En 2022, Famoudou Konaté, « grand représentant de la tradition musicale Malinké de la Guinée »[1], a publié un livre tout à fait remarquable, Mémoires d’un musicien africain, Ma vie – mon djembé – ma culture écrit avec la collaboration de Thomas Ott, qui « a été professeur universitaire de pédagogie musicale à Berlin ».
Loin d’être une simple autobiographie, il s’agit d’un récit très approfondi des divers problèmes de nature artistique, sociale et politique auxquels a dû se confronter un musicien africain dans la période de 1940 à nos jours : grandir dans un village traditionnel en Guinée, parcourir le monde en tant qu’artiste représentant la Guinée indépendante, apprendre à lire et à écrire à l’âge adulte, devenir professeur en Guinée et en Europe, mener une réflexion approfondie sur sa propre pratique et sur la tradition dans laquelle elle s’inscrit. Famoudou Konaté, dans son livre, nous fait part avec une richesse de détails et d’analyses d’un certain nombre d’aspects de sa propre vie qui couvrent des domaines tels que la pratique musicale, l’ethnomusicologie, l’histoire de l’Afrique, la géopolitique, la sociologie des pratiques artistiques, la lutherie instrumentale, les techniques de jeu sur les instruments, la pédagogie des musiques orales, et pour unifier le tout la présentation d’une riche philosophie de la vie. Pourtant ce n’est pas du tout un livre à prétention « académique », tout le monde peut avoir accès à l’aperçu global de sa pratique, avec en plus de nombreux récits, histoires, légendes, qui illustrent avec humour les informations d’ordre artistique et autobiographique.
Dans son introduction au livre, Thomas Ott en explique la genèse. Après avoir appris à lire et à écrire lors des tournées mondiales des Ballets Africains, Konaté a pris l’habitude de rédiger « un grand nombre de notes autobiographiques (…) en français pendant de nombreuses années » (page 15). Le travail de Thomas Ott a consisté à classer ces notes, les traduire en allemand[2] et de les rassembler dans une forme qui fait sens. Il décrit les deux tournants heureux de la vie de Famoudou Konaté :
Tout d’abord sa sélection pour faire partie des Ballets Africains représentant la Guinée, alors que dans la tradition de son village il devait se marier et abandonner sa pratique du djembé.
Et beaucoup plus tard il quitte les Ballets Africains qui était aussi pour lui devenu une organisation trop oppressive qui limitait l’extension de sa posture artistique internationalement reconnue. Il devient alors artiste indépendant, grâce en partie à l’enseignement de sa musique, de sa culture dans son village d’origine et dans les institutions européennes.
Dans chacun des tournants de la vie de Konaté, l’ambivalence qu’on peut rencontrer dans toute pratique se fait jour et le met dans la nécessité de creuser son chemin dans le tissu des contradictions, ce qui le rend capable d’acquérir une hauteur de vue universelle dans la conduite de ses récits multidimensionnels. Les conditions dans lesquelles s’inscrit toute mise en pratique est que tout acte se passe dans l’obscurité au milieu d’éléments qui jouent les uns contre les autres. Il convient comme dans l’improvisation de se tracer un chemin tant bien que mal à partir de ce qu’on a déjà construit, sans la possibilité d’avoir le temps de penser rationnellement. Mais ce tracé n’est pas comme l’écriture où chaque mot pris individuellement tisse une signification globale avec la série qui vient de se lire et celle qui va se lire. Dans les pratiques orales, les contradictions, les complexités sont là bien présentes et il faut en jouer sans penser aux conséquences. Mais au fil des ans on peut prendre des notes réflexives et arriver avec le temps à des vues qui clarifient dans une globalité les aléas des circonstances. Dans ce sens la pratique n’est pas consciemment idéologique, même si les idéologies peuvent bien s’exprimer inconsciemment dans les comportements du corps humain.
Thomas Ott nous dit que la musique de Famoudou Konaté a été pour lui « le pont vers l’Afrique en général ». Il précise que :
« Fidèle à l’adage “Qui ne connaît que la musique ne connait rien à la musique”, j’ai rapidement commencé à m’intéresser aux problèmes politiques, sociaux et économiques de l’Afrique » (page 19).
Pour ma part, je dirais que je ne connais pas très bien la musique de Konaté ni les musiques et danses africaines, mais grâce à la lecture de son livre, j’ai une idée beaucoup plus précise dans sa globalité de ce qui entre en jeu dans ces contextes, avec toutes les informations utiles qu’il donne sur les aspects musicaux, artisanaux, politiques, sociaux, économiques et culturels de sa pratique artistique et des liens qu’il est capable de tisser entre tous ces domaines.
La création d’un Ballet national en Guinée
En 1958, le gouvernement du Général De Gaulle propose aux colonies africaines subsahariennes de la France leur indépendance dans le cadre d’une association intitulée Communauté franco-africaine. Un seul pays, la Guinée, sous l’impulsion de Sékou Touré qui en deviendra le président, refuse par référendum cette association. En deux mois la France retire tout l’appareil administratif et économique, cessant ainsi toute relation.
Pour affirmer une complète indépendance, la Guinée est placée devant la nécessité d’être reconnue en tant que nation de par le monde. Il lui faut absolument affirmer son identité culturelle africaine et développer des outils diplomatiques pour la représenter. C’est ainsi que se créent les Ballets Africains (sur le modèle d’ensembles déjà en existence) regroupant les meilleurs artistes de la musique et de la danse du pays. Il s’agit de présenter l’essence d’une nouvelle nation, sa tradition spécifique en dehors des influences extérieures, dans une seule soirée à l’issue de laquelle n’importe quel public va être à même de comprendre de quoi il en retourne. Pour se faire, il semble qu’il n’y ait pas d’autre choix que de se conformer aux lois de la représentation dominante de l’époque, c’est-à-dire celle déterminée par la pensée occidentale à la fois dans les manifestations culturelles et la diplomatie. La mise en spectacle de la tradition semble donc être le moyen de parvenir à ce but.
Cette tâche contradictoire par rapport aux pratiques traditionnelles du village peut paraître anodine, étant donné que ce sont bien les manières traditionnelles qui sont présentées sur scène et non des pratiques édulcorées ou complètement déformées. Pourtant ce petit détail de mise en forme en vue d’être compris par ceux qui mènent le monde, change profondément la donne. Il ne s’agit pas ici pour moi de rechercher une quelconque authenticité qui se trouverait à l’origine d’une tradition. En effet, les traditions orales ont bien la capacité de se réinventer constamment au gré des évènements. Il s’agit seulement de souligner la tension existante entre l’affirmation de l’indépendance vis-à-vis de la puissance coloniale, tournée vers les cultures autochtones d’une part, et l’affirmation de l’existence de la nouvelle nation sur la scène internationale d’autre part. La Guinée doit alors se conformer aux formats en vigueur : il faut qu’elle se constitue en nation, qu’elle se dote d’un drapeau et se résoudre à se mettre en scène dans les formes inventées par la modernité occidentale.
Pour construire le récit de la nation guinéenne, il faut effacer en partie les différences culturelles qui peuvent exister dans le pays et faire en sorte que les pratiques puissent se détacher des contextes globaux dans lesquelles elles s’inscrivent. Il convient alors d’inventer des actes artistiques qui soient séparés des implications sociales, politiques et culturelles liées à la vie quotidienne des villages. Il faut transformer les personnes ayant des rôles sociaux prédéterminés en artistes professionnels.
Le choix de se présenter aux Ballets Africains
Famoudou Konaté a grandi dans son village et il est devenu très tôt reconnu pour ses grandes capacités à jouer du djembé. Il est issu d’une famille noble ce qui détermine son rôle dans la société du village auquel il appartient. Il décrit cette situation dans ces termes :
Dans les villages de Hamana, toutes les femmes, tous les hommes et tous les enfants savent à quel groupe ils appartiennent et quelles sont leurs tâches au sein de la communauté :
Les hörön (« hommes libres ») constituent la noblesse. Ils sont les gouvernants. Autrefois, ils décidaient de la guerre et de la paix et étaient eux-mêmes de grands guerriers. Ils règlent tout ce qui est lié à l’agriculture. Mais en fin de compte, ils sont responsables de toute la communauté et de toute ses affaires. (Page 91)
Pour Konaté, les autres castes, « artisans de la société » se divisent en trois groupes : a) les travailleurs du cuir ; b) les griots ; et c) les forgerons.
Thomas Ott souligne dans son introduction au livre que Famoudou Konaté ne serait pas devenu un musicien professionnel s’il n’avait pas été sélectionné pour faire partie des Ballets Africains créés au moment de l’indépendance de la Guinée en 1958. En effet les membres de la famille des nobles devaient à l’âge adulte se marier et ne plus pratiquer la musique. Konaté écrit :
Celui qui s’appelle Coulibaly, Keïta ou Konaté, comme membre de la classe supérieure, n’est en fait pas compétent pour jouer du tambour. Dans ma famille, il devait cesser de le faire dès qu’il se mariait. Mamady Keïta et moi sommes devenus des percussionnistes professionnels uniquement parce que nous étions recrutés pour les grands ensembles d’État. (Page 92)
Les griots sont à la fois des historiens, des conteurs, des généalogistes, des diplomates, des conseillers et des musiciens dont « les outils de travail sont les mots (langage) et les sons (musique) » (page 92). Pour lui, dans la tradition l’usage des instruments de musique leur est réservé, mais la musique n’est pas pour eux une « fin en soi, mais un moyen d’expression dans leurs multiples tâches sociales » (page 94)[3]. Selon Konaté, les forgerons fabriquent les djembés, et à ce titre « les joueurs de tambour sont souvent issus des familles de forgerons » (page 92), les griots jouant le plus souvent du balafon ou de la kora.
Voici donc une première contradiction fondamentale entre le respect de la tradition et l’accès à une certaine modernité. Famadou Konaté ayant déjà acquis une réputation de grand joueur de djembé, a été placé devant le choix de rester dans son village et de cesser de jouer cet instrument, ou bien de se tourner vers l’univers du spectacle vivant qui crée ses objets de manière séparée pour être présentés dans un temps limité à un public à priori non « initié ». Dans la tradition du village, le statut du domaine de la musique reste ambigu. Le système de caste prédétermine les rôles en mettant sur les griots l’obligation d’être musiciens, mais comme le dit Konaté ci-dessus, la musique n’est pas pour les griots une « fin en soi », la musique s’inscrit toujours dans un contexte global. Pourtant il n’y a pas d’activité (travail, cérémonies ou fêtes) sans la présence très importante de la musique. L’apprentissage de la musique se fait en dehors de toute méthode pédagogique, il n’y a pas d’obligation à atteindre une excellence spécifiée, mais les réputations créent des hiérarchies, des comparaisons et des préférences. Par réputation, Famoudou est considéré comme le meilleur djembéföla dans son village et au-delà, mais maintenant il doit le prouver pour être recruté comme soliste dans les Ballets Africains en entrant en compétition avec tous ceux provenant de toutes les régions du pays. Le statut de la musique change lorsqu’on passe d’un contexte très localisé à la notion de nation constituée : Konaté n’est plus jugé comme homme africain, mais de manière stricte comme musicien. Sauvé par l’indépendance de la Guinée et la création des Ballets Africains, il peut continuer à jouer du djembé, sa passion dans la vie. C’est d’avoir grandi dans la tradition dans laquelle le djembé est inscrit qui lui permet de remporter le concours d’entrée aux Ballets, mais par cet acte il devient un spécialiste professionnel dans le sens européen du terme.
