourrait donc se traduire par « ondes portées ». « HZ » pourrait être l’acronyme de « Hertz », le cœur en allemand. À la façon dont l’écrit Paul Celan : « Die Welt ist fort ich muss dich tragen ». Le monde s’en est allé je dois le porter. « Oratorio ratures » : dans le sous-titre, un mot pris au registre sonore, un autre à celui du visible – la rature comme un hiatus, une ouverture par où images et sons se répondent. Un parti et un partage du sensible indissociablement poétiques et politiques.

L’écriture du projet sollicite des plans séquences du campement de Calais enregistrés lors de son démantèlement, incendies, terres et aires calcinées ; et un corpus de séquences sonores reliées par le cri : cris et stridences de l’instrument à cordes, cris issus de la tradition des chants de deuil et du chant lyrique, cri qui porte ce qui se tait et se rature dans toute écriture, ce qui en appelle aux voix, les porte de la plainte à la complainte, voire à la consolation. L’ensemble de ces constituants provoquent une suspension du temps et de l’espace où retentit convocations, évocations et disparition des voix anonymes. Une évocation dans le sillage de l’oratorio, qui via l’une de ses origines, « la lauda » – sorte d’hymne monodique élaborée au XIIIe siècle par des pénitents arpentant des terres dévastées – s’inscrit dans cette longue histoire de la migration et de la guerre. Chemin, sable, sol et cendre, tout effleure en situation d’effacement là où la voix se veut faire chemin et où le temps s’étire dans la direction du poème :

« les poèmes sont aussi de cette façon en chemin, ils mettent un cap, sur quoi ? Sur quelque chose qui se tient ouvert, disponible, sur un tu as à qui parler, une réalité à qui parler » écrit Paul Celan. (Lp pour Tragen.Hz)

Une production LES SEPTANTES/laboratoire d’écritures multiples.
Le projet est réalisé au Laboratoire de Composition du CRR-Reims et en résidence au Centre National de Création Musicale Césaré-Reims; le porteur de projet bénéficie du dispositif d’aide à la Création & à la Diffsuion Arts Visuels de la Région Grand Est et de à l’aide au projet Musique de la DRAC Grand Est.

 


2. La vidéo/électroacoustique

https://vimeo.com/291877311
code TRAGEN.HZ

Présentation de la vidéo :

TRAGEN.HZ – oratorio ratures :
Séquences de voix et vidéos enregistrées sur un campement de réfugiés à la frontière franco-anglaise et séquences de cris, altérations et itérations instrumentales et vocales enregistrées en studio. Ensemble qui porte ce qui se tait et se rature dans toute écriture, ce qui, de la plainte à la complainte, en appelle aux voix et provoque une suspension du temps et de l’espace où retentit convocations, évocations et disparition des voix anonymes.

Conception, collectes et composition visuelle et sonore : Celine Pierre ; voix : Thierry Machuel, Caroline Chassagny et voix enregistrées sur le campement de Calais ; alto : Elodie Gaudet ; viole de gambe : Louis Michel Marion.

Une série d’études visuelle et sonore existe aussi :

ERASURE 05:00
Voix/Mixt-violin.
https://vimeo.com/264612719 code TRAGEN.HZ

A partir d’une improvisation de chant lyrique, ERASURE est l’ouverture instrumentale et vocale du projet. Les sections de séquences de crissement alternent, entament et altèrent l’enveloppe des voix comme celle de ceux et celles qui ont tenté de traverser la frontière de barbelés dite « lames de rasoir » qui borde l’entrée des voies de chemins de fer du tunnel sous la Manche. ERASURE, le mot anglais à la frontière du français susurre le fil du rasoir et la rayure de la carte.

 

NOMANSLAND 07:30
Alto/Archet baroque.
Avec déplacement de l’instrumentiste sur la scène.
https://vimeo.com/264613883 code TRAGEN.HZ

Bordée d’une voie rapide, une terre desséchée, de sable surexposée, arpentée des pas suspendus d’hommes en attente. Une marche errante et ralentie, en situation d’écrasement sur un sol à traverser. Des sons itératifs aux pulsations de l’archet à l’entrave d’une attente, des harmoniques percent, dessinent, effilent ou signent l’environnement du vent.

