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Orality

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Sensory Body and Learned Models



For an
itinerary-song
towards…

 
In musical discourse, orality is often summarized in two assertions: to “learn by rote” and “without score”. Yet orality, and the term seems an over-simplification, refers in fact to a sensorial involvement in sonic practice. This mobilizes conjointly the ear listening, the eye sighting, the voice singing, the body dancing, the feet stomping, the hands playing, the word arising, in the service of a project built on experiences, trial and error and individual and collective constructions.

This sensoricity, a globalizing term taken up by Alain Savouret, plays a part in the ineffable side that any human action has, because it cannot be modeled (or escapes any definitive all-embracing modelization). It is constantly redefined by the permanent absorption of new experiences in the audible, vocal, tactile, gustative, visual, body motion domains… of the being in action – in reaction to the environment. Moreover, it integrates elements of traditions relative to the socio-cultural milieu of each and everyone.

Every human being has this ineffable part, which can be observed in his/her most diverse actions. It constantly interacts with the model-based part relative to the undertaken action, more or less mastered by the actor (manual techniques, theoretical knowledge, historical culture, …) and it leads to unique productions because carried by her/his global being.

Henceforth, the question is not about developing or refusing orality as defined in this way (it is there!) but rather about evaluating as closely as possible the existing models, symbolized by the relationship to the written in practice. This dosage, unconscious in nature, (the unconscious domain), can be questioned, be brought to light by the confrontation with others. Collective open practices can thus be the place where these individual equilibriums are elucidated. Greater mobility of boundaries, more porosity, can be found there. Interpersonal tinkering about becomes possible, each person bringing his/her stock of objects with a view to creating some assemblages that can become, or not, definitive realizations.

Orality questions our relation to writing and to the model to reproduce. There is orality in all societies; it is the degree of the presence and usage of writing, which introduces differences between, on the one hand, reproduction of the model, analytical discourses, and on the other hand variability of the objects in the time of their production, analogical discourses.

This point of view on orality allows one to consider musical practice from the sensorial perspective of the human body as a variable to the learned models.

Michel Lebreton – avril 2014
Translation Jean-Charles and Nancy François

 

Oralité

English


Corps sensible et modèles appris



Pour un
itinéraire-chant
vers…

 
Dans le discours musical, l’oralité se résume souvent à deux affirmations : « apprendre d’oreille » et « sans partition ». Or l’oralité, et le terme apparait alors réducteur, renvoie en fait à un engagement sensoriel dans la pratique du sonore. Celle ci mobilise conjointement l’oreille qui écoute, l’œil qui observe, la voix qui chante, le corps qui danse, les pieds qui battent, les mains qui jouent, la parole qui surgit, au service d’un projet fait d’expériences, de tâtonnements et de constructions individuelles et collectives.

Cette sensoricité, terme globalisant repris par Alain Savouret, participe de la part ineffable de toute action humaine car non modélisable (ou échappant à une modélisation totalisante, définitive). Elle se redéfinie constamment par l’ingestion permanente de nouvelles expériences du domaine de l’audible, du vocal, du tactile, du gustatif, du visuel, du mouvement corporel… de l’être en action – réaction à son environnement. Elle intègre de plus des éléments de traditions relatives au milieu socio culturel de tout un chacun.

Tout être humain est constitué de cette part ineffable qui se révèle dans ses actions les plus diverses. Elle interagit constamment avec la part modélisée relative à l’action entreprise et maitrisée, plus ou moins, par l’acteur (techniques manuelles, connaissances théoriques, culture historique,…) pour déboucher sur des productions uniques car portées par son être global.

Dès lors, la question n’est pas de développer ou de refuser l’oralité ainsi définie (elle est là !) mais bien d’évaluer au plus près la part des modèles constitués, symbolisés par le rapport à l’écrit, dans la pratique. Ce dosage, de l’ordre de l’inconscient, peut se questionner, être mis en lumière par la confrontation à l’autre. Les pratiques collectives ouvertes peuvent ainsi être les lieux où s’élucident une part de ces équilibres individuels. Les frontières peuvent y trouver davantage de mobilité, de porosité. Les bricolages inter personnels deviennent possibles, chacun amenant son stock d’objets en vue de réaliser des assemblages qui peuvent devenir, ou pas, réalisations finies.

L’oralité interroge notre rapport à l’écrit et au modèle à reproduire. Il y a oralité en toutes sociétés ; c’est le degré de présence et d’usage de l’écrit qui introduit des différences entre reproduction du modèle, discours analytique d’une part et variabilité des objets dans le temps de leur production, discours analogique d’autre part.

Ce point de vue sur l’oralité permet d’envisager la pratique musicale sous l’angle du corps sensible comme variable des modèles appris.

Michel Lebreton – avril 2014