On a donc d’une part une tradition villageoise qui tend à ne pas différencier les aspects politiques et sociaux des expressions religieuses, culturelles et artistiques, tout le contraire des rationalités occidentales qui spécialisent fortement les diverses fonctions et domaines de pensée. D’autre part il s’agit de regrouper au niveau national les meilleurs artistes de la musique et de la danse issus de ce type de tradition. Mais la grande étendue du territoire de la Guinée n’est pas culturellement homogène, ce qui nécessite la création d’une musique prenant en compte les différences. Même si la pratique de la mise en scène et mise en musique des Ballets Africains reste complètement orale, la conciliation des différences crée une situation de musique qu’il faut fabriquer au préalable de la prestation scénique. Famoudou cite le cas de Arafan Touré, qui était second soliste dans les Ballets Africains, originaire de Basse-Guinée, et ayant une approche rythmique complètement différente, difficile à concilier avec son propre jeu (page 88). Il cite aussi le cas de Mamady Keïta en ces termes :
Ma relation avec Mamady Keïta a été marquée par une grande affection et un respect mutuel (…). Il était originaire du village de Balandugu, près de Siguiri, à 150 km de Kouroussa. Nous appartenons à la même culture Malinké, néanmoins il y a quelques différences musicales et culturelles entre nos deux régions (Hamana et Wassulu), et nous n’avions ni l’un ni l’autre une connaissance parfaite de la culture de l’autre. (Page 89)
Les Ballets Africains entre émancipation et oppression
La deuxième source d’ambivalence dans la vie de Konaté se trouve dans le fonctionnement même des Ballets Africains, à la fois source d’une ouverture sur le monde, d’un succès artistique international et d’un système répressif qui réduit les membres de l’ensemble à une existence d’exécutants serviles. L’opportunité des Ballets représente une chance inouïe pour un villageois, mais les conditions dans lesquelles se passent le travail ont parfois des équivalences avec un statut indigne d’êtres humains.
La chance que représente la sélection de Famoudou Konaté pour faire partie des Ballets Africains va pour lui bien au-delà du seul fait qu’il peut se consacrer pleinement à l’art du djembé. En premier lieu, pendant les 25 ans où il joue avec les Ballets Africains, il y a chez lui une grande fierté de représenter au monde la culture de son pays avec les plus hautes exigences artistiques :
Comme on pouvait s’en douter, d’un point de vue artistique, on exigeait de nous, musiciens, danseurs, danseuses, un dévouement total à notre travail et la plus haute qualité d’exécution. C’est sous cette loi que nous nous sommes présentés, car nous devions faire honneur à notre pays dans le monde entier. (Page 52)
Les Ballets Africains font plusieurs fois le tour du monde, il y a peu de contrées qui n’ont pas reçu pendant cette période la visite de cet ensemble. D’après Famoudou, il s’agit là d’un « énorme privilège » pour des Africains (page 65). C’est l’occasion pour lui de faire des comparaisons sur les différents modes de vie et attitudes culturelles, notamment par rapport au partage à l’époque entre le monde communiste et l’occident. Il s’agit aussi de se confronter à la fois au succès immense auprès de publics fortement intéressés par la découverte des cultures du monde entier, et aussi aux préjugés et attitudes racistes rencontrées dans la vie quotidienne.
C’est surtout l’occasion pour lui d’apprendre à lire et écrire, ce qu’il n’avait pu faire dans son enfance à cause de l’absence d’école dans son village :<:P>
Les nombreux voyages avec les Ballets ont représenté pour nous tous qui n’avaient pratiquement jamais quitté nos villages d’origine en Guinée, un énorme élargissement de nos horizons. Je trouvais particulièrement important d’apprendre à parler et à lire le français, car je n’étais jamais allé à l’école. Le manque d’éducation est un lourd fardeau. C’est pourquoi j’étais reconnaissant que l’on nous donne des cours de français dès notre premier voyage. (Page 97)
C’est ce qui lui permet de tenir un journal de bord riche de réflexions et d’anecdotes significatives. Éventuellement cela lui permet d’écrire le livre autobiographique basé sur les notes accumulées sur des années.
Cet immense succès international, cette ouverture sur le monde, cet accès à l’éducation doit pourtant se payer par la corruption de la direction des Ballets, et l’oppression d’un système qui limite fortement la liberté de ses membres. Les conditions de travail sont souvent très dures, les logements peu dignes, les salaires trop bas pour une vie normale, avec des mises à l’amende pour tout manquement au règlement. Les relations au sein de l’ensemble entre les hommes et les femmes sont strictement interdites et une police interne surveille les chambres pour faire respecter cette règle.
Quand les choses se passent en présence du président Sékou Touré, tout va bien, mais sinon le système répressif bat son plein, avec son cortège d’intrigues. À un certain moment, Sékou Touré est celui qui améliore les conditions de vie en octroyant aux artistes des Ballets le statut de fonctionnaires. Mais après sa mort en 1984, le nouveau pouvoir néglige les politiques artistiques et les rapports au sein des Ballets se détériorent considérablement. C’est à ce moment-là que Konaté a quitté cet ensemble prestigieux.
L’indépendance artistique grâce à l’enseignement
Quitter les Ballets n’a pas été une mince affaire, mais petit à petit Famoudou Konaté acquiert son indépendance artistique. Surtout il établit des contacts très suivis avec des musiciens et universitaires allemands qui viennent le voir en Guinée, dans son village, et qui l’invitent régulièrement en Allemagne pour donner des concerts et animer des ateliers. Il contribue grandement dans les années 1990-2000 à développer dans différents pays les capacités des non-africains à pratiquer sérieusement les musiques de sa propre culture.
L’idée d’avoir à enseigner le jeu sur le djembé à des personnes adultes n’ayant pas grandi dans sa tradition, bien que souvent formées dans les conservatoires de la musique « classique » européenne, est pour lui un défi : il doit développer une méthodologie qui à la fois doit rester dans les cadres de l’oralité et permettre aux étudiants/étudiantes de progresser vers des compétences techniques non séparées des significations musicales et culturelles du jeu instrumental.
Autre défi, en Guinée même, les structures sociales en plein bouleversement (urbanisation, mines, influence des technologies de communication) signifient que les jeunes tendent à perdre contact avec la tradition. Là aussi, dans un souci de maintenir et transmettre son art, ses manières de jouer et le contexte culturel dans lequel il évolue, il doit inventer des méthodes adéquates pour enseigner dans le cadre de son village et au-delà dans l’Afrique.
Dans sa manière d’envisager l’enseignement du djembé, Konaté doit inventer des méthodes appropriées à la diversité des publics auxquels il s’adresse, qu’ils soient africains ou européens. Il doit les inventer de toute pièce, car la notion d’enseignement n’existait pas dans le village où il a grandi : à partir de modèles établis se manifestant au quotidien, chaque enfant devait au village développer son propre jeu sans l’aide ni la supervision de qui que ce soit. Comment, envers les personnes qui ne sont pas insérées dans ce monde culturel, concilier l’idée d’instiller des principes et celle de les laisser petit à petit déterminer de manière autonome leurs propres styles de jeu. Il formule la dimension du problème en décrivant l’exemple suivant :
En 1987, quand je suis arrivé en Allemagne et ai donné mes tous premiers stages, j’avais d’énormes difficultés à enseigner les phrases de solo du djembé. La raison était simple : les solos n’étaient pas catalogués dans ma tête d’une manière qui m’aurait permis de les transmettre. Les phrases d’accompagnement des trois tambours basse et second djembé me posaient beaucoup moins de problèmes. Petit à petit, je réussissais de mieux en mieux à les systématiser et à les enseigner en conséquence. Ce qui m’a aidé, c’est mon expérience avec les élèves européens et leurs difficultés d’apprentissage. Je leur suis très reconnaissant pour ces échanges. Cependant, en ce qui concerne les solos, il ne suffit pas de simplement répéter ce que fait le maître. Ce que vous devez atteindre, c’est l’improvisation libre et autonome. (Page 239)
Pour lui, il s’agit « d’apprendre et d’enseigner sans pédagogie », comme s’intitule un sous-chapitre de son livre. Il fait la différence entre l’enseignement de la musique en Europe centré sur l’apprentissage de la lecture et l’écriture du solfège (« certains ne savent pas jouer sans avoir tout noté auparavant ») et le caractère oral de sa musique qui ne sépare pas la tête du corps :
Selon mon expérience, l’écriture de notes est utile si l’on veut se rappeler plus tard ce qu’on a appris avec son professeur. Mais en situation d’apprentissage et en jouant de la musique, la tête et le corps devraient être entièrement libres. Nous autres africains avons l’habitude d’utiliser la tête avec le corps ensemble. A la fin, tout est enregistré dans notre mémoire et nous le maîtrisons en jouant. Si au lieu de cela, on nous demandait de jouer d’après des notes, ce serait un casse-tête pour nous ! (Page 236)
Pour pouvoir enseigner dans un contexte multiculturel qui mélange écriture et oralité, il doit systématiser ses propres pratiques rythmiques, tout en restant conscient qu’il convient pour les personnes qui apprennent qu’elles doivent absolument dépasser le stade de cette systématisation pour mieux parvenir d’une manière globale à l’essence même de la musique.
Dans cette nouvelle phase de la vie de Konaté, on retrouve de nouveau les situations de tension entre tradition locale et modernité mondialisée. Les choix qui se présentent vont au-delà d’une option conservatrice de traditions à maintenir coûte que coûte ou d’une option progressiste qui consisterait à les effacer. Il faut à chaque fois se tracer un chemin tortueux dans des pratiques effectives. Dans le village de son enfance l’enseignement de la musique, des instruments, n’existe pas, chacun, chacune, doit trouver sa voie à partir de données stables, quotidiennes, qui semblent naturelles. Dans le monde auquel il se confronte, notamment pour se libérer des Ballets Africains, l’enseignement devient une nécessité et l’apprentissage de la musique doit être réinventé pour à la fois maintenir la tradition vivante et la faire fortement évoluer, dans le cadre d’une tension silencieuse mais dans ce cas très amicale entre les conceptions africaines et européennes.
Conclusion
Il est rare de trouver un ouvrage écrit par un praticien de la musique dans lequel tous les aspects pertinents à des contextes de vie diversifiés sont traités de trois manières : a) une description détaillée de ce qui entre en jeu dans les pratiques artistiques ; b) une réflexion très élaborée sur la signification des moindres éléments de pratique ; et c) le récit souvent humoristique, mais aussi dramatique, de situations réelles d’existence.
De cette manière, tous les sujets sont traités en profondeur : l’histoire de sa famille, son enfance, ses premiers pas vers le jeu du djembé, la domination coloniale, le voyage (aller à l’aventure) chez son frère, Les Ballets Africains, le contexte politique de la Guinée indépendante, les tournées dans le monde entier, les conditions de travail dans cet ensemble. Puis la période après 1987 d’indépendance artistique et d’enseignement Afrique et en Europe : en 1996 il devient professeur honoraire à l’Université des Arts de Berlin.
Au fil des chapitres, on a aussi accès à une description critique de sa propre culture : l’ordre social dans le village, la place de la musique et de la danse, les fêtes, et les aspects plus problématiques, par exemple celui de l’excision et celui de la distribution rigide des rôles, notamment entre les hommes et les femmes. Il y a un chapitre important sur les « fonctions individuelles et sociales de la musique » (p. 169-223), sur les instruments, leurs constructions, leurs techniques, leur histoire et les divers contextes dans lesquels ils sont utilisés. L’ouvrage se termine sur une rétrospective personnelle sur les expériences qu’il a vécues et les réflexions qu’elles ont pu susciter au fil du temps. Il propose des pistes de travail en vue de la « conservation de la musique africaine » et le maintien de son caractère d’oralité. Il s’agit pour lui de définir dans un sens très universel qui a le droit de pratiquer cette tradition : « la musique ne connaît ni “races” ni couleurs » (p. 239). L’impact de la modernité sur les traditions est aussi abordé, notamment vis-à-vis de la préservation des pratiques (enregistrements, vidéos) et de la question des droits d’auteurs. Pour Konaté le bilan de la confrontation entre tradition et modernité est « mitigé » (p. 249). Il parle alors des problèmes économiques de l’Afrique, de la médecine traditionnelle et moderne, des méfaits du tourisme intensif, du racisme qu’il a subi en Europe et ailleurs, des « conditions de vie et d’écologie, hier et aujourd’hui » (p. 257).
1. Extrait de la quatrième de couverture, Famoudou Konaté, avec la collaboration de Thomas Ott, Mémoires d’un musicien africain, Ma vie – mon djembé – ma culture, Paris L’Harmattan, 2022.