 

NIGHT SHOT 04:35
Viole de gambe/Théorbe/Fieldrecording
https://vimeo.com/264732345 code TRAGEN.HZ

Un trou d’images où grésille un vide. Un fourmillement de poussières de pixels, l’image « sous-ex » chute. L’effigie ou la stèle d’une femme de dos et l’extraction à la théorbe de pulsations renverse l’espace acoustique pour dire l’incendie de nuit.

 

SO LONG 03:10
Viole de gambe/Théorbe/Fieldrecording
https://vimeo.com/264614397 code TRAGEN.HZ

Le vacillement de l’image, sa grésille, bascule en une sorte de graillon de la voix ; le grêle, la graille de la viole se mêle aux inflexions et complexions de la voix d’un jeune adolescent au sortir de son abri.

 


3. Les images

Séries d’images extraites de l’étude visuelle et sonore de SYNAPTé :

SYNAPTé 2305e

SYNAPTé (07:40):
À partir d’une improvisation vocale inspirée de chants de deuils et notations de tragédies antiques – synapté – pour dire litanie en grec ancien, cette vidéo/étude visuelle et sonore du projet TRAGEN.HZ en est comme la matrice. La voix, âpre, un râle s’étire et se diffracte : démantèlement des communautés de vie du campement. Voix comme retirée de ces précaires habitables de bois calcinés, esseulée, elle soulève en un peu de cendre chaude ce qui reste d’attente des silhouettes passantes. Râles de l’oracle, complainte en quête de consolation, voix première et altérée, voix du constat qui rature et relève et restitue ces images en témoin de cette longue histoire de la migration et de la guerre.

SYNAPTé 2305i

SYNAPTé 2305oSYNAPTé 2305k


1. Voir le CRR de Reims : conservatoire-a-rayonnement-regional-de-reims et Césaré – Centre national de création musicale : cesare-cncm.com

 


 

Biographie

CELINE PIERRE : réalisatrice artistique diplômée du CRR-Reims en électroacoustique et de l’ENSBA-Paris en multimedia et performance, réalise des projets pour sites spécifiques avec participation des populations, environnements de projections, pièces radiophoniques, films-essais et oratorio vidéos.
Avec le projet TRAGEN.HZ mène, à partir de collectes réalisées sur un campement de réfugiés, un travail d’écritures visuelles & sonores destiné à des sites et scènes pluridisciplinaires.

Celine Pierre.
https://celinepierrevisualcomposer.tumblr.com/
celine_pierre@orange.fr
06 13 64 16 28

Christoph Irmer – Français

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English

 


 

Nous sommes tous étrangers à nous-mêmes

Christoph Irmer (2019)

Pour un musicien improvisateur comme Peter Kowald[1], il était encore naturel de soutenir qu’il fallait au premier abord se préoccuper de soi-même et, dans un deuxième temps, exiger qu’on s’ouvre vers l’inconnu : « Et si l’on jette un regard sur notre monde, sur notre conception du monde aujourd’hui (…), alors il est certainement très important qu’on apprenne à répondre à quelque chose – humblement, en quelque sorte – qui nous paraît sur le moment étrange. Bien sûr on y perd aussi quelque chose. Les normes auxquelles on s’était habitué et dont on avait pris conscience, ne vont plus fonctionner comme avant. Et peut-être que, si l’on se frotte à quelque chose d’étranger, quelque chose de nouveau va se produire, et c’est, évidemment, ce que l’étranger a de mieux à offrir. »[2] Au début des années 1990, Kowald considérait l’étranger ou l’inconnu comme pouvant apporter beaucoup plus qu’un  simple enrichissement à l’expression musicale. Il parlait de friction (« Reibung ») ouvrant la voie à la création de sons. Mais a-t-il pris en considération que l’inconnu en premier lieu constitue le noyau dur de l’ouverture vers le large, le caractère fugitif et fantastique de l’improvisation ? Il se peut que le choc de l’inconnu soit tel que nous ne soyons pas toujours en capacité d’assumer en toute liberté de nous « frotter à quelque chose d’étranger » de façon fertile et heureuse.