2. Ce livre a tout d’abord paru en allemand en 2021 sous le titre : Famoudou Konaté, Mein Leben – meine Djembé – meine Kultur, Autobiographische Aufzeichnungen eines afrikanischen Musikers. Herausgegeben von Thomas Ott (2021 Schott Music GmbH & Co. KG. Mainz, Allemagne).
Notre idée c’est un peu de retracer votre parcours depuis l’enfance jusqu’à aujourd’hui, mais aussi de décrire en détail les pratiques que vous avez pu développer au cours de votre vie.
Djely Madi Kouyaté :
OK, on commence ?
Nicolas Sidoroff :
Si vous voulez, sinon on va chercher un café…
DMK :
Non, on peut commencer. Je peux dire pour commencer : dans notre famille Kouyaté, tout le monde est musicien, les femmes, les hommes jouent du balafon, du n’goni ou d’autres instruments africains.
JCF :
Le n’goni c’est ?
DMK :
Le n’goni, c’est la guitare africaine, mais petite, petite [1]… on le joue comme ça [il démontre], ça c’est le n’goni.
Djely Madi Kouyaté et Olivier François lors de l’interview au Petit Bistrot. Photo Nicolas Sidoroff.
DMK :
C’est dans notre famille, tout le monde joue. J’ai commencé à jouer à l’âge de cinq ans, auprès de mon père. Mon père est assis à côté de moi, il joue, j’écoute, je commence à taper, pour voir si cela correspond au rythme.
NS :
C’était à quelle époque ?
DMK :
Je suis né en 1958, en Guinée, avec l’indépendance ! À Kamponi, dans la région de Boké, à 300km environ de Conkari, mais 250km maintenant, par la route la plus directe.
[Interruption du cafetier pour prendre les commandes]
Ah mais ça coupe quand il y a quelqu’un qui demande… [rires].
Alors je peux continuer ?
JCF :
Oui.
DMK :
Alors, je commence à comprendre qu’est-ce que c’est, pour connaître le temps, là où il faut commencer.
JCF :
Vous tapez sur un djembé ?
DMK :
Non, pas un djembé, sur la chaise, parce que j’étais tout petit à côté de mon père. Mon père est assis sur un fauteuil pliant comme un transat, et moi assis au bord, il joue et j’entends, alors je tape sur ce bord, ça fait un petit bruit que mon père peut entendre, mais il ne dit rien.
Olivier François :
On ne porte pas trop attention aux enfants, on les surveille mais de loin. Ils écoutent une répétition ou une fête et se mettent ensemble, prennent des boîtes de conserve et tapent dessus, quand ils veulent et ils apprennent comme ça.
DMK :
Oui.
OF :
Et on les écoute de loin.
DMK :
Et moi, je commence à taper sur la chaise. Banco. Après, quand j’ai commencé à jouer le balafon, il faut que je cherche ma sœur pour faire mettre le balafon à plat sur le sol. Quand on ne se sert pas du balafon, mon père le met contre le mur. Le balafon est plus grand que moi, il est trop lourd, donc je ne peux pas le mettre à plat. Quand ma sœur a installé le balafon, je commence à jouer et je me dis : « Ah ! Tiens ! Mon père il a joué comme ça, toujours, là. Je vais essayer ». J’imite le geste, comment il tient les baguettes, comment il se tient et j’essaye de faire la même chose que lui. Et on me laisse faire. Je joue, je joue, plusieurs fois, et mon père il vient quand il m’entend. Il vient, il écoute, il s’arrête. Après, il rigole… et il s’en va.
JCF :
Il ne dit rien.
DMK :
Voilà. Moi, je ne sais pas quelle sorte de rire il fait parce que peut-être qu’il s’est moqué de moi, je n’ai pas bien joué, ou peut-être que c’est le contraire [rires], c’est peut-être un peu des deux à la fois ? C’est comme ça que j’ai évolué dans le jeu du balafon, jusqu’à partir du moment où je vais avec mon père quand il y a une cérémonie, c’est-à-dire un mariage ou un baptême, ou bien d’autres occasions de la fête, de la vie. J’y vais avec mon père, mais toujours avec quelqu’un qui porte mon balafon, parce qu’il est trop lourd pour moi. Alors, arrivé là-bas, je joue l’accompagnement du solo de mon père. Alors, on continue comme ça. Plus tard, à un certain moment, c’est moi qui suis devenu le maître et mon père a joué l’accompagnement.
Et quand j’arrive enfin à faire cela, je commence à porter le balafon moi-même. Alors c’est comme ça qu’on se perfectionne jusqu’à un certain âge, quinze ans. Comme ça, je joue, je joue, je joue et les gens commencent à parler de moi : « Ah ! Il y a le petit là, à Kamponi (mon village), il joue très bien, s’il y a un mariage, on va aller le chercher ». Parce que, à l’époque, dans le village où je suis né, il n’y a pas d’école, il n’y a pas de téléphone, il n’y a pas d’activités comme dans les grandes villes. Maintenant, cela fait deux ou trois ans, il y a une école.
NS :
Votre père vient, il sourit et il s’en va, il ne dit rien. Après on passe au moment où vous accompagnez votre père. Qu’est-ce qui s’est passé entre le moment où il ne dit rien et le moment où vous jouez avec lui ?
DMK :
Quand je joue avec lui, si à un moment ce n’était pas bon, il me montre, il ne s’arrête pas, mais il me montre comment on fait et moi je le rattrape et puis on continue.
NS :
En direct devant les gens qui sont en train de faire la fête ?
DMK :
Oui. Mais lui, il ne s’arrête pas. Ça se communique très vite, quand tu commences à connaître les notes dans la tête. Parce que quand j’étais petit, j’ai beaucoup écouté mes frères qui jouent et mon père. Même à la guitare, quand j’ai commencé à jouer de la guitare, je commence à jouer tout seul, parce que j’avais toute notre musique dans la tête. Donc pour accorder une guitare, personne ne m’a montré comment on accorde une guitare. Je commence à jouer les morceaux que je connaissais au village, personne ne m’a montré. Parce que je me rappelle bien, une fois j’ai dit à mon père de m’acheter une guitare, il a dit : « Non ! » Quelque temps après, j’ai acheté une guitare. Je viens, je dis : « Montre-moi comment on accorde ». Il m’a dit : « Il faut écouter ». Je suis parti dans ma chambre, je me suis débrouillé, j’ai accordé, j’ai commencé à jouer les morceaux et c’est comme ça que c’est parti.
NS :
Donc il y a une première fois, un moment où votre père arrive et vous dit : « Là, on va aller là au mariage de machin-chose, etc., et tu vas venir jouer avec moi ».
DMK :
Oui, oui. Je me souviens très bien, à ce moment-là, je commence à prendre mon balafon, parce que, au début, je ne peux pas porter un balafon, j’étais trop maigre, trop petit. Mais pas à ce moment-là (mais je ne pouvais toujours pas porter mon balafon) [rires]. J’étais aussi avec le petit frère de mon père, on était deux à apprendre le balafon avec lui. Il y avait aussi mon grand frère qui était avec nous, mais lui, son problème, quand on lui montre quelque chose, il ne retient pas, et il ne comprend pas très vite. Alors, une fois, mon père avait frappé mon grand frère, j’ai pleuré. Moi, c’est ça mon problème, la nuit, quand il fait trop tard, que je commence à être fatigué pour dormir. Mais il me montre qu’est-ce que c’est et très vite je joue. Il ne te dit pas : « On va faire ça, on va faire, ça ». Il ne te dit rien, mais pendant qu’on joue, il va te faire jouer le morceau qu’on n’a jamais entendu. Tu vois ? Il faut l’écouter. Quand il commence à y aller, il faut le rattraper. Et mon frère qui était à côté, il n’est pas trop doué pour ça, quoi, il a eu beaucoup de mal avec notre père.
NS :
Donc, pour lui, la musique c’était fini ?
DMK :
Non, il a continué à faire de la musique, mais lui n’est pas allé loin. Il était resté au village, il n’est pas même allé à Conakry, dans la capitale. Parce que, chez nous, au village, quand quelqu’un commence à être connu, il vient dans la capitale, mais si tu n’es pas bien fort, tu ne peux pas y rester.
JCF :
Mais vous, vous avez été à la capitale ?
DMK :
Oui, avant d’être parti à l’aventure, je suis allé à Conakry une fois, en 1980, l’année du décès de mon père. J’avais 22 ans. Je suis allé à Conakry pendant trois mois, après je suis retourné au village. En 1981 je suis parti à l’aventure.
NS :
Juste pour être sûr, parce que, dans l’imaginaire qu’on a nous, ici, de faire de la musique, quand on joue pour un mariage, on a besoin de faire des répétitions avant, donc cela prend du temps, ou alors on peut téléphoner aux partenaires en disant qu’on va jouer tel ou tel morceau. Et donc là, dans votre cas, ça n’est pas cela ?
DMK :
Là, ce n’est pas le cas.
NS :
Ça se décide sur le moment ?
DMK :
Voilà, ça se décide sur le temps de…
NS :
… Sur le chemin ? Ou sur le moment ?
DMK :
Le moment, oui.
OF :
À partir du chant des femmes…
DMK :
Le chant des femmes aussi. Quand les femmes commencent à chanter, à ce moment, si tu joues le djembé, tu vas te rattraper, ou bien la femme va dire : « il faut jouer tel morceau ». Et c’est là qu’on commence à jouer le morceau et la femme va commencer à chanter.
NS :
Ce sont les femmes qui décident ?
DMK :
Voilà. Parce que c’est elles qui chantent. Tous les garçons, chez nous, jouent, et les femmes chantent. Mais maintenant, bon, ça se mélange, il y a des hommes qui chantent et il y a des femmes qui jouent.
JCF :
Le rapport à la danse, ça marche comment ?
DMK :
Quand on danse, le joueur de djembé marque le pas, et si la femme se met à danser, il la suit. Si le joueur de djembé donne l’appel, c’est là que le pas est changé, pour faire d’autres mouvements.
NS :
Ça change des choses au balafon ?
DMK :
Non. Seulement le djembé.
NS :
Le balafon peut continuer ?
DMK :
On peut continuer. Seulement, pour faire un appel pour que le danseur change ses pas, le joueur de djembé donne soit un appel long, soit un appel plus court, ça dépend de la situation.
OF :
Ici, dans la danse, le balafon a une place particulière, il est présent dans toutes les danses. Ce n’est pas le cas de la kora par exemple, qui n’est jouée que pour les rois, c’est-à-dire, pour les hommes qui parlent.
JCF :
Mais, n’est-on pas dans une situation où tout le monde danse ?
DMK :
Oui, la plupart dansent, quand il y a une fête la plupart dansent, à peu près tout le monde.
JCF :
Et donc, la musique est plus l’affaire de spécialistes, le jeu instrumental concerne seulement ceux qui se sont spécialisés ?
DMK :
Oui. C’est spécialisé.
JCF :
Et du côté de la danse, c’est moins spécialisé, tout le monde danse ?
OF :
Il y a des gens qui ne savent pas danser. Il y en a qui dansent tout le temps, il faut les calmer. Et puis d’autres qui ne dansent pas, c’est comme partout. Mais c’est la même chose, on apprend en les voyant danser et en dansant. Enfin, ça fait partie du système du mariage. Les femmes viennent avec leurs filles, elles dansent, en vue d’un mariage possible.
DMK :
On joue aussi des morceaux pour les cultivateurs, c’est-à-dire pour labourer un champ, et les musiciens viennent pour jouer et les gens travaillent. Et il y a des morceaux pour ça qu’on appelle Konkoba. Avec l’instrument le Boté qu’on joue comme ça.
OF :
Oui chez les Soussous, le Boté, est un instrument de percussion avec une peau de vache huilée, avec une cloche qu’on joue avec la main. C’est l’instrument de percussion qui est joué avec le balafon dans la musique Konkoba.
Exemple du Boté (tambour et cloche)
DMK :
J’ai oublié beaucoup de choses, mais si le mouvement est dans ma main ça revient naturellement !
NS :
Quel type de répertoire est utilisé pour les chants de travail, est-ce que c’est le même que pour les mariages ?
DMK :
Il y a des morceaux qu’on joue pour le mariage que tout le monde connaît, il y a aussi d’autres morceaux qu’on joue aux champs que tout le monde connaît.
NS :
Tout le monde connaît les chants, c’est-à-dire tout le monde peut chanter en même temps ?
DMK :
Oui, tout le monde peut chanter, voilà, on peut taper dans les mains comme ça et les travailleurs, ils travaillent, ça c’est vrai. Tout le monde connaît les chants à part les petits enfants qui ne les connaissent pas, ils connaissent les rythmes qu’on leur a transmis. Des fois les enfants sont en train de danser à côté des grands.
OF :
C’est comme ça que les enfants apprennent, sans qu’on leur apprenne, il suffit qu’ils soient présents. Ils regardent, ils écoutent, ils essaient, et après ils se retrouvent entre eux dans des quartiers pour justement travailler ensemble. C’est comme ce qu’il disait, son père ne va pas lui dire comment il doit jouer. Il voit et il commence à le faire à peu près, on lui fait confiance. Mais celui qui ne comprend pas vite, on ne va pas l’attendre, lui expliquer, faire de la pédagogie.
DMK :
Oui, c’est ça, il est malheureux.
OF :
Celui qui est intelligent, celui qui va vite, on va lui apprendre. Il n’y a pas de cours particuliers. À tout moment, tous les jours, la vie de famille, on est en situation d’apprendre.
DMK :
Là, je vais vous montrer quelque chose. [Il cherche quelque chose sur son portable.] Alors, ce sont mes enfants qui sont là qui sont en train de jouer [on entend des sons de balafons] ils apprennent, un peu…
[Vidéo des enfants qui jouent sur des balafons]
NS :
Et là ce ne sont que des accompagnements ?
DMK :
Oui.
JCF :
Là, c’est lui, il est solo ?
DMK :
Oui, lui il est… différent. Ce sont mes enfants qui sont au village.
Là, ce n’est pas moi qui ai montré cela. Le plus grand a écouté quand je joue et il a aussi joué. Ici il commence à jouer pour son petit frère.
OF :
C’est lui qui a montré à son frère ?
DMK :
Oui. Je trouve qu’il fait cela très bien.
[Fin de la vidéo]
C’est comme ça, les enfants, quand ils s’intéressent, eh bien, quand ils ont grandi, on voit quelque chose de bien. Tu vois, ça va être joué une fois ou deux, il écoute, il comprend, il joue. Et ceux qui l’écoutent, ils viennent, ils jouent. Voilà, c’est comme ça.
OF :
Et puis il le fait à sa façon, il ne cherche pas à reproduire exactement…
DMK :
Oui, c’est ça, c’est de comprendre la base.
OF :
Ici, dans les conservatoires, on veut que tu joues exactement pareil. En fait ce n’est pas du tout la même pédagogie.
2. Les Kouyatés, une famille de griots.
OF :
Il faut savoir que Djely Madi Kouyaté est un griot. Ça c’est très important, parce il est né dans une famille de griots.
JCF :
Oui, pourriez-vous nous donner une idée de ce que cela signifie d’être un griot ?
DMK :
Les griots jouent un rôle de médiation entre les familles. Si deux familles ne s’entendent pas bien, alors le griot va pour parler entre les deux familles en vue de les réconcilier pour qu’elles puissent tomber d’accord sur la base des choses qui sont bien. Le griot est aussi un médiateur entre les rois. Si deux rois ne s’entendent pas bien, entre une ville et une autre, le griot va pour parler entre les deux personnes et comme ça ils se mettent d’accord. C’est ça le rôle des griots.
JCF :
Et ce sont des poètes aussi, est-ce le cas ?
DMK :
Oui, oui, ils racontent des histoires, oui ils parlent…
OF :
Ils sont dépositaires de la tradition orale, ils connaissent la descendance de toutes les âmes.
DMK :
Quand on dit, « famille Keïta », on sait qui est qui, est qui, est qui, jusqu’au temps anciens. Quand on dit : « Dakité », pareil, quand on dit : « Koné », pareil, quand on dit : « Sano », pareil, tous les noms des familles. Quand une personne dit le nom de famille, on sait d’où elle vient. Parce qu’on connaît tout.
NS :
Mais comment vous connaissez cela ?
DMK :
Parce que quand on était petit, nos grands-pères et notre père, et grands-mères nous apprennent l’histoire petit à petit. Ça reste, ce n’est pas écrit, mais en parlant, ça reste dans la tête.
NS :
C’est musical aussi ?
DMK :
Non. Ce n’est pas musical.
NS :
Et quand vous discutez avec les deux rois ou les deux chefs ou les deux familles, y a-t-il de la musique ?
DMK :
Non, il n’y a pas de musique. On peut faire de la musique, mais, tu vois, il n’y a pas de musique au cours des négociations. C’est après, quand ils sont bien tombés d’accord, là, on peut jouer de la musique pour eux. C’est là que nous aussi on gagne, car on nous donne notre part. Dans la tradition, nous, les griots, on ne va pas au travail, on ne cultive pas, on ne fait rien, mais ce sont les rois, les gens qui nous donnent les moyens pour vivre. Nous, on ne fait rien, sauf de la musique. Et donc, quand il y a des trucs comme ça, quand les deux rois sont tombés d’accord, quand tout s’est bien passé entre eux et moi, on peut faire la fête avec tout le monde ensemble. Voilà.
OF :
Chaque famille de griots est liée à une lignée de rois, les Kouyatés sont liés aux Keitas. Dans ce contexte, lui, Djely, il peut aller chez un Keita et il peut lui prendre ce qu’il veut, sans que celui-ci ne puisse rien dire. Par exemple il peut lui prendre sa télévision[2].
DMK :
Oui, je dis : « Bon ! là il y a une belle télé chez toi ! Ben, ça c’est pour moi, je prends [rires]… », je m’en vais et il ne dit rien. Sauf si je dis : « Ah ! bon ! merci hein ! merci hein ! », il va ne rien dire, il ne va pas dire : « Non ! il ne faut pas le prendre ». Ça c’est clair, il ne va pas le dire. Et si j’ai besoin d’argent, je viens, je dis : « Aujourd’hui, je n’ai rien, ma femme n’a pas mangé, mes enfants n’ont pas mangé, alors donne-moi de l’argent, tu vas me donner ». Une fois, j’étais au marché, à Bamako, dans le grand marché, là, j’ai acheté un bazin[3]. Des bazins, des habits, là-bas ça coûte cher. Voilà, c’est le plus cher des habits en Afrique. On discute le prix, il a dit le prix, j’ai dit : « Ah ! c’est trop cher ». Il a dit :« Ah ! c’est ça ou rien ». J’ai dit : « Mais, tu me discutes trop. Mais on dirait que toi t’es un Keïta ». Il m’avait dit qu’il était un Keïta. J’ai dit : « Ah ! là ! tu as perdu ! » [rires] J’ai dit : « Ce bazin-là, non seulement je ne l’achète pas, mais tu vas m’en donner un autre, ça va faire deux bazins et je m’en vais ». Il a dit : « Pourquoi ? » J’ai dit : « Mais ça, ce sont des palabres, là où il n’y en a pas ». Je l’avais dit comme ça. J’ai dit : « Tu ne sais pas que moi je suis Kouyaté ? ». Il a fait comme ça : « Aaaah ! » J’ai dit : « Voilà, donne-moi, donne-moi, vite fait ». Il a dit : « Vite fait… » J’ai dit : « Bon ! je vais en acheter un, un qui est pour moi ». Je lui donne l’argent pour un, l’autre il me l’a donné [rires]. Il a dit : « Ah ! Vous les Kouyaté-là, vous êtes fatigués ! ». J’ai dit : « Mais si tu es le vrai Keïta, tu me dis, si tu n’es pas le vrai, tu me dis, alors je vais te le donner si tu n’es pas le vrai ». Il dit : « Je suis vrai ». J’ai dit : « Ben voilà ! Il n’y a rien à dire » [rires]. Et voilà. Je crois qu’on a bien expliqué, non ?
NS :
L’importance du griot dans la vie sociale et culturelle semble régner à un endroit précis. Et à un moment vous partez à l’aventure et vous n’avez pas arrêté ce rôle de griot. Comment continue-t-on la tradition des griots en dehors du contexte du village africain ?
DMK :
Eh bien, c’est plus difficile. Mais tous enfants des musiciens africains sont en train d’apprendre à utiliser le téléphone (autant que le balafon), et donc on apprend aux enfants à raconter les histoires : ça c’est comme ça, c’est comme ça, c’est comme ça. En fait ce que nos grands-pères ont fait et comme ça, ça reste dans la famille. Ça ne se perd pas. Ça peut aussi se raconter à l’occasion des mariages, de toutes les cérémonies. Avec le téléphone, tu vas intéresser par la parole, tu vas raconter des histoires.
JCF :
Et ça, ça n’a jamais été fait avec de la musique ?
DMK :
On peut accompagner avec de la musique, mais, souvent, on raconte l’histoire comme ça, sans la musique. On ne peut pas tout le temps accompagner avec de la musique. On raconte les histoires.
OF :
Les femmes chantent, elles chantent la descendance, elles racontent tout ce qui se passe, ce sont les histoires de Soundiata Keïta[4]. Cette histoire, c’est l’histoire de toute l’Afrique de l’Ouest.
DMK :
C’est accompagné aussi par des instruments.
OF :
Mais pourquoi tu n’as pas été dans les ensembles instrumentaux ou dans le ballet en Guinée ?
DMK :
Je n’ai pas voulu rentrer dans l’ensemble instrumental à Conakry, parce qu’il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas. Moi, je ne peux pas rentrer dans ce truc-là, parce que j’étais très jeune par rapport à ce groupe-là, c’est pour ça que je n’y suis pas rentré. Et je n’ai pas non plus voulu entrer dans le Ballet Africain.
OF :
Oui, c’est dangereux.
DMK :
C’est dangereux, il y a beaucoup de maraboutages contre les gens, les autres, tu vois ? Et donc, si tu arrives, tu es jeune, tu as d’autres idées, c’est facile de te faire descendre.
Non ce n’est pas celui-là. Il y avait mon grand frère qui était là-bas souvent. On va ensemble à la répétition, des fois je prends le balafon. C’est mon grand frère il ne va pas vivre longtemps, il est décédé à l’âge de 45 ans. Et moi j’ai l’âge de 66 ans maintenant. Il était malade, mais on ne sait pas quelle maladie il avait, parce qu’il a été hospitalisé à l’hôpital Donka. On n’a pas trouvé la maladie. Il avait mal partout. Tout le corps était malade. On ne sait pas.
OF :
C’était un grand musicien.
DMK :
Oui, il joue le balafon, il joue la kora, et le n’goni.
OF :
Il a aussi chanté, il y a une vidéo là, il avait une autorité naturelle, quand il arrive, il place sa voix, il montre sa voix. Et, voilà, c’est le griot… Aujourd’hui, maintenant, ça a changé aussi pour les griots, il y en beaucoup qui ne vont chercher que l’argent.
DMK :
Voilà, un griot ce n’est pas cela.
OF :
Ce n’est pas ça, c’est quelqu’un qui dit la vérité.
DMK :
Le mensonge c’est n’importe quoi ! On dit n’importe quoi. En tout cas, ça n’est pas ça les griots. Les griots, ils disent la vérité.
OF :
Dans la tradition.
DMK :
Il était arrivé à réconcilier le président Malien et le président Burkinabé, Il a réussi à parler à tout le monde. Mais là il est parti…
3. Partir à l’aventure
DMK :
J’ai grandi comme ça, et à un certain moment, je me suis dit : « Ah ! tiens ! je vais partir à l’aventure, pour connaître d’autres choses ». Un jour, j’ai commencé à jouer de la guitare. J’ai joué de la guitare et les gens ont apprécié, ils trouvaient que c’était franchement bien, alors, je continue, je continue, je continue. Il y a le petit frère de mon père – il y a trois frères : mon père, un grand frère et un petit frère – qui me dit qu’il voulait partir avec moi pour faire l’aventure. Il m’avait dit : « Bon, tiens ! ah ! on va aller au Sierra Leone ou peut-être au Libéria ». J’ai dit : « OK ». On est parti à l’aventure, on est allé au Sierra Leone et puis on a viré un peu, on est parti au Libéria. Après le Libéria, on est allé en Côte d’Ivoire, à Abidjan.