À peu près à la même époque, à la fin des années 1980, un livre a été largement débattu qui de manière similaire traitait du thème de l’étranger et de l’autre : Étrangers à nous-mêmes[3] de Julia Kristeva. L’auteure écrit que l’étranger n’est ni « l’apocalypse en mouvement, ni l’adversaire du moment à éliminer en vue d’apaiser le groupe », mais : « Étrangement, l’étranger nous habite : il est la face cachée de notre identité, l’espace qui ruine notre demeure, le temps où s’abîment l’entente et la sympathie. De le reconnaître en nous, nous nous épargnons de le détester en lui-même. » (p. 9). Sans être capable d’annuler ces modes d’aliénation – et même, sans offrir la possibilité de ne jamais faire disparaître l’étrangeté – Kristeva suggère qu’il convient de devenir ami avec l’inconnu : « Les amis de l’étranger, à part les belles âmes qui se sentent obligées de faire le bien, ne sauraient être que ceux qui se sentent étrangers à eux-mêmes » (p. 37). Ceci nous amène à ce que Kristeva nomme une « communauté paradoxale » : « faite d’étrangers, qui s’acceptent dans la mesure où ils se reconnaissent étrangers eux-mêmes. » (p. 290)

Kristeva soulève la question de la communauté paradoxale en relation avec la communauté des esprits aliénés. Cela n’a rien à voir avec l’idéal des conceptions communistes et bourgeoises de l’identité. Au contraire, la communauté future en tant que telle s’appuie sur des différences corporelles-physiques qui sont invisibles et imprévisibles (improvisation), co-existantes et se formant en constellations, vulnérables et compliquées. « Il ne s’agit pas simplement – humainement – de notre aptitude à accepter l’autre ; mais d’être  à sa place, ce qui revient à se penser et à se faire autre soi-même. » (p. 25) Bien qu’elle se situe dans ce postulat de l’idée illusoire qu’on peut combler le fossé avec l’inconnu en essayant tant bien que mal d’être capable de « vivre avec les autres, vivre autres » (p. 10) et de se dire : « Si je suis étranger, il n’y a pas d’étrangers » (p. 284) – Kristeva reprend la notion de Freud du « surnaturel » et nous met au défi de « nous dire désintégrés pour ne pas intégrer les étrangers et encore moins les poursuivre, mais pour les accueillir dans cette inquiétante étrangeté qui est autant la leur que la nôtre. » (p. 284)

Dans les années 90 du 20e siècle commence le grand examen critique : qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui a été accompli ? Le système politique qui s’appelait communiste a été détruit. Le soi-disant « Occident libre » est célébré comme étant le vainqueur – ce qui par la suite a donné lieu aux guerres dans les Balkans, au génocide au Rwanda, et à beaucoup d’autres évènements graves. Julia Kristeva avait raison : nous avons besoin de penser notre communauté. À la fin des années 1980, Peter Kowald a élaboré un projet d’ensemble sous le nom de « Global Village », un groupe dans lequel il a intégré des musiciens non-européens. Sa ville d’origine est toujours Wuppertal ; sa deuxième résidence est à New York. La fièvre des voyages le taraude et il voudrait retourner chez lui : nostalgique de sa maison, de la rue où il vit et où vivent ses voisins. Étrange disjonction : d’une part la contrebasse sur son dos, il voyage au Japon, en Amérique, en Grèce, en Suisse et à Tuva (Sibérie), en Turquie, au Portugal, en Espagne, en Italie. Il donne des ateliers, rencontre partout des musiciens. Un CD célèbre sera le « Duos Europe / America / Japan » (FMP 1991), des duos qui ont eu lieu entre 1984 et 1990. D’autre part, il demeure ancré dans son « village », s’implique dans des initiatives citoyennes, en coopération avec le milieu de la danse, en particulier avec Pina Bausch.