NS :
Partir à l’aventure qu’est-ce que c’est ? Comment ça s’est passé ?
DMK :
C’est pour connaître d’autres pays, de rencontrer d’autres personnes que je ne connais pas. L’idée, c’était ça.
NS :
Est-ce que c’est partir à pied avec un sac sur le dos, ou bien partir en bus ? En emportant le balafon ?
DMK :
Oui, on appelle ça le taxi-brousse. Je pars avec ma guitare et pas avec mon balafon, parce que je l’ai laissé au village. Si je suis parti seulement avec la guitare, c’est que dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, on peut trouver des balafons. Quand je suis bien installé en Côte d’Ivoire, alors j’ai acheté un bon balafon pour moi, c’est avec ça que j’ai travaillé. Parce que les gens apportaient les balafons de Guinée en Côte d’Ivoire pour venir les vendre là-bas. Mais il y avait deux balafons dans le groupe, c’est le patron qui les avait achetés et ça appartenait au groupe.
NS :
Donc, vous partez en taxi-brousse ?
DMK :
Voilà, des fois, ça roule dans la nuit, des fois, pendant la journée. Vous arrivez dans un village où vous dormez. Le lendemain matin vous continuez votre voyage.
NS :
Vous arrivez dans un endroit et vous cherchez l’habitat ?
DMK :
Oui, parfois je sors la guitare, je m’assoie quelque part, ou bien à côté d’une maison et je commence à jouer, et puis, les gens qui sont là, ils regardent : « Ah ! c’est le Djéli djéli djéli (griot), ah ! tiens ! tu peux dormir chez moi, ici ». Et voilà, c’est comme ça que ça se passe…
NS :
Et vous y avez rencontré d’autres musiciens ?
DMK :
Eh bien, s’il y a une fête, je vais aller là-bas, je regarde : « Ah ! les gens jouent ici, j’y vais ». Je dis : « Bon ! tiens ! est-ce que tu peux me donner le balafon pour que je peux jouer ? » Ou je commence à jouer avec ma guitare, ils disent : « Ah ! il joue de la guitare ! », je dis : « Bien ! je joue ». Après, c’est comme ça, l’amitié ça commence. Et puis il y a un autre mariage ou il y a une autre fête, on me demande où j’habite, je dis : « Bon ! là, j’habite dans tel quartier ». « Ah ! tiens ! demain, après-demain, on a un truc par-là, tu peux venir à telle heure ». C’est comme ça, que j’ai rencontré plein de gens, oui. Et quand j’arrive, je demande de me donner l’instrument pour pouvoir jouer.
4. L’électricité, l’amplification, les technologies
NS :
Vous avez dit que vous avez commencé à jouer de la guitare. C’est la n’goni, ou c’est la guitare ?
DMK :
C’est la guitare, la guitare normale, oui.
NS :
Une guitare avec six cordes comme à l’européenne ?
DMK :
Oui. Les deux instruments que j’ai bien maîtrisés sont le balafon et la guitare.
NS :
La guitare électrique avec un ampli ?
DMK :
Électrique, oui.
JCF :
Alors, au début, on a une situation acoustique dans le village – dans le village vous avez dit qu’il n’y avait pas de téléphone – …
DMK :
À l’époque, oui, il n’y a pas de téléphone. On joue comme ça, en acoustique. Il n’y a pas de micro. Souvent on joue la nuit, dehors. Voilà, le balafon et le djembé n’ont pas besoin d’être amplifiés. Tu peux les entendre même de loin. S’il y a trop de musique, tu entends tout de même le balafon. Parce que le balafon c’est un instrument qui porte même s’il n’est pas sonorisé.
JCF :
À quel moment on passe à l’électricité, à l’amplification, à la guitare électrique ?
DMK :
Quand j’ai commencé à jouer de la guitare, je suis allé voir mon oncle, c’est un musicien, il a fait une caisse en bois, il a pris un haut-parleur, il l’a mis dans la caisse, là, il a trouvé un bon moteur de radio, bien fort, et avec un jack pour communiquer, pour faire le son avec ça. Il n’y avait pas d’ampli.
JCF :
Mais ça c’était quand ? Quand vous aviez quel âge ?
DMK :
Moi, j’avais l’âge de vingt ans. J’ai vu mon oncle faire ça. J’ai commencé à jouer la guitare électrique et je prenais son ampli pour aller jouer. Mais cet ampli n’était qu’une caisse fabriquée par le musicien. Voilà, c’est le musicien qui l’avait fait. Après, on achète le haut-parleur de radio. À l’époque on ne peut pas faire autrement, on utilise cette méthode pour passer à la guitare électrique. Parce que, à l’époque, on trouve des guitares électriques seulement dans les orchestres de niveau « national » à Conakry. Dans le village, on n’en trouve pas.
JCF :
Et ça change la musique ?
DMK :
Oui, un peu. Ça ne peut pas changer la musique, mais c’est au niveau du son que ça change. Tu entends mieux que quand tu joues sans ampli, voilà.
JCF :
Mais les balafons restent acoustiques ?
DMK :
Acoustiques. Mais des fois, comme maintenant, il y a beaucoup d’évolutions, donc il y a des amplis partout. Maintenant on peut mettre le micro sur le balafon. Avant, on n’avait pas d’ampli. Mais, même ça, maintenant, ça change.
NS :
Je fais une hypothèse, juste pour essayer de décrire comment la musique pourrait changer (peut-être qu’elle ne change pas) : du coup avec une guitare électrique et un ampli, c’est possible de faire un son qui dure, donc un son long.
DMK :
Comment ?
NS :
C’est possible de faire un son long, qui dure : « tiiiiiiiiiiiiiiiiing », alors qu’avec une guitare acoustique ou un balafon c’est : « ting ».
DMK :
Ça s’arrête très vite.
NS :
Mais ça crée un autre type de musique, parce que des sons longs deviennent possibles, alors qu’avant il n’y en avait pas.
DMK :
Oui.
NS :
Mais c’est juste une idée de comment la musique pourrait éventuellement changer. Donc, du coup, est-ce que la musique des balafons et des djembés a changé avec l’arrivée de la guitare électrique ou pas ?
DMK :
Ici, ça a changé avec l’arrivée des guitares. Avec le balafon, tu peux prolonger le son avec des notes répétées, tu peux continuer à : « la-la-la-la-la-la-la », avec une seule main.
NS :
Pas avec les deux ?
DMK :
Oui, on peut le faire avec les deux, mais ça donne une autre couleur. Avec une seule tu peux le continuer à long terme. Oui, le balafon peut faire ça pour faire une note qui tienne, comme à la guitare quand elle fait comme vous dîtes : « taaaaaaaan ».
JCF :
Avec le balafon, il y a aussi des choses qui vibrent.
OF :
Les toiles d’araignées ?
DMK :
Ah ! les toiles d’araignées, oui. On fait ça quand on accorde la calebasse pour qu’on entende bien le son. On fait deux trous sous la calebasse avec deux cordes et puis tu colles le trou avec des toiles d’araignées qu’on trouve dans les arbres ou dans les tôles de barracks des marchés…
OF :
Aujourd’hui, c’est plutôt de la toile fine de sac en plastique.
DMK :
Oui. Et on utilise la colle de la sève d’hévéa mais aujourd’hui c’est plutôt du chewing-gum. Et quand tu mets la lamelle, tu entends le son comme le son amplifié. Et si tu enlèves la calebasse, tu frappes la lamelle, c’est un autre son, mais si tu mets la calebasse, c’est bien fait, bien accordé, et tu entends le son comme ça : « bou-ou-ou-ou-ou-ou-ou… », voilà.
JCF :
Donc ça rallonge un petit peu le son ?
DMK :
Oui.
OF :
Dans les groupes modernes, ils enlèvent ce genre de timbres.
DMK :
Il ne faut pas que cela vibre trop pour éviter d’agresser les autres gens [rires].
NS :
Mais qu’est-ce que l’électricité a apporté dans la musique ? L’électricité, la guitare électrique, les amplis, c’est quoi le changement concrètement pour les musiciens, pour les auditeurs ?
DMK :
Qu’est-ce que ça change ? C’est avoir une nouvelle chose qui n’était pas là avant, c’est ça, c’est tout !
JCF :
Est-ce que cela n’apporte pas aussi des influences venant des autres musiques populaires ?
OF :
Ça dépend des contextes, des personnes présentes. Si on parle des sons des villages, ce dont vivent les griots en grande partie, ces pratiques tendent à se modifier, il n’y a pas de rois à réconcilier tous les jours, malheureusement…
DMK :
… malheureusement, il n’y a plus ça maintenant !
OF :
Il y a des fêtes différentes, il y a des fêtes de mariage qui ne sont plus basées sur ce qu’on faisait au village, il y a des fêtes comme le sabar sénégalais, ce sont des musiques juste pour le divertissement.
DMK :
Les fêtes des jeunes, oui. Ce sont des jeunes qui jouent et puis des jeunes qui dansent.
OF :
Ce sont d’autres musiques…
DMK :
Ce sont d’autres musiques, c’est mettre les amplis à fond, et là les guitares jouent et avec les micros sous les djembés aussi. Ce sont des musiques d’ambiance.
NS :
Et c’est différent ?
DMK :
C’est que, si on joue dans un mariage au village, ce n’est pas pareil.
OF :
Dans les années 1970, c’était le yankadi[5] qui était à la mode.
DMK :
Oui, c’était le yankadi qui était à la mode, maintenant c’est le sabar.
5. La Côte d’Ivoire
DMK :
On est resté à Abidjan. On a formé un groupe avec un frère, un ami, qui s’appelle Sékou Tanaka, le « Cobra du Mandingue »[6]. Quand on a formé le groupe, il m’avait demandé : « Est-ce que tu veux jouer du balafon ? », j’ai dit oui. C’est comme ça qu’on a commencé à jouer et à être connu en Côte d’Ivoire. Après, on a entendu parler du groupe de Souleymane Koly, alors, le groupe « Kotéba »[7]. On s’est dit : « Est-ce qu’on va aller là-bas pour passer l’audition ? » J’ai dit : « Ah ! moi, dans ma tête ce n’était pas ça mon projet. ». Sékou Tanaka a dit « Il faut qu’on y aille ». On est parti, on a fait l’audition, et on a été retenu, moi et mon ami Sékou. Et en plus son amie et ma femme qui étaient danseuses dans le groupe. On était quatre à être retenus dans le groupe : deux femmes, deux garçons. Mais ce groupe, là, avant notre arrivée, ça ne marchait pas très bien. C’est quand on est rentré dans le groupe que ça a commencé à marcher. Alors, le directeur a dit qu’il allait nous payer par mois et qu’il fallait que le groupe devienne professionnel. On a fait des tournées en Afrique, la côte de l’Afrique, en Côte d’Ivoire, au Mali, Niger, Nigéria, Ghana, Mauritanie, Sénégal, jusqu’à la Guinée. On est retourné en Guinée. Après, on est revenu en Côte d’Ivoire. On vient aussi chaque fois en Europe : la France, l’Italie, l’Espagne, la Hollande, Belgique, Luxembourg. Et aussi en Afrique du Sud. Donc, quatre fois chaque année, on a fait une grande tournée. C’est comme ça que j’ai pu faire évoluer mon jeu sur le balafon avec l’ensemble Kotéba.
Au début, je jouais le balafon dans le groupe, mais le balafon n’était pas bien accordé. Il y avait deux autres balafonistes dans le groupe, c’était moi le troisième. Moi j’écoute et je dis : « Ah ! le balafon, l’accord n’est pas bon, moi à l’oreille je le sens ». Alors ils ont dit « Non, non, non c’est comme ça ». Alors j’ai dit « Bon ! » Mais une fois, le directeur m’a dit qu’il fallait accorder le balafon. J’ai dit : « Oui ». Lui, il a dit : « Bon ! tiens ! il y a deux balafons ici, tu vas l’accorder et tu me l’amènes dans une semaine ». J’ai dit « OK ». Je prends les deux balafons, je les amène dans ma maison, je commence à accorder le balafon. À l’époque il y a un diapason, on entend le son, comment ça sonne. Alors j’ai accordé le balafon en do majeur. Le balafon a sept notes. Bon, je trouve que ça devait être comme ça. J’ai accordé l’autre balafon, pareil, bien accordé. Je l’ai amené à la répétition. On a commencé à jouer, il était loin le directeur Souleymane Koly, il est venu, il a regardé, il a regardé. Quand la répétition a été finie il m’a appelé, il a dit : « C’est toi qui as accordé le balafon ? », j’ai dit « oui ». Il a dit : « C’est vrai ? », j’ai dit « oui ». Il a dit « OK ». Après, il m’a appelé, il a dit : « Bon ! tu es retourné dans le groupe, tu ne dois pas bouger ». Des fois, je venais à la répétition, des fois je ne venais pas, parce mon intention n’était pas de rester dans le groupe, je ne voulais pas rester dans le ballet. Mais il m’a forcé à rester dans le groupe. Il a dit : « Voilà, écoutes, tu dois venir aux répétitions tout le temps ». J’ai dit « OK ». Alors, il a gardé les deux balafonistes dans le groupe. Il m’a demandé d’être le leader du groupe. Et voilà comme on est resté dans le groupe. On a fait des tournées, des tournées, des tournées. À la fin, je me suis dit qu’il fallait que j’évolue pour toujours connaître d’autres choses. J’ai quitté le groupe et je suis venu m’installer à Paris vers 1988-89.
JCF :
Quand vous avez accordé le balafon, il y avait un diapason et vous avez dit « do majeur », est-ce que c’est le système européen ?
DMK :
C’était un diapason en métal qu’on tape et met près de l’oreille, une seule note suffisait, c’était l’accord du « la ». Je sais que le « la » vient après do, ré, mi, fa, sol. Le « la » est au milieu, au-dessus du sol. Le « la » est au milieu dans le balafon, la portion de balafon, avec ma façon de jouer, parce que je suis gaucher au balafon. Mais les balafons ne sont pas exactement accordés sur ces notes.
OF :
C’est l’accord du village.
DMK :
Voilà, l’accord du village, c’est à l’oreille. Il n’y a pas de diapason, mais on accorde par rapport à l’écoute des autres balafons, on dit : « Ah ! tiens ! … » Et des fois, quand on joue un certain morceau, quand tu sens que ce n’est pas bien accordé, une lamelle qui n’est pas bien accordée, en africain, tu dis : « Ah ! ça, à mon avis, ce n’est pas bien accordé, essaies de le réaccorder bien ». Et quand tu joues après l’avoir réaccordé, maintenant, tu dis : « Ah ! c’est bien accordé ». Avant d’être ici, à Paris, je ne connaissais pas le solfège, j’ai appris cela avec les amis.
JCF :
Dans le grand groupe qui était en Côte d’Ivoire, il y avait combien de personnes ?
DMK :
Vingt-cinq personnes. Il y avait des danseurs, il y avait des musiciens. Parmi les musiciens, il y avait ceux qui tiennent la mélodie, c’était nous, il y avait aussi une section rythmique avec des joueurs de djembé. Dans les tournées, il y a parfois de vingt à vingt-deux personnes qui voyagent. Mais, moi, j’ai eu de la chance, depuis que je suis rentré dans le groupe, j’ai toujours été inclus dans les tournées.
JCF :
Est-ce que c’était une organisation nationale ?
DMK :
Ce n’est pas une organisation nationale, c’est une un groupe privé créé par Souleymane Koly. Mais le groupe était basé habituellement en Côte d’Ivoire, alors les gens pensaient que c’était un groupe national de la Côte d’Ivoire, parce beaucoup de noms connus en faisaient partie. Mais tous les éléments du groupe étaient des étrangers venus en Côte d’Ivoire, des Guinéens, des Maliens, des Sénégalais, des Burkinais, et même les Léonais et des Nigériens.
OF :
Le théâtre de Souleymane Koly a été toujours lié à l’actualité. Le ballet-théâtre, le « Kotéba », vient du théâtre traditionnel du Mali, la musique était traditionnelle, mais tout était arrangé, actualisé en fonction de ce qui se déroulait dans les quartiers. Il racontait la vie actuelle du quartier, comme un théâtre d’environnement qui va dans les villages et parle des problèmes. C’était différent des Ballets Africains inventés par le poète malien Fodéba Keïta[8] et qui sont restés basés sur ses poèmes. Il a été le ministre de l’Intérieur de Sékou Touré en Guinée, et il a été par la suite victime du régime.
NS :
C’est très intéressant. Il y a quelque chose un peu du genre du théâtre forum où les participants peuvent intervenir ?
OF :
Non, pas du tout. Le « Kotéba » est un terme générique pour un théâtre traditionnel, il en existe plein de différents. Souleyman Koly a repris le nom en le modernisant à sa façon, pour donner le ballet Kotéba d’Adibjan, ou de Souleyman Koly. C’est de la comédie musicale, avec les moyens du bord, les danses traditionnelles, mais adaptées. C’est le cas de la chorégraphie de « Adama Champion » l’histoire d’un joueur de foot, Adama Champion, qui venait de se faire recruter dans un club européen. Il y a un rythme qu’on appelle kala. On a pris ce rythme et cette danse, ils ont fait des pas reprenant les shoots des footballeurs.
DMK :
Ah ! En dansant comme ça, comme ça. [il démontre, avec des mouvements de pieds comme pour dribbler au foot] Comme ça. [rires]
OF :
Il jongle, et passe à quelqu’un : « Pan ! » [il frappe la table, rires]
DMK :
Et la façon dont le gardien tient le ballon, il fait comme ça : « Paf ! » [il mime un plongeon, rires] Il y avait tout ça, là.
OF :
En fait, Souleymane Koly a poursuivi le travail du ballet traditionnel, en mettant en scène des histoires urbaines contemporaines.
NS :
C’est alors une forme spectaculaire, ce n’était pas à l’occasion d’un mariage, ce n’était pas pour un baptême, ce n’était pas à l’occasion d’une fête de quelqu’un ?
DMK :
Non.
OF :
Non, c’était vraiment du théâtre, c’est ce qui venu en tournées ici…
JCF :
Au départ, vous jouez surtout pour des mariages, des fêtes. Comment passe-t-on de cette idée de l’animation de fêtes et de mariages à quelque chose qui est de l’ordre d’une présentation sur scène en face d’un public ? Qu’est-ce que cela change à la musique ? Quelle est la différence entre jouer dans un mariage au village et de produire quelque chose dans un contexte international ?
DMK :
Eh bien, au village on joue de la manière de là-bas. Mais quand on joue sur scène, on joue à l’intention des gens qui écoutent, on peut jouer à la façon du village, mais ce n’est pas du tout pareil.
OF :
C’est un travail.
DMK :
C’est un travail pour le musicien lui-même.
JCF :
Mais n’est-ce pas aussi une démarche collective du groupe qui travaille ensemble ?
OF :
Il y a un directeur, il y a des cadres dans le groupe.
DMK :
Il y a des cadres dans le groupe, mais le directeur te dit : « C’est ça que je veux, je veux ça ». Et ça commence à se passer comme ça. Et si c’est bien, il le voit : « Ah ! ah ! ça ! ça c’est bien, ça c’est bien, ça c’est bien ». C’est comme ça qu’on est tombé d’accord sur toutes les musiques qu’on a faites, on a dit que : « Voilà, on va faire ça, on va faire ça, on va faire ça ».
OF :
Le musicien fournit les informations qui viennent de chez lui, et puis on les sélectionne et on les met en forme.
NS :
Si on continue sur l’idée du répertoire, quand vous étiez dans le groupe Kotéba en Côte d’Ivoire, est-ce qu’il y a création de répertoire ? Ça veut dire quoi d’être directeur musical ? À quoi ça correspond comme activité, qu’est-ce que ça veut dire ?
DMK :
Souleymane Koly, c’est lui qui est le directeur dans le groupe, donc c’est lui qui dit : « Bon ! je veux ça, je veux ça, je veux ça ». C’est -à-dire, quand il a besoin, il nous explique la scène, il dit, bon, ce qui va se passer, il dit : « Bon ! vous les musiciens, il faut chercher un morceau qui peut correspondre à ces danses, là ». Ou bien à ces textes, là, qu’on va faire. Ce sont des mélanges de comédie et de danse.
JCF :
Et lui, il écrit les textes ?
DMK :
Oui, lui il écrit le texte, mais c’est nous-mêmes qui déterminent la musique qui peut aller avec. Par exemple, si c’est moi qui explique l’idée, je peux dire : « Voilà, moi j’ai cette idée, on pourrait jouer comme ça, ou comme ça ? » Ici, je montre aux autres, on commence à jouer, sans parler. Puis on décide que cela peut être ça, ça peut être bien. On montre ça au directeur, et il va dire : « Ah ! bon ! je tiens ce morceau-là, on va le mettre dans cette partie-là ». Et c’est comme ça que ça prend forme.
NS :
Et ce sont des inventions, ou alors on dit : « Ah ! mais il y a cette session-là qu’on a jouée, il y a cette session de travail, là, qu’on va adapter » ?
DMK :
Oui, on peut faire comme ça aussi. On peut dire « Bon ! on peut adapter », on peut modifier un peu, et insérer ce morceau-là, c’est comme ça que ça fonctionne.
NS :
Parce que, comme vous l’avez dit, les gens qui étaient dans le groupe de musique provenaient de pays différents, donc il y avait plein de chansons différentes, chacune connue seulement de quelques-uns
DMK :
Oui, elles ne sont pas connues par tout le monde, mais on les apprend et tout le monde commence à les écouter, les connaître, les chanter. Mais même les comédies se passent sur scène, même si nous ne sommes pas des comédiens, on connaît tout, on apprend tout. Des fois, on nous demandait : « Est-ce que tu peux nous expliquer ce que le personnage a dit ? » On a réponse à tout. Tu n’es pas cantonné à ton rôle sur scène, mais tu connais déjà la totalité. Et s’il y en a un qui se trompe, tu le sais, tu peux l’aider.
NS :
Donc là, il y a des répétitions ?
DMK :
Il y a des répétitions tous les jours. Tous les jours on répète. S’il y a des spectacles, on ne fait que le spectacle, on ne répète pas. Après le spectacle, on recommence à faire des répétitions. C’est-à-dire qu’on travaille tous les jours, tous les jours, ça ne s’arrête pas. C’est comme le vrai travail, quoi [rires]. On répète tous les jours.
OF :
C’est ce qui est différent par rapport à la fête du village…
DMK :
Avec la fête du village, il n’y a pas de répétitions. Oui, on joue seulement. Mais, par contre, dans le groupe, il y a des répétitions, on ne peut pas faire n’importe quoi. Ah ! ça, ça ne peut pas passer sur scène.
NS :
Et est-ce qu’il y a une différence entre les fêtes de village et le spectacle sur scène ? Par exemple, combien y a-t-il de sorties pour accompagner les cultivateurs, les mariages, les baptêmes, occasions de jouer dans un village, et réciproquement combien y a-t-il d’occasions de jouer sur scène avec les pièces de théâtre et tout ça ? En termes de nombre d’occasions de jeu devant des gens ?
DMK :
Oh ! ça, ça dépend… à l’occasion des mariages, on peut jouer avec plusieurs groupes, avec plusieurs personnes.
NS :
Les gens se relaient ? Ça dure longtemps ?
DMK :
Oui. Ça dure longtemps. Ça change sans arrêt. S’il y en a d’autres qui sont venus pour jouer à cette occasion, on décide à quelle heure ils doivent jouer, on peut s’aider entre nous.
OF :
Une fois, il y a eu plusieurs mariages pour le même jour, à la même fête, donc il a dû prendre un petit frère avec lui.
DMK :
Et comme ça tu te fais payer là, et des fois tu te fais payer un peu là. Et après tu quittes là, et tu vas aller faire un peu de l’autre côté, c’est comme ça. Et tout le monde est ravi de te voir [rires]. C’est comme ça aussi.