Peter Kowald aurait eu 75 ans cette année (2019). Dix-sept ans après sa mort, d’autres constellations d’aliénation ont apparu aujourd’hui qui ont réduit le profil du globe-trotter en un voyageur romantique. Il est possible que, pour Kowald, ceci n’aurait pas été facile à vivre. La relation paradoxale entre l’affiliation et la non-affiliation dans la société joue un rôle important dans les conceptions modernes de manières de vivre au début du 21e siècle : jusqu’à la désintégration du public plutôt qu’à son renforcement.  Les idéaux qu’on avait eus jusqu’ici sur les formes de vie en commun sont en phase d’être dissous ; nous vivons à l’âge de la distraction politique et sociale. Julia Kristeva avait en partie prévu ce qui allait se passer aujourd’hui politiquement et culturellement – plus que Kowald. La notion d’altérité implique aujourd’hui une aliénation qui apporte avec elle un sens de non affiliation avec chacun de nous – dans ce monde globalisé, nous ne devenons pas frères ou sœurs, ni immédiatement opposants ou ennemis. Dans l’improvisation, que ce soit dans la vie quotidienne ou dans les arts, nous essayons de nous faire une idée de ce qu’on pourrait appeler un désastre politique. Nous sommes juste au tout début de commencer à comprendre notre nouveau monde à travers l’improvisation : comme une communauté paradoxale – et de commencer à apprendre comment pouvoir vivre ensemble au moyen de l’improvisation dans le futur.

(Le 16 juin 2019)

 


 

1. Le contrebassiste allemand Peter Kowald (1944-2002) a été un des représentants les plus importants de la musique improvisée libre. Il a commencé à jouer avec Peter Brötzmann à Wuppertal au milieu des années 1960 et plus tard il est devenu le co-fondateur du label FMP avec Alexander von Schlippenbach, Jost Gebers et Detlef Schönenberg.

2. Citation de Noglik, Bernd dans Fähndrich, Walter : Improvisation V, Wintterthur 2003, p. 170f.

3. Kristeva, Julia. Étrangers à nous-mêmes. Paris : Gallimard, Collection Folio essais (n° 156), 1988.

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Collage Cardew

English Abstract


Collage Treatise

Introduction

Le présent document est un collage de textes écrits à propos de Treatise de Cornelius Cardew. Deux textes sont originaux et écrits en vue de ce collage :

Christopher Williams, “Treatise, comment et pourquoi : un court exposé empirique”.

Jean-Charles François, “Texte pour le Collage Cardew”.

On peut avoir accès à ces deux textes dans leur intégralité dans des versions pdf que vous trouverez à la fin du collage.

Tous les autres textes sont tirés de publications existantes. Les contributions de Cardew et de Wittgenstein sont des citations tirés des articles sur Treatise inclus dans le collage. Le texte de John Tilbury est tiré de son livre Cornelius Cardew, A Life Unfinished, Copula, 2008 (une traduction d’une partie du chapitre sur Treatise est aussi disponible en pdf). Les contributions de Arturos Bumsteinas, Laurent Doileau, Jim O’Rourke, Keith Rowe, Matthieu Saladin et Marcus Schmickler sont tirés du numéro 89 de Revue&Corrigée (septembre 2011). Le texte de David Gutkin est tiré de son article “Notation Games : On Autonomy and Play in Avant-Garde Musical Scores”.
Toutes les traductions de l’anglais sont de Jean-Charles François.

Le collage est organisé en chapitres :

  • La légende (avec les sources et références associées).
  • Prologue : description des circonstances de l’élaboration de la partition Treatise.
  • Wittgenstein : le rapport que Cardew avait avec la philosophie de Ludwig Wittgenstein, notamment au sujet de l’élaboration de Treatise. Cette référence revient régulièrement, les "chevrons" > et < permettent un itinéraire qui la suit.
  • Cage/Cardew : une comparaison entre la démarche de John Cage par rapport à celle de Cardew concernant Treatise. De même que pour Wittgenstein : > et < permettent de suivre cette comparaison tout au long du texte.
  • Image du son / Image indépendante du son : une réflexion sur la notation musicale, sur les représentations graphiques de Treatise.
  • Interprétations : analyse des diverses interprétations suscitées par la partition de Treatise.
  • Vers l’improvisation : la découverte par Cardew de l’improvisation au sein du groupe AMM, pendant la période où il a écrit Treatise.
  • Vers une implication politique plus affirmée : l’évolution de Cardew à l’époque de l’élaboration de Treatise vers des projets à caractère d’engagement politique plus affirmé, comme le Scratch Orchestra et l’implication par la suite de Cardew dans le parti maoïste.

Ont participé à l’élaboration de ce collage : Samuel Chagnard, Jean-Charles François, Pascal Pariaud, Nicolas Sidoroff et Gérald Venturi.

 


 

 
Légendes, sources et références

R&C89, A. Bumsteinas

R&C89, A. Bumsteinas

R&C89, L. Doileau

R&C89, L. Doileau

R&C89, J. O'Rouke

R&C89, J. O'Rouke

R&C89, M. Schmickler

R&C89, M. Schmickler

R&C89, K. Rowe

R&C89, K. Rowe

R&C89, M. Saladin

R&C89, M. Saladin

D. Gutkin

D. Gutkin

D. Gutkin

C. Williams

C. Williams

 

 
Prologue



 
Wittgenstein >

Cage/Cardew >

< W(ittgenstein) >

< C(age)/C(ardew) >

 
Image du son / Image indépendante du son >

< W(ittgenstein) >


< C(age)/C(ardew) >

< W(ittgenstein) >

< C(age)/C(ardew) >

< W(ittgenstein)< Image

< C(age)/C(ardew)




 
Interprétations










 

 
Vers l’improvisation






 
Vers une implication politique plus affirmée





 

 


 

 


 

Vous pouvez télécharger ci-dessous en pdf, différents documents ayant permis ce collage-montage.

 

 

 

« Comment et pourquoi Treatise : un bref exposé empirique »,
par Christopher Williams (trad. Jean-Charles François).
(9p, A4 portrait, 240Ko)
 

 

« Treatise 1963-67 » de John Tilbury,
traduction d’une partie du Chap. 6 de Cornelius Cardew (1936-1981), a life unfinished par Jean-Charles François.
(20p, A4 portrait, 425Ko)
 

 

Musique, recherche et politique


English abstract


Zones de frottement entre le faire artistique et le faire politique, par quelques récits de pratiques
Ce texte est accompagné de 10 vignettes (une vision pleine écran est préférable).

 

« Politique », ici, concerne plus des logiques d’acteurs et d’actions (interactions et coopération, rapport de pouvoirs, domination, etc.), que les systèmes de politique publique ou des questionnements juridiques et administratifs.

Fabriquer de l’art, de la musique par exemple, fabrique du politique.

La délimitation de pratiques musicales coupées de leur dimension sociale constitue une représentation institutionnalisée qu’une entrée par le politique permet de mettre en cause. Ce phénomène n’est pas propre à la musique : nous pouvons tout aussi bien parler de la séparation entre pratiques artistiques et pratiques sociales (avec les notions d’art autonome ou de la tour d’ivoire du créateur, voir même du Créateur – toujours masculin ?), ou des coupures entre des pratiques de recherche et leur dimension sociétale […/…]

Pour voir le texte complet, les vignettes, les notes de bas de pages, etc.,
Cet article est codé différemment : cliquez – ici !

 

Karine Hahn et Nicolas Sidoroff – février 2016

 

IO + IOU

English reference


Textes Parallèles

I / O de Benjamin Boretz (2001)
IOU – Reconnaissance de dette de Jean-Charles François (2015)

 
Vous pouvez accéder à ces deux textes de deux manières différentes :

1) Une vidéo composée d’un diaporama des textes
accompagné de leur mise en voix par :

  • Dans le rôle de Ben Boretz : Jean-Charles François
  • Dans le rôle de Jean-Charles François : Monica Jordan
  • Titres des œuvres du Boretz : Nancy François
  • Non-titres du François : Dan Haffner

2) Les deux textes en version pdf :

I/O+IOU (en français, 12p, paysage, 175Ko)

Praxis

English


Pour un
itinéraire-chant
vers…

Aujourd’hui, l’enjeu politique s’articule sur l’opposition entre les concepts de poiêsis, qui renvoie à une fabrication qui produit un objet, une œuvre, et de praxis, qui implique une action qui n’a pas d’autre fin qu’elle-même. L’œuvre, selon H. Arendt, domine la modernité, surtout à travers la fabrication infinie d’objets et d’outils, dans des logiques où le produit final prime sur les processus d’élaboration qui restent cachés comme moyens de parvenir à des fins :

Les outils de l’homo faber, qui ont donné lieu à l’expérience la plus fondamentale de l’instrumentalité, déterminent toute œuvre, toute fabrication. C’est ici que la fin justifie les moyens ; mieux encore, elle les produits et les organise. (…) Au cours du processus d’œuvre, tout se juge en termes de convenance et d’utilité uniquement par rapport à la fin désirée.1