OF :
C’est drôle et c’est difficile à comprendre. Le maître vient jouer, tout le monde l’apprécie. Et s’il n’est pas là, ils vont demander à n’importe qui de jouer, même s’il ne sait pas jouer, il va jouer, parce que c’est la fête, il faut que quelqu’un joue.
NS :
J’essaie d’expliciter mes hypothèses : comment est-ce possible d’apprendre en jouant sans répéter ? En fait, il y a une organisation informelle du temps et beaucoup d’occasions de jouer.
DMK :
Il y a beaucoup d’occasions de jouer. C’est pour cela qu’on arrive à jouer ensemble sans faire de répétitions. Ça se fait tout le temps, à chaque moment, donc c’est sans d’arrêt. Les gens sont habitués à écouter, même si tu n’es pas musicien. Et surtout les musiciens, ils sont tout le temps en train d’écouter, ils ont envie de connaître tout. Et quand il y a une fête comme ça et tout le monde vient, tout le monde joue. C’est en jouant déjà qu’on apprend, on apprend en jouant.
NS :
Donc, si tout le monde joue, ça veut dire que quand vous partez avec votre père pour un mariage, il y avait d’autres personnes qui venaient jouer avec la nécessité d’avoir plusieurs balafons ?
DMK :
Non, il y avait peut-être d’autres frères, parce que des fois on est trois, quatre, cinq même, dans le mariage. Donc, s’il y a deux ou trois vieux et peut-être ils vont laisser leur balafon et vont dire : « Les enfants, allez, vous jouez ». Le vieux s’en va, derrière nous, et à la fin, il arrive, il ramasse l’argent pendant que nous on joue [rires]. Nous, on ne touche pas l’argent, on n’a rien à dire. Donc on ne demande pas et on ne nous en donne pas, nous on joue seulement. Et nous aussi quand on est grand, on fait pareil avec les petits qui jouent et on nous donne l’argent. Et puis on dit aux enfants : « Allez, il faut partir, il ne faut pas rester » [rires].
OF :
C’est le droit d’aînesse.
DMK :
Ça se passe comme ça. C’est un principe : tu ne paies pas l’apprentissage, mais tu ne vas pas gagner d’argent, tu es nourri, logé.
OF :
Ça dépend, tu paies quand même un minimum, si tu ne fais pas partie de la famille. À partir du moment où on gagne de l’argent, maintenant en ville, on est indépendant.
6. Le jeu du balafon
JCF :
Le jeu des deux balafons, ça se passe comment ?
DMK :
Quand on joue à deux balafons, l’un joue la partie solo, l’autre fait l’accompagnement, le soutien, …
OF :
Oui, c’est ça, c’est par rapport aux notes, ils ne jouent pas sur les mêmes lames de bois.
DMK :
On joue ensemble, on fait le même morceau, mais on ne joue pas de la même façon. L’un des deux musiciens fait le solo, avec les variations et tout avec, l’autre fait d’autres choses, un accompagnement, et quand tu les écoutes ensemble, ça fait très bien. Le soliste peut aller partout, il touche partout, il va partout. L’accompagnement, il reste au même endroit. Il peut changer à un moment, mais ce n’est pas la même mélodie dans l’aigu. Celui qui fait l’accompagnement de la basse le garde et c’est lui qui obéit, mais celui qui fait le solo touche partout, et comme ça, ça fait la différence.
Après il peut y avoir des changements, et quand tu commences à changer, ce n’est pas seulement que vous allez vous regarder, mais c’est de comprendre ce qui va changer. Et c’est facile de se rattraper sans se tromper, sans se tromper de notes, et voilà. Tu commences à comprendre, quand tu commences, ou bien tu fais un clin d’œil comme ça, tu fais, et l’autre sait que tu vas changer. Et même sur scène, on fait comme ça souvent, avec les yeux on se regarde. Ce n’est pas la peine de parler, mais avec les yeux comme ça on se parle.
JCF :
Dans certaines parties d’Afrique, d’après ce que je comprends, il y a des jeux sur le balafon avec deux musiciens qui jouent en alternance très rapidement [il tape sur la table avec les deux mains en alternance].
DMK :
Oui.
JCF :
Vous avez fait ça ?
OF :
Il s’agit de polyrythmie ?
JCF :
Cela peut être de la polyrythmie, mais plus précisément ce sont des choses très rapides en alternance entre deux balafonistes.
OF :
Il n’y a pas des notes communes entre eux ?
JCF :
Pas du tout sur les mêmes notes, et pas simultanément, mais en alternance.
DMK :
Pas en même temps, c’est ça, oui. Et pas les mêmes notes.
JCF :
Oui, et ça très, très vite. Mais comment on arrive à faire ça ?
DMK :
Eh bien ! ça s’apprend. On apprend [rires].
JCF :
On apprend comment, alors ?
OF :
Ça vient comme ça.
DMK :
Ça vient comme ça. J’ai fait ça beaucoup.
JCF :
Mais on apprend comment ?
DMK :
Je vais vous le dire, ça vient comme ça, mais on n’arrive pas enseigner à quelqu’un à faire ça. Voilà.
JCF :
Oui. Mais il faut tout de même se mettre en situation. C’est très difficile à faire, non ?
DMK :
C’est difficile à faire, mais chacun à sa propre façon de faire des figures rythmiques sur le balafon. On n’apprend pas à quelqu’un à faire ça.
OF :
Qu’est-ce qui fait que ça marche ? Par exemple comment toi tu es sur un rythme et pas du tout avec l’autre, mais vous êtes ensemble ?
DMK :
Nous, on est ensemble.
OF :
Comment ça se fait ?
DMK :
Comment ça se fait, comment ça peut marcher ? Donc, l’autre qui est à l’accompagnement, il va continuer à jouer et toi tu fais en sorte d’être ensemble avec lui, c’est comme ça que ça marche. Mais toi tu dois être à l’écoute de l’ensemble. Tu es à l’écoute de celui qui commence et à l’écoute de toi-même, de ce que tu fais. Et comme ça, ça peut marcher, mais si tu n’écoutes pas l’autre, que tu n’écoutes que toi seulement, ça ne peut pas marcher.
JCF :
Mais pour moi (qui suis lent) l’écoute, ça marche quand ça ne va pas trop vite, mais quand ça va vite ? [rires]
DMK :
Mais, tu fais attention pendant que tu joues, il faut que tu penses que l’autre il est là aussi [rires].
OF :
Comme tu le dis souvent, la vitesse c’est un peu d’expérience. Pourtant on voit des enfants qui font des trucs très rapides, dans un tempo commun entre eux.
JCF :
Chez nous les musiciens européens, il y a cette notion de temps fort qui est organisé par la mesure qui est écrite, et donc on pense : « un, deux, trois quatre, un » …
DMK :
« … deux, trois quatre, ».
JCF :
Et c’est comme ça que vous pensez ?
DMK :
Oui, il y a ça aussi chez nous, mais pendant que l’autre fait ça : « un, deux, trois, quatre… », toi tu peux penser pendant le un, deux, trois, et tu peux faire d’autres choses avant le « un ».
JCF :
Mais est-ce la même chose que ce que nous appelons les syncopes chez nous ?
DMK :
Voilà.
OF :
Après, je n’en suis pas si sûr, le temps africain est différent, il démarre avant c’est le « et » du « un ».
NS :
Vous comptez ?
DMK :
On ne compte pas comme ça à haute voix, on n’a pas l’habitude de faire ça. On compte dans la tête.
OF :
La clave, c’est la référence : « célécé, célécé, célécé » [langage rythmé], quelque part, c’est ça qu’il entend comme ça…
DMK :
C’est comme le djembé quand il fait « ting ting ting ting ting ting ting ting ting ting… », on sait que c’est là qu’il faut rentrer. Ce n’est pas la peine de compter.
OF :
Famoudou Konaté[9], quand il a donné ses premiers cours en Allemagne, on lui a demandé comment faire, où devait-on placer le premier temps ?
DMK :
Il a dit qu’il n’y a pas de premier temps, il a dit, « kélé, fila, saba, nani ». Ça veut dire : « un, deux, trois, quatre » et après vous allez commencer… il a compté quatre.
OF :
Il y a quand même un premier temps. Il y a un appel qui mène au premier temps : « ti titi titi titi PAN ».
DMK :
« UN », voilà, c’est là où vous allez commencer.
OF :
C’est le repère aussi.
DMK :
[Frappe la table dans le rythme de l’appel]. Voilà c’est le repère [il continue de frapper le rythme sur la table] Ça permet que le jeu commence.
OF :
Quand ça va très vite, les rythmes à contretemps, c’est comme ça :
Voix : ti titi ti titi
Mains : x x x x
C’est ça, c’est le « ti titi ti titi » qui donne le tempo.
DMK :
Tu entends cela et tu sais quand tu dois rentrer. Si l’un fait : « ti titi ti titita tita », l’autre fait : « ti titi ti titita tita ta tita », etc. [il frappe en même temps des contretemps sur la table] C’est comme ça. C’est fou, c’est tellement rapide. Aussi, si tu n’as pas l’habitude, tu te demandes où tu peux rentrer, comment tu vas faire ? J’ai pu observer ça dans des ateliers dans les conservatoires. Par exemple, une fois, nous sommes deux africains qui dirigent l’atelier et qui ne savent pas lire la musique : moi je ne sais pas lire, Adama Dramé il ne sait pas lire. Mais on nous demande à chacun un morceau pour faire le concert avec les musiciens du conservatoire : il y avait un joueur de clavier, un joueur de xylophone, deux vibraphones, il y d’autres instruments, un joueur de steel drum, deux balafons, le mien et le balafon du Burkina.
OF :
C’est le balafon pentatonique.
DMK :
Chaque personne amenait des morceaux, donc, moi j’ai amené un morceau, on a répété le jeu pour tout le monde. Il y a un musicien, qui, quand on joue, si ce n’est pas lui qui commence, il ne sait pas là où il faut rentrer. Il faut que lui commence, après les autres rentrent. Si ce n’est pas lui, c’est fini, et puis, s’il s’arrête tout s’arrête. Et il est au xylophone, moi au balafon. Alors, des fois, quand il se trompe, je joue sa partie sur mon balafon et il dit : « Ah ! je ne sais pas là quand je dois y aller » Je lui dis : « Bon ! fais comme ça… »
Des fois, je joue des choses que je n’ai jamais entendues, mais tout en écoutant je dois tout de même jouer. Même au studio, quand parfois on m’appelle pour venir jouer, je demande seulement la gamme des morceaux, c’est ça qui m’intéresse. Quand j’arrive, j’écoute et je joue direct sans perdre de temps. Le balafon est un peu limité par le nombre de notes par rapport à la guitare ou au saxo. Le balafon a sept notes seulement, et non pas douze. Donc, je cherche à savoir quelles notes vont être jouées, et comme ça je sais si c’est mineur ou majeur, je sais comment je peux m’adapter pour jouer. Et s‘il y a des demi-tons chromatiques, quand j’arrive au studio je dis : « Ben ! vous faites tourner la musique » et je joue après avoir écouté pour me donner le temps de m’adapter à ce que jouent les autres.
NS :
Dans un article que j’ai lu, il y a quelqu’un qui explique la façon avec laquelle les joueurs de djembé et de balafon peuvent colorer leurs manières de frapper ce qui donne une personnalité particulière à leur jeu sur l’instrument. On peut identifier très précisément les sons produits à telle famille, à tel clan, à tel village, à telle personne. On entend un son de balafon, mais ce qu’on reconnait c’est ce balafon-là joué par cette personne-là, un type de timbre, un son, une petite couleur ?
DMK :
Non, ça, il n’y a pas ça. Mais on peut reconnaître la façon de telle personne qui joue comme ça. Même si tu ne le vois pas, tu peux entendre quelqu’un qui joue le balafon, tu arrives à reconnaître sa façon de jouer le balafon. Mais pour le son, il n’y a pas ça. Ça dépend de la personne qui aime son instrument, qui fait bien faire travailler à son instrument, que ça soit meilleur. Ça dépend des gens, quoi.
NS :
Mais on reconnaît à quoi ?