Cependant toutes les pratiques d’aujourd’hui doivent d’une façon ou d’une autre se confronter aux formes de stockage des informations mises à la disposition par les technologies électroniques qui viennent subtilement changer la donne : enregistrements, disques, mémoires électroniques,.. La fixité des mémoires électroniques tend à une réification générale à la fois des œuvres sur partition et des actions ritualisées fixées dans la mémoire collective des participants. L’enregistrement fixe à jamais un moment particulier, mais dans ce processus même de solidification du réel, moins que jamais il ne peut prétendre représenter la tradition authentique : c’est comme ça que à un certain moment des individus ont fait cela, c’est un exemple parmi d’autres d’un type de pratique. Par ailleurs la numérisation des mémoires permet très facilement de les pirater à loisir et de les modifier à son propre profit. Les enregistrements fixent des évènements réels, mais ils sont précaires dans leur virtualité. Pour échapper à la marchandisation, il n’y a pas d’autres choix que de ruser en s’assurant que chaque évènement ne soit pas la simple répétition exacte d’une version qui l’a précédée.

Cependant ces technologies entament aussi énormément la prétention à l’exclusivité des traditions et par là, leur aura. Elles favorisent les différenciations des pratiques dans tous les domaines et donc remettent au premier plan le caractère processuel et collectif de la praxis.

Pour Hannah Arendt, le terme de praxis est remplacé par « l’action », liée le plus souvent à la « parole ». Pour elle, la condition de l’action dépend à la fois d’un collectif d’êtres humains à la fois égaux et différents. Dans ce sens, l’action et la parole caractérisent l’acte politique dans sa plus haute manifestation : faire quelque chose ensemble en reconnaissant également nos différences2

L’action, en tant que distincte de la fabrication, n’est jamais possible dans l’isolement ; être isolé, c’est être privé de la faculté d’agir.

H. Arendt compare les systèmes d’interactions politiques de la Grèce et de Rome. Dans la Grèce antique les lois sont là pour permettre les actions subséquentes des citoyens, « la polis n’était pas Athènes, mais les Athéniens »3.

La société moderne, plus influencée par Rome que par Athènes, a complètement dégradé l’action. Et Arendt de noter :

Ce sont précisément ces occupations, celles du guérisseur, de l’acteur, du joueur de flûte, qui fournissent à la pensée des Anciens les exemples des plus hautes et des plus nobles activités de l’homme.4

La réhabilitation de la praxis à l’époque de la mondialité électronique, remet le joueur de flûte dans la position d’être acteur de sa propre pratique5, dans l’instabilité des rapports à autrui, le caractère éphémère des actes, et l’imprédictibilité des fins6.

Jean-Charles François – 2015


1. Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris : Calmann-Lévy, 1961-1983, p. 206. Bien qu’elle ne fait que peu de références aux termes de poiêsis et de praxis, son exposé, portant sur trois éléments essentiels de la condition humaine, le travail, l’œuvre et l’action, donne des clés importantes pour comprendre ce qui est en jeu dans le monde d’aujourd’hui.

2. Hannah Arendt, op. cit., chapitre V, « L’action », p. 231-314.

3. Ibid., p.254.

4. Ibid., p.268.

5. Voir Marc’O, Théâtralité et Musique, Paris : Association S.T.A.R., 1994 : « Nous avons dit que dans son sens large, le mot acteur se rapporte à l’activité produite plus qu’à un statut social (une identité). Idéalement, l’acteur, auteur de ses actes, est un auteur qui vérifie, agit. A travers ses actes, que ce soit sur la scène du travail, sur la scène sociale, familiale ou ailleurs, il essaie de comprendre ce qu’il lui manque d’essentiel. Seule l’action lui fait comprendre ce qu’il lui manque. Et ce qu’il lui manque, c’est cela même qui fonde sa vie. Il lui reste à en faire des buts de vie. Ainsi, peut-il se fixer un dessein. Par là, il a un destin, il contribue à développer la culture. Il fait l’histoire. » (page 86).

6. Voir Jean-Charles François, « Le Bèlè martiniquais face aux héritiers de l’art autonome », Les Périphériques vous parlent, N°36 Web, Paris, 2012. La pratique de danse, poésie, musique traditionnelle Bèlè en Martinique est un exemple vivant de l’idée de Praxis telle qu’elle est définie dans ce texte.


 

 Pour un itinéraire-chant vers…