DMK :
On reconnaît sa main, de la manière dont il joue. Sa main.
NS :
Quels détails ?
DMK :
Par exemple, quand j’ai entendu le morceau « Kémé Bourama » joué par mon frère Kémo et Sékou Bembéya. Même si je ne les vois pas, je sais que c’est Sékou Bembéya qui joue comme ça. Et là, je sais que c’est Kémo qui joue. A force d’écouter leurs façons de jouer qui ne sont pas pareilles.
NS :
En quoi ce n’est pas pareil ?
DMK :
C’est différent [rires]. Cela s’entend s’ils jouent le même morceau.
JCF :
C’est la question de la frappe, et aussi peut-être, de la manière de phraser ?
OF :
Oui, mais ça a beaucoup évolué, avec les enregistrements et tout ça. Avant, quand j’ai commencé, c’est vrai, chaque maître avait son secret…
DMK :
… son secret, oui.
OF :
Par exemple, le maître dit : « Ah ! oui mais, là, l’autre famille, là, ils le jouent ce rythme-là aussi sur le djembé », il le joue, tu écoutes, tu essaies de le reproduire et il dit : « Ah ! oui, mais ce n’est pas du tout ça ! » [rires]
DMK :
Il va te dire que ce n’est pas le même rythme.
OF :
De la même manière, ma maman me disait que tel pianiste jouait très bien et que tel autre, « Non, il ne sait pas jouer, il joue comme une machine ». Moi, à l’écoute, je n’étais pas capable de faire la différence [rires]. C’est l’esthétique qui se transmet. Avec le balafon, c’est plus dur d’identifier qui joue. Mais pour le djembé, c’est surtout la main du batteur, sa frappe, c’est plus facile à reconnaître.
DMK :
Mais nous, même avec le balafon, on arrive à reconnaître, quand notre vieux Djély Sorri joue ou quand Khali joue, ce n’est pas pareil, mais on arrive à reconnaître, tout de suite tu peux saisir que c’est tel qui joue comme ça, et tel autre qui joue comme ça.
VIMEO SOUNDIATA
7. La vie en France et en Europe
DMK :
Je suis resté à Paris en jouant avec deux groupes : tout d’abord avec les ballets Katandé, puis les ballets Nimba, on a fait des petits contrats dans les régions de France. Après ça, il y a Mory Kanté[10] qui m’a vu, il a dit : « Ah ! Tiens ! ça fait longtemps que je cherche un balafoniste et toi, tu peux venir jouer dans mon groupe ». Il m’a accepté, je suis venu dans le groupe et pendant dix jours on a répété beaucoup de morceaux. Après cela, on a commencé à faire des tournées pendant trois ou quatre mois, sans arrêts. À l’époque, au temps des francs français, ça marchait très bien. Après le groupe de Mory Kanté, on a formé un petit groupe ici, à Paris, Madingue Foly, avec un mélange de Maliens, de Sénégalais et de Guinéens. Ce groupe a beaucoup de succès, chaque année on participe au festival Africolor au Théâtre Gérard Philipe.
Je me rappelle bien que j’ai dû jouer aussi avec pas mal de groupes différents qui sont connus en Afrique, comme celui de Youssou Ndour. J’ai joué avec lui et Kandia Kouyaté, Oumou Kouyaté et Diaba Kouyaté. J’ai joué avec Manfila Kanté pendant longtemps, on a beaucoup joué ensemble en Hollande, en Belgique. Il y a aussi Mamady Keita [Dans la vidéo, on voit Djely Madi Kouyaté qui joue du balafon] :
JCF :
Il y a le village, il y a le groupe en Côte d’Ivoire, et après il y a des groupes en Europe. Qu’est-ce qui est nouveau pour vous dans la vie en France et en Europe ?
DMK :
Les groupes en Europe ? C’est très important, parce que j’ai joué avec plein de groupes en Europe, ici, avec des Ivoiriens, des Maliens, des Sénégalais, des Guinéens, un peu partout, mêmes avec des Français. J’ai joué dans pas mal de groupes différents, donc ça me donne beaucoup d’idées que je n’avais pas avant. Donc la différence, c’est ça : quand je suis arrivé ici, j’ai trouvé que c’était important de découvrir d’autres choses. Ici, j’ai appris beaucoup de choses musicalement avec les Européens, pour s’adapter avec leurs façons de procéder. C’est comme quand on est rentré dans le groupe Afrika ! Afrika ! en Allemagne. Dans ce groupe, il y avait beaucoup de musiciens qui sont venus et qui ne peuvent pas s’adapter avec les autres, et on les a renvoyés parce qu’ils sont seulement capables de jouer la musique de chez eux. Par exemple il y avait un Malien qui n’a pas pu s’adapter avec nous parce qu’il ne connaissait que la musique qu’on fait au Mali. Après deux ou trois jours de répétitions on sait si tu peux y arriver ou pas.
JCF :
Et dans ce groupe, il y avait aussi des Allemands ?
DMK :
Ce sont seulement des Africains, mais le directeur est un Allemand. Le directeur artistique, c’est George Momboye[11] , c’est un Ivoirien. Il y a des musiciens de presque tous les pays de l’Afrique. Il y a des Gabonais, des Ivoiriens, des Sénégalais, des Guinéens, des Maliens, des Congolais, des Ethiopiens, et puis de Madagascar, un peu de partout, des Tanzaniens, des Marocains. Il y a en tout 150 artistes sur scène, avec des acrobates, il y a chaque fois qu’on joue 2000 personnes dans la salle. On joue mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche. Lundi c’est de repos. Samedi, dimanche, on joue quatre fois de suite. Au cours du temps on a appris toutes les musiques d’Afrique. Pour chaque pays, on a adapté un morceau particulier. La Guinée, c’était le morceau de Mamie Wata, ça c’est chez moi, et c’est moi qui ai fait le solo à cette partie-là. Quand je suis arrivé en Europe, je me suis adapté avec les autres groupes que je n’avais jamais rencontrés. Pour moi, ça a été une grande chance.
OF :
Qu’est-ce que cela a changé dans ton jeu ? Qu’est-ce que tu as appris en Europe par exemple ?
DMK :
Non, je n’ai pas appris. Mais j’ai beaucoup écouté pour apprendre. On ne m’a pas « attrapé » pour faire les choses de manières précises, mais j’écoute et j’ai beaucoup appris. J’ai beaucoup écouté la façon de jouer les claviers. Ça m’a donné beaucoup d’idées. Ça a été le cas avec Philippe Monange[12] avec qui j’ai joué, j’ai beaucoup appris avec lui. J’ai aussi beaucoup écouté Jean-Philippe Rykiel[13], sa façon de jouer, j’ai joué avec lui et on a beaucoup fait des enregistrements en studio ensemble.
OF :
C’est le fils de Sonia Rykiel, une styliste de mode.
NS :
Il jouait du piano ?
OF :
Il joue du Moog, il joue du piano. Je l’ai connu avec Brigitte Fontaine et Areski. Le premier concert que j’ai fait c’était avec lui, avec son mini-Moog. Et il est aveugle. Il a continué sa carrière d’improvisateur. Après il a commencé à accompagner le groupe Xalam sénégalais, il s’est intéressé à la musique africaine il a pratiqué la musique africaine moderne. Il est parti au Sénégal, il a appris la kora sur son clavier, il joue des morceaux traditionnels africains, mais d’une manière particulière. Il est incontournable. Il a un studio chez lui, quand on entre tout est éteint, on ne voit rien, on dit : « Oh ! pardon ! je vais allumer. » [rires]
DMK :
Il se déplace en taxi. Si tu l’appelles, il arrive chez toi, ou bien dans un lieu de rendez-vous, il arrive avec tout son matériel. Je ne sais pas comment il fait pour faire entrer tout ça dans le taxi. Il arrive, c’est lui qui transporte tout, arrivé au studio, c’est lui qui monte tout, personne n’a le droit de toucher à son équipement. Il ne voit pas, mais il sait où aller, il connaît tout : « Ah ! tiens ! je mets ça ici, c’est ça qui va aller avec ça ».
OF :
Quand j’étais en Guinée, j’ai assisté à un de ses concerts. Après le concert, on est parti chez Kémo…
DMK :
… Ah ! Kémo, c’est mon grand frère…
OF :
… qui jouait dans l’orchestre de Miriam Makeba, à l’époque où elle était en Guinée, avec son orchestre Guinéen. Chez Kémo, il n’y avait pas d’électricité mais Jean-Philippe avait un clavier avec une chose comme un tuyau, un mélodica.
8. Conclusion
JCF :
Donc, aujourd’hui, vous avez dit la vérité [rires] !
DMK :
Sincèrement, j’ai dit la vérité, parce que, nous on n’a pas changé encore, peut-être que les enfants qui arrivent après, ils peuvent dire n’importe quoi. Mais nous, ce qu’on pense, ce qu’on a vu, ce qu’on connaît, c’est ça qu’il faut dire. Ce que tu ne connais pas, il ne faut pas le dire. On peut toujours trouver la preuve qu’ils n’ont pas fait ça. C’est très important.
OF :
J’ai eu la chance de tomber dans la famille de Djély Madi à Conakry, qu’on connaît pour leur honnêteté, mais vraiment ce sont des grands musiciens.
2. Wikipedia.fr : griots. « Organisation sociale des griots mandingues. Chaque famille de djéli accompagne une famille de rois-guerriers nommés diatigui. Il n’est pas de djéli sans diatigui, il n’est pas de diatigui sans djéli, les deux sont indissociables et l’un ne vaut rien sans l’autre. » wikipedia
3. african-avenue.com : « Le Bazin riche est un type de tissu très populaire en Afrique : notamment pour la confection des tenues africaines originales, des vêtements traditionnels en Afrique de l’Ouest, en particulier au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Il s’agit d’un tissu luxueux et unique qui se décline en différentes couleurs et motifs (…). » african-avenue.com
4.Soundiata Keïta aussi appelé, selon la tradition orale, Mari Diata Konaté (et couronné sous le nom de Mari IerDiata ), né le 20 août 1190 à Dakadjalan au royaume du Manding et mort en 1255, dans l’empire du Mali, est un souverain mandingue de l’Afrique de l’Ouest, présenté par la tradition comme le fondateur de l’empire du Mali au xiiie siècle. L’histoire de Soundiata est essentiellement connue à travers une épopée aux tonalités légendaires racontée de génération en génération jusqu’à nos jours par les griots. wikipedia
5. Yankadi : « Le yankadi est l’une des danses traditionnelles soussou bien connu et souvent utilisé par les artistes pour mieux toucher la sensibilité des amoureux. Comme tous les autres rythmes traditionnels de la Guinée, la danse yankadi obéit à des techniques de chants et de danses spécifiques. » wikipedia
6. Sékou Camara Tanaka, ou Sékou Camara Cobra est un griot de la tradition Malinké. Il chante et joue de la guitare. Il est aussi acrobate, chorégraphe et compositeur. iro.umontreal.ca.
7. Le groupe Kotéba est une compagnie de théâtre de Côte d’Ivoire, basée à Abidjan, fondée en 1974 par Souleymane Koly. Souleymane Koly (1944-2014) est un producteur, réalisateur, metteur en scène, dramaturge, chorégraphe, musicien et pédagogue guinéen. Voir wikipedia et Souleymane Koly, wikepedia.
9.« Famoudou Konaté est considéré par ses pairs comme l’un des plus grands batteurs de l’ethnie malinké ». wikipedia.
10. Mory Kanté a popularisé la Kora avec le tube planétaire Yéké Yéké, en 1986.
11. George Momboye, « chorégraphe d’origine ivoirienne, initié très jeune à la danse africaine puis plus tard à la danse jazz, classique et contemporaine. » Centre Momboye.
12. Philippe Monange : formé au piano classique puis jazz parallèlement à des études de philosophie, aujourd’hui passionné de musiques africaines il se produit actuellement avec le Bal de l’Afrique enchantée, Debademba, Vincent Jourde quartet, créateur de l’Akrofo system. linkedin.com.
13. Jean-Philippe Rykiel est un compositeur français, arrangeur et musicien, initialement pianiste. wikipedia